nent de ce centre pour se répandre dans les organes des sens sont beaucoup plus volumineux. De là un degré de perfection bien plus prononcé dans les organes ; de sorte que ceux-ci paraissent avoir en plus ce que l’intelligence possède en moins. En effet, les nègres ont l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût et le toucher bien plus développés que les blancs. Pour les travaux intellectuels, ils ne présentent généralement que peu d’aptitude, mais ils excellent dans la danse, l’escrime, la natation, l’équitation et tous les exercices corporels. Dans les danses, on les voit agiter à la fois toutes les parties du corps ; ils y trépignent d’allégresse et s’y montrent infatigables. Ils distinguent un homme, un vaisseau à des distances où les Européens peuvent à peine les apercevoir avec une lunette d’approche. Ils flairent de très-loin un serpent et suivent souvent à la piste les animaux qu’ils chassent. Le bruit le plus faible n’échappe point à leur oreille ; aussi les nègres marrons ou fugitifs savent très-bien découvrir de loin et entendre les blancs qui les poursuivent. Leur tact est d’une subtilité étonnante ; mais parce qu’ils sentent beaucoup, ils réfléchissent peu : tout entiers à leur sensualité, ils s’y abandonnent avec une espèce de fureur. La crainte des plus cruels châtiments, de la mort même, ne les empêche pas de se livrer à leurs passions. Sous le fouet même de leur maître, le son du tam-tam, le bruit de quelque mauvaise musique les fait tressaillir de volupté ; une chanson monotone, prise au hasard, les amuse pendant des journées sans qu’ils se lassent de la répéter ; elle les empêche même de s’apercevoir de la fatigue ; le rhythme du chant les soulage dans leurs travaux, et un moment de plaisir les dédommage d’une année de souffrances. Tout en proie aux sensations actuelles, le passé et l’avenir ne sont rien à leurs yeux ; aussi leurs chagrins sont-ils passagers ; ils s’accoutument à leur misère, quelque affreuse qu’elle soit. Comme ils suivent plutôt leurs sensations ou leurs passions que la raison, ils sont extrêmes en toutes choses : agneaux quand on les opprime, tigres quand ils sont les maîtres. Capables de sacrifier leur vie pour ceux qu’ils aiment, ils peuvent, dans leurs vengeances, massacrer leurs maîtres, éventrer leurs femmes et écraser leurs enfants sous les pierres. Rien de plus terrible que leur désespoir, rien de plus sublime que leur amitié. Mais ces excès sont d’autant plus passagers, qu’ils sont portés plus loin. Rien de mobile comme leurs sensations, car leur violence s’oppose à leur durée.
Les Africains sont extrêmement jaloux de leurs femmes, et malheur à celui qui a corrompu la maîtresse ou la femme de l’un d’eux. La femme qui les a trompés n’échappe pas elle-même à leur vengeance. La polygamie est en usage chez les noirs d’Afrique ; chaque individu peut prendre autant de femmes qu’il lui plaît et les répudier à volonté pour vivre avec des concubines. Les mamelles des négresses sont grosses et fort longues, si bien qu’elles peuvent les replier par-dessus les épaules et allaiter ainsi les enfants qu’elles portent sur leur dos. Les négrillons se cramponnent à leurs mères de manière que celles-ci peuvent se livrer au travail sans s’inquiéter de leurs nourrissons. Les enfants des négresses ne sont jamais emmaillottés, ce qui leur permet de déployer librement leurs membres. Les mères sont d’excellentes nourrices, et les blancs n’hésitent pas à leur donner leurs enfants à nourrir. Leur lait est extrêmement blanc ; mais leurs nourrissons de l’espèce blanche prennent toujours des yeux et des cheveux très-noirs, lors même que leurs parents sont blonds.
C’est en vain que quelques philanthropes, ont essayé de prouver que l’espèce nègre est aussi intelligente que l’espèce blanche. Quelques rares exemples ne suffisent point pour prouver l’existence chez eux de grandes facultés intellectuelles. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c’est qu’ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche, et comme, dans toute la série animale, l’intelligence est en raison directe des dimensions du cerveau, du nombre et de la profondeur des circonvolutions, ce fait suffit pour prouver la supériorité de l’espèce blanche sur l’espèce noire.
Mais cette supériorité intellectuelle, qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure ? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leurs formes anatomiques, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d’autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu’à nous, certains d’y réussir dans un certaine limite. Du reste, un fait physiologique que nous ne devons jamais oublier, c’est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de notre commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d’abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger.
NÈGREPELISSE s. m. (nè-gre-pe-li-se). Comm. Sorte de cotonnade fabriquée à Nègrepelisse.
NÈGREPELISSE, ville de France (Tarn-et-Garonne),
ch.-l. de cant., arrond. et à 17 kilom.
de Montauban, sur la rive gauche de
l’Aveyron ; pop. aggl-, 1,021 hab. — pop. tot.,
2,888 hab. Fabrique de toile, de futaine et
de poterie commune. Commerce de graines et
de vin.
NÉGREPONT, île de la Grèce. V. EUBÉE et CHALCIS.
NÉGRERIE s. f. (né-gre-rl — rad. nègre).
Lieu où l’on renferme les nègres dont on fait
commerce. || Lieu où l’on fait travailler les
nègres.
NÈGRES-CARTES s. f. pl. (nè-gre-kar-te).
Minér. Émeraudes de rebut abandonnées aux nègres qui, dans la Nouvelle-Grenade, travaillent à la recherche des pierres précieuses.
NÉGRET s. m. (né-grè). Vitic. Variété de
raisin.
NEGRETE (Santiago-Fernandez), homme d’État espagnol, né dans les Asturies vers
1800, mort en 1869. Lorsqu’il eut terminé ses
études de droit à Alcala, il entra dans l’administration
judiciaire, remplit diverses fonctions,
devint, en 1843, procureur iiscal près
du tribunal suprême de Cruzada, fut élu vers
la même époque membre des cortès par la
province de Badajoz, et y vota avec les conservateurs.
Néanmoins, en 1850, il se prononça
contre la politique suivie par Narvaez,
et, après la chute de ce ministre en 1851, il
prit le portefeuille des travaux publics dans
le cabinet présidé par Bravo Murillo, cabinet
qui supprima le droit de réunion, comprima
la presse et voulut reviser dans le sens absolutiste
la constitution monarchique de 1845.
M. Negrete resta peu de temps au ministère,
mais il continua à siéger aux cortès, devint,
en 1854, juge au tribunal suprême du contentieux
administratif, puis membre du conseil
royal. S’étant rapproché du parti dit de
l’Union libérale, il fut chargé du portefeuille
de grâce et de justice dans le ministère formé
par O’Donnell en 1858, et le garda jusqu’en
1863, époque où il quitta le pouvoir.
NÉGRÉTIE s. f. (né-gré-sî). Bot. Syn. de
MUCUNA.
NEGRI (Palladio), connu également sous les noms de Forso et de Fuscus, humaniste italien, né à Padoue, mort à Capo-d’Istria en
1520. Il vint se fixer en Dalmatie et professa
les lettres à Rome d’abord, puis à Capo-d’Istria.
On doit à Negri : Commentaire sur Catulle (Venise, 1496, in-fol.) ; De situ oræ illyricæ libri II (Rome, 1540, in-4o).
NEGRI (Jérôme), savant italien, né à Venise en
1494, mort à Padoue en 1577. Successivement
vicaire des évêques de Bellune et de
Vicence, secrétaire des cardinaux Cornaro et
Contarini, il obtint un canonicat à Padoue et
consacra ses loisirs à l’étude de la langue latine,
qu’il écrivait, au dire des érudits, avec
une élégance et une pureté remarquables. On
cite de lui : Epistolæ et orationes (Padoue,
1579, in-4o).
NEGRI (Virginie-Angélique-Paule-Antoinette), religieuse italienne, née à Milan en
1508, mort en 1555. Elle était maîtresse des
novices dans le couvent des angéliques de
Saint-Paul lorsque, poussée par l’ardeur de
sa foi religieuse, elle se mit à visiter plusieurs
villes d’Italie, prêchant la pénitence et
la pureté des mœurs et soignant les malades.
Les conversions qu’elle opéra par sa vive
éloquence firent beaucoup de bruit et lui suscitèrent
des ennemis, même dans le clergé.
Enfermée pendant trois ans dans le couvent
des clarisses, comme visionnaire, elle fut rendue
à la liberté par l’archevêque Salazar,
chargé d’examiner sa conduite, et mourut en
odeur de sainteté. C’était une femme très-instruite,
à qui l’on doit soixante-douze Lettres
spirituelles (Venise, 1547, in-4o), qui par l’onction rappellent celles de sainte Catherine de
Sienne.
NEGRI ou NERI (Pietro-Martire), peintre italien, né à Crémone vers 1560, mort dans
la même ville vers 1630. Élève de Malasto,
il alla vraisemblablement compléter ses études
artistiques à Rome, car le Christ guérissant un aveugle, qui fut longtemps à l’hôpital
de Crémone et qui fait partie maintenant du
musée de la même ville, est peint sous l’influence
manifeste de Jules Romain et du Tintoret.
Ce tableau est exécuté prestement, et
l’artiste a évité avec le plus grand soin les
exagérations de l’école de Bologne, pour entrer
le plus possible dans le style sobre et vigoureux
des maîtres romains. Le Saint Joseph de la chartreuse de Pavie n’est pas
moins intéressant ; il accuse les mêmes tendances
et prouve également que l’auteur appartenait
tout entier à l’école de Rome. Ce
qui confirme cette opinion, c’est que Negri
était membre de l’Académie romaine de Saint-Luc.
NEGRI (Giovanni-Francesco), peintre et architecte italien, né à Bologne en 1593, mort
dans la même ville en 1659. D’une famille
riche et distinguée, il reçut une brillante éducation
littéraire, qui développa rapidement
son goût naturel pour les arts. Il alla d’abord
travailler à Venise, dans l’atelier d’Odoardo
Fialetti, et, au bout de deux ans d’étude, il
devint un remarquable peintre de portrait.
Sa facilité en ce genre difficile devint bientôt
si grande, dit Orlandi, il saisissait avec tant
de finesse la physionomie des têtes qui le
frappaient, qu’il fut surnommé par ses camarades
Negri dei ritratti. Mais, pendant qu’il
répandait dans le monde des amateurs les plus
distingués ces petits portraits, dont la galerie
de Florence conserve deux ou trois spécimens,
il étudiait sérieusement l’architecture,
et, en 1639, il construisit à Bologne l’église
du Bon-Jésus, qui fut démolie vers 1809.
Le plan de cet édifice fut reproduit par l’auteur
en 1654, dans la construction de l’église
de la Madonna della Forsetta, près de
Novellara, que des restaurations intelligentes
ont parfaitement conservée. Ce n’est pas,
assurément, un chef-d’œuvre ; mais l’ensemble
est satisfaisant et l’ornementation en est
ingénieuse et de bon goût. Grâce à la construction
de ces édifices, Negri acquit une
assez grande notoriété et augmenta de beaucoup
sa fortune patrimoniale. Aussi est-on
surpris de lui voir, à cette époque de sa carrière,
abandonner l’architecture, qui lui réservait
sans doute des succès assurés, pour
se livrer avec passion à la numismatique et
à l’archéologie. Grâce à ses recherches, il put
réunir bientôt une belle collection de médailles
et une bibliothèque d’un haut intérêt
qui renfermait de précieux manuscrits. Il
fonda ensuite deux Académies (1640), celle
des Indomiti et celle des Indistinti. Ces nouvelles
préoccupations le conduisirent à des
travaux bibliographiques d’un genre particulier,
comme la traduction en dialecte bolonais
de la Jérusalem délivrée. Plus tard, il publia
la Prima crociata, overo lega di milizie cristiane libératrice del Sacro Sepolcro (1658), et
la Storia genealogica della famiglia Sarsatelli (1680). Il laissa en manuscrit l’Histoire
de la ville de Bologne. Negri eut un fils qui se
livra à la peinture, mais dont l’œuvre n’offre
rien d’intéressant. — Son autre fils, Alessandro
Negri, né à Bologne, mort en 1661, fut chanoine,
protonotaire apostolique et s’occupa
beaucoup d’antiquités. On lui doit quelques
écrits, qu’on trouve insérés dans les Marmora
salsinea de Malvasia (Bologne, 1690, in-4o).
NEGRI (Francesco)t voyageur italien, né à
Ravenne dans la première moitié du XVIIe siècle,
mort en 1698. Il prit l’habit ecclésiastique
et se consacra à l’étude de la géographie
et des sciences naturelles. Pour augmenter
ses connaissances, il visita la Suède, le Danemark,
la Laponie, et s’avança jusqu’au cap Nord. On a de lui : Viaggio settentrionale (Forli, 1701, in-4o).
NEGRI (Giulio), littérateur italien, né à
Ferrare en 1648, mort dans la même ville en
1720. Il entra chez les jésuites, professa les
humanités dans un collège de la basse Romagne,
et fut nommé historiographe du grand-duc
de Florence. On lui doit : Storia degli
scrittori Fiorentini (Ferrare, 1722, in-fol.),
ouvrage contenant des renseignements sur
plus de deux mille auteurs.
NEGRI (Pietro), peintre italien, né à Venise
vers 1657, mort dans la même ville vers 1695.
Quelques biographes le disent élève de Zanchi,
mais les dates et, bien plus encore, la nature
de son talent rendent cette assertion
peu acceptable. Pietro Negri semble en effet
n’avoir vécu qu’avec les hommes du XVe siècle.
Antonio Zanchi, au contraire, ne connaît
que son temps. Venise délivrée de la peste de 1630, de la confrérie Saint-Roch, est une œuvre
d’une exécution naïve, inexpérimentée,
mais calme et fortement pensée. Le tableau
d’Agrippine mourante en présence de Néron
n’est pas traité avec plus d’habileté de
brosse ; mais la forme en est sévère et grandiose,
comme l’entendait Pérugin. Les draperies
rappellent Francia, le Giotto, les mystiques
byzantins. Il se dégage de ces deux toiles
étranges un amour immense pour le grand
art, dans son expression la plus haute.
NEGRI (Salomon), en arabe Soléyman Al-Sadi, philologue arabe, né à Damas, mort à
Londres en 1729. Il eut pour maîtres des jésuites
missionnaires, puis alla compléter ses
études à Paris, à Londres, à Halle (1701), où
il donna des leçons d’arabe. S’étant rendu à
Constantinople, il se fit ordonner prêtre de
l’Église grecque et habita successivement
ensuite Rome, Halle et Londres, où il se fixa
en qualité d’interprète des langues orientales.
On a de lui des traductions arabes des Psaumes (1725, in-4o) et du Nouveau Testament
(1727, in-4o), dans lesquelles on trouve quelques
inexactitudes commises pour donner raison aux dogmes protestants,
NEGRI (François-Vincent), érudit et philologue italien, né à Venise en 1769, mort
dans la même ville en 1827. Issu d’une famille
aisée, il lit de sérieuses études sous la direction
de deux jésuites, dont l’un était son oncle,
et consacra les loisirs que lui faisait une
honnête fortune à la culture de l’antiquité et
des langues anciennes. On cite, parmi ses
principaux ouvrages : Lettere di Alcifrone
(Milan, 1806) ; Vie d’Agrostolo Zeno (Venise,
1816) ; plusieurs fragments et dissertations ;
le Chasseur de l’Eubée, récit de Dion Chrysostome,
traduit du grec (Venise, 1824) ; Vie de cinquante hommes illustres des provinces vénitiennes (Venise, 1822-1824) ; dissertation sur l’Art magique chez les anciens (Venise, 1827) ; et enfin diverses traductions poétiques, entre autres une du VIe chant de l’Énéide. Il laissa bon nombre de manuscrits
inédits, parmi lesquels nous citerons : Mémoires sur Tommaso Tunanza ; Commentaire sur Marco Foscarini ; Résumé de l’histoire des anciens Vénètes ; Prolégomènes aux œuvres d’Hésiode ; lettres d’Aristénète, traduites
et annotées ; Épigrammes de l’Anthologie grecque, traduites et annotées ; plusieurs
traductions en prose et des traductions poétiques
des Épîtres d’Horace et de l’Art d’aimer d’Ovide.
NEGRI (Francesco), philologue italien. V. Negro.
NÉGRICHON, ONNE adj. (né-gri-chon, o-ne — rad. nègre). Néol. Qui appartient, qui a rapport aux nègres : Nous voici face à face avec une de ces bonnes et naïves physionomies négrichonnes, qu’on retrouve si souvent dans les tableaux des peintres du XVIIe siècle, à la suite de quelque belle dame, alors qu’il était de mise parmi les femmes de haut parage d’avoir un noir pour porte-queue. {A. de
Lavergne.)
NÉGRIER, ÈRE adj. (né-gri-é, è-re — rad.
nègre). Qui fait la traite des nègres : Un bâtiment négrier. Un équipage négrier. Un capitaine négrier.
— s. m. Capitaine négrier ; marchand négrier : La tempête contraignit le négrier à jeter à la mer sa cargaison. Ce négrier s’est enrichi dans son honteux commerce. || Bâtiment négrier : Nous accostâmes le négrier.
— Encycl. On désigne à la fois sous ce nom le bâtiment destiné à la traite des nègres, et le négociant qui fait ce trafic, interdit maintenant. Renvoyant le lecteur, pour le fond même de la question, à notre article sur la traite des noirs, nous parlerons ici exclusivement des négriers et de leur industrie.
Le bâtiment destiné à la traite des nègres était ordinairement bon voilier, qualité qui lui était indispensable pour se soustraire par la fuite à la poursuite des croiseurs. Ce qui distinguait surtout ce genre de navire, disparu maintenant à peu près de la circulation maritime, c’était son entre-pont, dégagé de façon à pouvoir contenir le plus grand nombre d’esclaves possible, entassés comme des marchandises ordinaires. Souvent même, surtout dans les premiers temps de la traite, le pont qui recouvrait cet emplacement était percé de meurtrières permettant à l’équipage négrier de tirer aisément en cas de révolte sur les captifs.
Dans l’intérieur d’un bâtiment négrier, les pièces de bois d’ébène (nom sous lequel les trafiquants désignent cette marchandise humaine) étaient littéralement entassées. Enchaînés deux à deux par les pieds et par les mains, les hommes, les femmes, les enfants, régulièrement casés par rang de taille, n’occupaient que la place rigoureusement indispensable. Et cette torture se prolongeait quelquefois pendant des mois entiers, sans compter le temps nécessaire pour le chargement. En 1825, M. le baron de Staël, membre de la Société de la morale chrétienne, indigné de ces monstruosités, eut le courage de prendre l’initiative d’une enquête et réussit à se procurer des renseignements catégoriques sur le trafic des négriers. On ne pourrait croire, si nous ne citions quelques passages du rapport de M. de Staël au ministre de la marine, qu’il y a si peu de temps encore, une ville française, Nantes, était un des centres négriers les plus actifs : « Il est malheureusement incontestable, dit ce rapport, que la traite des noirs, loin d’avoir diminué, se fait aujourd’hui à Nantes avec plus d’étendue, plus de facilité et moins de mystère qu’à aucune autre époque. Le taux de l’assurance nous fournit à cet égard une donnée positive ; ce taux est de 25 pour 100 après avoir été de 33 et de 36, et ce genre de risques est fort recherché par une certaine classes d’assurances, qui ne rougissent pas de les nommer des assurances d’honneur. À la Bourse, dans les cercles, on entend publiquement parler de la traite ; et ceux qui trempent leurs mains dans ce commerce de sang ne prennent pas même la peine de désigner leurs victimes sous les noms, consacrés dans leur argot, de mulets, de ballots ou de bûches de bois d’ébène. Mais un tel, vous dit-on, a fait un heureux voyage ; il a pris un chargement de noirs sur la côte de Guinée ; il a été obligé d’en jeter une trentaine à la mer pendant la traversée, mais il en a débarqué tant sur tel point, et il a encore gagné sur la cargaison de retour… Les noms des armateurs qui font la traite ne sont ignorés de personne ; les uns figurent déjà sur les rapports de la Société africaine ; d’autres ne sont pas moins connus. Je pourrais vous citer, sans crainte d’être contredit par aucun Nantais de bonne foi, tel trafiquant d’esclaves qui ose prétendre au titre d’ami de la liberté, qui ne pense pas apparemment y déroger lorsqu’il fonde sur l’esclavage de ses semblables l’espoir de sa honteuse fortune ; tel autre, qui affecte la dévotion et qui ne craint pas de dire, avec une exécrable hypocrisie, que s’il fait la traite c’est pour convertir les nègres au christianisme ! » À cette époque (1825), suivant M. de Staël, les estimations les plus modérées portaient à plus de 80 le nombre des bâtiments employés à la traite dans le seul port de Nantes. La plupart de ces vaisseaux, admirablement construits pour la marche, étaient des bricks, des goélettes ou des lougres de petite dimension.