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s’y échanger. En même temps, elle est située sur la partie la plus étroite de l’isthme, entre le fleuve d’un côté, les lacs Pontchartrain et Borgne de l’autre ; de sorte que son commerce peut rayonner vers la mer par trois voies. Quand la route des lacs sera utilisée comme elle devrait l’être, la Nouvelle-Orléans jouira de l’immense avantage d’être à la fois port de rivière et port de mer. Le commerce de cette capitale dé ^tats du Sud est immense, et le transport des cotons, des farines, des viandes y occupe un grand nombre de navires à voiles et à vapeur. Les échanges avec Cuba, le Mexique, l’Amérique centrale et la Colombie semblent être tout spécialement destinés à la Nouvelle-Orléans ; son port semble le point obligé où doivent converger tous les navires de la mer des Caraïbes. Cependant la Nouvelle - Orléans fait peu d’affaires avec le Mexique et l’île de Cuba et n’en fait point avec la Colombie et l’Amérique centrale ; elle n’ose faire concurrence à New-York, dont la position est pourtant infiniment moins favorable. L’énergie lui manque pour devenir le trait d’union commercial entre les deux Amériques. Dans un pays comme les États-Unis, où le commerce est si mobile et si facilement influencé par les circonstances extérieures, peu de chose suffirait pour faire de la Nouvelle-Orléans un des trois ou quatre grands

empoiïums du monde ou pour la faire tomber dans une décadence relative. Neuf chemins de fer aboutissent à la Nouvelle-Orléans, soit pour desservir les localités voisines, soit pour entretenir les relations avec le cœur de l’Union. Quinze cents steam-boats font de ce port le but do leurs excursions sur le Mississipi et les affluents ; de nombreuses banques autorisées par l’État ou des banques privées y aident le crédit public ; de grandes compagnies d’assurances couvrent la fortune immobilière des particuliers. Par la voie de mer, le nombre des bâtiments qui viennent apporter les produits étrangers et les produits de l’intérieur à la Nouvelle-Orléans et y prendre des denrées est considérable. La fièvre jaune, qui sévit périodiquement en Louisiane et pour ainsi dire veille à la porte du grand bassin inississipien, est un grand obstacle à la prospérité de la Nouvelle-Orléans et entraîne de singulières fluctuations dans le nombre des habitants d’une saison à l’autre. Quelques mois après avoir eu deux cent mille âmes, souvent la cité n’en contient plus que cent mille, tant la terrible maladie répand d’épouvante.

La Nouvelle-Orléans fut fondée en 1717, sous la régence du duc d’Orléans, dont on lui donna le nom. Elle fut cédée à l’Espagne en 1763, avec le reste de la Louisiane ; mais ce ne fut qu’en 1768 que les Espagnols entreprirent d’en prendre possession. On vit alors leur général, O’Reilly, s’y permettre les actes do violence les plus coupables. Cette ville revint à la France en 1801 ; enfin, en 1803, elle fut remise aux États-Unis. Les Anglais l’attaquèrent en 1814 ; mais ils furent repoussés par les Américains, sous les ordres du général Jackson. Dans la guerre de la sécession, l’État de Louisiane s’étant déclaré pour les confédérés, le 1S avril 1862, une flotte de quarante-cinq navires, portant deux cent quatre-vingts canons, sous les ordres du commodore Farragut, et de vingt et un bateauxmortiers, commandés spécialement par le capitaine David D. Porter, remonta le Mississipi dans le but de s’emparer des fortâ Jackson et Saint-Philippe, situés vis-à-vis l’un de l’autre, à 120 kilom. en aval do la Nouvelle-Orléans. Ces deux ouvrages, d’une grande force, étaient unis par une chaîne jetée à travers lo lit du fleuve. Le bombardement commença le 18 et dura six jours, au bout desquels le commodoro Farragut, ayant réussi à rompre la chaîne, dépassa les forts avec quatorze steamers et canonnières, détruisit une flottille ennemie de canonnières et de bateaux éperonnés, éteignit les batteries élevées en amont des forts et occupa la Nouvelle-Orléans, sans autre opposition, le 25. Le général Mansfield, commandant les troupes confédérées, avait évacué la ville à l’approche de la flotte fédérale, après avoir détruit toutes les provisions de coton, sucre et autres denrées. Les forts Jackson et Saint-Philippe se rendirent, le 23, au capitaine Porter. Le général Butler, se mettant alors en mouvement avec toute son armée, prit officiellement possession de la Nouvelle-Orléans, qu’il déclara immédiatement en état de siège. Les partisans de l’Union, composés surtout d’hommes de couleur, manifestèrent leur vivo sympathie pour l’Union et l’ordre régna aussitôt dans toute la ville. La Nouvelle-Orléans a été la capitale de la Louisiane jusqu’en 1849, époque où Bâton-Rouge l’a remplacée.


ORLÉANS, île de l’Amérique anglaise du Nord, dans le bas Canada. Cette île située dans le fleuve Saint-Laurent, à 8 kilom. N. de Québec, forme un comté. Elle a 36 kilom. de longueur sur 8 de largeur. Son sol fertile est couvert de bois épais et arrosé par le Dauphin ; 4,000 hab. Cette île fut découverte en 1535 par Jacques Cartier.


ORLÉANS (Louis Ier D'), tige de la première maison d’Orléans, deuxième fils de Charles V, né à Paris en 1371, mort en 1407. Connu d’abord sous le nom de comte de Valois, il reçut de son frère Charles VI le duché d’Orléans (1392) et épousa Valentine Visconti, qui lui apporta ses droits sur le Milanais. Lors de la démence du roi, ses oncles, les ducs de Berry et de Bourgogne, s’emparèrent de la régence et écartèrent du pouvoir Louis d’Orléans, dont la vie dissolue et les relations criminelles avec la reine Isabelle étaient un scandale pour l’opinion publique. Mais l’influence de la reine le fit rentrer au conseil (1393), dont il parvint à écarter le duc de Bourgogne. Maître de l’autorité, il dissipa les trésors de l’État d’une manière scandaleuse et écrasa le peuple d’impôts ; il s’empara même des trésors amassés dans la tour du Louvre. Mais le nouveau duc de Bourgogne, Jean sans Peur, vint, aussitôt après la mort de son père, disputer le pouvoir à Louis d’Orléans, qu’il força de fuir à Melun avec la reine (1404). La guerre civile commença à s’organiser entre les factions de Bourgogne et d’Orléans, pour qui la France était une proie. Louis vint camper sous les murs de Paris avec une armée de 20,000 hommes. Une réconciliation menteuse rapprocha un instant les deux adversaires, qui se partagèrent l’autorité et unirent leurs forces contre les Anglais. Mais la haine ne dormit pas longtemps ; elle se réveilla terrible, avivée encore par des paroles outrageantes de Louis. Enfin, le 23 novembre 1407, le duc d’Orléans est assassiné pendant la nuit dans la rue Vieille-du-Temple, au coin de la rue Barbette, par des hommes apostés par le duc de Bourgogne, qui se crut assez sûr de l’opinion pour faire prononcer en pleine Sorbonne l’apologie de ce meurtre. Telle fut l’origine des factions de Bourgogne et d’Armagnac. Louis laissait plusieurs enfants légitimes ou naturels, et, parmi ces derniers, le beau Dunois.


ORLÉANS (Charles D'), fils aîné du précédent et de Valentine de Milan, connu d’abord sous le nom de comte d’Angoulême, né en 1391, mort en 1465. Héritier des haines de son père, il avait, de plus, à venger le meurtre dont celui-ci avait été victime. En 1411, il prit les armes, soutenu par Bernard d’Armagnac, son beau-père, dont le nom servit depuis à désigner la faction d’Orléans. La guerre des deux partis désola la France pendant quatre ans (v. Bourguignons, Armagnacs) ; le roi venait de leur imposer la paix, lorsque Charles d’Orléans fut blessé et fait prisonnier à la bataille d’Azincourt (1415). Il resta pendant vingt-cinq ans prisonnier en Angleterre. Rendu à la liberté (1440), après des démarches sans dignité ni patriotisme, il essaya de faire valoir ses prétentions sur le duché de Milan ; mais il échoua et ne put s’emparer que du comté d’Asti. Il laissa, entre autres enfants, Louis d’Orléans, qui fut depuis roi de France sous le nom de Louis XII. Pendant sa captivité, Charles d’Orléans avait composé des poésies qui ne manquent pas de grâce et de naïveté, mais dont on a exagéré le mérite. Restées longtemps à peu près inconnues, elles ont été révélées par M. Sallier au XVIIIe siècle, publiées à Grenoble (1803) dans une édition défectueuse ; MM. Champollion-Figeac et Guichard les ont publiées de nouveau en 1842 d’après les manuscrits.


ORLÉANS (Louis II, duc d’). V. Louis XII, roi de France.


ORLÉANS (Jean-Baptiste Gaston d’), troisième fils de Henri IV et de Marie de Médicis, frère de Louis XIII, né en 1608. Il fut connu d’abord sous le nom de duc d’Anjou. Gaston, prince d’un esprit médiocre et d’un lâche caractère, se trouva mêlé, sans gloire et sans succès, à tous les troubles qui agitèrent la France pendant le règne de Louis XIII et la minorité de Louis XIV ; il sortit quatre fois du royaume et y rentra quatre fois à main armée. Représentant de la féodalité expirante, il lutta contre le terrible cardinal, mais se couvrit d’opprobre par les lâchetés qu’il commit pendant cette lutte insensée. Une chose qui soulève l’indignation, c’est la facilité avec laquelle il se livrait aux intrigues et aux complots et l’insouciance égoïste et lâche avec laquelle il abandonnait ou livrait ceux qui s’étaient dévoués à sa fortune. D’Ornans, le jeune Chalais, Cinq-Mars, de Thou, Montmorency furent les plus célèbres d’entre ses victimes. Richelieu le maria, en quelque sorte malgré lui, avec Mlle de Montpensier (1626) et lui fit donner en apanage les duchés d’Orléans et de Chartres, le comté de Blois, etc. Resté veuf moins d’un an après, il voulut contracter un second mariage avec Marie de Mantoue, mais le roi et la reine s’y opposèrent. Irrité d’une opposition à laquelle il savait que le cardinal avait la plus grande part, Gaston quitta la cour et se retira dans ses gouvernements, puis en Lorraine (1631), où il contracta un mariage secret avec la princesse Marguerite. Ses armements, ses intrigues avec la reine mère, réfugiée à Bruxelles, ses vaines menaces, ses négociations avec les cours étrangères n’intimidaient pas Richelieu, plus puissant que la famille même du roi, et qui déjà avait frappé les principaux amis et conseillers de Gaston. Celui-ci, après diverses tentatives avortées, entra en négociation avec les Espagnols et le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, et commença la lutte avec des troupes étrangères. Le combat de Castelnaudary renversa tous ses projets ; il fit sa soumission (1632), laissa trancher la tête à Montmorency et, peu après, s’enfuit de nouveau à Bruxelles, où il recommença ses intrigues avec Marie de Médicis. Il se soumit de nouveau en 1635, connut et encouragea le complot du comte de Soissons pour l’assassinat de Richelieu (1636) et joua un rôle militaire assez médiocre dans les premières hostilités contre l’Espagne. En 1642, un jeune et frêle courtisan, Cinq-Mars, conçut le projet de renverser le colosse contre lequel s’était brisée toute la haute noblesse de France ; Gaston d’Orléans entra tout naturellement dans cette conspiration, signa un traité secret avec les Espagnols, alors en guerre contre la France, en reçut des subsides et, lorsque le complot eut été découvert, « demanda grâce, à son ordinaire, en chargeant et abandonnant ses complices » (président Hénault), contre lesquels ses seules révélations servirent de preuves. Après la mort du roi son frère et du cardinal, Gaston fut nommé lieutenant général du royaume et se réhabilita un peu par ses trois campagnes de 1644, 1645 et 1646 contre les Espagnols et le duc de Lorraine. Pendant les troubles de la Fronde, il ne joua qu’un rôle inférieur, se mêlant par caractère à toutes les intrigues, soutenant et trahissant tour à tour les frondeurs, contribuant à l’arrestation des princes et changeant de parti au gré de ses caprices ou de ses intérêts. Quand Louis XIV rentra dans Paris (1653), Gaston, malgré ses soumissions ordinaires, fut relégué à Blois et n’eut plus désormais aucune importance. Il mourut en 1660, ne laissant que des filles (v. Montpensier). On lui attribue des Mémoires de ce gui s’est passe de plus considérable en France depuis 1608 jusqu’en 1635 (Amsterdam, 1683 ; Paris, 1685 ; Paris, 1756).


ORLÉANS (Philippe, duc d’), frère de Louis XIV, fils de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, né en 1640, mort en 1701. Il eut pour précepteur La Mothe le Vayer et reçut une éducation qui n’avait rien de viril. Ennemi des exercices corporels, il se plaisait uniquement à se parer, à tenir cercle, et trouvait sa plus grande distraction dans des mascarades. En 1661, il épousa Henriette d’Angleterre, sœur de Charles II ; mais ce mariage ne fut point heureux. Nulle sympathie n’existait entre eux, et les assiduités de Louis XIV près de sa belle-sœur excitèrent en Philippe un vif sentiment de jalousie. Sans même que ce dernier en eût été informé, sa femme se rendit en Angleterre, chargée par Louis XIV d’aller détacher Charles II de la triple alliance ; elle remplit avec un plein succès sa mission et mourut subitement une quinzaine de jours après son retour en France (30 juin 1670). Tout porte à croire qu’elle avait été empoisonnée et que son mari ne fut point étranger à cet empoisonnement. Dès l’année suivante, Philippe épousa en secondes noces Charlotte-Élisabeth de Bavière. En 1672, il prit part à la guerre de Hollande, contribua en 1677 au succès de nos armes dans les Pays-Bas, assiégea Saint-Omer, battit le prince d’Orange entre cette ville et Cassel et força Saint-Omer à capituler. Dans cette dernière campagne, il fit preuve d’un courage et de talents militaires qu’on ne lui avait point soupçonnés. Louis XIV en conçut, dit-on, quelque jalousie et, à partir de ce moment, il ne donna aucun commandement à son frère. Celui-ci retomba complètement alors dans sa vie molle et efféminée. Il s’éprit d’une demoiselle de Grancey dont, au dire de Mme de Sévigné, il se montra ridiculement jaloux. Quant à sa seconde femme, Charlotte-Élisabeth, grosse et virile Allemande, elle était peu faite pour lui inspirer de l’affection. Il en eut un fils, Philippe, qui fut régent de France, et une fille, Élisabeth-Charlotte, qui épousa le duc Charles de Lorraine. De son mariage avec Henriette d Angleterre, Philippe d’Orléans avait eu deux filles, Marie-Louise d’Orléans, femme du roi d’Espagne Charles II, et Anne-Marie, qui épousa Victor-Amédée II, roi de Sardaigne.


ORLÉANS (Philippe, duc d’), régent de France, fils du précédent, né à Saint-Cloud le 4 août 1674, mort à Paris le 25 décembre 1723. Philippe d’Orléans reçut en naissant le titre de duc de Chartres ; après avoir eu successivement pour gouverneurs les maréchaux de Navailles et d’Estrades, le duc de La Vieuville, le marquis d’Arcis et enfin Saint-Laurent, qui tous moururent avant que leur élève eût atteint sa majorité, Philippe tomba aux mains de l’abbé Dubois, qui occupait sous Saint-Laurent les fonctions de sous-précepteur. On sait combien fut pernicieuse l’influence exercée par le futur cardinal sur son élève ; toutefois, il ne serait pas juste de croire que, dans une cour où les mœurs étaient aussi dissolues, Philippe d’Orléans eût pu, sans les conseils funestes de son précepteur, devenir un modèle de vertu. Le jeune prince avait malheureusement l’exemple donné par son oncle, dont les aventures galantes étaient le sujet de toutes les conversations à la cour.

Philippe d’Orléans, qui avait fait preuve de grandes aptitudes pour la peinture, la poésie et la musique durant sa première jeunesse, dut ensuite, comme tout prince de son rang, débuter dans la carrière des armes. Il assista, à l’âge de dix-sept ans, au siège de Mons, sous les yeux du roi, puis continua ses débuts sous le duc de Luxembourg à Steinkerque et à Nerwinde, où il se distingua par une action d’éclat.

On parla fort à la cour du courage du jeune prince ; Louis XIV en prit de l’ombrage, rappela son neveu et ne lui permit point de reprendre la campagne en 1694. Mal reçu à Versailles, Philippe d’Orléans n’y parut que très-rarement, s’installa à Paris et commença à y mener joyeuse vie, en compagnie de son précepteur, qui était de toutes ses fêtes. Louis XIV, bien qu’instruit de la conduite de son neveu, ne parut point disposé à intervenir pour mettre fin à ses désordres. Toutefois, soit qu’il pensât que le mariage ramènerait Philippe d’Orléans à une vie plus régulière ou tout au moins l’obligerait à plus de retenue, soit qu’il tînt à établir convenablement une de ses bâtardes, il fit part à son frère du projet qu’il avait conçu de marier Mlle de Blois avec Philippe d’Orléans. Monsieur n’osa point refuser, mais Charlotte-Élisabeth, sa femme, vit avec peine ce projet de mariage et ne négligea rien pour le faire échouer. Dubois se fit le négociateur de cette affaire auprès du prince Philippe, et ce dernier finit par accepter la main de Mlle de Blois, fille de Mme de Montespan, en se faisant payer toutefois une dot considérable et en obtenant que toutes les prérogatives de premier prince du sang lui seraient, à l’exception néanmoins du titre de Monsieur, accordées à la mort de son père. Ce mariage était pour le jeune prince une affaire et rien de plus ; si l’on en croit les mémoires de Mme de Caylus, Mlle de Blois, elle aussi, n’avait fait en cela qu’une affaire ; car ayant été avertie que Philippe d’Orléans avait, avant de l’épouser, montré quelque inclinaison pour la duchesse de Bourbon, la fille de Mme de Montespan répondit : « Je ne me soucie pas qu’il m’aime ; je me soucie qu’il m’épouse. »

Le mariage de Philippe ne changea rien, du reste, à sa manière de vivre ; il se composa une cour où régnèrent, parmi les femmes comme parmi les hommes, les mœurs les plus licencieuses. Philippe passait sa vie dans la plus grande oisiveté, se préoccupant fort peu des affaires publiques et de son avenir politique, lorsque, ayant appris, à la mort de Charles II, roi d’Espagne, que la maison de Savoie était appelée à lui succéder au préjudice de la branche d’Orléans, il fut piqué au vif et prit la résolution de consacrer ses heures de loisir à des études militaires. Il s’entoura d’officiers connus pour leurs capacités et ne parla plus que batailles et armées en marche. L’affectation avec laquelle il s’occupait de ces matières, comme aussi le zèle que mettaient les courtisans à vanter ses capacités militaires, attirèrent l’attention du roi, dont les maréchaux étaient depuis plusieurs années malheureux aussi bien dans les Flandres que dans le Piémont, et décidèrent le vieux monarque à confier à son neveu le commandement de l’armée d’Italie (1706).

Toutefois, il ne put faire taire complètement sa défiance et plaça auprès de Philippe d’Orléans des maréchaux auxquels le pouvoir appartenait en réalité. L’armée, dont le commandement était nominalement confié à Philippe, faisait le siège de Turin. Après de nombreux tiraillements entre ce prince et ses officiers généraux, tiraillements dont il faut lire le récit complet dans Saint-Simon, l’armée de Philippe fut surprise par celle du prince Eugène et presque détruite à la bataille de Turin. Le neveu de Louis XIV voulait, à la suite de cette affaire, dans laquelle il avait été blessé, opérer sa retraite vers l’Italie ; mais le mauvais vouloir d’officiers qui ne prenaient point son commandement au sérieux l’obligea à se retirer en France. La cour fut unanime à mettre au compte des officiers généraux la défaite de l’armée, et Philippe d’Orléans fut, l’année suivante, mis a la tête de l’armée qui combattait en Espagne. Ce prince arriva sur le théâtre de la guerre le lendemain de la bataille d’Almanza, livrée par le général de Berwick, pressé d’exercer le commandement en chef dont un prince du sang allait le priver ; le neveu de Louis XIV dut se contenter de livrer de petits combats. Il se signala, toutefois, en Espagne par quelques faits de guerre importants et notamment par la prise de Xativa, d’Alcaraz et de Leridu, place forte dont il avait fait le siège régulier et qu’il emporta d’assaut. Sa campagne de l’année suivante (1708) fut encore plus heureuse, en dépit des efforts que faisait le parti de Mme de Maintenon pour contrarier les vues do Philippe, retarder l’arrivée des secours et lui susciter des embarras perpétuels. Après la prise de Tortose, Philippe se rendit à la cour de Charles II et y fut témoin des hésitations et des craintes de ce monarque, qui ne demandait qu’à abandonner son trône chancelant. Pensa-t-il sérieusement alors à s’emparer de la succession de ce prince ou songea-t-il seulement à faire reviser le testament qu’il croyait injuste et qu’en tout cas il savait défavorable à sa personne ? C’est ce qu’on ne saurait dire au juste, bien qu’on soit fort disposé à admettre la première hypothèse. Quoi qu’il en soit, Philippe ayant parlé de ses projets fut rappelé, et ses amis intimes arrêtés. Il eût été lui-même poursuivi sans l’intervention du duc de Bourgogne, qui prit hautement sa défense. On obligea le duc d Orléans à signer une renonciation à ses prétentions sur l’Espagne, ce qu’il fit sans se faire prier, et l’affaire en resta là.

Ce prince reprit dès lors sa vie oisive et se mit à faire de la chimie ou peut-être de l’alchimie, en compagnie de Homberg. Pendant qu’il se livrait à des manipulations auxquelles il demandait sans doute l’or nécessaire à