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absent comme le bouddhisme même. La Perse, qui aurait le droit de paraître, n’y est même pas mentionnée. Nous ne parlons pas de l’Ancien Testament, qu’on y chercherait vainement aussi. En somme, les Livres sacrés contenus dans ce volume sont assez peu nombreux. Le Ckou-King et les quatre livres do philosophie classique de la Chine, les Lois de Manou et le Coran, voilà, en gros, la table des matières de ce volume. Mais, de ce que ces matières ne sont pas complètes, il n en faut point conclure que cette étude soit dénuée d’intérêt. Espérons qu’un jour l’auteur lui-même la reprendra et qu’il pourra cette fois nous développer tout 1 Orient religieux, depuis la Chine de Fo-Hi jusqu’à l’Arabie du prophète Mohammed. Malgré ses lacunes, l’ouvrage de M. Guillaume l’authier a été, depuis, couronné par l’Institut.

ORIENT (saint), évêque d’Auch. V. Orens.

ORIENT (Joseph), peintre hongrois, né près d’Eisenstadt en 1677, mort à Vienne en 1747. Sous la direction de Faistenberger, il devint un des plus habiles paysagistes de l’Allemagne, fit une étude approfondie de la nature et s’établit à Vienne, où il exécuta la plus grande partie de ses ouvrages et où il devint vice-directeur de la galerie impériale. Orient excellait à reproduire les montagnes escarpées du ïyroi, les bords sinueux du Rhin et surtout les orages et les coups de vent. Ses compositions, vastes et d’un grand effet, sont d’une belle couleur et rappellent souvent la manière du Guaspre. Les personnages dont il animait ses tableaux sont exécutés pour la plupart soit par Ferg ou Janneck, soit par Querfurt ou Canton. Plusieurs de ses œuvres ont été gravées.

ORIENTAL, ALE adj. (6-ri-an-tal, a-lehit. orientalis ; de oriens, orient). Qui est à l’orient ; qui appartient à l’Orient : Pays orientaux. Contrées orientales. L’Inde méridionale et l’Afrique orientale sont les contrées dont la terre et le ciel conviennent le mieux à l’éléphant. (Buff.) Pline fixe le point oriental du monde à l’embouchure du Gange. (Chateaub.)

— Qui vient d’Orient ; qui croît ou vit en Orient : Des pierreries orientales. Des plantes orientales.

— Qui est particulier à l’Orient ; qui est digne de l’Orient : Costume oriental. Luxe oriental. Les Italiens ont une paresse orientale dans l’habitude de la vie. (M<nc de Staël.)

— Hist. Prince des Francs orientaux, Titre qu’on a donné quelquefois aux rois et aux ducs d’Austrasie..

— Géogr, Indes orientales, Inde, par opposition à Indes occidentales, dénomination impropre de l’Amérique.

mort

breu,

ménien, le persan, le sanscrit, ’ etc.

— Techn. Pierres orientales, Pierres fines de qualité^supérieure, ainsi dites a cause du prix que l’on attache à certaines pierreries que l’on apporte de l’Inde : Les naturalistes récents ont donné, avec les joailliers, la dénominationdepiEB.RESoniEKT :M.KSàceltesqui ont une belle transparence et qui, en même temps, sont assez dures pour recevoir un poli vif. (Buff.) ^ ’

— Astron. Se dit des planètes qui se lèvent ayant le soleil et qui, par conséquent, sont visibles le matin du côté do l’orient : Vénus est tantôt orientale, tantôt occidentale.

— s. m. pi. Peuples de l’Asie : Les mœurs des Orientaux. Ah ! les Orientaux, voyezvous, ce sont les seuls hommes qui sachent vivre/ (Alex. Dum.)

... Les Orientaux, plus savants cuisiniers, Des premiers fricandeaux donnèrent le modèle.

Bërchoux.

— s. f. Littér. Nom donné à un genre de poésie imité des Orientales de V. Hugo : Oui, moniteur, tel que vous me voyez, j’ai été une victime du sonnet, ce qui ne m’a pas empêché de donner dans la ballade, dans f orientale, dans l’ïambe, dans la méditation, dans te poème en prose et autres délassements modernes. (L. Reybaud.)

— Hortic. Ancien nom d’une anémone et d’une tulipe.

— Loc. adv. À l’orientale, À la manière des peuples de l’Orient : Ce qui m’étonnait le plus dans cette apparition séduisante, c’est que le teint de ces jeunte personnes vêtues à /’orientale variait du bistre à l’olivâtre, (G. de Nerval.) Ma facilité à croiser les jambes à /’orientale, mouvement fort difficile pour des Français, le fit sourire et lui donna bonne opinion de moi. (Th. Gaut.)

Orientales (les), poésies de Victor Hugo (1829, in-8<>). Dans aucun de ses recueils, Je poète n’a déployé autant d’éclat et de magnificence ; tableaux grandioses, chants de guerre et de liberté, ballades amoureuses, simples caprices, fantaisies bizarres, toutes les formules de la conception poétique alternent et se Succèdent. Utpictura pocsis, disait Horace ; c’est de cette poésie surtout qu’on peut dire qu’elle est une peinture, et cette impression même est si vive que certains critiques ont cru. devoir protester ; à leur sens, c’était ravaler la poésie que de lui donner une telle puissance plastique, de ne l’employer qu’à rendre les formes et la couleur. Prise isolé ORIE

ment, chacune des Orientales est un bijou finement ciselé ; la science métrique, les combinaisons de toutes les espèces de vers et de tous les genres de strophes, la recherche des rhythmes nouveaux n’ont pas été poussées plus loin par Victor Hugo ni par aucun autre poète français. Sa palette est d’une richesse inouïe, et, quoiqu’il n’ait vu Athènes et Constantinople qu’en rêve, qu’il ait écrit la plupart de ces vers étincelants au fond d’un petit jardin do Vanves, il a véritablement fixé dans ses strophes l’éblouissant soleil de l’Orient, comme Decamps sur ses admirables toiles.

Le recueil s’ouvre par une sorte d’épopée biblique, le Feu du ciel, où le poète raconte la terrible catastrophe qui engloutit Sodome et Gomorrhe. Il suit, à travers les airs, le voyage d’un immense nuage, chargé de foudre et d’éclairs, qui, après avoir plané au-dessus de l’Assyrie et vu les ruines de Babel, accompagné au bord d’un golfe une troupe errante de pasteurs, couvert d’ombre l’Egypte, s’abat enfin sur les villes maudites et les engloutit dans une trombe d’eau, pendant que la terre s’entr’ouvre et les engouffre. Le procédé du poète est visible, quoique masqué par la richesse et l’ampleur des descriptions : c’est l’énumération. Chacun des tableaux qu’il déroule est si grandiose et si poétique, que ce qu’il y a d’un peu factice dans ce procédé disparaît. Les ruines gigantesques de Babel, où les palmiers, croissant dans les fissures des tours, semblent, d’en bas, des touffes d’herbe ; la mer où l’on assiste à un splendide coucher de soleil ; l’Égypte toute blonde d’épis entre les deux mers qui la rongent, le désert et l’Océan ; ce golfe aux vertes collines où viennent danser en rond des Vénus noires, toutes ces peintures offrent séparément de grandes beautés, et l’ensemble est d’un effet prodigieux. Le poète a habilement marié tons les rhythmes, se servant tantôt de la strophe et tantôt de l’alexandrin à rimes plates. Il s’est surtout dépassé dans la description des deux villes maudites, entassement d’architectures étranges, et dans le tableau de la catastrophe finale.

L’énumération, avec sa sécheresse, est plus visible dans les pièces qui suivent ; par, exemple, pour dire que Canaris brûle la flotte turque, le poète énumère tous les pavillons du monde entier, les flammes que chaque nation arbore au haut des mâts de ses vaisseaux, et, satisfait de ce jeu de mots, il dit que Canaris « arbore l’incendie. » Pour nous faire comprendre la Douleur du pacha, il recherche toutes les causes possibles d’affliction et finit par nous dire que si le pacha est si sombre, c’est que « son tigre de Nubie est mort. » Ce sont là de simples caprices poétiques. Ceux qui les ont reprochés à Victor Hugo feignaient d’oublier que Pindare, Anacréon et Horace, objets de leurs admirations passionnées, emploient continuellement ce même procédé factice.

Un grand" nombre de pièces se rapportent à la guerre d’indépendance de la Grèce et aux faits d’armes des Hellènes, sur lesquels toute l’Europe avait alors les yeux fixés. Canaris, la Bataille de Navarin, les Tètes du’sérail, l’Enfant grec, le Klephte et bien d’autres encore se rattachent à cet ordre d’inspirations. Les Têtes du sérail retracent l’effrayant dialogue de trois têtes coupées, les têtes de trois principaux chefs hellènes, accrochées aux grilles d’un palais ; le fait était controuvé, mais la poésie reste, et c’est une des plus belles des Orientales. Parmi les pièces qui ne sont que de simples fantaisies, d’une pureté de forme irréprochable, figurent Sarah la baigneuse, cette ballade d’un rhy thme si gracieux, renouvelé de Ronsard ; les Djinns, conception bizarre, dont le rhythme, par ses progressions croissante et décroissante, simule l’approche, puis l’éloignement de ces démons fantastiques, cauchemars des nuits de l’Orient ; Nouharmal la Housse, les Adieux de l’hôtesse arabe, le Derviche, Je Voile, la Captive, etc. Rien de tendre comme cette dernière poésie, et l’on admire la flexibilité de ce génie, qui descend des plus grandes hauteurs de l’orie et de l’épopée pour moduler une simple romance. Quelques pièces espagnoles, qui ne se trouvent pas dépareillées au milieu des Orientales, car l’Espagne, par les Maures, fait un peu partie de l’Orient, complètent le recueil. C’est la Chasse de don liodrigue, inspirée par une des plus belles pièces du Romancero ; les Fantômes, gracieuse élégie sur la mort de cette jeune fille qui aimait trop le bal et que le bal a tuée ; elle apparaît au milieu d’une évocation fantastique d’une foule d’autres fantômes amoureux. Quelques autres pièces encore sont d’une égale beauté. Toutes ces richesses répandues à profusion, ces broderies éclatantes, ces ciselures d’un travail exquis, ces petits chefs-dœuvre où l’art surpasse de beaucoup la matière, n’ont pas trouvé grâce devant la critique. A l’apparition du volume, on cria plus fort que jamais à la décadence. ■ Dans les Orientales, dit G. Planche, M. Victor Hugo vocalise ; il chante pour chanter, il oublie de sentir et de penser. Il se persuade que le talent poétique consiste à développer indéfiniment la ductilité de la parole. La poésie n’y joue aucun rôle, car la poésie qui ne s’adresse ni au cœur ni à l’intelligence ne mérite pas le nom de poésie. Il n’y a pas une page qui émeuve ou qui instruise. De beaux vers, voilà tout. La strophe est tout et la pensée rien. Je coin ORIE

prends que M. Victor Hugo s’admire dans les Orientales, car il faut un talent singulier pour écrire quatre mille vers où le cœur et l’intelligence ne jouent aucun rôle. S’il voulait éblouir, ses vœux sont comblés. Il a respecté fidèlement l’analogie des images en construisant les strophes des Orientales. Ces images sont de beaux vêtements qui ne revêtent aucune idée. »

Cette critique n’est pas équitable. Sans doute l’extrême prodigalité des ornements, le coloris du vers, rétrangeté de certaines conceptions attirent et captivent au point de faire croire que la pensée est absente ; quelques-unes de ces poésies ne sont que des bagatelles richement brodées. Mais, sous cette forme éblouissante, il y a tout autant d’idées que dans les odes des lyriques les plus vantés.’Ce n’est d’ailleurs qu’une page dans l’œuvre entière de Victor Hugo qui a suffisamment montré, par les Feuilles d’automne ou les Châtiments, qu’il savait faire vibrer les sentiments et les passions ; n’eût-il écrit que les Orientales, il resterait encore Un grand artiste.

ORIENTAL (cap), pointe située au N.-E. de la Russie d’Asie, sur le détroit de Behring, par 70" 10’ de latit. N. et 172° 10’ de longit. 0.

ORIENTAL (archipel), groupe comprenant plusieurs petites îles de la Polynésie.

ORIENTALE (mer), partie de la mer de Chine qui s’étend entre la mer Jaune au N., la côte de la Chine à l’Û., Formose au S. et les îles Lieou-Kieou à l’E.

ORIENTALEMENT adv. (o-ri-an-ta-le-man

— rad. oriental). À la manière orientale : Vivre orientalement. Une poésie orientalembnt suave. (Balz.)

ORIENTALISÉ, ÉE (o-ri-an-ta-li-zé) part, passé du v. Orientaliser. Qui a pris, à qui l’on a donné les mœurs orientales ou le genre oriental : Peuple orientalisé. Les appartements du sultan sont dans un style Louis XIY orientalisé. (Th. Gaut.)

ORIENTALISER v. a. ou tr. (o-ri-an-ta-lizé

— rad. oriental). Donner les mœurs orientales ou le genre oriental à : Orientaliser un peuple. Orientaliser mi monument grec.

S’orientaliser v. pr. Prendre les mœurs orientales : Les Grecs se sont quelque peu

ORIENTALISÉS.

ORIENTALISME s. m. (o-ri-an-ta-li-sma ■— rad. oriental). Ensemble des connaissances des peuples orientaux, de leurs idées philosophiques ou de leurs mœurs, il Connaissance des langues, des sciences, des

mœurs, de l’histoiro de l’Orient : /.’orientalisme est une science nouvelle. Il Système de ceux qui prétendent que les peuples occidentaux doivent à l’Orient leur origine, leurs langues, leurs sciences et leurs arts.

— Par ext. Imitation des mœurs de l’Orient : Je lui avouai franchement que, surpris par sa visite en flagrant délit <2’orientalismi3 et de harem, j’avais préféré rester à ses yeux un Albanais sauvage, que de passer pour un Français ridicule. (E. Sue.)

— Encycl. C’est surtout dans notre siècle que l’orientalisme s’est constitué, et les résultats qu’il a déjà acquis ont transformé l’étude des langues et des religions et renouvelé la philosophie de l’histoire. Comme la Renaissance gréco-latine du xvie siècle a fait jaillir de l’intelligence humaine un idéal qui, jusqu’à présent, a dominé les esprits, on peut également se promettre que la Renaissance orientale du xixe siècle donnera à la pensée humaine un développement que l’on peut prévoir dès aujourd’hui. Mais si le xixe siècle a la gloire d avoir fondé l’orientalisme, ainsi que la mythologie et la philologie comparatives, il ne faut cependant point méconnaître les travaux des siècles précédents. Les documents sont trop vagues pour qu’on puisse établir l’état des connaissances que possédait l’antiquité sur l’Orient. Les rapports de l’Occident avec l’Orient furent interrompus pendant les siècles qu’ont troublés les invasions des barbares. D’ailleurs, le christianisme, comme toutes les religions, qui se développent rarement dans la contrée où fut

leur cerceau, quitta de bonne heure l’Orient, qu’il abandonna à l’hérésie, et d’où devait lui venir un ennemi terribléet puissant. Le choc du mahométisme et du christianisme remit en présence les deux mondes, et, par les Arabes, les chrétiens de l’Occident furent remis dans la voie de leurs propres traditions. On sait, en effet, que la science grecque avait passé chez les Arabes, et que ce furent eux qui nous rendirent Aristote et des lambeaux (un peu détériorés à vrai dire) de la science antique. L’étude de l’arabe devint la préoccupation de quelques esprits curieux, ou très-religieux, ofi voulaient s’instruire de la science arabe, ou qui voulaient connaître l’arabe pour convertir les mahométans. Ce fut dans cette double intention que le pape Innocent III, en 1243, fit fonder à Paris une chaire d’arabe, qui fut protégée par les papes Clément IV et Honorius IV. Les relations de Louis IX avec les Mongols (1253) n’eurent point sur les études orientales l’influence qu’on serait tenté de leur attribuer. En 1291, un médecin de Montpellier, Armengaud de Blase, traduisit de l’arabe Avicenne et Averroès. Le voyage de Marco Polo, qui fut écrit vers la fin du

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Xiiie siècle, n’eut pour effet que d’exalter sans fruit les imaginations fantasques du moyen âge. L’incrédulité qui répondit au récit naïf et si vériilique du voyageur italien s’opposa sans doute a ce qu’on cherchât à pénétrer à sa suite dans le monde qu’il avait découvert. Cependant, au xivo siècle, nous voyons l’hébreu, l’arabe, le chaldéen enseignés dans les universités de Paris, d’Oxford, de Bologne, de Salamanque. Le concile de Vienne, tenu en 1312, avait décidé l’institution de ces chaires, afin de former des missionnaires pour convertir les mécréants. La décadence des universités au xve siècle ne fut pas avantageuse à l’orientalisme. La France, l’Italie, l’Angleterre étaient toutes les trois en proie à d’affreuses guerres civiles et étrangères, qui les affaiblissaient. Cependant il faut mentionner,1, à cette époque, la Bible polyglotte de Ximénès et la traduction du livre d’Albategni sur l’astronomie par Régiomontanus (Padoue, 1460). Les études de langues reprirent vers le xvie siècle : il en était temps, si l’on en croit Théodore de Bèze, qui fait une triste description de l’ignorance profonde où l’on était tombé. L’hébreu surtout paraissait tout à fait oublié. Mais le protestantisme, en appelant l’examen de tous sur les textes sacrés, fonda de nouveau (et avec une science plus solide) l’étude de cette langue. L’honneur de cette renaissance appartient à Jean Reuchlin ; mais les universités de Louvain et de Cologne condamnèrent comme entachée d’hérésie l’étude de l’hébreu, et il fallut que Reuchlin, condamné par l’inquisition de Cologne, fût presque amnistié par l’intervention du pape Léon X. Les disciples de Reuchlin, parmi lesquels il faut citer Conrad Pellicau, Jean Œcolampade, Sébastien Munster, Jean Capito, Paul Fagius, continuèrent et agrandirent son enseignement. Jacques Fabris de Naples souleva contre lui l’université de Paris eu démontrant les fautes de la traduction latine faite sur le texte grec de la Bible. Mais l’un des plus grands hommes de cette période est, à coup sûr, Guillaume Postel, qui doit être considéré comme le fondateur de la philologie comparée. Le premier il eut l’idée, en effet, de comparer une douzaine de langues, qu’il était allé étudier en Orient, pour retirer de cette comparaison la preuve de l’affinité des idiomes. C’est à Guillaume Postel que l’on doit le premier essai de grammaire polyglotte. Il fut suivi dans cette œuvre par Conrad Gesner. Gesner écrivit un Mithridate, qui a été repris de nos jours par le savant Adelung et par le Suisse Buchnam, dit Bibliunder, qui, en 1543, publiait un traité intitulé : Commentaire sur la raison commune de toutes les langues et de toutes les lettres. Nous ne pouvons citer ici tous les autres érudits du xvi» siècle, et nous sommes obligé de passer au xvne siècle. Le premier que nous y remarquons est Jean Duret qui, dans son Thrésor des langues de cet univers, où il examine cinquaute-cînq langues, continue l’œuvre philologique de Guillaume Postel. Dans ce siècle nous trouvons encore, en France, Samuel Bochard, dont la Géographie sacrée (1675, 2 vol.) est une œuvre du premier ordre que l’on consulte encore. Bochard a travaillé sur quatre langues, le syriaque, l’hébreu, l’arabe et le chaldéen. Cependant, l’orientalisme prenait un grand développement en Hollande, où Spinoza fondait l’exégèse. Déjà des missionnaires erraient dans toutes les parties de l’Asie, pour faire de nouveaux chrétiens ; et, par eux, on commençait à être initié à des langues qu’à peine soupçonnait-on auparavant. Le xvme siècle, dans ses plus grands esprits, dans Voltaire par exemple, commençai ta pressentir qu’une humanité nouvelle était en train de surgir de ces ténèbres. De Guignes, le Père Amyot et un grand nombre d’autres missionnaires traduisaient avec enthousiasme des livres qui révélaient des civilisations inconnues. Ce fut surtout la Chine qui fut l’objet de la plus active exploration. Enfin, vers la fin du siècle, un homme héroïque se rencontra qui, enfiévré de curiosité pour tous ces peuples que l’on exaltait, partit pour l’Asie et, au péril de sa vie, alla lui enlever des manuscrits nombreux qu’il rapporta en France. C’est de cette époque que date réellement l’orientalisme. Le sanscrit fut découvert et ce fut là, à coup sûr, la plus importante découverte pour la linguistique ; et quasd, plus tard, Eugène Burnouf vint y joindre la connaissance du zend, la philologie comparée

progressa à pas rapides. La France, l’Allemagne et l’Angleterre ont apporté dans les différentes études spéciales qui composent l’orientalisme chacune son tempérament personnel et son génie particulier. Les découvertes de la philologie comparée ont aidé la mythologie comparée à édifier une histoire des religiops, qui ne pouvait même pas être soupçonnée cinquaute ans auparavant. De si graves résultats ont commencé à modifier et transformeront par la suite la philosophie, qui a retrouvé dans l’Inde antique les mêmes systèmes qui la divisent encore aujourd’hui. Enfin, la conception générale de l’humanité s’est agrandie de toutes ces découvertes, et la parenté de fous les peuples est devenue évidente. Le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens et des inscriptions cunéiformes a mis sous les yeux des générations nouvelles un Orient qui ne nous était connu jusqu’à présent que par les livres bibliques.

MM. de Saulcy, Oppert, le colonel Rawlinson, Norris, Hincks, Spegel, Benfey et Talbot