Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 12, part. 1, P-Pate.djvu/381

Cette page n’a pas encore été corrigée

PAST

têes dans la chair. Cotte variété n’est bonne que pour oonfire et, comme sa chair est sans saveur, on est dans l’usage de la couper par quartiers et de l’associer à d’autres fruits, dont elle prend facilement le goût et le parfum. La pastèque rouge a un fruit ovoïde ou oblong, k peau vert loncé ; la chair rouge, très-fondante, et les graines noires. Cette variété est la plus estimée dans le Midi et en Orient ; son fruit est très-rafraîchissant. Elle présente des sous-variétés tellement fondantes, qu’on peut les vider par un trou en aspirant la pulpe liquéfiée, qui constitue une boisson très-agréable. À Naples, les gens du peuple coupent une pastèque en deux, puis se •mettent à grignoter a même dans la pulpe, ce qui a donné lieu au dicton local : « Pour un sou, on mange, on boit et on se lave la figure. » Parmi les autres variétés moins connues, Lefulpin en cite une a pulpe ferme, tellement élastique, que le fruit, jeté k terre, rebondissait comme un ballon. Prôsper Alpin affirmé avoir vu en Égypte des pastèques dont une seule faisait la charge d un homme, et trois ou quatre celle d’un cheval. Dans le Nord, on ne cultive guère que la pastèque blanche ; on la sème au commencement du printemps, soit en pleine terre, soit sur couche, à une bonne exposition ; on taille la plante comme les melons et, lorsque les pieds sont munis d’un nombre suffisant de rameaux, on les laisse courir en liberté, sans les arrêter ni même sans supprimer aucun des fruits qui nouent ; il suffit de donner les arrosements nécessaires ; on obtient ainsi des produits à l’époque des grandes chaleurs. Dans la Saintonge, ou mange ces fruits préparés comme les concombres, dont on leur donne improprement le nom. Duns le Midi, on cultive les pastèques de la même manière que les melons ; on les sème à la même époque, c’est-à-dire dans le courant d’avril. Comme les rameaux feuillus ont bientôt envahi les planches, on ne peut donner de labour ; on se contente de sarcler légèrement à la main et d’arroser tous tes quatre ou cinq jours. On récolte les fruits vers la fin de septembre.

PASTER v. n. &u intr. (pa-sté — de naste, qui s’écrivait pour pâte). Véner. Se dit du lièvre qui emporte de la terre après ses pattes, en passant dans les lieux humides.

PASTEUR s. m. (pa-steur — lat. pastor, de paslum, supin de pascere, paître, que l’on considère ordinairement comme un fréquentatif de la racine sanscrite pd, nourrir, grec paâmai, manger. Mais, selon Pictet, il est plus probable que la racine est pas, dont le s. se maintient dans pastor, pnstio, pascuum, pastus et disparaît dans pabulum, etc. Cela parait résulter de la comparaison de l’ancien slave pasti, paître, au présent pose, d’où pas/ta, pâturage, su-pasti, garder, o-pasu, soin, etc. Du russe poste, polonais pasc, etc., dérivent de même pasenie, action de paître, pastua, pâturage, troupeau, pustuc/iu, paslyri, pasteur, termes communs aux autres dialectes slaves et où le s ne saurait appartenir au sco fréquentatif des Latins. Le kymrique pasgwr, pasgadwr, pâtre, pasgett, pâturage, n’ont pas l’air non plus d être des mots d’emprunt. Une preuve plus décisive encore se trouverait dans le zend aoa-paeti, si Haug a raison de l’interpréter par prairie. Le sens primitif de cette racine pas reste obscur). Homme qui garde, qui fait paître un troupeau : Virgile n’est jamais trop rustique, mais il met des idées trop relouées dans ta bouche des PA&TKVR8. (Uiguuli.) Humble toit des pasteurs, pourquoi t’arme quitté ?

A. Soumet.

Dans lus vallons ombreux quel pasteur fait entendre Les soupira de la flûte harmonieuse et tendre ?

A. CtUJNIF.lt,

— Poétiq. Le pasteur phrygien, Pâlis. Il Le pasteur de Mantoue, Virgile :

Quelques imitateurs, sut bétail, je l’avoue, Suivent en vrais moutons le pasteur de Slantouc.

La Fontaine,

Il Le pasteur des troupeaux de Neptune, Protée.

— Fig. Homme qui exerce une autorité : Homère appelle les rois les pasteurs des peuples. (Acad.) Le souverain n’est lui-même que le père et le pastkuh du peuple. (Fléch.) •

— Helig. Ministre du culte ayant charge d’âmes :

Le pasteur sur l’autel bénit la foule immense, Au nom du Dieu vivant U’antour et de clémence.

Mlle Da Poliqny.

Il Ministre protestant chargé de l’administration d’une église : Les pastkurs sont généralement mariés.

Bon pasteur, Titre donné à Jésus-Christ, et par imitation à ceux de ses ministres qui exercent fidèlement leur ministère ; Je suis le. bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. (Évangile.) Le don pasteur va chercher sa brebis, la dégage des épines, la rapporte sur ses épaules. (L. VeuiUot.)

— lchthyol. Genre de poissons, formé aux dépens des scombres,

— Bot. Bourse ù prtsteur ou à berger, Nom vulgaire do la capsclle.

— Adjectiv. ; Les peuples pasteurs. Les rois pasthurs. Les peuples pastuuhs ont été en perpétuelle communication auec les astres de ta nuit ;’tes étoiles étaient les meubles de leurs maisons, (Méry.)

XII.

PAST

— Hist Nom d’un peuple qui envahit l’Egypte ancienne.

— Syn. Pasteur, berger, paire. V, BERGER.

— Encycl. Hist. relig. Les rois et les prêtres ont de tout temps revendiqué le titre de pasteurs des peuples ; ce titre s’est perpétué à travers les âges, et les pasteurs protestants de nos jours, ces hommes simples et doux, à cravate blanche, le portent en vertu du même principe que le grand Agamemnon, roi des rois : le peuple considéré comme un troupeau, comme des ouailles, les deux mots s’emploient encore aujourd’hui. Hâtons-nous de dire que les pasteurs protestants, moins absolus qu Atride et même que les curés catholiques, ne se croient pas des hommes providentiels, desenvoyés de Dieu. Leur autorité est assez restreinte, comme nous Vallons voir.

Pour être pasteur en France, il faut, après que l’on a obtenu son diplôme de bachelier es lettres, suivre les cours d’une des Facultés de théologie protestante de Montauban, Strasbourg ou Genève. Celle de Genève est assimilée à une Faculté française par suite de l’existence d’une caisse énorme, fondée par les protestants français réfugiés dans cette ville sous les persécutions et dont les revenus sont consacrés à donner une pension de 600 à 1,200 fr. a tous les étudiants français qui venaient faire leurs études à Genève. Lorsque Bonaparte se fut emparé du canton de Genève et en eut fait le département du Léman, il voulut s’emparer aussi de la bourse française (c’est le nom de la caisse) ; maison sut la soustraire à ses investigations. De nos jours, les protestants sont libres ; ils ont des Facultés en France ; de quelle utilité peut être la Faculté de Genève ? La bourse française se trouve sans but et les Genevois devraient bien la rendre ; elle servirait h établir les mêmes bourses en France ; mais ils préfèrent garder ce eapilal de plusieurs millions, dont ils ne dépensent pas la moitié des revenus pour les étudiants français. En voici la raison. L’administration de ces fonds appartient à un comité qui se recrute lui-même, qui n’a de comptes à rendre à personne et qui se compose des membres de ce qu’on appelle • l’aristocratie » genevoise, les conservateursbornes, qui se sont souvent fait accuser par les journaux radicaux d’employer les plus beaux revenus de la bourse française à la propagande électorale. Ce qui donne quelque créance à cette accusation, c’est que ces messieurs ont toujours obstinément refusé aux pouvoirs genevois la vérification de leurs comptes et que, lorsque la constitution de 1847 a aboli les biens de mainmorte, ils ont fait passer tous leurs fonds en Angleterre ; ils possèdent, dit-on, un petit quartier do Londres. Le gouvernement français, pour ne pas tout perdre, autorise donc les jeunes aspirants au pastorat à faire leurs études à Genève, sauf à venir à. la fin de ces études, qui durent de quatre -a. cinq ans, passer leurs grands examens et leur thèse dans une des Facultés de France. Après avoirsoulenu cette thèse, l’étudiant est bachelier en théologie ; il a, s’il veut devenir licencié, deux thèses nouvelles, dont une latine, à soutenir ; un ouvrage théologique français suffit pour le doctorat ; mais ces deux derniers grades ne sont pas utiles. Le baccalauréat suffit.

En règle avec l’État, le bachelier eu théologie doit se mettre en règle avec l’Kglise par la cérémonie que les catholiques appellent l’ordination et les protestants la consécration. Il choisit le lieu et le jour, réunit le plus de pasteurs qu’il peut (plus il y a de pasteurs, plus la consécration est belle), et au jour fixé voici comment a lieu la cérémonie. Le temple est ouvert à tous les fidèles et n’est pas plus décoré qu’à l’ordinaire ; seulement le parquet (on nomme ainsi les bancs ou fauteuils qui entourent la chair) est occupé par les pasteurs venus de divers côtés ; on en compte généralement de quiuzéa vingt. Tous ces pasteurs sont en robe noire et en rabat blanc. Le futur pasteur, qui s’appelle dès lors, jusqu’à la fin de l’office, le proposant, est en habit noir et porte un rabat autour du col. Il se tient un pied de la chaire. Le pasteur choisi pour présider la cérémonie monte en chaire et célèbre un office ordinaire, prières, chants, sermon ; seulement, il fait en sorte que tout, dans les textes et dans les chants, se rapporte à la consécration. Lorsqu’il est descendu, le proposant lui succède et fit sa profession de foi. Il descend alors, s’agenouille sur un tapis au pied de la chaire et tous les pasteurs l’entourent en lui posant les mains sur la tête, pendant que l’officiant appelle sur lui la bénédiction de Dieu. Cela fait, la cérémonie est terminée et les pasteurs vont ordinairement se restaurer chez leur nouveau collègue.

Une fois consacré, le pasteur met tous ses soins a chercher une Église. Dès qu’il en voit une vacante à sa convenance, il se présente au conseil presbytérul du Keu (conseil nommé au suffrage universel par tous les protestants d’une Église) et obtient de prêcher devant ceux qui ! désire avoir pour paroissiens. Ordinairement, plusieurs candidats sont en présence, quatre, cinq ou six le plus souvent. Le conseil presbytéral, après avoir entendu les sermons des postulants, vote au scrutin secret sur leur admission et dresse la liste des trois qui ont eu le plus de voix. Cette liste est envoyée ou consistoire, corps élu au suffrage universel par tous les protestants d’un groupa d’Églises. Le consistoire vote sur ces trois

PAST

noms et celui qui obtient la majorité est élu, sauf ratification de l’élection par le ministre des cultes. Dans les Églises de France, comme dans toutes les Églises calvinistes, la constitution est républicaine et basée sur le suffrage universel, au premier degré pour les consistoires et les conseils presbytéraux et au second degré pour les pasteurs. Dans l’Église anglicane, où la hiérarchie catholique est maintenue, l’autorité épiscopale nomme le pasteur et l’impose à ses ouailles.

Les pasteurs protestants n’ont pas de signe extérieur auquel on puisse les reconnaître duns la rue ; ils sont simplement vêtus de noir, ont généralement une cravate blanche et ne portent point de barbe, sauf les favoris. On les prendrait pour des avocats ou des notaires. Leur costume, k l’office, ressemble aussi au costume des avocats : toque qu’ils ne mettent jamais, robe noire, rabat. Le rabat diifère de celui des avocats en ce qu’il est plus court, plus large, -plat et empesé.

Ils ont le droit de se marier et sont même tenus de le faire ; les familles n’ont pas de confiance dans les célibataires par goût, pasteurs ou médecins. D’ailleurs, les pasteurs, hommes généralement sans fortune et sortis du peuple, trouvent, dès qu’ils veulent se marier, d’assez beaux partis. Il n’est pas de famille protestante qui ne "soit heureuse de donner sa fille au pasteur ; il n’est pas do jeune fille qui ne soit lière d’en devenir la femme. Ce fait est surtout à observer dans les campagnes, où le pasteur est la première autorité des protestants du pays.

Nul ne peut être consacré pasteur s’il n’a vingt-cinq ans révolus ; cependant on demande et on obtient assez facilement des dispenses ministérielles. Le pasteur fait de plein droit partie du consistoire et du conseil presbytéral. Lui seul a le droit de bénir les mariages et de baptiser. Les proposants et étudiants en théologie peuvent prêcher et faire des enterrements.

Le pasteur peut être destitué par le ministre de la justice et des cultes, sur la demande du consistoire ou de son plein gré. Celui qui, tout en ayant reçu ia consécration, n’exerce pas, se nomme ministre du saint Évangile.

— Iconogr. Bon pasteur. Jésus-Christ a fourni lui-même l’idée du bon pasteur en se comparant souvent dans ses paraboles au berger qui va chercher la brebis égarée. Cette image familière frappa l’esprit des premiers chrétiens et devint la forme préférée sous laquelle ils aimèrent à représenter le fondateur du catholicisme. L’agneau et le pasteur étaient d’ailleurs les symboles du principal mystère de la religion nouvelle, alors qu’elle était encore réduite h se cacher. On trouve l’image du bon pasteur dans tous les genres de monuments, fresques, lampes, bas-reliefs, pierres des cimetières et des sépultures, sur les verres, les anneaux, les pierres gravées. Elle figurait jadis, peinte ou brodée, sur le pallium des archevêques. Le bon pasteur des monuments chrétiens est généralement emprunté ît une statue grecque attribuée à Calamis et représentant un jeune berger qui porte un agneau ou une brebis autour de son cou sur ses épaules, avec les attributs du berger qui sont devenus des symboles chrétiens : le pedum ou bâton pastoral, le vase à lait et la syrinx. Sur certains sarcophages, le bon pasteur est au milieu des douze apôtres qui ont chacun une brebis à leurs pieds et où l’on remarque que la brebis de saint Pierre est plus grande que les autres. Les évoques et les prêtres se sont considérés à leur tour comme investis du ministère pastoral et ont adopté parmi leurs insignes quelques-uns des instruments du berger, entre autres ia houlette qui est devenue lu crosse.

Po»teur (le), roman allégorique du ne siècle de l’ère moderne. Il a été attribué à Hermas, l’un des disciples des apôtres et contemporain do saint Paul, et il dut être primitivement écrit en grec ; mais la plus ancienne version que l’on connaisse est latine. Un manuscrit grec du xiV siècle fut découvert dans la bibliuihèque des moines du mont Athos et on conjectura que son auteur était Hermus, frère du pape Pie Ier ; mais cette composition est citée avec éloge par les Pères du ne siècle.

Sous sa forme allégorique, ce livre est un traité de morale chrétienne ; par te style, qui est emphatique et obscur, il parait être une imitation de l’Apocalypse. L’auteur voulait évidemment faire une sorte de manuel de morale et, à la manière des premiers chrétiens, il s’est servi à profusion de l’allégorie et du symbole pour communiquer son enseignement. Le livre est divisé en trois parties : Visions, Préceptes et Similitudes ; on suppose que cette division est toute moderne. Il est intéressant de comparer ce livre aux manuels de morale laissés par le3 philosophies an tiques, par exemple au manuel du stoïcien Epictète ; il sert a marquer la différence de la religion chrétienne à la philosophie stoïcienne. À un autre point de vue, le livre du Pasteur a peut-être inspiré k Dante sa Divine comédie. On y trouve ia Béatrice sous la figure d’une femme idéale qui est censée enseigner à i’auteur la théologie et qui représente l’Eglisu ; elle est aidée dans sa tâche par un pasteur angélique qui révèle à HermûS la morale, d’où le titre de l’ouvrage. Comme l’amante du poète florentin, alla est à la fois un être réel et symbolique ; symbolique en ce qu’elle représente

PAST

377

l’amour pur, l’amour de l’âme, n’ayant nulle attache avec tes sens ; réelle en ce qu’elle est en même temps l’image d’une femme qui fut autrefois aimée par Hermas. Danto connaissait-il le livre du Pasteur ? Cela est probable. S’il ne l’a pas connu, cette rencontre prouve que la conception de Dante était profondément chrétienne et qu’elle était comme imposée à son époque. L’ouvrage d’Hcrmas était célèbre au moyen âge ; regardé longtemps comme un produit a’inspiration divine, k cause de l’auteur qu’on lui attribuait et de ses affinités avec les premiers disciples daJésus-Christ, il a été dégradé du rang de livre canonique par un décret du pape Gélase ; mais il n’en a pas moins continué à être lu et médité comme tous les livres obscurs dans lesquels les voyants aperçoivent leurs propres rêves.

Pusicut-a do Bctbléem {les), roman biblique, en prose et en vers, de Lope de Vega (1612, in-8«). L’ouvrage, publié d abord sous le pseudonyme de Tome de Burguîlios, mais dédié au fils de Lope, est divisé en cinq livres ; l’ensemble est d’une composition ingénieuse et présente le récit d’une grande partie des fuits de l’histoire sainte, augmentée des traditions populaires. Le pofite a pris pour canevas la naissance de Marie, celle du Christ et la fuite de la sainte famille en Égypte ; le tout est supposé raconté par des bergers, aj’époque où les événements s’accomplirent ! Il circule dans toute l’œuvre une douceur et une poésie qui s’accordent bien avec le sujet. Plusieurs histoires de l’Ancien Testament sont gracieusement racontées, et des fragments des psaumes et des Écritures juives sont traduits avec bonheur. Une partie de cette poésie originale peut être placée parmi les meilleures compositions d’ordre secondaire de Lope de Vega, notamment une chanson, que l’auteur met dans la boucho de la Vierge, pendant qu’elle berce son enfant endormi. Elle agite une branche de palmier, comme dans ces peintures de Murillo où éclate avec tant de puissance le sentiment mystique de la maternité uni à ia virginité. Voici le refrain de cette chanson i

Pues andais en las palmas,

Angeles santos,

Qui se duerme roi nùw,

Tened lot rnmos.

(Puisque c’est aujourd’hui les Pal mes, ô saints anges, et que mon enfant dort, agitez les rameaux.)

Pnateur* du déacrl (HISTOIRB DES), par M. Napoléon Peyrat (1822, 2 vol. in-s°). Sous ce titre, M. Peyrat a raconté éloipieminent les persécutions subies et les iuttes soutenues par les populations cévenoles, par leurs ministres et leurs chefs de guerre, lors de la révocation de l’édit de Nantes et pendant toute la période qui suivit cet acte néfaste. C’est plutôt un martyrologe qu’une histoire. Les pasteurs.ne sont pas tous des ministres de l’Évangile ; quelques-uns sont de brillants hommes de guerre, comme les chefs de partisans Roland et Jean Cavalier ; d’autres sont des prédicants, des prophètes, des exaltés fanatiques, comme la belle Isabeau ; le désert, ce sont les solitudes inexpugnables où les protestants révoltés trouvent un refuge. Le livre de M. Peyrat conserve le ton biblique du titre, et le récit des faits d’armes y tient moins de place que l’histoire religieuse de ce grand mouvement. Eu le lisant, on sent que i’auteur a vécu sur le théâtre même de la lutte, qu’il en a interrogé toutes les traditions, qu’il a puisé aux sources, qu’il a épousé du fond du cœur la cause des infortunés qu’il défend et qu’il en conserve la foi ardente. Aux documents purement historiques il a. joint les récits épars çà et là dans les montagnes, qu’il a recueillis tout enfant, avec lesquels il a pour ainsi dire été bercé. NuL doute que, s’il eût vécu de leur temps, il n’eût été un dé ces pasteurs du désert dont il a entrepris de raconter les souffrances.

Après un rapide coup d’œil jeté sur les causes de la persécution, le fameux édit de révocation et la situation des Églises réformées en France ; après nous avoir fait assister aux violences et aux perfidies des jésuites et des évoques, aux dragonnades, à 1 émigration en masse qui suivit et transporta en dehors de nos frontières une grande partie de l’industrie française, M. Peyrat nous introduit auprès de ces pasteurs qui, chassés de leurs églises, après avoir vu leurs maisons pillées, leurs biens confisqués, entreprirent de soutenir, malgré les persécutions et la menace de mort toujours suspendue sur leur tète, la foi des populations restées fidèles. Malgré les dragons de l’évêque Cosnac, malgré les miquelats de Bâville et de Montrevel, des villages entiers conservaient leur religion. Des assemblées nocturnes avaient lieu dans des bergeries, dans des granges abandonnées. Des multitudes se déplaçaient pour assister au prêche dans des bruyères, dans des genêts, au milieu des solitudes. Il faut remonter aux temps bibliques, aux foules qui suivaient dans le désert le Christ ou Jean le Précurseur pour trouver l’idée d’un pareil enthousiasme, d’un mouvement semblable. En esquissant la vie de Brousson, avocat au parlement de Toulouse, qui, après avoir fui d’abord, se dévoua, pour le troupeau d’âmes qui lui était confié, M. Peyratnous montre ce que c’étaient que ces pasteurs du désert. « Voyager de nuit, sous

48