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mise dans le feuillage confus des arbres, par la manière dont elle a tacheté les granits, panaché le jaspo, orné los marbres de yesnes irrégulières et de touches imprévues de couleur, elle a donné de charmants modèles de la confusion décorative.

À ces principes de l’ornementation se rattachent des éléments secondaires qui en dérivent et qui, venant multiplier encore les ressources du décorateur, lui permettent do varier ses combinaisons à l’infini. À la répétion se rattache la consonnanoo, qui est un rappel de la forme ou de la couleur dominante ; à l’alternance, le contraste, qui oppose la couleur la plus claire à la couleur la plus sombre, la forme rectiligne à la forme sinueuse ; à la symétrie, le rayonnement, qui lait converger vers un point central les raotits de l’ornementation ; à la progression, la gradation, qui fait succéder k un ornement celui qui s’en rapproche le plus par la forme ou la couleur ; k la confusion, la complication, qui est, pour ainsi dire, une manière savante et piquante d’entremêler les motifs d ornementation. Le style ornemental des Arabes, ce style qui a créé des merveilles dans les mosquées et les maisons du Caire et dans les palais mauresques de l’Espagne, a été inventé par le génie de la complication ; mais comme cette complication est engendrée d’ordinaire par un enchevêtrement de figures

géométriques, elle cache une régularité qui permet de débrouiller l’énigme. Quelquefois, une étoile peu apparente se répète dans l’ornement, acecompagnée d’étoiles plus petites ; mais alors on finit par la distinguer à travers , un dédale do courbes interrompues et de lignes brisées. Quelquefois, c’est un polygone dont tous les côtés sont les cordes dun cercle que le dessinateur a fait disparaître après l’avoir tracé, et alors les rayons, se coupant à la circonférence sur des points marqués par le compas, se dispersent avec ordre et vont se briser encore un peu plus loin pour former des polygones moindres, soudes entre eux par d’invisibles trapèzes, de sorte que, au moyen de détours et de retours prévus, tous ces rayons divergents finissent par se résoudre en de nouvelles convergences. Mais lorsque la surface, ornée selon le goût arabe, n’offre aucun motif dominant, indique par son isolement ou par sa couleur, le spectateur n’a plus devant lui qu’un assemblage régulièrement confus de triangles, de losanges, de roues, de demi-lunes, de trèiles, (le pentagones imparfaits, de méandres inachevés, qui se pénètrent, se coupent, se rachètent, se correspondent, se rapprochent pour se fuir, et se touchent un instant pour s’éloigner aussitôt et se dissoudre dans un labyrinthe sans issue et sans fin. Les Arabes ont ainsi réalisé l’étrange phénomène qui consiste a produire un désordre apparent avec l’ordre le plus rigoureux : la trame de leurs ornements procure ainsi k l’esprit le plaisir d’être vivement intrigué et le plaisir de dénouer 1 intrigue.

À ces considérations esthétiques nous voudrions pouvoir joindre un historique de l’ornementation, mais ce sujet nous entraînerait

beaucoup trop loin ; nous nous bornerons a signaler quelques-uns des ornements qui ont otnl.e P en faveur chez différents peuples. Chez les Égyptiens, les principaux motifs de décoration sont : le globe ailé, entouré de uraeus, des fers de lance, des anneaux, des étoiles, des disques, des tètes de lion et d’autres animaux, des scarabées, des oiseaux, des Heurs et des tiges de lotus, des palmes, des yeux, des croix, des sphinx et d’autres figures chimériques (celle qu’on rencontre le plus Irequemmentdans l’ornementation des chapiteaux, représente le monstre Typhon, dont le menton et les pendantes bajoues rejoignent lu ventre énorme). Les hiéroglyphes (v. ce mot) jouent aussi un très-grand rôle dans 1 ornementation égyptienne.

Les ornements employés par les Grecs se

— istinguent par leur excellent goût, la pureté de leurs formes et l’harmonie de leurs combinaisons. La plupart de ceux qui figurent

dans leurs édifices ont été adoptés par les modernes et sont devenus classiques- on trouvera des indications a leur sujet aux

mots CHAPITEAU, TRIGLYPHE, MÉTOPE, ENTA-BLEMENT, COLONNE, CARIATIDES, MOSAÏQUES

FRISES, etc.

Les Romains employèrent les ornements a architecture inventés par les Grecs, mais en leur faisant subir certaines altérations résultant généralement d’une exagération de richesse. Ils déployèrent aussi un luxe excessif dans les peintures dont ils décorèrent les murailles de leurs édifices publics et de leurs habitations particulières. On peut en juger d après ce qui subsiste à Pompéi. Les maisons les plus humbles sont ornées k l’intérieur « arabesques, de guirlandes de fleurs et do fruits, de frises où figurent des masques, des instruments de musique, des vases, des oiseaux, des paysages, etc. Ces sujets sont peints sur des fonds rouges, noirs, jaunes bleus ou verts, appliqués à fresque sur toute la sur lace des murs. Dans beaucoup d’édifices, les pavés sont ornés de mosaïquesquelques-unes offrent des compositions coloriées ; un plus grand nombre se composent de cubes de marbre blanc et noir, formant des labyrinthes ou d autres motifs plus ou moins élégants encadrés par des grecques. Ce goût de décoration se répandit de bonne heure dans toutes lus provinces de l’empire. Lucien, dé ORNE

crivant un appartement, nous apprend que le plafond étaitornéd’étoilesd’or, etcompareles murailles à une prairie émaillée de iieurs, à un printemps perpétuel. Ce luxe effréné causait des regrets à Pline l’Ancien, qui craignait avec raison que le grand art n’en souffrît.

Le moyen âge, qui, k d’autres points de vue, fut un temps d’ignorance, de grossièreté et de misère, vit la même prodigalité d’ornementation se déployer dans les palais, dans les églises, dans les objets destinés au culte, dans le mobilier des grands personnages et jusque dans les manuscrits.

L’ornementation architecturale fut très-riche dans les édifices élevés par l’école byzantine. En Occident, la période romane perpétua, mais en les abâtardissant, les motifs de l’art romain. Ce n’est guère qu’à la fin du xi<> siècle que la sculpture d’ornement commença à présenter des formes originales. Aux ornements empruntés précédemment à une flore de convention, ou à des combinaisons géométriques des plus mesquines, les artistes de l’ère ogivale substituèrent des motifs tirés de la nature elle-même, composés avec grâce et délicatesse et exécutés avec une largeur surprenante (v. bandkau, chapiteau, clef, corniche, cul-de-i.ampk, etc.). Des animaux fantastiques se mêlent fréquemment aux plantes, aux feuillages variés, aux ffeurs et aux fruits imités avec vérité ; mais, suivant la remarque de M. Viollet-le-Duo, «cette faune inn : ; uirelle possède son anatomie bien carac" térisée, qui lui donne une apparence do réalité ; on croirait voir, dans ces bestiaires de pierre, une création perdue, mais procédant avec la logique imposée k toutes les productions naturelles. ■ Les sculpteurs du xmc siècle ont produit en ce genre des œuvres d’art d’une incontestable valeur. Ce siècle vit s’épanouir avec une puissance extraordinaire la sculpture d’ornement. Les frises, les chapiteaux, les bandeaux, les rosaces, au lieu d’être composés suivant un principe monumental, ne sont bientôt plus que des formes architectoniques sur lesquelles le sculpteur semble appliquer des feuillages ou des fleurs. Au xv<* siècle, l’ornementation architecturale devient véritablement touffue et se corrompt, d’ailleurs, par l’exagération même de son luxe. La Renaissance ramena un goût plus pur, plus élégant, plus délicat, et produisit des ornements d’une légèreté étonnante, d’une fantaisie exquise.

Les divers arts industriels, l’orfèvrerie, la céramique, l’émaillerie, la serrurerie, la fabrication des tissus, etc., suivirent la sculpture dans les transformations ornementales que nous venons d’indiquer. On trouvera, à cet égard, des renseignements particuliers à chacun de ces arts dans les articles spéciaux que nous leur consacrons. V. surtout le mot orfèvrerie.

11 faudrait un gros livre pour décrire les plus remarquables conceptions de l’ornementation moderne. Il nous suffira de citer quelques-unes des estampes où ont été fixés les caprices imaginés par les maîtres les plus renommés.

Les grotesques, les arabesques, dont Raphaël, avec la collaboration de Jean d’Udine.a orné le Vatican et d’autres édifices de Rome, ont été gravés par Marc-Antoine, par le Maître au Dé, par Giov. Ottaviani, par Michèle Lucchese, par F. de Guestiêre et par beaucoup d autres. Des sujets analogues ont été gravés par Z. Andréa. Cherubiuo Alberti a reproduit des ornements de vases d’après Polydore de Caravage et des ornements de couteaux d après Fr. Salviati. Une suite de 20 planches par Adamo Ghisi de Mantoue représente des Mascarons composés par Jules Romain. Galestruzzi a gravé des Trophées de l’invention de Polydore de Caravage. On doit k Stefano délia Bella une foule de planches d’ornements1 (cartouches, écrans, éventails, frises, feuillages et grotesques). Une suite do 32 planches du même genre a été publiée parFilippo Passarini en 1098 ; une autre suite de 12 planches par Nie. Billy, d’après Pietro Cerrini ; 56 plan ! ches (Ornements pour les orfèvres et les joailliers), par Gio.-B. Constantino ; 4 pièces par Camoccio ; i planches de Trophées, par B Bossi (1771) ; des Décorations de théâtre, par L. Bonomi et par Bufalini, d’après Girolamo Fontana, et parBonavera, d’aprèsDom. Mauro Parmi les estampes publiées en Allemagne et dans les Pays-Bas, nous mentionnerons • des Ornements pour tes orfêures et les bijoutiers, par IX Mignot (1593), Altdorfer, Aldgrever, Binck, Burgkmair, Abraham et Nicolas de Bruyn, Melchior Lorcb J. Hamas, J.-G. Haid, Max. Limpach (d’après Girardim), A. Luining (1589), Martin SchOn

Lsaïas van Hulsen, A. Hirschvogel (1543-1544), etc. ; divers Ornements pour vases, pour armoiries, pour cadrans, pour serrurerie etc par Johann Barra, H.-S. Beham, W. Hollar (d après Holbein), P. Flindt (1594), Th. van Kessel, J.-J. Bendl, Daniel Boutemie Mathias Beut ler (1614), Daniel Hopfer, Alaert Claas, P. Noliuk, Israël van Mechenen, lacob-de Gheyn le vieux, W. Dietterlin, Théodore de Bry, Bernard Lens le vieux, Houbraken, Fr. Brun (1596), Hieronymus Bane-, Hieronymus Cock, etc.

En Franco, nous signalerons ; les compositions gravées par Gérard Audran (30 pi. de Corniches, d’après G. Charmeton), Fr. Langlois (34 pi. d’Animaux et Trophées), Noël Uarmer (Animaux et Fleurs fantastiques) H. Leroy (Ornements d’orfèvrerie), V Je

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Fèvre (Ornements d’orfèvrerie), Nie. Chevalier (Ornements d’orfèvrerie), P. Lombart (Ornements d’orfèvrerie), Pierre Marchant (Ornements d’orfèvrerie), R. Boyvin (Ornements d’orfèvrerie), Androuet du Cerceau (Ornements d’orfèvrerie), J.-F. Forty (Ornements d’orfèvrerie), P.-E. Babel (Ornements d orfèvrerie, d’après Maria), G. Huquier le père et B. Audran (Orfèvrerie d’église, d’après J.-A. Meissonnier), Paul de La Houe (Bijoux), Sim. Gribelin (Bijoux), J. Bérain (Ornements pour plafonds, trumeaux, orfèvrerie, serrurerie, etc.), J.-F. Bernard (Sujets chinois pour tapisseries, d’après Bérain), Mathurin Breton (Modèles pour les serrures) D. Marot (Portes et Cheminées), Al. Loir (Ornements divers, N. Loir), J.-B. Corneille (50 feuilles de dessins pour les menuisiers), Chauvel de Cantpré (Frises), G. Audran (Fontaines et Frises, d’après Ch. Le Brun), le comte do Caylus (un dessin de clavecin, d’après Watteau), J.-F. Boucher (S pi. de Vases et s pi. de Tombeaux), J.-L. Bojan (Cheminées, d’après J. Bérain), J.-G. Huquier (Vases et Jlocaitles, d’après J. de La Jone, d’après Bouchardon ; Trophées, d’après Watteau), Fr. Janinet (Rosaces), Hon. Blanchard (Vases, l’êtes et Afascarons, d’après B. Toro), Niodot (49 pi. de Vases), J. Houdan (12 pi. de Vases), J. Beauvais (18 pi. de Vases), C.-L. Benoist (6 pi. de Trophées, d’après J. Vivarès), Bellay (4 livres de Panneaux), Fr. Cuviller (1 livre de Panneaux), Fraisse (livre d’Ornements chinois), Chédel (livre d’Ornements pour décoration de salle à manger, d’après J.-A. Meissonnier), Cauvet (Recueil d’ornements à l’usage des jeunes artistes, 1777), Ant. Billy (Mosaïques, d’après Casanova), Mat. Liart (Meubles), J.-G. Huquier (Fleurs chinoises, diaprés Peyrotte ; Ecrans, d’après Watteau, d après J. de La Jone ; Décorations d’appartement, d’après Oppenord, etc.), Antoine Aveline (Livre de formes rocaille, trophées, cartels, figures et ornements, 1730), Ch. Huet (Arabesques et Figures chinoises), Bouchard (63 pi. do Modèles de tapisserie), Gribhard (Principes d’ornement, lithog.), A. Bernard (Ornements de la Renaissance, 30 pi.), L. Bougon (Ornements et Arabesques sur fond noir et blanc), Blanchard père (Meubles, 20 pi., d’après Binelli), Ch. Heideloff (Ornements du moyen âge, ouvrage composé de 200 pi. reproduisant des modèles choisis parmi les monuments les plus remarquables des écoles romane, byzantine et gothique), Decloux et Doury (Collection des plus belles compositions de Lepautre), Louis Degen (Motifs de décorulion et d’ornement pour les constructions en bois, ouvrage traduit de l’allemand, 48 pi. et un Supplément, composé do 36 pi,), Arnout père (Décorations intérieures, 30 lithogr., d’après Jean Bérain), Petit et Bisiaux (Portefeuille de l’ornemaniste, 50 pi.), G.-G. Ungewitter (Meubles du moyen âge, 48 pi.), Péquégnot (Ornements, Vases, Attributs, Décorations, d’après les anciens maîtres, recueil volumineux et des plus importants), E. Julienne ([’Orfèvrerie française, tes bronzes et la céramique, 48 pi.), Ch. Normand (Vases Louis XVI, 10 pi.), Michel Liénard, Gsell et Rambert (l’Ornementation au xix» siècle, 35 pi.), Bury (Modèles de menuiserie, 12 pi. et Supplément, par Thiollet, composé de 72 pi.) Thiollet (Modèles de serrurerie, 72 pi.), César Daly (Motifs historiques d’architecture et de sculpture d’ornement, recueil de la plus grande importance), Cl. Sauvageot (VArt pour tous, encyclopédie de l’art industriel et décoratif), L. Solon (Inventionsdécoratives, 50 pi. gravées k l’eau-forte), R. Pfnor (Architecture, décoration et ameublement de l’époque Louis 'XVI, 50 pi.), Jules Bourgoin (les Arts arabes, 100 pi.), Léon Parvillée (Architecture et décoration turque au xv° siècle, 50 pi.), Queverdo (Décorations intérieures de l’époque Louis XVI, 20 pi.), Léon Feuchère (l’Art industriel, recueil de dispositions et décorations intérieures, «omprenant des modèles pour tous les détails d’ameublement et de luxe 85 pi. gravées par Varin), L. Adams (Décorations intérieures et Meubles des époques Louis XIII et Louis XIV, reproduits d’après Crispin de Passe, L. Vredeman de Vriès, Séb. Serlio, Bérain, Jean Marot, etc., 100 pi.), Ch. Matthieu (Ornements des manuscrits, avec texte par F. Denis), Léon Grancherel (Exemples de décoration appliquée à l’architecture et à la peinture, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, 120 pi.), G. Adams (Recueil de sculptures gothiques, 192, pi.), Charles Schlodhaner (Éléments de bijouterie et de joaillerie, 48 pi. chromolithogr., par Ch. Matthieu), Louis Cadorin (Études historiques et pratiques d’architecture et d’ornement appliqués principalement à la confection des travaux en terre cuite, 28 pi.), etc.

— Littér. Dans son Discours sur le style, Buffon dit que, pour bien écrire, il faut posséder pleinement son sujet, y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; a et, ajoute-t-il, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que celui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir. C est en cela que consiste la sévérité du style. • Si le précepte formulé dans ces paroles était exactement suivi, il semble que

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tout ornement devrait être banni du style. < Je l’avoue, dit M. Villemain, ce conseil rigoureux et cette image exactement compassée me paraissent mal convenir à la verve de travail qui suit la méditation. Je doute quo 1 auteur luknême, qui donne un semblollo précepte, ait pu s’y conformer toujours ; et j y trouve peut-être la cause de la roideur monotone mêlée parfois à son langage. Exprimer sa pensée, c’est la produire, c’est la sentir dans toute sa force, et, par la même, c est souvent la transformer, la grandir, et non pas seulement colorer d’une teinte visible des caractères rangés dans un ordre immobile. »

Villemain a évidemment raison contre Buffon. Une des qualités los plus précieuses, et nous pourrions dire les plus essentielles du style, c’est la couleur, et cette couleur, qui est son principal ornement, résulte précisément du sentiment qu’a fait naître la méditation du sujet. L’admiration a recours auxhyperboles, la^ haine à la menace età l’ironie ; le plaisir éclato en saillies, la mélancolie poursuit les imagessombres, etc. En ; outro, e t c est une autre source . cl ornements, le style s’assortit au sujet que 1 on traite. S’il appartient au domaine exclusif do la raison, le style est, en effet, sévère et méthodique ; mais s’il appartient il l’imagination, le style devient varié, ingénieux, brillant, plein d’allusions, d’antithèses, de contrastes. Si le sentiment domine, les apostrophes animées, les exclamations vives, les répétitions énergiques et tous les mouvements du pathétique naissent sous la plume de l’écrivain.

Il est probable, du reste, que Buffon a exagéré sa pensée pour la faire valoir, et qu’il a voulu s’élever, non point contre l’usage, mais contre l’abus des ornements. La sobriété excessive du stylo est un vice assez rare et qui touche il de grandes qualités ; l’excessive abondance, la richesse outrée et ridicule est, au contraire, un défaut très-commun, contre lequel Buffon avait toute raison de protester. Il l’a attaqué plusieurs fois en termes éloquents ; mais ses écrits mêmes, sur des sujets qu’on avait jusqu’à lui l’habitude de traiter dans un style sec et nu, prouvent surabondamment qu’il comprenait tout le prix qu’on peut tirer des ornements du style, lorsqu’on en use avec une sage modération et dans les limites imposées par les matières que 1 on traite.

— Mus. Les ornements ou broderies sont des notes qu’on place soit au-dessus, soit au-dessous des Dotes principales, et qu’on appelle soit appoggiature, soit de broderie ou d échappée, qui n’est autre que la broderie •tronquée. La note qui porte le nom d’ornement prend l’un des noms ci-dessus, suivant quelle sépare en deux, qu’elle précède ou qu elle suit la note principale. De 1k Je nom d ornement supérieur ou ornement inférieur, selon le dessus ou le dessous de la note où on le place. S’il appariientau même mode ou au même ton que la note principale qu’il orne, il prend le nom d’ornement diatonique. Aussi, dans ce cas, il exclut tout k fait la modulation qui pourrait changer la tonalité du motif. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l ornement n’appartient pas au ton donné, il prend le nom d’ornement altéré. On comprend que, dans ce dernier cas, la note qui orne la principale se trouve toujours éloignée de cette dernière, plus ou moins, mais jamais do plus d’une seconde majeure. La broderie se fait le plus souvent avec de petites valeurs, mais on peut employer de grandes valeurs dans la broderie simple. Lorsque l’ornement est de longue valeur, il vaut mieux choisir une portée haute pour placer l’ornement, et loin des parties qui accompagnent. On prend toujours l’ornement dans les notes naturelles de la gamme k laquelle appartient l’accord qui les accompagne. Les notes qui ornent peuvent aussi être ornées ; c’est l’ornement de l’ornement. Un ornement très-usité est celui dit appoggiature. L’appoggiature expressive est celle qui prend la pince de la note principale ; elle doit être appuyée par l’exécutant, tandis que l’appoggiature faible n’est jamais accentuée au détriment de la nota principale, mais, au contraire, s’appuie elle-même sur une autre note. Dans tous les cas, un ornement ne prend le nom d’appoggiaturo que lorsqu’on a supprimé la note réelle qui le précède ou le suit. On place généralement ces sortes d’ornement* dans la partie supérieure du chant ; placés dans les parties intermédiaires ou dans la basse, ils peuvent

blesser l’oreille et nuire à la régularité des accords en les défigurant. De tous les ornements, l’échappée est celui que l’on emploie le plus rarement, même de nos jours. L’emploi de cet ornement est excessivement restreint et délicat. Jamais on ne le place aux parties d’accompagnement ; il faut même le placer essentiellement dans les parties prédominantes, et encore ne fait-on usage que do l’échappée supérieure se résolvant sur une note inférieure, mais on n’emploie jumtiis l’échappée inférieure se résolvant sur une nota supérieure. Lichtenthal exprime ainsi son opinion sur les ornements au point de vue do l’harmonie, de la mélodie et aussi k celui de l’exécutant. Les abbellimenti sont, dit-il, des ornements de la mélodie qu’on met au-dessus pu au-dessous des notes avec des signes do convention, ou qu’on place entre elles au moyen do petites notes. Il y en a, eu générât,