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en croiai et le Christ au tombeau, difWaagen, sont admirables de composition, de sentiment et de rendu ; le Christ au mont des Oliviers, psir la beauté et par la profondeur de l’expression, n’est guère inférieur au tableau du Corrége représentant le même sujet, qui figure dans la galerie du duc de Wellington, à Londres. On aurait peine à admettre que ces tableaux pussent être de cette période de l’art allemand, si les caricatures et les exagérations qui défigurent certains épisodes, entre autres la Flagellation et le Portement de la croix, n’étaient marquées du cachet du temps. ■

L’école allemande a produit, au commencement du xvie siècle, une grande quantité d’estampes relatives a la passion ; Albert Durer a reproduit ce sujet trois fois, de 150S à 1511, une fois sur cuivre, deux fois sur bois. Dans la première série, qui forme une suite de seize feuilles, on remarque surtout deux figures dii Christ : VEcce Homo (1509) et le Christ au jardin des Olioiers (1508). Les deux suites de gravures sur bois sont connues, l’une sous le nom de la Grande passion, l’autre sous celui de la Petite passion. La Grande passion comprend douze planches, hautes de om,388 et larges de om,2 ?â ; ie frontispice, représentant le Christ nu, assis sur une pierre et couronné d’épines", à qui un bourreau tend un roseau, est une des plus belles créations de Durer ; une douleur intense et poignante se lit dans le regard que l’Homme-Dieu rixe sur le spectateur ; rien n’égale la noblesse et la beauté de l’attitude. « Toute cette page, dit. Waagen, s’élève à la même hauteur que le magnifique récitatif du Messie de Hœndel : YQutraye a brisé son cœur... » La même élévation caractérise le Portement de ta croix, composition pleine de mouvement ; le Christ succombant sous le poids rie l’instrument du supplice est une figure grandiose. La Pietà n’est pas moins digne d’admiration ; la composition a une gravité solennelle et douloureuse. Dans la Flagellation, le réalisme allemand reprend le dessus ; la figure du Christ a, dans ses formes et son attitude, un caractère si grossier, qu’on a peine à s’imaginer qu’elle soit sortie de la même roain que le dessin du frontispice. Parmi les trente-sept planches dont se compose la Petite passion, on remarque : l’Adoration des bergers, à cause de la simplicité de la composition et de la grâce de la Vierge ; le Christ au jardin des Oliviers, d’un sentiment très-profond, et le Christ apparaissant à ta Madeleine, composition poétique éclairée par un charmant soleil. Ces diverses planches de Durer ont été souvent copiées.

D’autres suites d’estampes relatives à la passion ont été gravées par Alix (d’après Frisbourg), J.-W. van Assen (12 pi. rondes), Melchior Kuesel (Theatrum dolorum JesuChristi Dei-Hominis pro kominibus patientis, 28 pi. gr. in-4<>, d’après W. Bauer), H.-S. Beham (8 pi. sur bois, 1535), P.-L. Bombelli (14 pi., xvme siècle), Nie. de Bruyn (deux suites de 12 pi., l’une de 1618 et 1619, l’autre de 1632 à 1035), H. Brys (12 pl.j, Michel Bunel, J. Callot (deux suites : l’une de 7 pièces, dite la Grande passion ; l’autre de 18 pièces, dite

Petite passion), Philippe Galle (38 pièces),

Jac. de Gheyn le vieux (14 pi., d’après Carel van Mander), A. Glockendon le vieux (12 pi,), Ursus Uraf (deux suites : l’une de 24 pièces gravées sur bois, l’autre de 20 pièces), Ab. Hogenberg (12 pi., d’après H. Gottziusj, Greg. Huret (32 pi.), Krabeth (14 pi.), Melchior Kuesel (10 pi., d’après Carpoforo Tencala), J. Langlois (d’après Ant. Dieu), Thomas de Leu (Iheatrum passionis Christi, S pi. in-4o), Lucas de Leyde (deux suites : l’une de 9 pi., l’autre de 14 pi.), Phil. de Mallery (5 pl.j, Israël van Meckenen (12 pi.), Crispin de Passe le vieux (19 pi.), Martin Schongauer (12 pi., reproduites par Hans von Culmbiich), etc. Une série de 140 dessins à la plume, par Claude Gillot, relatifs à la jasmin, a été vendue 65 livres à la vente de Lorangère en 1744. M. Van’ Eycken a peint vers 1845, pour l’église Notre-Dame-de-lu-Chapelle, à Bruxelles, une série de tableaux sur le même sujet. Un vitrail du xvie siècle, à la cathédrale de Chûluns-sur-Marne, représente huit scènes de la passion.

Les chaires à prêcher en bronze de l’église San-Lorenzo, à Florence, sont ornées de basreliefs de la composition de Donatello, représentant les Mystères de la passion et de la. gloire de Jésus-Christ. Parmi les nombreuses’ sculptures que des artistes modernes ont composées pour former des Chemins de croix, il faut signaler les bas-reliefs exécutés par Jehan Du Seigneur.

Le Mystère de la passion a été représenté par Garofalo dans un petit tableau qui est au Louvre et qu’a gravé Jean de Poilly : co’uché par terre, sur un par de la robe de isa mère, l’Enfant Jésus sommeille, tandis que Marie, agenouillée, l’adore ; un ange présente à celle-ci le saint suaire et la couronne d’épines, et, dans une gloire céleste, d’autres anges tiennent les divers instruments de la passion. Le Louvre possède encore une composition analogue, peinte par Giov.-8. Tinti, et un tableau de Luca Giordano, où l’Enfant Jésus lui-même accepte les instruments de son supplice que sept anges lui apportent, en présence de la Vierge et de saint Joseph. Un tableau de Sallaert sur le même sujet appartient au musée de Bruxelles.

Pattton du Cbrisi (la), tragédie grecque

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du tve siècle, attribuée à saint Grégoire ds Nazianze. Ce drame est une vaste mosaïque, composée de pièces et de morceaux empruntés à Euripide. Comme l’a très-justement observé M. Ch. Maguin (Origines du théâtre moderne), « tandis que d’un côté l’Église frappait le théâtre d’anathème, de l’autre elle faisait appel à l’imagination dramatique, elle instituait des cérémonies figuratives, multipliait les processions et les translations de reliques et composait enfin ce3 offices qui sont de véritables drames : celui du Prxsepe ou de la Crèche, à Noël ; celui de l’Étoile et des trois rois, à l’Epiphanie ; celui du Sépulcre et des trois Marie, à Pâques, où les trois saintes femmes étaient représentées par trois 1 chanoines, la tête voilée de leurmimusse, ad timiiiludinem mutierum, comme dit le Rituel ; celui de l’Ascension, où l’on voyait quelquefois sur le jubé, quelquefois sur la galerie extérieure, au-dessus du portai), un prêtre représenter l’ascension du Christ. » La Passion du Christ, tragédie chrétienne composée avec des tragédies profanes, concourait au même dessin. Cette pièce, qui compte plus de deux mille six cents vers, renferme des centons tirés de six tragédies d’Euripide : Bippolyte, Médëe, les Bacchantes, Rhésos, les Troyennes, Oreste. Le sujet est non-seulement la passion du Christ, mais la descente de croix, l’ensevelissement et la résurrection : il n’y a pas d’action ; ce ne sont que de très-longs récits. M. Emile Deschanel a fait une spirituelle analyse de ce curieux monument (Reoue des Deux-Mondes, i«juin 1847) ; nous lui empruntons les détails piquants et peu connus qui suivent.

« Les personnages principaux sont : le Christ, la Mère de Dieu qui, à elle seule, dit douze cents vers, Joseph, Nicomède, Théologos, probablement saint Jean, et un jeune disciple. Le chœur est composé de femmes. Comme toutes les tragédies anciennes, elle est précédée d’un prologue. L’exposition se fait par un couplet de quatre-vingt-dix vers que prononce la Mère de Dieu sur le malheur de l’humanité, qui a eu besoin d’un rédempteur. Ce sont des maximes souvent banales, empruntées à la Médëe ; la Mère de Dieu fait toutes sortes d’antithèses sur sa virginité rendue féconde, s’appropriant les paroles où Hippolyte exprime sa chasteté. Le chœur lui apprend que des hommes courent vers la ville, et que son dis va mourir. Un messager annonce que Jésus a été trahi par ses disciples ; il raconte la scène du jardin des Oliviers, mêlant des expressions de l’Évangile aux termes du polythéisme ; dans une longue prosopopee, il prédit la pendaison de Judas et enchâsse des morceaux du Credo dans des formules du vocabulaire tragique. La Mère de Dieu répond très-longuement ; elle veut se rendre auprès de son Fils, le chœur la retient. Un autre messager raconte le jugement des Juifs, qui veulent la mort de Jésus. La Mère de Dieu répond par de belles métaphores très-déplacées, mais bientôt elle pousse des cris de douleur en apercevant son Fils traîné et enchaîné. Elle veut s’élancer vers lui. Le chœur la retient encore. Elle gémit, et recommence ses antithèses sur sa virginité rendue féconde, qui font pendant d’une manière évidente aux antithèses de Jocaste et d’QSdipe sur leur hymen incestueux. Elle explique au chœur le péché originel qui a rendu la rédemption nécessaire et lui annonce la résurrection. Tout cela est décousu et froid comme un catéchisme. Un autre messager arrive ; le procédé est, comme on voit, assez primitif ; il annonce que le Christ est crucifié et mourant. Dès le quatrième vers, le principal est dit : Jésus est crucifié ; le reste ne sert qu’à décrire les détails. Ce récit est tout à fait mal réussi. La scène change et représente le Calvaire. Le Christ, après avoir essayé de consoler sa Mère, expire. Saint Jean, pour adoucii’ sa douleur, lui débite des lieux communs déjà dits. Un soldat perce d’une lance le côté du Christ ; de la blessure jaillissent deux ruisseaux, l’un de sang, l’autre d’eau. Le soldat, converti par Ce miracle, se puritie avec cette eau. On ensevelit le Christ et l’on se retire. La scène reste occupée par Joseph, qui cause très-longuement avec le théologien ; il prédit la punition et la dispersion des Juifs. Enfin parait l’aube du troisième jour ; ce qui ne semble pas extraordinaire, vu la longueur de ce qui précède. Les.saintes femmes vont embaumer le corps ; le tombeau est vide. Tout à coup un ange, vêtu de blanc, leur apprend la résurrection du Christ. Bientôt le Christ lui-même leur apparaît et leur ordonne d’aller prêcher la bonne nouvelle. Arrive encore un messager et, dans une scène intercalée, les gardes disent à Pilate qu’on a volé le corps pendant leur sommeil. La scène change et représente la maison où sont réunis tous les disciples. Le Christ leur apparaît et leur enjoint d’aller prêcher l’Évangile dans toute la terre. Tout se termine par une longue prière au Christ ■ et à la Vierge. L’épilogue est conçu en ces termes : ■ Je t’adresse ce drame de vérité et

« non de fiction, non souillé de la fange des

« fables insensées ; reçois-le, toi qui aimes les > pieux discours. Maintenant, si tu veux, je

« prendrai le ton de Lycophron (esprit de loup) reconnu dorénavant pour voir en vérité l’esprit de l’agneau, et je chanterai dans son

« style la plupart des autres vérités que tu ■ veux apprendre de moi. » L’autre chrétien, après avoir fait un centon d’Euripide, offre de

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faire encore sur un sujet sacré an centon de Lycophron. On croit que cet épilogue a été ajouté postérieurement par Tzetzès, célèbre grammairien de Constantjnople, vers le xne siècle.

« Tel est, dit M. Deschanel, ce drame singulier, qui contient quelques passages assez beaux parmi des longueurs infinies. C’est, en quelque façon, un mystère destiné peut-être à une sorte de demi-représentation, c’est-à-dire de récitation sans mise en scène et sans décors, mais plus vraisemblablement à la lecture seule, dans quelque école chrétienne ou dans quelque cloître. Les vers seuls que prononce la Mère de Dieu eussent lassé les poumons d’un moine. La lecture permet quelques haltes. »

Passion» de l’âme {les), par Descartes (Amsterdam, 1649, in-8<>, et même date in-12). 11 existe aussi de cet ouvrage une édition latine dont voici le titre : Passiones animai, latina civitate donats, abB. de M. (Amsterdam, apud Luilov. Elzevirium, 1S50, petit in-12). Descartes avait composé ce traité dès 1646, pour l’usage particulier de la princesse Elisabeth, et l’avait envoyé en manuscrit à la reine de Suède sur ta fin de l’année 1647. Avant de le publier, il le refondit et l’augmenta d’un tiers. On en possède maintenant un grand nombre d’éditions.

Ce livre est divisé en trois parties ayant pour titres : Des passions en général et par occasion de toute ta nature de l’homme ; Du nombre et de l’ordre des passions et de l’explication des six primitives ; Despassions particulières.

L’auteur n’était pas né moraliste ; même quand il traite des passions, il n’en étudie pas la nature sensible, vivante et animée ; il n’en voit, pour ainsi dire, que le côté scientifique. Il débute par déchirer que, pour connaître les passions de l’âme, il faut distinguer ses fonctions de celles du corps. Il donne les règles à suivre pour établir cette distinction. « La chaleur et le mouvement des membres, dit-il, procèdent du corps ; c’est une erreur de croire que l’âme donne le mouvement et la chaleur au corps. Entre un corps vivant et un corps mort, il y a la même différence qu’entre une horloge dont les rouages ou quelques-uns des principaux rouage3 sont cassés et une horloge qui fonctionne. ■ Comme dans le Traité de l homme, Descartes décrit longuement la constitution anatomique du corps humain et produit sa théorie des esprits animaux, qui est un des fondements généraux de son système. Suit toute une doctrine psychologique qui devait être adoptée dans les écoles, après avoir été illustrée par Malebranche, Fénelon et Bossuet, tous trois disciples de Descartes.

Quand, dans la seconde partie du livre, il s’agit d’indiquer la cause des passions et de les classer, 1 auteur avance que « la dernière et plus prochaine cause des passions de l’àma n’est autre que l’agitation dont les esprits animaux meuvent la petite glande qui est au milieu du cerveau. Mais cela ne suffit pas pour les pouvoir distinguer les unes des autres ; il est besoin de rechercher leurs sources et d’examiner leurs premières causes : or, encore qu’elles puissent quelquefois être causées par l’action de l’âme qui se détermine à concevoir tels ou tels objets et aussi • par le seul tempérament du corps ou par les impressions qui se rencontrent fortuitement dans le cerveau, comme il arrive lorsqu’on se sent triste ou joyeux sans en pouvoir dire aucun sujet, il parait, néanmoins, que toutes les mêmes passions peuvent aussi être excitées par les objets qui meuvent les sens et que ces objets sont leurs causes les plus ordinaires et principales ; d’où il suit que, pour les trouver toutes, il suffit déconsidérer tous les effets de ces objets. ■

D’après Descartes, l’usage de toutes les passions consiste en cela seul qu’elles disposent l’âme à vouloir les choses que la nature nous dit être utiles et à persister dans cette volonté. L’agitation des esprits animaux qui les cause dispose le corps aux mouvements qui servent à satisfaire les passions. Descartes estime que l’admiration est la première des passions. Voici pourquoi : « Lorsque la première rencontre de quelque objet nous surprend, et que nous le jugeons être nouveau et fort différent de ce que nous connoissions auparavant, ou bien de ce que nous supposions qu’il devoit être, cela fait que nous l’admirons et en sommes étonnés ; et pour ce que cela peut arriver avant que nous connoissions aucunement si cet objet nous est convenable ou s’il ne l’est pas, il me semble que l’admiration est ta première de toutes les passions ; et elle n’a point de contraire, à cause que, si l’objet qui se présente n’a rien en soi qui nous surprenne, nous n’en sommes aucunement émus et nous le considérons sans passion. • L’auteur énumère ensuite les passions, sur chacune desquelles il donne son avis. II n’en voit que six qui soient primitives ; ce sont : l’admiration, l’amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse. Les autres sont des composés des six précédentes, ou des espèces de l’une d’entre elles.

La psychologie de Descartes a un caractère singulièrement matérialiste ; son analyse de l’âme ressemble -à de l’anatomie. Quand on parcourt son chapitre intitulé : Pourquoi les enfants et les vieillards pleurent aisément, on croirait lire une explication de la pluie :

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« Les enfants et les vieillards, dit-il, sont plus ’enclins à pleurer que ceux de moyen âge, mais c’est pour diverses raisons. Les vieillards pleurent souvent d’affection et de joie ; car ces deux passions jointes ensemble envoient beaucoup de sang à leur cœur et de là beaucoup de vapeurs à leurs yeux, et l’agitation de ces vapeurs est tellement retardée ppria froideurdo leur naturel, qu’elles se convertissent facilement en laruirts, encore qu’aucune tristesse n’ait précédé. Que si quelques vieillards pleurent aiissi fort aisément de fâcherie, ce n’est pas tant le tempérament de leur corps que celui de leur esprit qui les y dispose-, et cela n’arrive qu’à ceux qui sont si faibles qu’ils se laissent entièrement surmonter par de petits sujets de douleur, de crainte ou de pitié. Le même arrive aux enfants, lesquels ne pleurent guère de joie, mais bien plus de tristesse, même quand elle n’est point accompagnée d’amour ; car ils ont toujours assez de sang pour produire beaucoup de vapeurs, le mouvement desquelles étant retardé par la tristesse, elles se convertissent en larmes. •

Dans sa troisième partie, Descartes revient aux six passions primitives citées plus haut et examine comment elles se combinent ou se dédoublent pour donner naissance à des passions de détait. Ainsi, l’estime et le mépris ne sont que des formes de l’admiration, 11 en est de même de la générosité et de l’humilité ordinairement alliée à la générosité : « L’humilité vertueuse ne consiste qu’en ce que la réflexion que nous faisons sur l’infirmité de notre nature et sur les fautes que nous pouvons autrefois avoir commises ou sommes capables de commettre, qui ne sont pas moindres que celles qui peuvent être commises par d autres, est cause que pous ne nous préférons à personne et que nous pensons que, les autres ayant leur libre arbitre aussi bien que nous, ils en peuvent aussi bien user. » La générosité sert de remède contre te dérèglement des passions ; l’orgueil en est un dérivé. Tous ceux qui conçoivent une bonne opinion d’eux-mêmes, que cette opinion soit fondée ou non, ne sont pas animés d’une véritable générosité ; il y a même une sorte d’orgueil, le plus injuste de tous ; c’est < lorsqu’on est orgueilleux sans aucun sujet, c’est-à-dire sans qu’on pense pour cela qu’il y ait en soi aucun mérite pour lequel on doive être prisé, mais seulement pour ce qu’on ne fait point d’état du mérite et que, s’imaginant que la gloire n’est autre chose qu’une usurpation, l’on croit que ceux qui s’en attribuent le plus en ont le plus. • Mais Descartes reconnaît qu’il y a une humilité qui ne vaut pas mieux que l’orgueil. • Elle consiste principalement en ce qu’on se sent faible ou peu résolu et que, comme si on n’avoit pas l’usage entier de son libre arbitre, on ne se peut empêcher de faire des choses dont on sait qu’on se repentira par après ; puis aussi en ce qu’on croit ne pouvoir subsister par soi-même ni se passer de plusieurs choses dont l’acquisition dépend d’autrui. >

PaxBiona lur le bonheur des individus (DE

L’iKFUJBKCE DES), par M"* de Staël (1796, iii-8"). Il y a, selon M"’ de SinBl, dans les passions, et même dans les affections naturelles, des calculs et des susceptibilités que le commun des hommes est hors d’état d’apprécier. On peut classer les passions en deuxgroupes : les passions naturelles, dont l’homme apporte le germe en naissant et qui se développent chea tous les individus de l’espèce humaine, indépendamment du rang et du climat, et les

passions factices, nées de l’état social, du désir d’obtenir le pouvoir, la célébrité, les distinctions, les richesses. L’auteur s’occupe d’abord de l’amour de la gloire et place la gloire des actions avant cette des écrits. Les efforts que doit tenter et les obstacles que doit vaincre l’homme qui veut s’élever par son seul mérite personnel, dans un pay3 où les distinctions sont héréditaires ; la difficulté, pour le favori de l’opinion publique, da conserver longtemps la gloire qu’il a acquise ; la difficulté plus grande encore de savoir jusqu’à.quel point il faut se livrer à la popularité ; l’impossibilité de soutenir l’admiration par de grandes actions nouvelles ; l’état d’abattement où tombe celui qui est forcé de rentrer dans la vie privée : toutes ces vicissitudes sont représentées avec beaucoup d’art et de fidélité par Mmt de StaSl. De l’ambition, qu’elle distingue de l’amour de la gloire, M’oe de Staël fait une passion subalterne. Obtenir et conserver le pouvoir, voilà, dit-elle, tout ie plan d’un ambitieux. Cette passion suppose l’égoïsme concentré, la contemplation perpétuelle de soi, l’habitude et le besoin de tromper les autres, un système de dissimulation, une sujétion constante devant le maître, peuple, ’roi ou ministre. La vanité est une passion, encore plus qu’un ridicule. Jouissances imparfaites et fugitives, triomphes éphémères, dépendance servile, voilà la vanné, viande creuse, apparence, fantôme, illusion. Mme de Staël caractérise ensuite les effets de l’esprit de parti, la plus redoutable des passions politiques. Cette passion tient du fanatisme, à quelque objet qu’elle s’applique. Les hommes qui se précipitent, les yeux fermés, dans un parti n’entendent, ne voient, ne comprennent que deux ou trois raisonnements. Ils ne savent point reconnaître les grandes qualités d’un homme gui n’a pas leur religion politique et se font illusion sur les