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toits, même sur les crimes se ceux qui partagent leur opinion.

La cruauté es^ mise par M™* de Staël au rang des passio ; i +, quand l’homme a été entraîné par la perversité de ses penchants à un certain degré le scélératesse, l’effet devient la cause, et le crime, qui n’était d’a>bord que le moyen, devient le but. II passe dans le sang une sorte de lièvre qui donne le besoin du crime ; c’est une sensation physique transportée dans l’ordre moral. Nous ne suivrons pus l’auteur dans l’anulyse qu’il fait des autres passions, analyse peu originale d’ailleurs.

Dans sa troisième partie, Mme de StaSl cherche des remèdes aux écarts de la passion. Elle les voit dans l’étude, <jui donne un plaisir si pur, et dans la bientaisance, qui procure des émotions si douces et pourtant si profondes. L’une remplit le cœur, l’autre occupe l’esprit. C’est donc la philosophie qui est le remède à tous les maux.

Fanion dans le dénei-i (une), roman par H. de Balzac. V. Scènes de la vie militaire.

Pa»lon (la), célèbre oratorio de J.-Sébastien Bach, donné pour la première fois à l’église de Saint-Thomas de Leipz g, le vendredi saint île l’année 1729. Il existe une autre Passion du même maître, intitulée la Passion selon saint Jean, qui est d’une moindre importance ; celle qui est restée célèbre est intitulée Passion selon saint Matthieu. Les versets de l’Évangile sont entremêlés de chœurs, de solos et d’airs généralement précédés d’un récitatif ; ces morceaux commentent le texte dans ses phases principales et sont conçus au point de vue d’une régularité absolue, dont la beauté de la musique peut seule dissimuler la monotonie. Ce qui rend cette page immortelle véritablement unique, c’est la grande et imposante unité qui y règne du commencement jusqu’à la fin. Point de bizarrerie fantaisiste, point d’accents dramatiques exagérés, point de cris de souffrance ; tout y est grund, sublime, sévère, jusqu’aux angoisses de la douleur. La. Passion de Sébastien Bach ne frappe pas par son éclat, elle illumine doucement par la simplicité et la majesté. Cependant, au point de vue des idées modernes, qui ont envahi l’art musical, ce chef-d’œuvre, par la perfection même de toutes ses parties et par l’absence de ces vifs éclairs dont un autre maître n’eût pas manqué de l’illuminer, est d’une simplicité trop paisible et d’une majesté quelque peu somnolente. On reproche en outre k cet oratorio d’être écrit d’une façon trop scolastique. Possédant d’une façon prodifieuse toutes les ressources et tous les artices du contre-point, Bach applique son inépuisable fécondité à résoudre de la façon la plus savante les séries de problèmes harmoniques qu’il se propose. Il se meut avec une aisance Incomparable au milieu de ces difficultés toujours renaissantes ; mais l’auditeur est plus frappé de cette science imposante, de la rectitude et de la symétrie des dessins musicaux qu’il n’est véritablement ému. L’introduction, écrite dans le style fugué, est admirable. Deux chœurs a quatre voix et deux orchestres se meuvent avec élégance et facilité dans des formes scientifiques et compliquées, pendant qu’un troisième chœur de voix de soprani fait entendre un choral k l’unisson d’un mouvement large et simple. La manière dramatique et neuve dont Bach a su employer le chœur comme interlocuteur n’est pas moins digne de remarque ; quand les deux chœurs dialoguent, le premier représente en général les fidèles, le second les profanes ; cependant cette opposition n’est pas toujours observée. Les récitatifs sont d’une rare beauté ; les mélodies, malgré quelques ornements surannés, sont d une mélancolie pénétrante ; elles étaient hardies et neuves k l’époque où elles parurent ; enfin, l’instrumentation, quoique peu nourrie, est suffisante et elle offre des combinaisons qui prouvent que Bach comprenait

las ressources des instruments plus qu’aucun autre compositeur de son siècle.

Considérée dans ses rapports avec la musique de son temps, la Passion de S. Bach est la suprême expression musicale de toute une époque, le résumé te.plus parfait et le plus complet des aspirations artistiques et religieuses de l’Allemagne au xvitio siècle. Cette grande œuvre est d’une exécution difficile et exige un déploiement musical inusité ; elle est écrite pour deux chœurs et même pour trois, en comptant le chœur des soprani, accompagnés par deux orchestres et par deux

orgues. Dans toutes les parties, chœurs, solos, airs précédés de récitatifs, les voculises scabreuses abondent d’un bout à l’autre, véritables écueils où trébuchent les meilleurs artistes. Ces difficultés en tirent longtemps abandonner l’exécution. Il y avait près d’un siècle qu’on ne l’avait entendue, lorsque Mendelssohn en obtint une audition nouvelle k Leipzig en 1829. Depuis cette époque, la Passion a été souvent exécutée en Allemagne, en Hollande et en Angleterre ; mais elle était à peu près ignorée chez nous. M. Pasdeloup en fit interpréter la première partie et le chœur final au Panthéon en 1868, et cette tentative n’eut que peu de succès. M. Lamouroux en a repris 1 exétution au Cirque des Champs-Élysées (avril 1874) et il a pleinement réussi ; mais il n’a pu faire entendre que la première moitié de cette œuvre immense j la totalité de l’œuvre exigerait des répétitions assidues pendant plusieurs mois.

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« Dans la musique religieuse, dit M. J. We* ber, les Passions forment h elles seules un véritable cycle. Il n’est pas de sujet liturgique vers lequel les compositeurs de toutes les époques aient été attirés davantage, depuis l’enfance de l’art et le3 mystères jusqu’à 1103 jours. La Passion Selon saint Matthieu- de J.-S. Bach est le point culminant d’une période d’élaboration artistique qui remonte k un demi-siècle avant Bach et qui s’est continuée après lui, sons que ses successeurs prétendent l’égaler. ■

Les deux Passions de Bach ont été gravées au xvme siècle. La Passion selon saint Matthieu, avec paroles françaises de M. Bannelier, fait partie de la collection Litolff (1874, in-jo). Les paroles françaises offrent cette particularité qu’elles n’ont pas été versifiées ; elles sont seulement rhythmées et calquées sur l’original allemand, dont elles reproduisent les tournures naïves.

Paillon de J£iui-Curilt (ORDRE DE I.A),

association religieuse et militaire, fondée vers 1380 par Charles VI, roi de France, et Richard II, roi d’Angleterre, quand ces deux princes conçurent l’idée de reconquérir la terre sainte. Elle fut ainsi appelée parce que, en se rappelant les souffrances de l’Homme-Dieu, les membres devaient, croyait-on, ne reculer.devant aucune des fatigues auxquelles ils allaient être exposés. Le nombre des chevaliers devait s’élever à cent mille et ceux-ci devaient faire vœu de fidélité conjugale. L’ordre, sur lequel ses fondateurs comptaient beaucoup, ne put jamais être organisé sérieusement ; il disparut bientôt. La marque distinctive de l’ordre était une croix rouge bordée d’or, ayant au centre une étoile émaillée de noir, bordée d’or également, <k quatre pointes réunies par des lignes courbes. Le centre était occupé par un agneau en or.

PASSIONEI (Dominique), savant cardinal italien, né k Fossombrone, duché d’Urbin, en 1G82, mort en 1761. Il s’était fait connaître par des travaux d’érudition, lorsque, chargé, en 1706, de porter la barrette à Gualterio, nonce du pape k Paris, il se rendit dans cette ville et y séjourna deux ans, pendant lesquels il se lia avec les savants et accrut ses connaissances. De là, il passa en Hollande, devint en 1712 légat du pape près du congrès d’Utrecht et ensuite près de celui de Bade, revint à Rome en 1715, fut nommé par Innocent XIII, en 1721, nonce en Suisse et archevêque d’Kphèse in partibus, et prit part k un grave débat qui s éleva entre l’évêque de Constance et le gouvernement de Lucerne. En 1730, Passionei alla remplir les fonctions de nonce k Vienne, puis devint successivement cardinal (1738), secrétaire des brefs, directeur de la bibliothèque du Vatican (1753), et il obtint 1S voix au conclave de 1758. Son antipathie bien connue Contre les jésuites fut, dit-on, la principale cause qui l’empêcha d’arriver au souverain pontificat. Passionei avait réuni une magnifique collection d’antiquités, de statues, d’inscriptions, etc., et s’était formé une superbe bibliothèque. Il était en relations épistoluires avec les lettrés et tes savants les plus distingués de son temps. Nous citerons de lui, outre des lettres insérées dans divers recueils : Acta apostolics kgationis Helveticx (Zug, 1729).

PASSIONNAIRE s. m. (pa-si-o-nè-re — radpassion). Livre qui contient l’histoire de la passion de Jésus. Il Nom donné à d’anciens livres qui contenaient le récit des souffrances des martyrs,

— s. f. Bot. Un des noms vulgaires des

PASSIFLORES.

PASSIONNANT, ANTE adj. (pa-si-o-nan, an-te — rad. passionner). Qui passionne, qui est propre k passionner : Spectacle passionnant. Lecture passionnante. Discussion passionnante.

PASSIONNÉ, ÉE (pa-si-o-né) part, passé du v. Passionner. Qui a une passion, des pussions ardentes : L’éloquence naît de la réunion d’une logique exacte à une âme passionnée. (D’Aloinb.) Les âmes passionnées semblent réchauffer la nature. (M»" Necker.) Les nations les plus libres sont aussi les plus passionnées. (Chateaub.)Z^s caractères passionnés ne sont jamais susceptibles de ce qu’on appelle l’éguîsme. (Mme de Staël.) L’homme est ' un être tellement passionné, qu’il met de la passion aux puérilités quand il ne peut pas en mettre aux grandes choses. (Lamart.) Les gens PASSIONNÉS s’expliquent les choses dans le sens qui s’accorde avec leurs désirs. (Balz,) L’homme passionné est absolu dans ses opinions. (Renan.) Un seul instant peut, dans les âmes passionnées, renverser le trauail de bien des jours. (G. Sand.) il Plein de passion ; inspiré par la passion : #u sentiment passionné rend à la fois plus pénétrant et plus crédule. (Mme de Staat.)./VW/tf affection passionnée n’est indulgente. (De Custine.) L’idéal est l’objet de la contemplation passionné» de l’artiste. (VCousin.)

— Qui est rempli d’une forte prévention, d’une ardeur immodérée pour ou contre quelqu’un ou quelque chose : Les enfants sont passionnés pour tes fruits ; empêchons-les seulement de les cueillir avant leur maturité. (B. de St-P.) Un juge passionne ne fait jamais bonne justice. (Grimm.)

— Substantiv. Personne passionnée : Un passionné émeut toujours, et quoique sa rhé-

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torique soif Irès-irrégidière, eue ne laisse pas d’être très-persuasive. (Malebr.)

PASSIONNEL, ELLE adj. (pa-si-o-nèî, è-le

— rad. passion). Qui est soumis à l’influença des passions : L’humanité est avant tout passionnelle. (Proudh.)

— Philos, soc. Qui a rapport à la passion dominante, dans le système de Fourior : Attraction passionnëllk. L’analogie passionnelle, qui est la science des sciences, révèle quelquefois à ceux qui la consultent les secrets qu’ignore le profane. (Toussenel.) L’analogie passionnelle est là pour expliquer le pourquoi de ta puissunce diabolique du serpent. (Toussenel.)

PASSIONNÉMENT adv. (pa-si-o-né-manrad. passionné). D’une manière passionnée, avec passion : Les Latins et les Volsques aimaient passionnément la guerre. (Montesq.) Musard jouait du violoncelle et aimait passionnément la musique italienne.(J.-J. Rouss.) Il Beaucoup, vivement, ardemment : Je souhaite passionnément qu’il réussisse. (Volt.)

PASSIONNEE v. a. ou tr. (pa-si-o-nôrad. passion). Inspirer de la passion, une ardeur passionnée à : L’éloquence de Mirabeau, impéralive comme ta loi, n’est plus que le talent de passionner la raison. (Lamart.) Il Attacher vivement : Lvs éléments de géométrie ont passionné des jeunes gens, mais jamais des vieillards. (B. de St-P.) il Mettre de la passion, de l’animation dans : La politique a surtout le privilège de passionner nos discussions. (Balz.)

— Absol. : La Révolution française passionnait au delà des frontières. (Lamart.) C’est la réflexion qui remue, qui attendrit, qui passionne. (F. Neuville.) La beauté plaît, l’esprit amuse, la sensibilité passionne ; ta bonté Si-ule attache. (La Roohof.-Doud.)

Se passionner v. pr. Concevoir une passion, un sentiment aident, passionné : La raison est par elle-même une puissance tranquille qui ne se passionne point. (I.aharpe.) La vie s’écoule en dédaignant de fort belles choses et . en se passionnant pour des misères. (M"»o de Puysieux.) Que d’hommes se sont passionnés pour des faits dont on ne s’occupe plus ! (Chateuub.) Lu réalité est trop froide pour fanatiser l esprit humain ; il ne SE passionne que pour des choses un peu plus grandes que nature. (Lamart.) Ce n’est pas pour les hommes qu’il faut se passionner, mais pour les choses. (F. de Gir.) Il S’éprendre, concevoir un amour passionné :

Tout doux ; vous suivez trop votre amoureuse envie, Et vous no devez pas vous tant passionner.

Molière.

— Embrasser vivement la cause, les intérêts d’une personne : Quiconque ne SE passionne pas pour moi n’est pas digne de moi. (J.-J. Rouss.)

— S’emporter, se meitre en colère : Ne vous passionnez donc point. (Mol.)

PASSIONNISTE s. m. (pa-si-o-ni-ste — rad. passion). Hist. relig. Nom donné k des sectaires qui croyaient que Dieu le Père avait souffert sur la croix. Il On leur donnait aussi le nom de patropassiens.

— Adjectiv. Poète passionniste. Auteur de mystères sur la passion.

PASSIB, ville de l’Océanie, dans l’île de Bornéo, cupitale d’un petit royaume malais, h l’embouchure d’une rivière da même nom, dans le détroit de Macassar, par 1» 52f de lutit. N. et 113° 35’ de longit. E. Commerce assez actif ; exportation de benjoin, d’aloès, de poivre, de casse, de muscade, de fruits, de camphre, etc. ; importation d’opium, d’armes à feu, de fer, d’acier, de divers articles d’horlogerie, de coutellerie et de tapis. Les habitants de Passir se sont signalés, dit-on ; par plusieurs actes de barbarie et de trahison ; aussi les Anglais, qui y avaient établi une factorerie, 1 «sut-ils abandonnée. Le petit royaume de Passir, entra ceux.de Benjermassing et de Cotti-Lama, a £00 kiloin. sur 150kilom. Il est peu connu et rarement visité par les Européens, que repousse de ces contrées l’air malsain de la plage.

PASSIVE, ÉË (pa-si-vé) part, passé du v. Passiver. Réduit à l’état passif : Une opposition passivée.

PASSIVEMENT adj. (pa-si-ve-man — rad. passif). D’une manière passive : Obéir passivement.

— Gramm. Dans la forme de la voix passive : Verbe conjugué passivement.

PASSIVER v. a. ou tr. (pa-si-vé — rad. passif). Néol. Rendre passif ; réduire à un état passif.

PASSIVITÉ s. f. (pa-si-vi-té — rad. passif). Théol. État de l’âme passive et contemplative, il On dit aussi passiveté.

— Philos. État d’un être passif : Les caractères spécifiques du sexe féminin sont [attraction et la passivité. (Bautain.) Les peuples réglés par la loi du fatalisme ont quelque chose de la passivité sereine de l’animal. {Th. Gautier.) La passivité de l’esclave a quelque chose qui ressemble à la froideur et à l’abrutissement de la prostitution. (G. Sand.)

— Encycl. Ce terme s’oppose à celui d’activité dans tous les sens.

Dans l’ordre physique, on attribue la passivité aux substances qui ne sont douées par

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nature d’aucune force propre, À ce sujet, il s’est élevé des discussions entre les savants : Y a-t-il des substances vraiment

passives, et la passivité de la matière est-elle réelle ou apparente ? D’après l’ancienne physique, la passivité était inhérente à la matière ; c’est pour cela qu’au début de la suience et de la philosophie Thaïes se croyait obligé de donner une âme a l’ambre jaune, parce qu’il a la propriété d’attirer électriquement les corpuscules légers, tels que

des barbes de plume. Il a donc, se disait Thaïes, une certaine activité propre. Or, comme la matière n’en a aucune, il faut qu’il ait une âme, une psyché active. La théorie physique dont Thaïes donnait ainsi la toute première et toute naïve expression n’a pas été solidement remplacée jusqu’à notre siècle. Aujourd’hui, enfin, on attribue à toute matière un certain degré de force, et partant la thèse de la passivité nbsolue de la matière n’est plus soutenue. Supposons, en effet, un corps immobile, inerte, qu’ ne semble produire au dehors sur aucune autre substance aucune action directe : c’est là une apparence trompeuse. En réalité, ce corps est actif, et non passif ; il l’est par cela seul, pur exemple, qu’il est palpable. Si vous appuyez le doigt sur ce corps, vous le sentez : qu’estce à dire, sinon qu’il oppose une résistance à votre tact, une force à votre force 7 II n’jr a donc pas là passivité, mais activité appréciable par la résistance qu’elle produit et qui la mesure. Voici une vaste nappe d’eau en repos : c’est l’image même, semble-t-il, de l’entière passivité. Erreur. Cette eau est, au contraire, en pleine activité physique, chimique, minéralogique, zoologique, etc. Ses molécules nous semblent en repos : c’est qu’elles pèsent et agissent les unes sur les autres, de façon k produire par leur activité même cet équilibre qui nous paraît ta passivité. Sa surface produit par l’évaporation une action incessante et très-vive au dehors. Au dedans, la composition et la décomposition des matières végétales et animales, des substances organiques et des êtres organisés sont tout le contraire de la passivité. En un mot, il n’y a pas de passivité dans la nature, j’entends de passivité absolue ! Donc, le sens du mot passivité doit être restreint k celui d’un simple corrélatif du mot activité, corrélatif et non contraire. Je puis envisager tour à tour le même objet comme actif ou comme passif ; en réalité, il est toujours actif. Si ma rame frappe vigoureusement l’eau, c’est l’eau qui me semble passive et la rame active. Si c’est un rocher contre lequel l’eau vienne battre, je dirai que l’eau est active et le rocher passif ; mais ce ne sont là que des apparences, puisqu’il faut autant d’activité et da force propre pour repousser une impulsion que pour l’imprimer ; aussi les savants modernes bannissent-ils le terme de passif, ou de passivité de la science exacte et le réservent au langage ordinaire et dans le sens que nous venons de fixer.

Kn métaphysique et en psychologie, lapossivité est une notion plus difficile à définir. Il n’y a plus dans ce domaine qu’une seule activité, celle de l’esprit et de la puissance spirituelle. En général, on pourrait donc dire : Tout ce qui est spirituel est actif ; il n’y a pas de passivité dans le inonde des idées et des intelligences. Cependant voici les acceptions toutes spéciales et toutes relatives dans lesquelles on emploie en ce domaine le terme de passivité. En psychologie, une faculté dans laquelle l’âme -subit l’action des forces extérieures, une faculté qui est plutôt une capacité réceptive qu’une énergie agissant au dehors, se nomme passive par comparaison aux facultés créatrices. Ainsi, je sens, j’éprouve une émotion, je perçois un son, une couleur, une odeur, .je subis une impression externe : il y a dans mon état alors ce caractère qu’on nomme passivité. Je me laisse entraînera une passion, à un sentiment exaité quel qu’il soit ; c’est encore de la passivité, non pas absolue, bien entendu, non pas comptète, mais partielle et relative. Une rêverie, te dolce far niente, la somnolence où l’on tombe en fumant un cigare ou en flânant au bord de l’eau, tout cela est encore de la ptmi’oi’épsychologique. On peut même aller plus loin : la lecture d’un roman, toute distraction qui n’a pas besoin d’une grande dépense de forces intellectuelles, d’attention, de jugement sera encore traitée par le philosophe d’état passif, par opposition à l’état d’une intelligence occupée, par exemple, k résoudre de graves problèmes, k faire de difficiles études. En outre, on appelle encore passives certaines facultés par rapporta d’autres. Ainsi, la mémoire, qui est une fonction extrêmement active si vous la comparez à la sensation ou k la rêverie, paraît avoir un caractère de passivité frappant quand on la compare avec l’imagination poétique, avec la puissance de dialectique du logicien ou avec les expériences laborieuses d’un naturaliste.

Enfin, dans la métaphysique, la passivité est le sujet d’une foule de graves problèmes que nous ne pouvons qu’à peine effleurer. D’après la métaphysique leibnizienne, qui est aujourd’hui considérée comme l’expression la plus savante du spiritualisme, la passivité serait le caractère et Je signe du néant. Tout être agit ; tout ce qui agit est. On mesure le degré d’être au degré d’activité. La monade est une force. Il n’y a d’autres substances que celles qui peuvent aussi se nommer cause*.