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qu’on peut dire, c’est que, étant posés la nature de l’esprit humain et l’organisme do la connaissance, ces principes premiers sont nécessaires. Mais après avoir trouvé les principes premiers de la connaissance, l’esprit veut atteindre aux principes de l’être ; en présence des causes secondes qui remplissent le monde, il conclut à l’existence d’une Cause première, et cotte cause, il la place en dehors de lui et lui confère un caractère de nécessité absolue ; c’est ici qu’il est le jouet d’une illusion métaphysique. Donc, selon liant, vous ne pouvez pas affirmer l’existence objective de cette cause première, vous ne pouvez pas passer do l’idée à l’être ; de ce que vous concevez que nécessairement la somme des trois angles d’un triangle est égale à deux angles droits, vous ne pouvez pas affirmer que le triangle existe dans la nature.

Dans l’ordre inoral, toujours suivant Kant, le nécessaire est à la fois subjectif et objectif ; mais il prend un nouveau caractère, ou plutôt il se* transforme et devient l’obligatoire. Nécessaire signifie ce qui doit être ; obligatoire n’a pas d’autre sens ; seulement, le nécessaire proprement dit ne dépasse pas la sphère des phénomènes physiques et des idées logiques ; l’obligatoire régit des volontés libres ; partant, le nécessaire, dans l’ordre moral, ne peut pas s’imposer fatalement, comme dans l’ordre physique ; il s’impose par le respect qu’il inspire, il s’imposa par l’obligation à laquelle nous devons et nous pouvons obéir, tout en restant libres.

C’est un fuit que tous les hommes recherchent le bonheur ; il semble donc que lorsqu’on dit : si vous voulez atteindre au bonheur, vous devez faire telle ou telle chose, cet impératif semble universel ; mais cette universalité n’est que dans la forme et non pas dans •

  • la matière. En effet, il est mille façons différentes

de poursuivre et d’atteindre au bonheur ; l’impératif du bonheur ne peut donc pas me donner une formule contenant une loi précise et applicable dans tous les cas. De plus, c’est encore là un impératif hypothétique, puisqu’il est relatif à un but particulier que l’on peut supprimer en supprimant par là l’obligation. La véritable obligation s’exprime par l’impératif catégorique ; dans les deux cas que nous venons de.citer, nous disions : si vous voulez, etc., vous devez faire, etc. ; ici nous disons, par exemple : la justice doit régner parmi les hommes, donc vous devez respecter la personne d’autrui. Telle est la formule de l’impératif catégorique ; il ne suppose rien, il pose que telle chose doit être. Mais cet impératif ne doit pas supprimer la liberté à laquelle il fournit une loi. Aussi la seule loi morale obligatoire est celle qui fonde l’autonomie de la volonté. Lorsque le principe de l’obligation est, comme dans quelques systèmes, ou l’ordre universel ou la volonté divine, l’obligation n’est que fictive ; car, en obéissant à une telle loi, la volonté humaine s’abdiquerait elle-même et obéirait à une loi étrangère ; dans ce cas, il y a itëtéronomie de la volonté. La seule loi obligatoire est celle que la volonté trouve en elle-même, celle qui prescrit de respecter en tout et partout la liberté et les manifestations de la liberté. C’est ainsi que Kant distinguait lu nécessité de l’obligation.

, NÉCESSITÉ, ÉE (né-sè-si-té) part, passé du v. Nécessiter. Contraint d’une façon inévitable : L’homme, étant libre, ne peut être mécessité à faire bien ou mal. Quelques philosophes croient que toutes nos actions sont mécessitées. (Volt.) |[ Rendu nécessaire, indispensable ou inévitable : Mesures mécessitées par les circonstances. Un acte mécessité ne saurait avoir une valeur morale.

NÉCESSITÉ (Nécessitas), divinité allégorique, fille de la Fortune. Sa puissance était si grande, que Jupiter lui-même était obligé de lui obéir. Personne, excepté ses prêtresses, 11 avait le droit d’entrer dans son temple à Cormthe. On la représentait tenant dans ses mains de bronze des chevilles et des coins de fer, symboles de son inflexibilité. Platon lui donne un fuseau de diamant dont les deux extrémités touchent la terre et le ciel, et qui est tourné par les Parques.

NÉCESSITER v. a. ou tr. (né-sè-si-térad. nécessité). Contraindre, obliger, réduire à la nécessité de faire quelque chose : Le législateur peut mécessiter les hommes à la pratique des vertus, (îlelvét.)

— Rendre nécessaire : L’art du labourage a nécessité l’emploi des métaux et des bras pour les fondre et pour les forger. (Virey.) Il Impliquer, entraîner Comme conséquence nécessaire : L’intelligence divine mécessite toutes les autres qualités célestes ; elle mécessite aussi l’immortalité de l’âme. (Boiste.) L’antiquité d’un mal n’en mécessite point l !éternité. (Bignon.)

— Philos. Obliger nécessairement, contraindre par nécessité-invincible : La grâce ne mécessite point ta volonté. (Acad.)

— Syn. Nécessiter, contraindre, forcer, etc. V. CONTRAINDRE.

NÉCESSITEUX, EUSE adj. (nê-sè-si-teu, eu-ze — rad, nécessité). Indigent, pauvre, manquant des choses nécessaires : Un prince mécessiteux ne saurait entreprendre aucune action glorieuse. (Cal de Richelieu.) Il Où l’on manque des choses nécessaires : Une vie mécessiteuse.

— Fig. Peu fécond, stérile : La langue écrite

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ne laisse pas d’être indigente et mécessiteuse, parce que ses besoins s’étendent au dehors. (Marmontel.)

— Snbstautiv. Personne nécessiteuse : Un mécessiteux. Le service que vous rendes aux mécessiteux, c’est de porter avec eux une partie de leur fardeau. (Boss.) Un écrivain iltustre est ordinairement un illustre mécessiteux. (Noël.)

— Sya. Nécessiteux, gueux, Indigent, etc.

V. GUEUX.

NÉCHAO ou NÉCIIOS, roi d’Égypte ; il régna de GJ7 à 601 avant J.-C. Ayant déclaré la guerre à Nabopolassar, roi d’Assyrie, il étendit ses possessions jusque sur l’Euphrate, et fut vaincu à son tour par Nabuchodonosor, qui lui enleva toutes ses conquêtes (605). Ce prince donna une grande extension à la marine égyptienne et fit commencer un canal du Nil à la mer Rouge ; mais l’événement le plus important de son règne fut un voyage de découverte qu’il fit exécuter autour de l’Afrique par des navigateurs phéniciens, qui partirent de la mer Rouge et revinrent en Égypte par le détroit de Gibraltar et la Méditerranée. Le voyage dura trois ans. Les navigateurs racontèrent, entre autres merveilles, qu’en faisant voile autour de la Libye ils avaient eu le soleil à leur droite, à Ce fait ne me parait nullement croyi.1 le. » dit Hérodote. Ce qui semble un miracle au naïf conteur grec n’en est pas un pour nous. « C’est une circonstance qui ne pouvait manquer d’arriver dans un voyage où l’on passait la ligne, et qu’on n’aurait jamais imaginée si elle n’eût été vraie, » (Heeren.) Le savant professeur allemand a, d ailleurs, admirablement prouvé la réalité de cette entreprise, sur laquelle on avait élevé des doutes.

NECHEM s. m. (ué-chèmm). Chronol. Nom du huitième des dix mois de trente-six jours qui composent l’année des peuples de l’île Formose.

NÉCHILOTH s. m. (né-ki-lott). Antiq. hébr, Nom générique des instruments à veut des Hébreux,

NÉCHOS, roi d’Égypte. V. Néchao.

NÉCIPARE adj. (né-si-pa-re — lat. nex, necis, mort violente ; parère, engendrer). Qui occasionne la mort, la destruction : Les locustaires, sauterelles, criquets, taupes-grillons, mantes, sont 7noins morbipares que mecipares pour les plantes, dont ils fauchent les tiges en 'si peu de temps. (Raspail.) |l Inus.

NECKAM (Alexandre), .latiniste anglais, né à Hartford vers 1150, mort vers 1227. Il fit ses premières études au monastère de Saint-Alban, puis, désireux d’augmenter ses connais-sauces, il vint à Paris, suivit les cours des maîtres les plus renommés de l’époque, et fut lui-même nommé professeur de logique. De retour en Angleterre, il entra chez les chanoines réguliers de l’abbaye de Cirencester. M. Thomas Wright, célèbre critique anglais, s’est voué à l’exhumation des œuvres encore manuscrites de ce savant, qui occupait une place fort honorable parmi les érudits de son temps, et dont le nom est enseveli aujourd’hui dans un injuste oubli. Ses principales œuvres sont ; Latts divins sapientias ; Denaturis rcrum ; Metricm prorogaliones novi Prbmethsei ; Commendationes vint ; Disputatio cordis et oculi, enfin divers traités sur la grammaire.

NECKAR (le), en latin Nicer, rivière principale du Wurtemberg. Elle prend sa source sur la frontière du duché de Bade, près du village de Schwemingen, au pied de la forêt Noire, et se jette à Manheim dans le Rhin, après un cours de 397 kilom. Ses principaux affluents sont : à droite, la Prim, l’Eyach, la Starzel, l’Echatz, l’Emis, la Vils, la Rems, la Mur, la Sulm, le Kocher, la Jaxt, i’Elz et l’Itter ; à gauche, l’Eschatz, la Glatt, l’Ammer, la Kersch, l’Ens, la Zaher, la Leimbach, l’Elsenz. Cette rivière, navigable pour de petits bateaux à partir de Cannstatt, et pour de grands depuis Heilbronn, forme une des principales voies commerciales entre l’Allemagne méridionale, la Suisse et les contrées du Danube.

NECKAR (CERCL2 bu), en allemand NeckarKrcis, grande circonscription administrative du royaume de Wurtemberg. Elle tire son nom de la principale rivière qui la traverse. Elle est bornée au N. et à 10. par le grandduché do Bade, à l’E. par les cercles du Danube et de la Jaxt, au S. par celui de la forêt Noire ; capitale, Stuttgard. Superf., 3,102 kilom. ; 500,000 hab., qui se divisent ainsi : 32,000 catholiques, 7,000 juifs et le reste protestants. Il Le Neckar donnait aussi son nom à l’un des six anciens cercles du ; grand-duché de Bade ; ch.-l., Manheim.

NECKARSULM, ville du royaume de Wurtemberg, cercle du Neckar, ch.-l. du bailliage supérieur de son nom, au coniluent de la Sulm et du Neckar, o 45 kilom. de Stuttgard ; 2,500 hab. Tanneries, manufacture de tabacs, moulins à plâtre. Jadis commanderie de l’ordre Teutonique.

NECKER (Jobst de), graveur allemand, né à Augsbourg vers 1475, mort vers 15G0. Longtemps on ne connut de lui qu’une faible partie de son œuvre, une suite de planches intitulée : Histoire de l’enfant prodigue, dont la dernière porte ces mots : • Imprimé à Augsbourg par Jobst de Negker, graveur de

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planches, « et sa collaboration au célèbre Triomphe de Maximilitn, d’Albert Durer. Les planches de VEnfant prodigue auraient suffi pour établir à jamais la notoriété de leur auteur. Le mérite en est considérable. Dessinées avec une science peu commune et un instinct de la grandeur qui rappelle Albert Durer, ces nombreux sujets ont toujours été fort recherchés des amateurs. Une œuvre beaucoup moins connue, et qui doit dater de 1512, c’est une Vierge d après Albert Durer, que l’on trouve dans l’œuvre gravé de celui-ci, mais portant la signature de Jobst Denecker. Le style en est magistral et grandiose. Les draperies en sont fouillées d’une pointe si sûre, avec tant de justesse et de précision, qu’il n’est pas étonnant qu’on ait pu l’attribuer à Durer. On citait encore le Portrait de Charles-Quint, celui de 11Impératrice Isabelle, d’après Burgkmair, un Saint Sébastien attaché à une colonne, VAnge de la mort et les Deux chrétiens, gravures fort belles qui sont encore des modèles admirés.

En assimilant avec raison le Jobst Negker, signataire de ces œuvres magistrales, avec le Denecker qui a signé quelques-unes des planches du Thuerdanck ou Triomphe de Afaximilien, les érudits modernes ont été conduits à lui assigner encore de remarquables éditions delà Danse macabre, d’après liolbein. La première, qui est de 1544 et qui se trouve à la Bibliothèque nationale, est Composée de quarante-deux planches ; elle est signée Jobst Deneeker. Ces gravures sont d’une rare énergie. Cette édition est reconnaissable par l’existence d’une planche supprimée dans toutes les autres et qui représente YAdultère ; un couple est couché, dans une situation à né laisser aucun doute, et le mari, qui survient, embroche les coupables avec une longue épée. Dans cette exécution, il est aidé par la Mort. Plus tard, en 1555 probablement, il ht une édition nouvelle, mais an supprimant cette gravure qui avait fait scandale, paraît-il. La chambre et le lit ne sont pas modifiés ; mais le couple est simplement assisses bras entrelacésjet l’inévitable Mort se contente de leur montrer dans un miroir, dans un sablier, la fragilité des joies de ce monde en général, de celles de l’amour en particulier. Ces deux éditions ne sont pas absolument conformes à l’original d’Holbein. Entre autres différences, elles contiennent unegravurereprésentant un Crucifix, qui (n’a jamais existé dans l’œuvre d’Holbein. En revanche, on n’y trouve pas l’Astrologue et le Guerrier. Enfin, les gravures de Necker portent en légende des vers rimes allemands.

De cette Danse macabre il parut, en 1581, une troisième édition qui porte cette désignation.à Imprimée dans la louable ville impériale d’Augsbourg, par David Denecker, graveur de planches. » Bien que ces gravures soient inférieures à celles de Jobst, tout en accusant une grande habileté de burin, il est constant qu’elles en sont une imitation. On pense que ce David était le fils de Jobst. On le retrouve, en 1572, faisant imprimer à Leipzig cette même Danse une quatrième fois. On connaît aussi de lui le Livre de la Passion, qui parut à Augsbourg en 1577. En 1579, enfin, il publia à Vienne (Autriche) les Ages ou l’Echelle de la vie, recueil assez important qui fut édité à la même époque en format plus péiit et avec cette suscription : «Imprimé à Vienne, en Autriche, jiar Hercule de Neeker, 1579.-.J Hercule était peut-être le fils de David et le petit-fils de Jobst ; on n’a pas d’autres renseignements sur cette filiation présumée.

NECKER (Noël-Joseph), botaniste allemand, né en Elandre en 1729, mort en 1793. Il se fit recevoir docteur en médecine, s’adonna $.vec passion à l’étude de la botanique et devint botaniste de l’électeur palatin, historiographe du Palatinat, des dilchés^de Berg et de Juliers. Sa sagacité et l’exactitude de ses recherches se montrent dans ses ouvrages, qui sont estimés. Nous citerons, parmi les écrits de ce savant au caractère irritable et brusque, à l’humeur sauvage : Delicis gallo-belgicss sylvestres (Strasbourg, 1768,2 vol. in-12) ; Afethodus muscorum (1771, in-8°) ; Physiologia muscorum (mi, in-S°), ouvrage curieux qui a été traduit en français sous le titre de Physiologie des corps organisés (1775) ; Traité sur ta mycétologie (1788) ; Elementa botanica (1790, 3 vol.).


NECKER (Charles-Frédéric), écrivain allemand, né à Custrin, mort à Genève en J1760. Attaché d’abord comme précepteur à un prince allemand, il se fixa ensuite à Genève, où il professa le droit public allemand de 1724 jusqu’à sa mort. On lui doit, entre autres écrits : Lettres sur la discipline ecclésiastique (iattuùtt, 1740) ; Desci’iption du gouvernement présent du corps germanique appelé vulgairement te saint empire romain (Genève, 1742). Necker eut deux fils, dont l’un fut le célèbre financier Jacques Necker.


NECKER (Louis), mathématicien suisse, fils du précédent, né à Genève en 1730, mort en 1804. Après avoir professé dans sa ville natale les mathématiques, que d’Alembért lui avait enseignées, il entra comme associé dans une maison de banque de Paris (L762), fonda ensuite une maison de commerce à Marseille, puis retourna, à l’époque de la Révolution, à Genève, où il termina sa vie. Outre des articles insérés dans l’Encyclopédie, on lui doit : De electricilate (1747, in-4»J et quelques mémoires.


NECKER (Jacques), financier et ministre, frère du précédent, né à Genève le 30 septembre 1732, mort en 1804. Il vint à Paris à l’âge de dix-huit ans, entra dans une maison de banque et, quelques années plus tard, forma lui-même avec Thelusson une maison de commerce qu’il dirigea avec autant d’activité que de bonheur. Les vastes opérations que cette maison entreprit, spécialement sur les grains, la placèrent bientôt en première ligne, et Necker y gagna une fortune considérable, qu’il augmenta encore avec une prodigieuse rapidité lorsqu’il eut été nommé, par la protection de Choiseul, l’un des administrateurs de la compagnie française des Indes, qu’il releva de la décadence où elle était tombée. L’abbé Morellet ayant attaqué cette compagnie, Necker, qui combattait, il est vrai, pro aris et focis, la défendit avec beaucoup de vigueur et en prolongea l’existence jusqu’en 1770. Trois ans plus tard, l’Académie française ayant proposé un prix pour l’éloge de Colbert, ce fut lui qui le remporta. Son ouvrage était, pour ainsi dire, un traité d’administration financière et témoignait assez qu’il était déjà préoccupé de l’idée d’entrer dans les emplois publics. À ce moment, d’ailleurs, il faisait de grandes opérations financières avec le gouvernement, auquel il prêtait de l’argent. On lit, dans une lettre que lui adressaient les bureaux ministériels sous l’abbé Terray, le curieux passage suivant : « Nous vous supplions de nous secourir dans la journée ; daignez venir à notre aide. » (Droz, Hist. de Louis XVI.) On voit par là dans quelle détresse était alors tombée l’administration.

Comme tous les régimes en dissolution, la vieille monarchie était à la discrétion des hommes d’argent, devenus les véritables rois, par le besoin qu’on avait d’eux.

Necker publia encore un Essai sur la législation et le commerce des grains, ouvrage conçu dans des idées différentes de celles de Turgot, qu’il aspirait à remplacer, mais qu’il ne lui a pas été donné d’égaler, ni par le talent ni par la hauteur des conceptions. Necker cependant n’était pas un adversaire méprisable. Il avait, dans son écrit, ressassé et gâté le joli livre de Galiani contre les économistes ; mais, malgré son pathos et sa sensiblerie emphatique, il avait touché juste en plusieurs points, notamment en regardant par-dessus les réformes annoncées par les économistes pour prophétiser les misères nouvelles, qui se mêleraient aux bienfaits de la libre concurrence, et en réclamant au nom des pauvres et des faibles contre l’abandon de toute intervention de l’État dans les phénomènes économiques ; en s’élevant contre le système de la liberté constante et absolue d’emporter les blés, etc. Ses conclusions, en ce qui touche la question des grains, sont de ne permettre l’exportation que lorsque le blé sera au-dessous d’un certain prix qu’on fixerait tous les dix ans ; de laisser le commerce intérieur libre tant que le blé n’aura pas atteint un prix fixé ; d’empêcher dans certaines circonstances l’emmagasinement.

Sans entrer dans la discussion de ces théories, dont certaines parties ont une valeur incontestable, il est certain que Necker se posa en rival d’un autre réformateur d’une bien autre portée que lui, et qu’il fut porté, soutenu par une coterie qui était loin d’accepter toutes ses idées, mais qui se servait de lui comme d’un instrument pour renverser un homme dont elle craignait bien plus les projets de réforme.

Poussé par Maurepas, il entra aux finances après le départ de Turgot, mais d’abord dans une place secondaire et avec le titre spécial de directeur du Trésor (1776), vu sa qualité d’étranger et de protestant. Il débuta par refuser toute espèce d’appointements, désintéressement qui, d’ailleurs, coûtait peu à un homme qui possédait une des plus grandes fortunes de l’époque.

Travailleur sérieux, honnête et pétri de bonnes intentions, il s’efforça d’abord de rétablir l’ordre dans la comptabilité et commença quelques réformes dans les dépenses de la maison du roi, dans les régies, les pensions, etc. Une autre mesure fut moins heureuse, la création d’un emprunt dont une partie devait se rembourser, par voie de tirage au sort, l’autre partie se convertir en rentes viagères, expédient que Turgot n’eût point admis et que Necker multiplia trop.

La suppression des intendants du commerce, puis de ceux des finances, et le remplacement, de ces conseillers inamovibles par de simples commissions annonçaient l’intention de concentrer l’autorité tout entière dans le cabinet du ministre. Ce ministre, c’était alors Taboureau qui, sous la pression de Maurepas, finit par donner sa démission de contrôleur général. Necker fut installé dans la place sous le titre de directeur général des finances (29 juin 1777). Il eut l’autorité sans le titre et sans l’entrée au conseil. Maurepas n’était sans doute pas fâché d’avoir le prétexte de la religion pour maintenir son protégé dans une position inférieure ; mais, pour le public, Necker n’en fut pas moins le principal ministre. La confiance en lui était entière parmi les gens de finance, et ses réformes furent assez bien accueillies. Il fit proroger pour dix ans les octrois municipaux soumit les postes à un régime qui était la tran-