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le plan. Bernard Palissy fut un des arpenteurs géomètres chargés de cette opération, soit qu’il eût sollicité lui-même cet emploi temporaire, soit qu’on l’eût désigné aux commissaires nommés par le maréchal comme un

■des hommes les plus capables du pays. Grâce à ces travaux, assez largement rétribués, Palissy put commencer ses premiers essais sur les émaux, tentative qu’il poursuivait depuis qu’une coupe de terre émaillée de Faenza ou de Castel-Durante était tombée entre ses mains. Il ignorait entièrement l’art du potier, et, quant à la fabrication de l’émail et à sa fusion, ce ne fut que par une série de tâtonnements qu’il parvint à les découvrir. Il broyait, il mélangeait les matières les plus diverses, les étalait sur des tessons de poterie, dont chacun portait une marque spéciale, et plaçait le tout soit dans un four à potier, soit dans une verrerie, attendant ce qui adviendrait de ces essais. Les résultats furent longtemps négatifs. Un jour enfin il obtint l’émail blanc. Palissy se construisit alors de ses mains un four et continua avec la ténacité la plus opiniâtre. Vingt fois il fut sur le point de réussir, vingt fois un accident imprévu ruina toutes ses espérances. Sa femme, ses enfants, ses voisins le traitaient de fou ; on le montrait du doigt pendant qu’acharné à son œuvre il y consumait toutes ses forces et toutes ses ressources. Un jour, il fut obligé, pour ne pas laisser s’éteindre ses fourneaux, d’y brûler jusqu’à ses meubles, jusqu’au parquet de sa chambre. Palissy nous a laissé lui-même un dramatique récit de cet épisode. « Au lieu de me reposer, dit-il, après tant de travaux effectués et tant de peines éprouvées, il me fallut travailler encore plus d’un mois, nuit et jour, pour broyer des matières qui m’avoient donné, dans le four des verriers, un blanc si admirablement beau. Après avoir broyé les matières et formé la composition, j’en couvris tous les vaisseaux que j’avais faits. Je mis le feu au fo’urnenu par les deux gueules, ainsi que je l’avais vu faire dans la verrerie, et j’y plaçai mes vaisseaux avec l’espoir de voir "bientôt fondre l’émail. J’étais comme un homme désespéré. Bien que je fusse tout étourdi, non moins par le chagrin que par la fatigue, je ne laissai pas de m’apercevoir que j’avais mis en trop petite quantité la matière qui devait faire fondre les autres. Je me remis donc à piler et à broyer une nouvelle quantité de cette matière, sans toutefois laisser refroidir mon fourneau, deux choses qui, faites en même temps, me causaient une extrême fatigue. Quand j’eus ainsi de nouveau composé mon émail, je fus encore obligé, pour en faire l’épreuve, d’aller acheter d’autres pots : ceux que j’avais faits avec tant de peine étaient entièrement perdus. Je mis mes nouvelles pièces d’émail dans le four, et je continuai à chauffer au même degré. Mais là-dessus il m’arriva un nouveau malheur ; le bois me manqua. Je fus contraint de brûler d’abord les étais qui soutenoient les treilles de mon jardin, et puis les tables et jusqu’au plancher de la maison, pour fondr.e une seconde composition. J’étois dans des angoisses telles que je ne saurois en donner l’idée. J’étois tout tari et desséché par le labeur et par la chaleur du fourneau ; il y avoit plus d’un mois que ma chemise n’avoit séché sur moi ; encore, pour me consoler, on se moquoit de moi, et même ceux qui auroient dû me secourir alloient crier par la ville que je faisois brûler le plancher ; et, par tel moyen, on me faisoit perdre mon crédit et m’estimoit-on être fou. »

Il réussit enfin, mais après combien de déboires et de souffrances l Ne sachant pas chauffer également son four, tantôt il lui arrivait de retrouver les pièces brûlées d’un côté et imparfaitement cuites de l’autre, tantôt les matières qui lui servaient à obtenir diverses couleurs, fusibles à des degrés différents, se nuisaient l’une à l’autre ; une fois, toute la voûte du four, calcinée par le feu, tomba sur ses émaux ; une autre fois, la cendre en tourbillonnant lui gâta un travail presque achevé. Le génie de l’inventeur le poussa alors à trouver un remède à cet inconvénient permanent ; il fabriqua des casettes ou manchons, encore usités dans l’industrie de la porcelaine et qui garantissent complètement les pièces. Ce fut avec une grande joie sans doute, après tant de fatigues et seize ans de travail, qu’il vit enfin sortir du four, entièrement réussie, une de ces pièces rustiques, comme il les appelle, qu’il s’appliqua tout d’abord à fabriquer ; c’est-à-dire un de ces admirables plats de faïence sur lesquels il groupait des reptiles, des poissons, des coquillages, dans les attitudes si vraies qu’il a su rendre, avec leurs couleurs et leurs nuances propres et cette apparence de vie qu’ils doivent à leur exacte vérité.

Sa renommée se répandit ; le duc de Montmorency, émerveillé à la vue de quelques-uns de ces chefs-d’œuvre, le prit sous sa protection et lui commanda, pour le château

d’Ecouen qu’il faisait édifier à cette époque, une quantité considérable de poteries. Les grands seigneurssuivirentcet exemple. • Dieu et l’art, qui veulent être vaincus, l’un par la patience de l’homme, l’autre par le travail, dit Lamartine, lui cédèrent enfin, h un âge déjà avancé, la victoire. Sa renommée se répandit avec ses œuvres, et le prix qu’il recevait de ses terres entaillées, (le ses sculptures en argile releva sa maison et sa famille. Lu gloire et la fortune visitèrent ensemble,

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quoique tard, ses fourneaux. Ses ouvrages d’abord imparfaits, mais où. l’on sent la sève naissante d’un nouvel art" né de lui-même et non d’aucune routine, décorèrent bientôt les châteaux et les palais. •

C’est à cette époque, juste.au moment où il allait jouir des faveurs de la fortune, que les persécutions religieuses vinrent l’atteindre. Palissy avait, comme toute sa famille, embrassé la religion réformée. On le soupçonna d’être ministre calviniste à Saintes, où ses prédications lui attirèrent de premières rigueurs. Saisi dans la retraite où il se cachait, il fut emprisonné à Bordeaux et allait être mis à mort, lorsque llntervention du duc de Montmorency le sauva. Pour le soustraire à la juridiction bordelaise, il le fit nommer inventeur des rustiques figulines du roy. Bernard Palissy vint donc s’établir à Paris.

La persécution sembla d’abord tourner à. son avantage. À Paris, Catherine de Médicis, qui, pour les travaux de son Louvre, avait déjà attiré près d’elle Jean Cousin, Germain Pilon, Jean Goujon, protégea à son tour l’humble potier qui venait d’opérer une si grande révolution dans l’art de la céramique. Elle lui donna un emplacement pour ses fourneaux dans une partie du sol occupé aujourd’hui par le palais des Tuileries, où ils ont été découverts lors des fouilles exécutées en 1865. Elle venait l’y voir travailler avec ses fils Nicolas et Mathurin, à l’exeinple des princes florentins de sa famille, qui vivaient dans les ateliers et dans la familiarité des artistes de génie.

Durant plusieurs années, Palissy vécut à Paris sans être inquiété. Lors du massacre de la Saint-Barthélémy, il fut couvert par l’inviolabilité de son titre à’inventeur des rustiques figulinesdu roy, peut-être aussi par l’humilité de sa condition et la douceur de son caractère. Il occupa ses loisirs à se perfectionner dans son art, et, laissant à ses deux fils la plus grande partie du travail manuel, considérable si l’on songe à la quantité de pièces sorties de ses mains à cette époque, il se mit à étudier passionnément la chimie, la géologie et l’histoire naturelle.

« Pendant les voyages qui avaient occupé une partie de sa jeunesse, dit M. Louis Fifuier, Palissy avait trouvé les plus agréables istractions dans la contemplation de la nature, et sa curiosité avait bientôt éveillé en lui l’esprit d’observation. Après avoir beaucoup vu, observé, comparé, il commença à distinguer un ordre et une certaine régularité dans ce qui, seulement entrevu d’un coup d’œil superficiel, ne présente d’abord qu’une apparence de désordre et d’irrégularité. Dans la prodigieuse variété des phénomènes de la nature, il soupçonna l’existence d’un ordre harmonique, cest-à-dire le principe fondamental de la science. Les impressions et les idées de sa jeunesse, loin de s’effacer avec l’âge, s’étaient renouvelées, étendues et développées pendant quarante ans, à mesure

que de nouveaux objets s’étaient offerts à lui, Soit dans les cabinets de raretés, soit dans tes laboratoires d’alchimie, alors si nombreux, soit dans le vaste domaine de la nature ex ploré à la surface ou dans le sein du globe. C’est ainsi que Palissy était arrivé à réunir tout un eabinet d’histoire naturelle, et à résumer, dans une collection de minéraux et de plantes, ses connaissances, ses impressions et ses souvenirs. Il n’avait eu d’abord pour s’instruire, comme il le dit lui-même (Traité des pierres), d’autre livre que le ciel et la terre, dans lequel, ajoute-t-il, il est permis à chacun délire ; mais il n’entendait ni le latin ni le grec, et il eût voulu savoir si les philosophes de l’antiquité avaient expliqué comme ij l’entendait lui-même le livre de la nature, ou s’ils l’avaient autrement compris. » Dans ce but, il résolut d’ouvrir "des conférences, d’y attirer les gens les plus instruits, les plus capables de contrôler sa science et de le contredire s’il se trompait. Voici.ce que dit lui-même de ces conférences ce grand et naïf génie, avec une sincérité aussi aimable qu’originale et intéressante : «Je m’avisai, dans ce débat d’esprit, de mettre des affiches dans tous les carrefours de Paris, afin d’assembler les plus doctes médecins et autres, auxquels je promettois montrer, en trois leçons, tout ce que j’avois connu des fontaines, pierres, métaux et autres natures, et, afin qu’il ne s’y trouvât que des plus doctes et des plus curieux, je mis en mes affiches que nul n’y entreroit qu’il n’y buillast un éou à l’entrée desdites leçons, et cela faisois-je en partie pour voir si parle moyen de mes auditeurs je pourrois tirer quelque contradiction qui eust plus d’assurance de vérité que non pas les preuves que je meltois en avant : sachant bien que, si je mentois (sic ; pour si je me trompais), il y en auroit de grecs et de latins qui me résisteroient en face et qui ne m’épargneroient point, tant à cause de l’écu que j’aurois pris de chacun, que pour le tempsqueje les eusse amusés. Voila pourquoi je dis que, s’ils m’eus : sent trouvé menteur, ils m’eussent bien rembarré, car j’avois mis en mes affiches que, par tant que les choses promises eu icelles ne fussent véritables, je leur rendrois le quadruple. Mais, grâce k mon Dieu, jamais homme ne me contredit d’un seul mot ; lesquelles leçons je fis dans le caresme de l’an 1575. »

Palissy, alors âgé de soixunte-cinq ans, ouvrit ses conférences d’histoire naturelle en présence des personnages les plus éminents de Paris, entre autres Ambroise Paré. Il les continua pendant une dizaine d’années. Il est

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probable qu’on en a le résumé, la matière, dans un de ses livres intitulé : Discours admirables, qu’il fît imprimer en 1580. Il fut le premier en France à substituer, dans l’enseignement des sciences, aux vaines explications des philosophes, des faits positifs et des démonstrations rigoureuses. M. Hoefer fait,

dans son Histoire de la chimie, cette curieuse remarque, que François Bacon était encore enfant lorsque Palissy enseignait déjà publiquement que, pour atteindre la vérité, il est nécessaire de recourir à l’expérience. Dans la plupart de ses observations, Palissy est bien au-dessus de !a science de son temps : il découvre à la fois les lois générales et leurs applications. Sa classification des sels, par exemple, est encore aujourd’hui regardée comme exacte, sauf pour un seul où il s’est mépris, et il est le premier qui soit parvenu à établir une théorie rationnelle de la cristallisation.

La haine des théologiens, excitée sans doute par quelques-unes de ses opinions géologiques, se réveilla tout d’un coup contre lui au milieu de la gloire, et du bien-être qu’il avait fini par recueillir. Arrêté en 1588, il fut jeté à la Bastille par l’ordre des Seize, qui réclamaient k grands cris son supplice, et tout ce que purent faire ses illustres protecteurs, ce fut de lui conserveries quelques jours qu’il avait encore à vivre.

Agrippa d’Aubigné, dans sa Confession du sire de Sancy, nous a conservé le récit d’une visite que le faible Henri III vint rendre, dans son cachot, à l’ancien protégé de sa mère. Le roi, désirant le faire sortir de prison, mit sa grâce au prix d’une abjuration. « Mon bonhomme, lui dit ce prince, il y a quarante-cinq ans que vous êtes au service de ma mère et de moi ; nous avons enduré que vous ayez vécu en votre religion parmi les feux et les massacres. Maintenant, je suis tellement pressé par ceux des Guises et par mon peuple que je me vois contraint de vous livrer entre les mains de mes ennemis, et que demain vous serez brûlé si vous ne vous convertissez. • Le vieillard s’inclina, attendri par la bonté du roi, humilié de sa faiblesse, mais inébranlable dans la foi de ses pères. « Sire, répondit-il, je suis prêta donner mon reste de vie pour l’honneur de Dieu. Vous m’avez plusieurs fois dit que vous aviez pitié de moi, et moi j’ai pitié, à mon tour, de vous qui avez prononcé ces mots : Je suis contraint I Ce n’est pas là parler en roi, sire I et ce sont paroles que ni vous, ni les Guises, ni votre peuple ne pourront jamais me faire prononcer ; je sais mourir ! »

Henri III no répliqua rien ; mais, quoique choqué sans doute de cette rude franchise, il n’abandonna pas à ses ennemis ce vieux serviteur. Il garda à la Bastille Bernard Palissy. Maître Bernard, comme l’appelaient ses contemporains, y mourut, un an après cette entrevue, de chagrin, dit-on, de vieillesse un peu aussi, car il avait près de quatre-vingts ans, suivant la plupart des biographes, et quatre-vingt-dix au rapport de d’Aubigné, qui le connaissait personnellement (1589).

Dans les derniers temps de sa vie et durant le cours de ses leçons, Bernard Palissy avait écrit tout ce qu’il savait sur son art, sut la science contemporaine et sur celle qu’il fondait, entremêlant le tout de réflexions philosophiques sur Dieu, l’âme, la foi, en termes dictés par une haute raison, et dans un style qui étonné, venantd’unjineuîte ouvrier. « Nous, n’en connaissons pas, dit un de ses biogra Iihes, de plus biblique et de plus moderne à a fois. C est la langue de Montaigne et de La Boetie : une langue qui se moule sur l’âme, et non sur l’antiquité. (Je sont les ignorants qui créent les langues ; les savants ne font que les exhumer. « Ces feuilles éparses, longtemps oubliées, forment deux volumes, véritable trésor de sagesse humaine. Le premier est intitulé : Recepte véritable par laquelle tous les kornmes de France pourront apprendre à multiplier et à augmenter leurs trésors ; item, ceux qui n’ont jamais eu cognoissance des lettres pourront apprendre une philosophie nécessaire à tous les habitants de la terre ; item, en ce livre est contenu le dessin d’un jardin autant délectable et d’utile invention qu’il en fust oncques veu ; item, le dessin et ordonnance d’une ville de forteresse, la plus imprenable qu’homme ouyt jamais parler ; composé par maistre Bernard Palissy, ouvrier de terre et inventeur des rustiques fiyulines du roy et de monseigneur le duc de Montmorency, pair et connestuble de France, demeurant en la ville de Saintes. La Rochelle, de l’imprimerie de Barthélémy Berton, 1563.

Le caractère général dominant de ce petit livre, qui se compose d’une centaine de pages in-le, a dit M. J. Serret, c’est l’extrême variété. La première partie, uniquement réservée à la science, offre une série de conseils relatifs à l’agriculture, en même temps qu’un certain nombre d’explications de quelques problèmes de chimie appliquée et théorique, et dont il a donné un plus grand développement dans son ouvrage de 1580. La deuxième partie, contenant le dessin d’un jardin délectable, n’est que la description du parc de Chaulnes, en Normandie, œuvre de Palissy, où Gresset composa sa Chartreuse et l’abbé de Boismont ses poésies. Lu troisième et dernière renferme une curieuse histoire de l’Eglise réformée de Saintes, et, comme corolfaire, le plan de la ville-forteresse où ses coreligionnaires pourraient, comme à La Ko PALI

chelle, trouver un asile contre l’oppression des catholiques.

Le second ouvrage de Palissy, beaucoup pins considérable que le premier, a pour titre : Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux, avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles ; plus un traité de la marne, fort utile et nécessaire à ceux gui se meslent d’agriculture ; le tout, dressé par dialogues, esquels sont introduites la théorique et la pratique ; par maistre Bernard Palissy, inventeur des rustiques figulines du roy et de la royne, sa mère ; 1 vol. in-&o, à Paris, ehei Martin le Jeune, à l’enseigne du serpent, devant h collège de Cambray, 1530. Ce livre est dédié au sire de Pont, un de ses anciens protecteurs. Plus régulier, mieux coordonné que le volume précédent, cet ouvrage renferme le fameux Traité de l’art de terre, auquel nous avons emprunté les pages où Bernard Palissy a raconté ses infatigables efforts pour découvrir l’émail. Les onze traités qui composent ce volume fournissent le meilleur aperçu de ses travaux scientifiques. On y voit, non sans un certain étonnement, que ce génie observateur avait deviné la plupart des grandes lois géologiques’ignorées de son temps. La théorie des

sources et fontaines, celle des puits artésiens, diverses lois d’attraction, la formation des pétrifications et des fossiles y sont décrites avec une précision singulière. Cuvier va jusqu’à regarder les observations de Palissy comme les premiers fondements de la géologie moderne.

La gloire scientifique et littéraire de Bernard Palissy, longtemps ensevelie avec lui, ne fut exhumée de l’oubli avec ses œuvres que dans le dernier siècle, en 1777, parFaujas de Saint-Fond. En 18*4, M. Cap en a donné une nouvelle édition supérieure à la précédente. MM. Delange et Borneman ont récemment publié une très-curieuse et très-intéressante monographie de l’œuvre complet

de Bernard Palissy, qu’il faut consulter pour connaître entièrement ces trésors de l’art dispersés dans plusieurs musées de Paris et de province. Les principales œuvres se trouvent à Paris, au Louvre, dans la collection Sauvageot et à l’hôtel de Cluny. Parmi les collections particulières les plus riches en œuvres de Palissy, nous citerons ; celle du prince Soltikoff, à Paris ; de M. de Rothschild, à Londres ; de M. Rallier et surtout celle de M. Sellières, au château de Mello, dans le département des Deux-Sèvres.

« Une salle du Louvre, dit Lamartine, est dédiée presque en entier aux minutieuses merveilles de Palissy. Le voisinage des toiles de Raphaël et des marbres de Michel-Ange n’éteint pas la gloire du potier de terre. On s’arrête, retenu par l’attrait de la naïveté et de la vérité, devant ces plats sculptés où des couleuvres en relief, aux spirales écaillées, font crisper les doigts qu’elles attirent par les couleurs, et qu’elles repoussent par la vérité. À côté do la couleuvre endormie, qui repose sa tête en fléchissant le cou sur les anneaux de sa queue, on voit la noire écrevisse tendre ses longues serres, comme pour pincer les écueils et s’incruster dans les fentes du rocher. À côté d’elle les poissons argentés, aux nageoires ouvertes, s’élancent, dirigeant leur fuite rapide à travers les joncs... C’est le inonde sous-fluvial des eaux, surpris par l’œil de l’homme, en écartant les feuilles, les tiges, les joncs du marécage, et transporté sur l’argile, aussi vrai de formes, aussi nuancé d’écaillés, aussi éclatant de couleurs que si une ménagère, en lavant son dressoir, avait enfoncé un de ses plats dans le lavoir et l’avait retiré rempli, jusqu’aux bords, de sables, de coquilles, de débris d’herbes et d’animaux aquatiques- Le filet d’un pêcheur, vidé tout palpitant et tout ruisselant sur le sable, et transvasé dans un bassin d’argile, voilà les plats de Palissy.

> Ce qu’il a découvert de plus précieux dans ses contemplations solitaires, ce n’est pas son art, c’est Dieu, la fin et l’objet de tout art parfait. Il écrit dans ses loisirs ces merveilleuses contemplations ; il épanche son intelligence dans ses cantiques, s’attache avec une foi filiale au culte, alors persécuté, de ses frères ; il donne sa jeunesse pour son métier, sa maison pour son art, sa vieillesse, sa liberté et sa vie pour son Dieu 1 Tel est Palissy.

Pniiuy (Bernard), biographie du célèbre inventeur des figutines du roy, par M. Dumesnil. C’est le récit chaleureux et enthousiaste de la vie, des travaux, des épreuves, des angoisses, de l’indomptable énergie de ce pauvre artisan d’alors, aujourd’hui l’immortel artiste, qui fut un des premiers observateurs de la nature. Malheureusement, tous les détails, d’un intérêt si émouvant, sont vite racontés, épuisés, car l’histoire ne possède sur Bernard Palissy que les rares documents qu’il a fournis lui-même. Son siècle le connaissait à peine. Les seuls renseignements que nous ayons sur lui sa trouvent consignés dans Lacroix du Maine, qui le mentionne à propos du cours d’histoire naturelle que le pauvre potier professait à Paris dans un âge avaneé, et dans Agrippa d’Aubigné, par lequel nous savons que Bernard Palissy mourut à la Bastille, presque octogénaire, épuisé par la maladie et les mauvais traitements. Telles sont