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PAON

— Entom. Paon de jour, Nom vulgaire de la vanesse Io. li Paon de nuit, Nom vulgaire de quelques espaces de bombyx, ti Demi-paon, Nom vulgaire du sphinx ocellé.

•— Ilortic. Paon royal, Variété d’œillet.

. — Encycl. Ornith, et Ilist. Le genre paon est caractérise de la façon suivante ; un beo en cône courbé, rubuste, à mandibule supérieure voûiëe débordant l’inférieure, à buse nue ; des narines garnies d’une membrane gonflée et cartilagineuse, située près du capistrum ; des joues en partie nues ; une aigrette sur la tête ; des tarses robustes ; des scutelles armées, chez le mâle, d’un éperon ; des ailes concaves arrondies ; une queue composée de dix-huit pennes cachées pur des rectrices sus-caudales larges, fort longues, très-nombreuses et susceptibles de se relever.

« Si l’empire, dit Buffon, appartenait à la beauté et non à la force, le paon serait, sans contredit, le roi des oiseaux. Il n’en est point sur qui la nature ait versé ses trésors avec plus de profusion ; la taille grande et le port imposant, ta démarche tière, la figure noble, les proportions du corps élégantes etsveltes, tout ce qui annonce un être de distinction lui a été donné ; une aigrette mobile et légère, peinte des plus riches couleurs, orne sa tête et l’élève sans la charger ; son incomparable plumage semble réunir tout ce qui flatte nos Veux auns le coloris tendre et frais des plus belles fleurs ; tout ce qui les éblouit dans les reflets pétillants des pierreries, tout ce qui les étonne dans l’éclat majestueux del’arc-enciel ; non-seulement la nature a réuni sur le plumage du paon toutes les couleurs du ciel et de la terre pour en faire le chef-d’œuvre de sa magnificence, elle les a encore mêlées, assorties, nuancées, fondues de son inimitable pinceau et en a fait un tableau unique, où elles tirent de leur mélange avec des nuances plus sombres et de leurs oppositions entre elles un nouveau lustre et des effets de lumière si sublimes que notre art ne peut ni les imiter ni les décrire. Tel parait à nos yeux le plumage du paon, lorsqu’il se promène paisiblement et seul dans un beau jour de printemps ; mais si sa femelle vient tout à coup à paraître, si les feux de l’amour, se joignant aux secrètes influences de la saison, le tirent de son repos, lui inspirent une nouvelle ardeur et de nouveaux désirs, alors toutes ses beautés se multiplient ; ses yeux s’animent et prennent de l’expressiun ; son aigrette s’agite sur sa tête et annonce l’émotion intérieure ; les longues plumes de sa queue déploient, en se renversant, toutes leurs richesses éblouissantes ; sa tète et son cou, se renversant noblement en arrière, se dessinent avec grâce sur un fond radieux, où la lumière du soleil se joue en nulle manières, se perd et se reproduit sans cesse, et semble prendre un nouvel éclat plus doux et plus moelleux, de nouvelles couleurs plus variées et plus harmonieuses ; chaque mouvement de l’oiseau produit des milliers de nuances nouvelles, des gerbes de reflets ondoyants et fugitifs, sans cesse remplacés par d’autres reflets et d’autres nuances toujours’diverses et toujours admirables. Mais ces plumes brillantes, qui surpassent en éclat les plus belles fleurs, se flétrissent aussi comme elles et tombent chaque année. Le paon, comme s’il sentait la honte de sa perte, craint de se faire voir dans cet état humiliant et cherche les retraites les plus sombres pour s’y cacher à tous lès yeux, jusqu’il ce qu’un nouveau printemps, lui rendant sa parure accoutumée, le ramène sur la scène pour y jouir des hommages dus à sa beauté ; car on prétend qu’il en jouit en effet ; qu’il est sensible à l’admiration ; que le vrai moyen de lui faire étaler ses plumes, c’est de lui donner des regards d’attention et des louanges, et, qu’au contraire, lorsqu’on paraît le regarder froidement et sans beaucoup d’intérêt, il replie tous ses trésors et les cache à qui ne sait point les admirer. • Quoique le paon soit depuis longtemps comme naturalise en Europe, il n’en est pas cependant originaire ; ce sont les Indes orientales qui doivent être regardées comme son pays natal. De tous les temps et dès qu’ils ont été connus, les paons ont excité l’aumiration de tout le moude. Plus d’une fois, les poètes et surtout les poètes latins ont chanté dans leurs vers l’espèce qui, transportée des Indes, est devenue domestique en passant en Europe ; plus d’une ibis, les historiens de la nature ont employé, pour parler d’elle, un langage semé d’autant de fleurs qu’elle a d’yeux chatoyants répandus sur son riche plumage. À une époque très-reculée dans l’histoire de la Grèce, si les paons eurent une place dans l’Olympe, si les anciens habitants de Samos les consacrèrent à Junou, ces oiseaux ne durent, sans doute, qu’à leur beauté d’être ainsi associés à celle que le paganisme considérait comme la compagne du maître du’ ciel et de la terre. Des médailles antiques, frappées par les Samiens, attestant cette consécration avaient contribue à faire penser que les paons avaient pour patrie l’Ile dsSamos ; mais des recherches historiques, laites dans le but de savoir quel émit réellement leur pays natal, ne tardèrent pas h faire reconnaître que l’Inde, ainsi que nous l’avons dit plus haut, était la patrie de ces magnifiques oiseaux. C’est là qu’on les trouve à l’état sauvage. Alexandre, poussé par ses conquêtes jusqu’aux lieux où vivent ces oiseaux,

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fut si vivement frappé de leur beauté, qu’il défendit, sous les peines les plus sévères, de les tuer. L’on pense même que c’est de l’invasion d’Alexandre dans les contrées d’où les paons tirent leur origine que doit dater leur apparition dans la Grèce. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’ils y furent d’abord très-rares, et ce qui vient à l’appui de cette opinion, c’est qu’à Athènes ils furent, durant longtemps, un objet de curiosité. À chaque néoménie, c’est-à-dire à chaque renouvellement de lune, on exposait un ou plusieurs de ces oiseaux aux regarda du public, qui accourait, dit-on, même des villes voisines, attiré qu’il était par le désir de contempler un si magnifique spectacle. Au temps de Périclès, te prix de cet oiseau était excessivement élevé.

La Bible fait mention des paons dans des termes qui feraient supposer que ces oiseaux, encore peu connus du temps de Salomon, devaient être considérés eumme un objet de grande valeur. C’est en passant de la Grèce à Rome que l’espèce qui fait l’ornement de nos parcs est arrivée jusqu’à nous. Les Romains, en effet, dont les conquêtes s’étendirent au loin, s’empressèrent d’introduire chez eux ce superbe oiseau. Dans ces temps-là, un troupeau de cent de ces oiseaux pouvait rendre 60,000 sesterces, en n’exigeant de celui à qui on en confiait le soin que trois paons par couvée ; ces 00,000 sesterces valent 10,000 à 12,000 fr. de notre monnaie. Chez les Grecs, le mâle et la femelle se vendaient 1,000 drachmes, ce qui fait 900 fr. Ce prix était bien tombé au commencement du xvto siècle puisque, suivant la nouvelle coutume du Bourbonnais, un paon n’était estimé que de 3 à t fr. ; du reste, il n’y a guère que les jeunes que l’on puisse manger ; les vieux sont trop durs, et d’autant plus durs que leur chair est naturellement fort sèche, et c’est, sans doute, à cette qualité qu’elle doit la propriété singulière, et qui paraît assez avéréo, de se conserver sans corruption pendant plusieurs années. On en sert cependant quelquefois de vieux : mais c’est plus pour l’appareil que pour 1 usage, car on les sert revêtus de leurs belles plumes.

On employait autrefois les plumes du paon à faire des espèces d’éventails ; on en formait des couronnes, en guise de laurier, pour les troubadours ; Gessuer a vu une étoffe dont la chaîne était de soie et de lil d’or et la trame de ces mêmes plumes ; tel était, sans doute, le manteau tissé de plumes de paon qu’envoya le pape Paul III au roi Pépin.

observés en dehors de tout préjugé, les paons sont des oiseaux dont les mœurs rappellent celles des gallinacés en général. Le coq paon n’a guère moins d’ardeur pour ses femelles, ni guère moins d’acharnement k se battre avec les autres mâles que le coq ordinaire ; il est très-ardent en amour et il faut lui donner cinq ou six femelles. Quoiqu’il n’ait complètement revêtu sou plumage adulte qVà l’âge de trois ans, le paon peut servir à la reproduction de l’espèce avant cette époque. Les paonnes ont le tempérament tort lascif, et, lorsqu’elles sont privées de mâles, elles s’excitent entre elles et en se frottant contre la terre. C’est au printemps que ces oiseaux se recherchent et s’accouplent. La femelle pond ses œufs peu de temps après qu’elle a été fécondée ; elle ne pond pas tous les matins, mais seulement de trois à quatre jours l’un. Elle ne fait qu’une ponte pur an à l’état sauvage, et cette ponte est de huit œufs la première année et de douze les années suivantes ; niais cela ne doit s’entendre que des paonnes à qui on laisse le soin de couver elles-mêmes leurs œufs et d’élever leurs petits ; au lieu que, si on leur enlève à mesure leurs œufs pour les faire couver par des poules ordinaires, elles feront trois pontes ; la première de cinq œufs, la seconde (le quatre, la troisième de deux ou trois, Dans nos climats, il paraîtrait que les paons sont moins féconds que dans les pays dont ils sont originaires. Si on laisse à m paonne la liberté d’agir, elle déposera ses œufs dans un lieu secret et retiré ; ses œufs sont blancs et tachetés comme ceux de dinde. La paonne couve de vingt-sept à trente jours, plus ou moins, selon la température du climat et de la saison. On prétend que la paonne ne fait jamais éclore tous ses œufs à la fois, mais que, dès qu’elle voit quelques poussins éclos, elle quitte tout pour les conduire ; dans ce cas, il faudra prendre les œufs qui ne seront point encore ouverts et les mettre à éclore sous une autre couveuse ou dans un four à incubation. Lorsque les paonnes ont cessé d’être fécondes ou lorsqu’une maladie atrophie prématurément leur ovaire, elles prennent la livrée des mâles. Cette métamorphose, dont les faisans offrent de fréquents exemples, est, k la vérité, assez rare chez ces oiseaux. Les petits, en naissant, suivent leur mère et peuvent déjà, comme tous les poussins gallinacés, chercher eux-mêmes leur nourriture ; mais, délicats et frileux comme tous les oiseaux des pays chauds que nous élevons dans nos pays, ils exigent de très-grands soins et, pendant longtemps, ont besoin d’être conduits par leur mère. Les différences extérieures qui distinguent les sexes ne sont bien tranchées que vers le troisième mois ; alors le plumage du mâle prend un éclat beaucoup plus grand que celui de la femelle ; en outre, le coqpaon se distingue de la poule par un peu de jaune qui paraît au bout de l’aile ; dans la suite, il

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s’en distingue par la grosseur, par un éperon à chaque pied, par la longueur de sa ô^ieue et par la faculté de la relever et d’en étaler les belles plumes, ce qui s’appelle faire la roue.

La nourriture habituelle des paons consiste en grains de toute sorte. Le voisinage de ces oiseaux est funeste aux agriculteurs, car ils font, à ce qu’il parait, des dégâts immenses dans les céréales. Ils sont également importuns à cause des cris désagréables qu’ils font entendre. Heureusement, tous leurs défauts sont rachetés par leur beauté, et si, comme l’a dit un poète, ils ont la voix du diabls, le démarche fugitive du voleur, ils ont une parure d’ange :

Ângthts est pennis, pede latro, voce gehenus.

Indépendamment du cri bruyant que lespaons font entendre, cri dans lequel on a vu, mais à tort, un présage de pluie lorsqu’ils le poussent durant ta nuit, ou leur connaît un bruit sourd, un murmure intérieur, qu’ils font entendre surtout lorsqu’ils se pavanent autour de leurs femelles. Quoique les paons ne puissent pas voler beaucoup, ils aiment à grimper ; ils passent ordinairement la nuit sur les combles des maisons et sur les monuments. La durée de la vie du paon est de vingt-cinq ans ; toutefois, quelques auteurs ont prétendu, et Willougby entre autres, qu’il pouvait vivre jusqu’à cent ans ; mais cette assertion est évidemment exagérée. Le paon est devenu aux yeux de l’homme le symbole de la vanité.

Buffon, qui j’a connu quo le paon domestique, rapporte à celui-ci deux variétés, la variété blanche et lu variété panachée. Mais, comme l’a fait observer Fr. Cuvier, cette dernière n’existe pas. Le paon panaché est un paon ordinaire sur lequel les plumes, en plus ou moins grand nombre, naturellement altérées dans leurs germes, naissent et se développent sans l’éclat des autres et tout à fait blunches. Cest la première trace de la modification qui, en s’élendant, produirait le paon blanc. De tous nos animaux domestiques, le paon est donc un de ceux qui ont subi le moins de modifications sous l’influence de la domestication ; car, si ce n’est la race blanche, il n’en existe pas d’autres dans cette espèce. Celte résistance à toutes les causes qui ont agi si puissamment sur les autres oiseaux est peut-être digne de remarque, si l’on veut considérer que le paon est soumis à l’homme depuis une haute antiquité et qu’aucune autre espèce soumise à cette épreuve n’a pu conserver ses caractères primitifs aussi purs. Quels que soient, en effet, les oiseaux domestiques que l’on considère, on y trouve des races nombreuses, dont les modifications ont acquis toute la fixité des caractères spécifiques et qui se reproduisent sans altération.

Les naturalistes croient généralement que le paon de Java est la souche de notre paon domestique. Cependant, on observe entre eux quelques différences ; le paon sauvage a une taille un peu moins forte que le paon domestique ; mais il l’emporte sur celui-ci par ses couleurs, qui sont, en général, un peu plus brillantes. De plus, le premier a les ailes d’un vert foncé à reflets métalliques, bordées de vert doré, tandis que, chez le second, elles ont une teinte lie de vin, variée irrégulièrement de petites ligues ondulées noirâtres. Sous tous les autres rapports, l’un et l’autre ont la plus grande ressemblance. Ce qui ferait supposer que le paon domestique n’est autre que le ptten sauvage, chez lequel la servitude aurait atténué lus couleurs et aurait même changé celles de l’aile, c’est que celui-ci s’apprivoise aisément ; de plus, Frédéric Cuvier a constaté que le paon sauvage, en s’unissant à lu.paonne domestique, produisait des sujets à ailes vertes et des sujets à ailes fauves, sans rien d’intermédiaire entre ces deux couleurs.

Une autre espèce non moins belle que le paon sauvage est le paon spicifère. C’est Buffon qui l’a nommé Spictfère, à cause de son aigrette en forme d’épi. Il a la queue presque aussi belle que le paon ordinaire. Les parties supérieures du corps sont d’un bleu métallique noirâtre, avec le bord de chaque plume d’un vert doré, terminé par une frange d’un noir brillant ; le sommet de la tête est garni de petites plumes veloutées d’un vert doré à reflets bleus, et surtout d’une aigrette composée de vingt plumes longues qui se réunissent vers l’extrémité et dont les barbes forment une belle auréole d’un vert bleuâtre, dore et très-brillant. Ce superbe oiseau, dont la taille atteint l<n,18, habite Java et le Japon. Cuvier avait placé encore dans le genre paon les éperonniers, mais ces oiseaux forment un genre à part. V. éperon- NIBB.

— Mœurs et Coût. Rien n’était plus estimé et plus cher à Rome que les œufs de paon ; il n’y avait point de repas somptueux sans œufs de paon {pavoniua ova). Dans ce repas de bateleurs appelé te Festin de Trinialcion, où Néron figurait comme roi de la fête, où tout était recherche et raffinement d’un luxe imbécile, il est parlé d’un surtout do table composé d’une corbeille dans laquelle il y avait une poule en bois, parfaitement imitée, avec les ailes étendues en rond, comme fout les poules qui couvent, et qu’on porta au milieu do la table. Deux esclaves fouillèrent, au bruit d’une symphonie, la paille du nid et, en ayant tiré des œufs de paon, les distribué PAON

rent aux convives. Et sympkonia ttrepentë, serutari paleam çœpeiiint, erutaque sulnnde pauonina osa divisere conoivis.

Les œufs de paon étaient si rares et si re* cherchés à Home qu’on les y vendait jusqu’à 1 fr. 50 pièce. Varron et Pline (t. X, ch. XX) nous apprennent qu’un troupeau de cent paons y rapportait près de 3,000 fr. de revenu par au. Il y eut un temps où, à cause même de leur rureté et de leur prix, la mode s’introduisit de manger la chair de ces beaux oiseaux, qui, comme leur chant, est assez désagréable. Hortensius mil le premier en vogue le goût des paons, qui s’établit si bien qu’on n osait donner à manger sans en servir. Cieéron, dans une lettre à rsetus(liv. IX, ep. xxj, dit qu’il a osé donner à manger à Hirtius, sans toutefois avoir de paons. « Admirez mon audace ! écrit-il à sou ami, j’ai donné à dîner sans paons à Hirtius même. > Et l’on sait ce qu’était Hirtius, un général, un lieutenant de César et un raffiné du temps.

Tels sont les effets naturels des raffinements du luxe et de l’excès des richesses. On abandonne une nourriture solide et simple parce qu’elle est à ta portée du plus grand nombre, et, parce qu’elles sont chères, rares, qu’elles viennent de loin et que tout le monde n’en peut pas avoir, on recherche des viandes étrangères et grossières ; on mange des paons, des cigognes, et on trouve bon de manger jusqu’à 1» chair des ours.

Les Grecs aimaient aussi les paons et en nourrissaient pour la joie des yeux dans leurs jardins, quoiqu’ils ne pussent s’en procurer, comme les Romains, qu’à très-haut prix ; mais ils les aimaient pour leur beauté seule. Athénée, toutefois, rapporte (1. XIV, ch. xx) qu’Anaxandride, pofite comique grec, disait à

cette occasion ; » N’est-ce pas une manie de nourrir des paons, du prix desquels on achèterait de belles statues ? ■

Au moyen âge, dans les siècles de chevalerie, le paon était appelé le noble oiseau et sa chair était regardée comme la viande des preux. Aux cours d’amour, les poètes recevaient, pour récompense, une couronne faite de plumes de paon, qu’une dame du galant tribunal leur plaçait elle-même sur la tête. Plusieurs grandes familles, entre autres celle de Montmorency, avaient en cimier, sur leur heaume, l’effigie d’un paon. Legrand d’Aussy donne des détails étendus sur le paon servi dans les festins. En voici quelques-uns : on servait le paon entier avec tous ses membres et même avec ses plumes ; ce qui, d’après un écrivain du temps, se pratiquait ainsi : an lieu de plumer l’oiseau, ou l’ècorchait proprement, de manière que les plumes s’enlevassent avec la peau ; on lui coupait ensuite les pattes, puis on avait soin de le farcir d’èpices et d’herbes aromatiques et de lui envelopper la tète d’un iiuge avatit de le mettre à la broche. Pendant qu’il rôtissait, on arrosait continuellement le linge avec de l’eau fraîche.

Enfin, quand il était cuit, on rattachait les pattes, ôtait le linge, arrangeait l’aigrette, rajustait la peau et étalait la queue. Quelquefois, au lieu de rendre au paon sa robe naturelle, on le couvrait de feuilles d’or. D’autres avaient recours, pour augmenter l’effet, à un moyen assez puéril ; ils remplissaient le bec du paon de laine imprégnée de camphre, et, en servant l’oiseau sur la table, on mettait le feu à la laine ; le paon semblait alors vomir des flammes. Ce n’étaient point les écuyers servants qui plaçaient ce tioOle oiseau sur la table. Les daines se chargeaient de cette fonction ; ordinairement, ou choisissait pour la remplir la plus belle et la plus noble. Suivie d’un certain nombre de femmes, accompagnée d’instruments de musique, cette reine de la fête entrait avec pompe dans la salle du festin, portant en main lo plat d’or ou d’argent sur lequel était l’oiseau. Là, au bruit des fanfares, elle le posait devant le maître du logis, s’il était de rang à exiger un pareil hommsge, ou devant celui des convives qui était le plus renommé pour sa courtoisie et sa valeur. Quand le bauquet Se donnait après un tournoi et que le chevalier qui avait remporté le prix du combat se trouvait à la table, c’était à lui, de droit, qu’on offrait le paon. Son talent alors consistait à dépecer l’uuimal avec assez d’adresse pour que toute l’assemblée pût y goûter. Le Jtoman de Lancelot, dans un repas qu’il suppose donné par le roi Arthur aux chevaliers de la Tabla ronde, représente le monarque découpant lui-même le paon, et il le loue d’avoir fait si habilement la distribution des morceaux, que cent cinquante convives, qui assistaient au festin, furent tous satisfaits.

Vœu du paon. Souvent, avant de découper le paon, le chevalier se levait et prononçait un vœu d’audace ou d’amour, qu’on appelait vœu du paon et qui augmentait encure ta solennité du festin ; par exemple, il faisait la serment, la main sur le plat, soit de planter le premier son ètenuard sur telle ville qu’on allait assiéger, soit de porter à l’ennemi le premier coup de lance, etc. La formule sacramentelle du serment était celle-ci : Je noue à Pieu, à la sainte Vierge, aux dames et au paon de faire telle ou telle chose. Puis chacun à son tour, en recevant son morceau, faisait son vœu du paon, dont l’inexécution aurait entraîne une tache sur son éousson.

Le paon blanc était surtout recherché au ’ moyen âge, comme le prouve la lettre sut-'