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OCHSENBEIN (Ulrich), homme politique et général suisse, né à Nichiu, canton de Berne, en 1811. Il fit ses études de droit, exerça avec succès la profession d’avocat et fut pendant quelque temps un des rédacteurs du journal la Jeune Suisse. Entré en 1834 comme officier dans l’artillerie de la milice bernoise, il prit part en 1836 à l’arrestation de l’espion français Conseil, ce qui amena des conflits diplomatiques avec la France, et fut appelé en 1844 à taire partie, avec le grade . de lieutenant-colonel, de l’état-major fédéral, dont il devint par la suite commandant en chef. L’année suivante, M. Ochsenbein, qui était un adversaire déclaré des ultramontains et un des membres les plus actifs du parti radical, dirigea la malheureuse expédition tentée contre Lucerne, et fut pour ce motif rayé de la liste de l’état-major. Au commencement de l’année suivante, il contribua à renverser le gouvernement de Berne, , et, par suite des modifications apportées dans la constitution de co canton, il fut élu conseiller d’État, membre de la diète, colonel de l’artillerie bernoise, colonel de 1 état-major de la Confédération et président de la diète fédérale. Lorsque éclata la guerre du Sonderbund, il prit le commandement, sous les ordres du général Dufour, d’un corps de réserve et se signala par sa bravoure dans plusieurs engagements contre Fribourg et Lucerne. En 1848, M. Ochsenbein fut un des rédacteurs de la constitution nouvelle qui augmentait l’autorité du pouvoir central, représenté par deux, chambres et par le conseil fédéral, investi du pouvoir exécutif, puis devint membre du conseil de la diète. Il reçut la direction des affaires militaires, qu’il réorganisa, se prononça pour le principe de neutralité, qui est une des garanties de l’existence de la Confédération, n.ais eut le tort grave de voter, en 1849, pour l’expulsion des réfugiés allemands, et finit par s’aliéner le parti radical, dont il avait été jusqu’alors un dos principaux membres. N’ayant point été réélu membre du conseil en 1854, il entra, l’année suivante, avec le grade de général de brigade au service de la France, et fut chargé^ de l’organisation et du commandement d’une légion étrangère qui devait être envoyée en Crimée ; mais.le traité de Paris amena la dissolution de cécorps, et M. Ochsenbein fut mis en disponibilité. Depuis cette époque, il a vécu dans la retraite.

OCIISENFELD (T), ancienne plaine de France (Haut-Rhin), faisant depuis 1871 partie de l’Allemagne. Elle s’étend dans les environs de Mulhouse, entre Wittelsheim et Anspach-le-Haut ; superficie, 10 kilom. carrés. Cette plaine inculte, exposée à tous les vents qui.la dessèchent, fréquemment couverte de neige l’hiver, est l’objet de légendes mystérieuses et de traditions historiques. D’après les uns, cette terre stérile aurait été le théâtre de la bataille livrée à Arioviste par César ; d’après d’autres, Attila y aurait livré un combat formidable ; selon quelques-uns, ce fut là que Louis le Débonnaire fut livré par trahison à ses fils révoltés ; enfin uno légende populaire prétend que, dans d’immenses souterrains situés sous rOohseufeld, dorment depuis des siècles un grand nombre de guerriers bardés do fer, qui, par certaines nuits, apparaissent sur la plaine, dont ils font silencieusement le tour. Ce qu’il y a de certain c’est que, en 1034, le duc Charles de Lorraine fut battu sur l’Ochsenfeld par Bernard de Weùnar.

OCIISENFURT, ville de Bavière, cercle du Mein-Inférieur, chef-lieu de présiclial, à 15 kilom. S.-E. de Wùrtzbourg et à 10 kilom. 0. de Kizingen, sur la rive gauche du Mein ; 2,200 hab. Commerce de Mo ; hôpital, couvent, église du ixo siècle ; autre église avec un beau portail gothique.

OCHSENIUUSEN, bourg de Wurtemberg, cercle du Danube, à 10 kilom. E.-S.-E. de Biberach, sur la Rottum ; 1,500 hab. Château de "Wimieburg, qui a servi d’abbaye.

OCHSENKOPF, montagne de Bavière, un des principaux sommets du Fiehtelgebirge, cercle du Mein-Supérieur(l,068 mètres).

OCUTE, rivière du royaume de Prusse (Hanovre). Elle naît dans le comté de Hoya, à l’E. de l’Ehrenburg, sépare le territoire de Brème du duché d’Oldenbourg, et se perd dans le Weser, à 12 kilom. N.-O. de Brème, après un cours de 48 kilom.

OCHTEZEELE, village et commune de France (Nord), canton de Cassel, arrond. et à 19 kilom. d’Ilazebrouck, à G5 kilom. de Lille ; 4G7 hab. Brasseries ; belle église du xvo ou du xvte siècle.

OCHTHÉBIE s. f. (ok-té-bî — du gr. ochthè, rivage ; bioà, je vis). Entom. Genre d’insectes coléoptères penlamères, de la famille des palpicorhes, comprenant une vingtaine d’espèces, qui presque toutes habitent l’Europe.

OCHTHÉNOME s. m. (ok-té-no-me — du gr. ocht/té, rivage ; nomos, habitation). Entom. Genre d’insectes coléoptères hétéromères, de la famille des trachêlides, tribu des aiuhicides, comprenant trois ou quatre espèces, qui habitent l’Espagne.

OCHTHÉPHILE s. m. (ok-té-fi-le— du gr ! ockthë, rivage ; philos, qui aime). Entom. Syn. de CTîYPToniB.

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OCHTHÈRE s. f. (ok-tè-re — du gr. ochthêros, montueux). Entom. Genre d’insectes diptères brachocères, de la famille des athéricères, tribu des muscides, dont l’espèce type habite l’Europe : Les ochthères sont remarquables par le renflement des cuisses antérieures. (Lucas.)

— Encycl. Les ochthères sont caractérisées surtout par des palpes très-grandes, en forme de spatule ; la lèvre supérieure consistant en une petite pièce ; les pattes antérieures à cuisses renflées et à jambes terminées par une forte pince ou un long crochet. Ces insectes qui, au premier aspect, ressemblent complètement à des mouches, se trouvent dans les lieux aquatiques et au bord des étangs. Ils courent à la surface de l’eau et cherchent, d’après M. H. Lucas, à saisir avec leurs pattes antérieures les petits insectes qui s’y trouvent. La conformation de leurs organes semble en effet indiquer des habitudes carnassières. Ces pattes leur servent encore pour recueillir sur le feuillage de petites gouttes d’eau, en rapprochant les deux cuisses de manière à en faire une sorte de godet à portée de la trompe. L’ochthére mante, espèce type du genre, se trouve en août et septembre aux environs de Paris et dans toute, la France.

OCHTHIPHILE S. f. (o-kti-fi-le — du gr.

ochthê, colline ; philos, qui aime). Entom. Genre d’insectes diptères brachocères, de la famille des athéricères, tribu des muscides, comprenant sept ou huit espèces, qui toutes habitent la France et l’Allemagne.

OCHTHODIE s. f. (o-kto-di — du gr. ochthodês, tuberculeux). Bot. Genre de plantes, de la famille des crucifères, tribu des euclidiées, comprenant plusieurs espèces, qui habitent l’Égypte et la Syrie, il On dit aussi ocn>

THODION OU OCHTHODItill.

OCHTHOSIE s. f. (o-kto-zî — du gr. ochlhê, élévation). Moll. Genre de cirrhopodes, de la famille des balanides.

OCHTINA, village de Hongrie, comitatetii 24 kilom. de Gômor. Importante mine de cuivre.

OCHTODES s. m. pi. (o-kto-de — du gr. ochtftodés, verruqueux). Méd. Nom sous lequel Galien désigne les ulcères dont les bords sont gonflés et calleux.

— Miner. Nom donné anciennement à divers oxydes métalliques.

OCHUS, aujourd’hui Tedjend ou Tedsend, rivière de la haute Asie. Elle sortait du mont Paropamisus, traversait l’Arie, la Parthie et l’Hyrcanie et se jetait dans la mer Caspienne, suivant quelques géographes, et dans l’Oxus, selon quelques autres. Le Tedjend se perd aujourd’hui dans les sables.

OCHUS, roi de Perso. V. Artaxerce III.

OCIEUX, EUSE adj. (o-si-eu, eu-ze — lat. otiosus ; de otium, repos). Passé dans l’oisiveté : Vie ocieuse. Oisif se disait de la personne, ocieux de la situation : pourquoi l’avoir abandonné ? (Marmontel.)

OCIMODON s. m. (o-si-mo-don — du lat. ocimum, basilic, et du gr. odous, odontos, dent). Bot. Nom scientifique du basilic.

OCIMOÏDÉ, ÉE adj. (o-si-mo-ï-dé-rad. ocimodon). Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte au basilic ou ocimodon.

— s. f. pi. Tribu de la famille des labiées, ayant pour type le genre basilic.

OCIMUM s. m. (o-si-momm — mot lat.). Bot. Nom scientifique du genre basilic.

OCIO, bourg d’Espagne, province de Vitoria, dans une petite vallée et sur le rio Yugaiez. Fabriques de poterie de terre et do faïence ; carrières de plâtre et de chaux. Il est dominé par un fort.

OCKAM (Guillaumed), célèbre philosophe scolastique. V. Ûccaju.

OCKÉNIE s. f. (o-ké-nl — de Ocfcen, sav. allem,). Bot. Syn. d’ADÉNANME. il On dit aussi

OCKIE,

OCKER ou OKElt, rivière de Prusse. Elle prend sa source dans l’ex-royaume de Hanovre, dans les montagnes du Harz, forme une partie de la limite entre le Hanovre et la Saxe, entre dans la province de Brunswick et se jette dans l’Aller, à 20 kilom. S.-E. de Celle et à 28 kilom. N.-N.-O. de Brunswick, après un cours d’environ 100 kilom. Cette rivière avait donné son nom à un département du royaume de Westphalie, dont Brunswick était le chef-lieu.

OCKERSE (Guillaume-Antoine), littérateur hollandais, né à Vianen en 1760. Après avoir pris le grade de docteur en théologie il devint pasteur protestant, dut cesser à cause de sa mauvaise santé l’exercice de son ministère et alla se fixer à Amsterdam. Appelé à faire partie de la convention nationale de 1707, il se signala dans cette assemblée par ses talents et son patriotisme, fut un des rédacteurs de la nouvelle constitution, subit une courte détention lors de la réaction qui eut Heu en 1793, et fut de nouveau pasteur de 1810 à 1818. Nous ignorons l’époque de sa mort. Indépendamment de sermons et d’articles littéraires insérés dans divers recueils, il a publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Traité sur la connaissance générale des caractères (Utrecht, 1788-1807, in-8°) ; Lectures pour tes yens du monde (Am OCON

sterdam, 1809-1810, in-8<>) ; Discours napoléoniens (Amsterdam, 1814-1815, in-8°) ; la Bataille de Waterloo (Amsterdam, 1817), etc.

OCKLEY (Simon), orientaliste anglais, né à Exeter en 1G7S, mort en 1720. Il s’adonna de bonne heure à l’étude des langues orientales, suivit en 1705 la carrière ecclésiastique et devint, en 1711, professeur d’arabe à 1 université de Cambridge. C’était un homme fort instruit, qui s’attacha à propager le goût des langues orientales dans son pays et qui en faisait comme la base des études théologiques. Chargé de famille, il passa sa courte vie dan3 un état presque constamment voisin de la misère et se vit emprisonner pour dettes. Ses principaux ouvrages sont : Jnlroduciio ad linguas orientales (1706, in-8°) ; Histoire de l’état présent des juifs dispersés sur le globe (1707, in-12), traduit de l’italien de Léo Modena ; le Perfectionnement de la raison humaine (1708), traduit de l’arabe ; Précis sur la barbarie occidentale (1713, in-8«) ; l’Histoire de la conquête de la Syrie, de ta Perse et de l’Égypte par les Sarrasins (Londres, 1708, in-8"), traduit en français par Jault, Cet ouvrage, le plus remarquable d’Ockley, est rempli de faits curieux sur la religion, les mœurs et l’histoire des Sarrasins. Citons enfin de lui des traductions des Sentences d’Ali, gendre de Mahomet (1717) et du Livre apocryphe d’Esdras (1712).

OCLAGE s. m. (o-kla-je— du lat. osculare, baiser). Dr. coût. Gain nuptial ; présent que le mari faisait à sa femme en lui donnant un baiser. |] Ce que l’on donnait à une veuve pour son deuil, il On disait aussi ocle.

OCLAS1H, ville de l’Indoustan anglais (Bombay), dans l’ancien Guzarate, près de la rive droite du Couvery, à 9 kilom. S.-O. de Burotche ; 9,600 hab.

OCNÛTHÉRION s. m. (o-kno-té-ri-ondu gr. oknos, paresse ; therion, bête sauvage). Mamin. Genre de mammifères édentés fossiles.

OCNUS, la Lenteur personnifiée, chez les Grecs. Les poètes représentent Ocnus dans le Tartare, tissant une corde qu’un âne, placé près de lui, dévore à mesure qu’il la fait. Ce sujet, représenté par Polygnote dans une de ses peintures, a donné lieu au proverbe grec : C’est la corde d’Ocnus, Faire la corde d’Ocnus, lequel signifie accomplir une tâche pénible et inutile, faire un travail qui ne sert à rien. Certains interprètes ont vu dans l’action d’Ocnus et de l’âne une allégorie représentant un homme laborieux, comme le cordier, marié à une femme prodigue, qui serait représentée par l’âne ; d’autres ont cru qu’il s’agissait tout simplement d’un certain Ocnus, condamné dans les enfers à un supplice qui rappellerait celui des Danaïdes et celui de Sisyphe. — Un autre Ocnus, fils du Tibre et de Manto, fonda Mantoue, à qui il donna le nom de sa mère, et secourut Enée dans sa lutte contre Turnus.

OCO.V, baie sur la côte méridionale de l’Ile Haïti, par 18» 15’ de latit. N. et 73" 10’ do longit. O. ; elle a 28 kilom. de largeur et 20 kilom. de profondeur. Elle forme, à l’O., le port Viejo, et à l’E. le port de Caldera.

OCOCOLIN s. m. (o-ko-ko-lain — de hocco et de colin). Ornith. Espèce de perdrix qui vit au Mexique, et qu’on appelle aussi perdrix de montagne : Ùococolin se rapproche de la perdrix rouge par la couleur de son plumage. (BuiT.) La perdrix ococolin est un peu plus grosse que la perdrix grise. (V. de Boinare.)

OCONA, bourg et port du Pérou, province et à 144 kilom. O. d’Arequipa, k l’embouchure du Mages, dans le grand Océan équinoxial, par 1G" 1G’ de latit. S. et 75° 40’ de longit. O.


O’CONNELL (Daniel), célèbre homme politique, surnommé le grand agitateur de l’Irlande, né à Carhen, comté de Kerry, le ! 6 août 1775, mort à Gênes le 15 mai 1847, j Son père, Morgan O’Conneîl, était un gentilhomme campagnard, très-attaché au catholicisme, et qui, comme presque tous les Irlandais, prétendait être de race royale. Dans une situation de fortune fort gênée, il faisait, pour vivre et pour nourrir ses dix enfants, le commerce, principalement celui de la contrebande. Daniel, l’aîné de ses fils, apprit à lire et à écrire à une école de village. Son oncle, Maurice O’Conneîl, l’adopta, se chargea de son éducation et lui laissa par la suite sa terre de Darrynane, où, devenu célèbre, il devait mener une existence presque féodale. Après avoir été pendant quelque temps en pension à Redington, Daniel fut envoyé en France au collège catholique de Saint-Omer (1791), d’où il passa avec son frère, en 1792, au séminaire irlandais de Douai. À la fin de cette année, les établissements religieux ayant été fermés, O’Conneîl dut retourner avec son frère en Irlande. En attendant l’argent nécessaire pour le voyage, Daniel fut profondément impressionné par le spectacle de l’agitation révolutionnaire qui régnait alors à Douai et de l’antipathie profonde de la population contre les catholiques. « Lorsqu’il s’enfuit de cette terre, qui était à ses yeux la Ninive et la Babylone des temps modernes, dit M. John Lemoinne, et qu’il toucha de nouveau le sol anglais, son premier acte fut, dit-on, de fouler aux pieds la cocarde tricolore qu’il avait été obligé de porter ; elle n’était pour lui que le symbole

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de l’athéisme et de la révolte. Or, O’Conneîl ne fut jamais un philosophe ni un révolutionnaire, ni même un libéral ; il était avant tout et par-dessus tout un Irlandais et un catholique. ■

Sous l’impulsion très-vive de ses idées religieuses, O Connell songea d’abord à se faire prêtre ; mais son tempérament robuste et sanguin, sa passion pour la chasse, la pêche, pour tous les exercices du corps, son exubérance de sève le firent renoncer à la carrière ecclésiastique, et il résolut de suivre celle du barreau. Lorsqu’il eut terminé ses études de droit, il se fit inscrire comme avocat au barreau de Dublin (1793), où, grâce à son extrême subtilité, à son étonnante puissance de travail, à son éloquence imagée et torrentueuse, à son assurance sans égale, il conquit rapidement la première place. La même année où il débutait comme avocat, un soulèvement, que devait appuyer un corps de troupes françaises, éclata en Irlande contre l’Angleterrre. Mais cette prise d’armes n’eut d’autre résultat que de replacer l’Irlande sous un régime de compression violente, et, deux ans après, l’acte d’Union avec l’Angleterre s’accomplit. O’Conneîl assista à ce triste spectacle d’un parlement national, acheté au prix de 31 millions, se suicidant et vendant l’indépendance législative de son pays. Ce fut à cette occasion qu’il s’occupa pour ia première fois de politique active et qu’il prononça son premier discours dans une assemblée de catholiques.

Quelques années plus tord, O’Conneîl, devenu possesseur de la fortune de son oncle, épousa (1807) une de ses cousines, dont il eut sept enfants. Ses éclatants succès au barreau, où il lui arriva de gagner par an de 400,000 à 500,000 fr., l’avaient mis complètement en évidence. C’est alors qu’il résolut de se faire l’interprète des vœux de l’Irlande, non point pour réclamer une nationalité séparée de celle de l’Angleterre, mais pour demander l’égalité des droits promise par Pitt et ajournée par ses successeurs, pour revendiquer l’émancipation des catholiques. Dès qu’il se fut mis a l’œuvre, avec cette ardeur passionnée qu’il apportait en toutes choses, il fut acclamé par les Irlandais catholiques comme leur véritable chef. Il devint, surtout à partir de 1812, l’inspirateur du Comité catholique, le souffle de l’agitation populaire, l’âme de toutes les réunions, la voix de toutes les plaintes, l’arbitre de tous les conseils. Infatigable travailleur, il quittait son cabinet après de longues heures de travail, se rendait au tribunal, où il plaidait de nombreuses affaires, et le soir, devenu tribun populaire, il haranguait le peuple dans des meetings, où il retraçait avec une éloquence véhémente, débordante d’images et d’hyperboles, les misères et les griefs de l’Irlande opprimée par l’Angleterre. « Pendant les vingt ans et plus qui précédèrent le bill d’émancipation, écrivait-il plus tard à lord Shrewsbury, tout le fardeau de la cause reposa sur moi. Je dus organiser les meetings, préparer les résolutions, dicter les réponses aux correspondants, examiner le cas de tout individu alléguant un grief personnel, réveiller les apathies, animer les tièdes, contenir les violents, prémunir les nôtres, tantôt contre le danger do se heurter aux prescriptions de la loi, tantôt contre les pièges qu’on tendait de toutes parts contre nous, enfin combattre en tout temps les attaques de nos puissants et nombreux ennemis. «

En organisant sur toute la surface de l’Irlande la grande agitation qui prit pour drapeau l’émancipation catholique, O’Conneîl ne se montra pas seulement un chef audacieux, un infatigable jouteur, un tribun éloquent, il fut encore le plus retors et le plus prudent des légistes. Il avait pris pour système de faire tout ce que ia loi ne défendait pas, mais de ne jamais la violer, et de ne faire en aucun cas appel à la force. « La loi avait beau avoir mille bras, dit M. Lemoinne, le Protée insaisissable de l’association catholique avait plus de mille formes, et il les prenait tour à tour avec une facilité désespérante. Comme dans la législation anglaise c’est en général la lettre qui domine l’esprit, il fallait faire une loi nouvelle contre chaque nouvelle démonstration. > Mais si O’Conneîl témoignait constamment le plus grand respect pour la loi, il s’en fallait de beaucoup qu’il Ht preuve de la même modération envers ses adversaires politiques. Pour les combattre, il n’hésitait point a, employer l’invective et l’injure et montrait un complet dédain de la vérité. Aussi s’attira-t-il, à diverses reprises, des provocations en duel. Dans une rencontre qu’il eut en 1815 avec un membre de la.municipalité de Dublin, nommé Desterre, il tua son adversaire et en éprouva de poignants remords. Peu après, Robert Peel, alors secrétaire du vice-roi d’Irlande, lui envoya ses témoins, mais la rencontre entre les deux adversaires fut empêchée. À partir de cette époque, O’Conneîl fit vœu de ne jamais se battre, et il y resta fidèle malgré les nombreux défis que continua à lui attirer la licence sans bornes de son langage.

En 1823, le Comité catholique, supprimé par une loi, changea de nom et devint l’Association catholique, qui poursuivit le même but sous la direction de son fondateur O’Conneîl. En peu de temps cette association étendit ses ramifications sur toute l’Irlande. En