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plus curieux du poème, la fameuse partie d’échecs où Charlot, fils de Charlemagne, tue Beaudoin, fils d’Ogier, d’un coup d’échiquier sur la tête. Ogier, au retour d’une chasse, apprend ce bel exploit et veut assommer Charlot, mais l’empereur l’exile. Le paladin tire son épée, et c’en était fait de Charles si les douze pairs ne lui eussent fait un rempart de leurs corps. Forcé de fuir, le héros va demander asile au roi de Pavie, Didier, qui lui donne le commandement de son armée. Charlemagne envoie défier ce monarque, puis se met en campagne et lui livre une grande bataille dans les environs d’Aoste. Ogier, contraint de battre en retraite et serré de près, va frapper aux portes de Pavie ; mais Didier, tremblant, défend qu’on les lui ouvre. Ogier fuit dans les montagnes, au galop de son bon destrier Broiefort. Les Français le poursuivent avec ardeur ; enfin il arrive à Castelfort, où il se renferme et où Charlemagne vient l’assiéger. Le siège dure sept ans ; au bout de sept années, Ogier le Danois a vu tous ses chevaliers périr autour de lui ; il reste seul. Usant de stratagème, il taille dans le bois des figures de chevaliers armés de pied en cap et les place derrière les créneaux ; les assiégeants, frappés de stupeur, croient que l’enfer se charge de remplacer les amis d’Ogier à mesure qu’ils meurent. Ogier, cependant, se résout à sortir de Castelfort ; il traverse le camp pendant la nuit, parvient à la tente de Charlot, lance son épieu dans un lit où il croit son ennemi couché, puis, se réjouissant à haute voix de sa vengeance, éveille l’armée, défie Charlemagne et disparaît dans les ténèbres. On le poursuit furieusement sans pouvoir l’atteindre. Un jour pourtant, comme il dormait, dépouillé de son armure, auprès d’une fontaine, l’archevêque Turpin, qui passait par là, reconnut le terrible adversaire de l’empereur. Le bon prélat maudit d’abord cette fatale rencontre qui l’obligeait, pour être fidèle à son serment, d’affronter l’épée redoutable du héros ou de profiter de son sommeil pour le charger de chaînes. Il ordonne à ses gens d’enlever à Ogier son heaume, son écu, son haubert et sa bonne épée Courtain ; cela fait, on se jette sur le dormeur, on lui lie pieds et poings et on le porte à Reims dans un chariot. Charlemagne veut lui faire subir la mort la plus cruelle ; mais Charlot, qui n’a pas été tué comme le croyait Ogier, et Turpin intercèdent pour lui ; Ogier est seulement enfermé dans un cachot, sous la garde de l’archevêque. C’est là qu’il aurait fini ses jours, si la nouvelle de sa mort ne s’était répandue chez les nations païennes. Un de leurs chefs, Braihier, envahit le royaume des Francs à la tête de 400,000 Africains et Saxons. De l’avis de tous, il n’est en France qu’un homme capable de lutter contre le formidable guerrier, qui, haut de dix-sept pieds, est doué d’une force extraordinaire ; cet homme, c’est Ogier le Danois. Charlemagne le fait sortir de prison ; Ogier, implacable, demande, avant tout, qu’on lui livre Charlot, l’assassin de son fils ; l’empereur se résigne. Charlot, après avoir reçu la communion, est amené devant le père, en présence de toute l’armée ; heureusement, un miracle se fait. Saint Michel descend du ciel et interdit à Ogier de frapper l’enfant. Après cet épisode, l’un des plus remarquables du poëme, se livre le grand combat d’Ogier contre le géant sarrasin, qui finit par être vaincu et mis à mort.

La chanson de geste d’Ogier le Danois a joui d’une telle popularité qu’on l’a remaniée, dans tous les siècles suivants, pour lui donner une saveur nouvelle. Le texte original, ou du moins le plus ancien, celui de Raimbert de Paris, est en vers de dix pieds ; mais il y en a des imitations en alexandrins écrits en d’autres dialectes. On en a même fait, au xve siècle, des espèces de paraphrases en prose. Le trouvère Adenès a composé sur le même personnage une autre chanson de geste du même cycle, les Enfances Ogier.


OGIÈRE s. f. (o-jiè-re). Bot. Genre de plantes, de la famille des composées, tribu des sénécionées, comprenant plusieurs espèces qui croissent dans l’Amérique tropicale. || Syn. d’EUXÉMIE.

OGIF, fVE adj. (o-jifl", i-ve —. rad. ogive). Qui est fait en ogive : Les arcs surhausses en général, et en particulier l’arc ogifJ sont ceux de itfus qui offrent le plus de stabilité. (Gourlier.) Il Peu usité,

OfilLBY ou OGILVY (Jean), littérateur écossais, né à Édimbourg en 1600, mort k Londres en 1676. Doué d’une grande vivacité d’intelligence, d’un caractère industrieux et entreprenant, d’une bonne humeur inaltérable, il dut à ces dons de nature d’acquérir, non sans difficulté, une position et une assez grande notoriété. Il commença par être maître de danse, obtint une grande vogue et put racheter la liberté de sou père, qui était emprisonné pour dettes. Le comte de Stafford, frappé de sa souplesse d’esprit, en fit son secrétaire, l’employa comme maître k danser, le mit au nombre de ses gardes à cheval, le nomma maître des divertissements en Irlande et lui fournit l’argent nécessaire pour ouvrir un théâtre à Dublin. L’entreprise u’Ogilby réussissait lorsque la rébellion de 1041 causa sa ruine. Manquant de tout, excepté de couriigo, il se rendit k Londres et, de là, k Cambridge, où, grâce à quelques étudiants, il put compléter, k l'âge de qua 1

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rante-sept ans, son éducation classique à peine ébauchée. Une traduction en vers de Virgile, qu’il publia en 1650, obtint beaucoup • de succès et le décida à apprendre le grec pour pouvoir traduire Homère. C’est ainsi qu’il lit paraître en 1660 l’Iliade et en 1665 l’Odyssée. Chargé, en 1661, de diriger la partie poétique des fêtes pour le couronnement de Charles II, il s’en acquitta si habilement que ce roi le nomma, l’année suivante, maître des divertissements en Irlande. Il fit construire k Dublin un nouveau théâtre, mais' ne tarda point à revenir à Londres, où un incendie brûla sa maison et causa encore une fois sa ruine. Sans se laisser abattre, il fit des traductions, des poèmes, rebâtit sa maison, y fonda une imprimerie, obtint les titres d’imprimeur cosmographe et géographe du roi et mit au jour des ouvrages imprimés avec un grand luxe typographique et ornés de gravures par Dollar et d’autres artistes distingués. Outre les traductions précitées, on a de lui : Portrait d’un cavalier, facétie en vers ; les Fables d’Ésope paraphrasées en vers (1641) ; la Matrone d’Éphèse et l’Esclave romain, poiiines héroïques ; Histoire de la Chine, compilation d’après Dapper (1067-1671, 2 vol, in-12) ; VAfrique ou Description de l’Égypte, de la Barbarie et de l’Ethiopie (1670, in-fol.) ; Description de l’Amérique (1671, in-fol.) ; le Guide du voyageur (1671, in-fol.) ; Descriptio géographica et historica regni Anglis etprinuipatus Wallim (1675, in-fol.), etc.

OGILV1E (Jean), littérateur écossais, né en 1733, mort en 1814. Il se fit remarquer de bonne heure par son talent poétique et remplit, de 1759 jusqu’à sa mort, des fonctions pastorales à Midmar, dans le comté d’Aberdeen. Ses principaux ouvrages sont : le Jour du jugement, poëme (1759) ; Poèmes sur diverssujels (1762) ; la Providence, poème (1764) ; Sermons (1767) ; la' Paradis, poème (1769) ; Observations philosophiques et critiques sur la composition (1774, 2 vol. in-8°) ; Jlecherches sur les causes de l’incrédulité et du scepticisme (1783) ; la Théologie de Platon (1793, in-8°) ; Dritannia, poëmeépique (1801), etc.

OC1NSKI (Michel-Casimir), grand général de Lithuanie, né en 1731, mort k Varsovie en 1803. Il remplit diverses fonctions, notamment celles de grand général de Lithuanie, employa ses immenses richesses à protéger les artistes et les savants, et il vivait en prince souverain dans son châteaa de Slonim lorsque eurent lieu les événements de 1771. Mis k la tête de la confédération lithuanienne, il obtint d’abord des succès sur les Russes, fut ensuite battu, vit confisquer ses biens, dut s’expatrier et ne rentra dans sa patrie qu’après le démembrement de la Pologne. A partir de ce moment, il vécut complètement dans la retraite. Il consacra une partie de la fortune qui lui avait été rendue à faire creuser un canal qui mit en communication la Baltique et la iner Noire et laissa à son neveu, Michel-Cléophas, le reste de ce qu’il possédait. Oginski cultivait avec succès la peinture et la musique. L’encyclopédie de Diderot, k l’article Harpe, lui attribue l’invention des pédales ajoutées à cet instrument.

OGINSKI (Michel-Cléophas), homme politique et compositeur polonais, neveu du précédent, né à Guzow, ancien palatinat de

Rawu, en 1765, mort à Florence en 1833. Fils d’André Oginski, sénateur palatin de Troki, ni entra lui-même, dès l'âge de dix-neuf ans, dans la carrière politique. Après avoir été nonce représentant à la diète, porte-glaive de Lithuanie, membre de la chambre des finances, en 1790 envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire en Hollunde, et chargé d’une mission particulière en Angleterre par la diète constituante, il revint k Varsovie en 1792. Après la réussite du complot de Targowiça, Oginski se rendit k Saint-Pétersbourg pour réclamer la levée du séquestre qu’on avait mis sur ses biens, puis accepta re poste de grand trésorier de Lithuanie ; mais quand Kosciusko leva contre les Russes l’étendard de l’indépendance nationale (1794), Oginski se mit k la tête d’un Corps de chasseurs équipé à ses frais. Obligé, après fa défaite de Kosciusko, de chercher un refuge il l’étranger, il séjourna à Venise, puis k Paris k différentes reprises. À la fin de 1795, il fut chargé par le comité national polonais de Paris d’une mission en Turquie, d’où il revint au commencement de 1797. Bientôt, toutefois, désespérant de l’avenir de sou pays, il sollicita son amnistie de l’empereur Alexandre, qui la lui accorda. Après la paix de ïilsitt et la création du grand-duché de Varsovie, il retourna en Italie et en France. Rentré en Lithuanie, il voulut renoncer aux affaires publiques ; mais, invité par ses compatriotes à leur servir d’intermédiaire et à plaider leur cause auprès d’Alexandre, Oginski partit pour Saint-Pétersbourg, où il resta jusqu’après 1812 avec le titre de sénateur russe, comptant du reste sur les promesses solennelles du czar de se déclarer roi de Pologne aussitôt la paix faite en Europe. Les événements qui suivirent cette paix le décidèrent à émigrer volontairement. Retiré h Florence, il rédigea ses intéressants Mémoires sur la Pologne et les Polonais, depuis nss jusqu’à la fin de 1815, et mourut dans cette ville k l'âge do soixante-huit ans.

Oginski n’était pas seulement un homme politique et un patriote, c’était aussi un musicien distingué, 11 acquit un grand renom

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par ses Polonaises, fort recherchées en Allemagne et en Angleterre, et qu’on regarde comme des chefs-d'œuvre. On lui doit aussi quelques recueils de ravissantes mélodies sur des paroles françaises et italiennes. Certains récits romanesques qui ont circulé sur Oginski au sujet de la composition de ses polonaises doivent être considérés comme entièrement apocryphes.

OGIVAL, ALE adj. (o-ji-val, a-le — rad. ogive). Archit. Qui appartient à l’ogive ; qui est caractérisé par 1 ogive : Arcs ogivaux. Cloître ogival. Architecture ogivale. Le style ogival a été une ceuvre progressive, lente, de facultés collectives. (D. Ramée.)

— Diplomatiq. Sceau ogival, Sceau de forme allongée, terminé par deux angles courbes.

— Archit. Le style ogival, improprement appelé gothique, car les Goths n’y furent pour rien, régna de la fin du sue siècle au commencement du xvie siècle. Il est caractérisé par l’emploi systématique de l’ogive, c’est-à-dire par la substitution de l’arc en tiers-point au plein cintre roman ; mais il subit pendant sa durée des modifications qui ont fait diviser son règne en trois époques : période primitive ou période du style à lancette ; période secondaire ou période de l’ogival rayonnant ; période tertiaire ou période de l’ogival flamboyant, ou du gothique fleuri. Comment une révolution architecturale qui prit naissance en 1266 et se dève ;- loppa au xme siècle fut-elle appelée gothique, c’est ce qu’on ne peut guère s’expliquer, les Goths ayant disparu do l’Italie au vi° siècle et, de 1 Espagne comme de la Gaule, au vme siècle. Peut-être Palladio et les autres architectes du xve siècle, qui donnèrent au style ogival ce nom de style gothique entendaient-ils par là que ce style comparé au style grec et romain était barbare, et 1 on aura pris k la lettre ce qui chez eux n’était qu’une métaphore.

Le style ogival est la plus mystique et la plus complète expression du catholicisme chrétien ; son caractère se manifeste dans l’élancement indéfini des voûtes et des colonnades, par la prééminence de la ligne verticale sur la ligne horizontale, par la hardiesse de formes sans précédent jusqu’alors en architecture, par la richesse des ornements et des sculptures symboliques, enfin par tout ce qui peut saisir l’esprit d’une sainte terreur et le pénétrer d’étonnement et d’admiration. Ce style est tout entier, mais k divers points de développement, dans les immenses nefs de Strasbourg, de Reims, de Cologne, d’Amiens, de Fribourg. Nous allons successivement passer en revue ses trois époques.

Période primitive. La révolution artistique de la fin du xiio siècle ne modifia que peu k peu les principales conditions architectoniques qui caractérisaient la période précédente, c’est-k-dire le style roman. Le plan des églises fut ce qui changea en premier ; le choeur s’aliongea, les collatéraux se développèrent autour du sanctuaire et se peuplèrent de chapelles. À l’extérieur, l’aspect du monument fut transformé par l’introduction des arcs-boutants qui, projetés hardiment en l’air, s’appuyaient d’un côté sur les contre-forts des collatéraux et allaient de l’autre soutenir les murs du grand comble. « Du moment, dit M. de Caumont, que les arcs-boutants formèrent des arcades aériennes, les contre-forts s’élevèrent comme des tours au-dessus des toits des ailes. On les couronna de clochetons tantôt carrés, tantôt octogones, quelquefois d’un fronton aigu ou d’un toit k double égout. Sur les pieds-droits de ces contre-forts pyramidaux on pratiqua des niches garnies de colonnes dans lesquelles on plaça des statues. » Ces dentelles lapidaires, qui se découpaient sous les cieux brumeux de la Gaule et de la Germanie, n’étaient pas de pures fantaisies architecturales ; comme arcsboutants, elles concouraient k la solidité de l’édifice ; comme aqueducs, "elles servaient k l’écoulement des eaux pluviales du grand comble, que vomissent au delà des murs les gueules grimaçantes des figures de gargouilles. ■ 11 faut avoir examiné nos belles églises du xiii6 siècle pour se rendre compte de l’effet des arcs-boutants et des contre-forts pyramidaux, dit un archéologue de Rouen. Dans les édifices les plus élevés, chaque contre-fort supporte jusqu’k trois arcs, projetés les uns au-dessus des autres avec une hardiesse surprenante et une apparence téméraire (exemple, la nef de la cathédrale de Bayeux). »

Le xni» siècle introduisit une naïve et exquise décoration architectonique. Plus de ressouvenirs gauches et maladroits de l’ornementation byzantine et de la flore orientale ; c’est la végétation des vallées de la Seine et de la Loire, des forêts teutones et des bords du Rhin, qui vient, docile, s’enrouler autour des chapiteaux. La feuille de vigne, la feuille de chêne, la feuille du rosier, la feuille du saule, la feuille du fraisier, celle du nonufar, s’étalent gracieusement k la cime des chapiteaux du xiii* siècle, artistiquement disposées et découpées dans le style ornemental de l’acanthe classique. L’entablement ne fut pas moins modifié que l’ornementation. On ajouta les balustrades, on couronna les corniches avec des rampes en pierre. Les balustrades sont portées sur des arcs ogivaux ou sur des arcs trilobés avec ou sans colonnes. Voici le lieu de parler des colonnes. Elles s’allongent,

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s’amincissent, s’immatérialisent ; poëmes de pierre ou plutôt prières lapidaires, elles tendent au ciel, se dégageant presque de la matière. Artifice ingénieux des maîtres maçons, grands hommes humbles et inconnus, ces minces colonnettes, prodigieusement hautes, sont liées en faisceau et déguisent ainsi la lourdeur du pilastre autour duquel elles montent dans leur jet sublime, recevant les arceaux des voûtes en plein ciel bleu étoile d’or. Quelquefois ces coionnettes sont détachées ; le fût n’est parfois que d’un seul morceau ; dans tous les cas il a fallu, pour obtenir quelque solidité, se servir de très-grandes pièces ; les chapiteaux de ces petites colonnes sont d’une grâce exquise, légère couronne à ces légers monuments ; ce sont les feuillages, les fleurs dont nous avons parlé plus haut. Les colonnes du chœur gardent le diamètre des colonnes romanes ; leur base est caractéristique ; le tore inférieur est très-évasé par rarjport au tore supérieur, et la scotie qui les sépare l’un de l’autre est creusée de telle sorte qu’elle forme une sorte de petit canal au pied de la colonne. Les fenêtres sont étroites et en forme de fer de lance ; cette particularité a valu à la période qui nous occupe le nom de période du style k lancette, que lui donnent quelques archéologues. Les lancettes sont tantôt isolées, tantôt réunies deux k deux dans une arcade principale.À côté s’ouvrentles roses, qui n’atteindront leur épanouissement complet qu’au xivo siècle. En attendant, nous avons des roses en façon de roue, ou formées d’ogives trilobées, de rosaces, de trèfles, etc., qu’on voit généralement au chevet étinceler au-dessus de deux lancettes. Pour ce qui est des portes, les voussures sont garnies simplement de tores, et les parois des colonnes sont vides de statues. • Dans les grandes églises, des statues entées sur les colonnes garnissent les parois latérales des portes. Des vous-sures sont ornées de petites figures, des basreliefs plus ou moins compliqués occupent la tympan. • (Caumont.) Trois portes s’ouvrent (l’ordinaire au milieu des façades des grandes églises, sans compter parfois (kCoutances, par exemple) deux portes sous les tours, et les portails latéraux, très-ornés souvent et très-înagniiiques. Les figures qui ornent ces portes se présentent dans un ordre hiératiquement régulier ; leur énumération, leur explication rentrent dans la symbolique chrétienne, science curieuse s’il en est. Passons k la voûte, sujet d’étonnement et d’admiration. C’est dans la construction de la voûte que les architectes du xino siècle ont montré le plus d’habileté. « 11 y a, dit M. de Caumont, des voûtes qui n’ont que 6 pouces d’épaisseur et qui sont jetées d’un mur k l’autre k plus de 100 pieds d’élévation, avec une hardiesse admirable ; jamais elles ne sont faites enjpierre de taille, mais en petites pierres mêlées avec beaucoup de mortier ; et cependant, ces voûtes si faibles en apparence, ont une telle solidité, qu’elles résistent, après des siècles, aux efforts des hommes et des éléments. Les arceaux des voûtes en ogive sont croisés, comme ceux des voûtes ù plein cintre ; quelques-uns sont parallèles entre eux et traversent les nefs en ligne droite. Tous viennent se réunir et s’appuyer sur les inassifsqui séparent lesfenêtres. La science de ces maîtres maçons lit la voûte ; leur génie fit la tour. Percées de fenêtres en fer de lance, les tours offrent une base carrée k une pyramide octogone qui vient s’asseoir dessus, ménageant quatre angles k l’assiettô de quatre clochetons, et perce le ciel de sa pointe. Parfois, k Notre-Dame de Paris, la pyramide octogone manque. Dans cette période primitive du style ogival, la statuaire n’est que l’humble servante de l’architecture : Ecce ancilla architecture. Timides et gauches, les roides figures sculptées son t enveloppées avec pudeur de sévères draperies ; notons en passant que cette pudeur s’allié parfaitement k un cynisme effroyable ; au lieu de modeler ou même de déguiser chastement de belles formes humaines, ces draperies semblent vêtir de vraies bûches et non point des êtres organisés. Les Grecs sentaient et comprenaient admirablement la forme humaine ; ils savaient que ie beau et le bien sont indissolublement liés ; les chrétiens du moyen âge avaient peur du beau ; ils tombèrent dans 1 obscène.

L’art ogival primitif a ses caractères dans l’architecture des tombeaux comme dans celle des églises : tombeaux avec arcades adossés aux murs des églises, tombeaux isolés, dalles tombales que foulent aux pieds les fidèles, dans les églises ; ils offrent tous la figure du mort, qui est couché, les bras en croix, dans l’attente paisible du jugement ; le chien dort paisiblement k ses pieds ; évêque, le mort a la crosse ; chevalier, il a l’épée.

Période secondaire. Cette période est aussi appelée celle du style ogival rayonnant ; elle ne dure qu’un siècle, de 1300 à 1400. Rien de précis d’ailleurs dans ces dates ; les transformations artistiques sont lentes et presquo continues. Ceci dit, essayons de préciser les changements qu’apporta le xive siècle dans l’art architectural, et d’abord dans la forme des églises : il ajouta un rang do chapelles le long de chacun des bas côtés do la nef ; la période précédente n’en avait développé qu’autour de l’abside. Les églises du xiv<s siècle présentent, curieuse particularité, une légère déviation de l’axe du chœur par rapport à celui do la nef ; on suppose que, ia forme des églises étant toujours celle de la