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s’embarrassa dans son gosier et amena sa mort. Un prêtre lui ayant demandé dans quelle foi il voulait mourir, Montague lui répondit : « J’espère que ce sera dans celle d’un bon musulman, b II avait, en effet, embrassé la religion de Mahomet après avoir été protestant et catholique. Ce singulier personnage se plut à jouer toutes sortes de rôles. « Chez les nobles d’Allemagne, écrivait-il un jour au père Lami, j’ai fait l’écuyer ; j’ai été laboureur dans les champs de la Suisse et de la Hollande ; je n’y ai même pas dédaigné l’humble métier de postillon. À Paris, je me suis donné les airs d’un petit-maître ; j’ai été abbé à Rome ; à Hambourg, j’ai pris la grave contenance d’un ministre luthérien et j'ai raisonné de théologie de manière à rendre le clergé jaloux. Bref, j’ai joué, tous les rôles que Fielding donne à son Julien, et j’ai eu le sort d’une guinée qui est tantôt entre les mains d’une reine, tantôt dans le sac d’un sale Israélite.» Montague parlait avec beaucoup de facilité l’hébreu, arabe, le persan, le chaldéen et l’italien ; il avait des connaissances assez étendues et s’était beaucoup occupé d’antiquités. Outre un mémoire sur son Voyage du Caire au désert de Sinaï et des Observations sur la colonne de Pompée, près d’Alexandrie, qui ont été imprimés dans les Phitosophical Transactions, on a de lui : Réflexions sur l’origine et la chute des anciennes républiques (Londres, 1759, in-8°), trad. en français en 1769 et en 1793.

MOISTAGUE (Elisabeth Robinson, mistress), femme auteur anglaise, née k York en 1720, morte à Londres en 1800. Elle était fille d’un riche propriétaire, Matthieu Robinson, et elle fut élevée sous les yeux du second mari de sa grand’inère, le savant docteur Conyers Middleton, qui lui fit faire chaque Soir le résumé des conversations savantes qu’elle venait d’entendre et tourna de bonne heure son esprit vers les choses sérieuses. La précocité fle son intelligence, sa sensibilité exquise, Sa beauté, son esprit la tirent extrêmement rechercher du grand monde, où elle parut avec un grand éclat et où elle se plut toujours à vivre. A l’âge de vingt-deux ans, Elisabeth Robinson épousa un membre du Parlement, Édouard Montague, petit-fils du premier comte de Sandwich, qui la laissa veuve avec une fortune considérable en 1775. Cette femme, si distinguée par son érudition et par son esprit, vécut dans la société des hommes les plus illustres de son temps, Pope, Johnson, Beattie, Burke, Goldsmith, etc., attirés à la fois auprès d’elle par l’étendue de ses connaissances et par le charme de son esprit. Elle avait fonda chez elle une sorte de réunion littéraire qui reçut le nom de Blue Stockimjs Club (club des Bas-bleus). Ce fut pour venger le plus grand des poètes anglais des sarcasmes que Voltaire lui avait prodigués qu’elle publia son Essai sur le génie et les écrits de Shakspeare (Londres, 1769, in-8°), ouvrage plein it’érudition, de bon sens et d’esprit critique. Voltaire fut vivement irrité de trouver dans une femme un adversaire d’une telle force et depuis lors, dit-on, il ne pouvait prononcer son nom de sang-froid. It lui répliqua, dix ans plus tard, d’une façon vive, mais détournée, dans sa Zelfre à l’Académie frunçaise (25 août 1776). Elisabeth Montague, qui se trouvait à Parts cette même année, écrivit alors son Apoloyie de Shuhspèure, laquelle fut traduite en français (1777, ni-8°). On raconte qu’ayant entendu citer ce mot de Voltaire : « Ce n’est pas une merveille de trouver quelques perles dans l’énoune fumier de Shakspeare, » elle répliqua vivement, en faisant allusion aux emprunts faits aux poëtes anglais par le philosophe de Ferney, que c’était pourtant à ce fumier qu’il devait son meilleur grain. Outre les deux ouvrages précites, on a d’elle : Trois dialogues sur la mort, publiés avec ceux de lord Lyttetlou (1760), et un grand nombre de lettres fort remarquables qui ont été réunies et publiées par Son neveu sous le titre de : Correspondance littéraire (i vol. in-8»).

MONTAGUE (George), naturaliste anglais, mort, à Knowle, comte de Devon, en 1815. Il devint membre de la Société Linnéenne, dans le recueil de laquelle il a publié un grand nombre de mémoires et de dissertations. On lui doit, en outre, deux ouvrages estimés : Dictionnaire ornitholotjiqueou l’ableak alphabétique des oiseaux d’Angleterre (Londres, 1802, 2 vol. in-8°, aveciig.) ; Testacea brilannica (Londres, 1S03, iu-4", aveclig.), ouvrage suivi d’un supplément (l8Q9).

MONTAGUTO, bourg et comra. du royaume d’Italie, province de la Principauté Ultérieure, district d’Ariauo, mandement d’Or-Bara ; 2,075 hab.

MoiKuigie (château de), ancien et célèbre château de Belgique, aujourd’hui en ruine, situé au sommet d’un rocher isolé, à A kilom. de Binant. Ce château rappelle par son nom même (Mons aquilx) le passage des Romains, qui Uès-prubaulemeut établirent dans ce lieu un de leurs campements. Les magnifiques ruines qu’on y voit aujuurd’hui sont celles d’un château du moyen âge, bâti de 1300 à 1310. Elles oiîient un des plus intéressants spécimens d’architecture féodale do la Belgique. Ce château fut détruit en 1554.

MONTA1GLON (Anatole DK Covjrde dk), bibliographe et paléographe français, né à Paris en 1824, Après avoir suivi les cours de

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l’École des chartes, il obtint un emploi au musée du Louvre, d’où il est passé k la bibliothèque de l’Arsenal. Depuis lors, M. Montaiglon est devenu professeur de bibliographie a l’École des chartes. Il s’est avantageusement fait connaître par quelques travaux d’érudition, parmi lesquels nous citerons : Henri de Gissey, de Paris, dessinateur des plaùirs et des ballets du roi (1854, in-8°) ; Catalogue raisonné de l’œuvre de Claude Meltan d’iAbbeville (Abbeville, 1858, in-8°) ; Notice historique et bibliographique sur Jean Pèlerin, dit le Vialeur, chanoine de Tout (1861, in-fol.), etc. On doit, en outre, à M. de Montaiglon des éditions estimées : Li romens de Dolopathos, avec M. C. Brunet ; les Œuvres complètes de Cringoire, avec M. d’Héricault ; Recueil de poésies françaises du xve et du xvie siècle, morales, facétieuses, historiques, etc. (1855-1866, 9 vol. in-18), dans la Bibliothèque elséuirienne ; le Roman de Jehan de Parist roi de France (1867, in-18), etc.

MONTAIGNAC (Louis-Raymond de Chauvanck, marquis de), amiral et homme politique, né à Parts en 1811. Il entra à l’école de Brest en 1827, fut nommé lieutenant de vaisseau en 1840 et capitaine en 1855. En cette qualité, il commanda la batterie flottante la Dévastation, qui joua un rôle important à la prise de Kinbrun. Il fut nommé contre-amiral en 1865 et major général de la marine à Cherbourg. Durant le siège de Paris (1870), M. de Montaignac reçut le commandement supérieur du 7» secteur, qui comprenait les quartiers d’Auteuil, de Passy et de la Muette. Elu, le S février 1871, représentant du peuple par les départements de l’Allier et de la Seine-Inférieure, il opta pour l’Allier, qui lui avait donné 51,000 voix.

Il prit place à la droite de l’Assemblée, où il a voté constamment avec cette fraction de la Chambre, et il a prononcé un discours k propos du budget de la marine en 1872 ; il a été’nommé, le 15 juillet 1872, inspecteur de la flotte et des ports de la Manche.

MONTAIGNAC, nom de plusieurs personnages français. V. Gain de Montaignac.

MONTAIGNE (Michel EyqueM des), moraliste français, né au château de Montaigne (Périgord) le 28 février 1533, mort au même lieu le 13 septembre 1502. La famille d’Eyquem, dont descendait Montaigne, était originaire d’Angleterre. Son pète le fit élever dans un village de son domaine, parmi les gens de la plus humblé condition ; il dut sans doute à cette éducation première la naïveté et la délicieuse bonhomie de langage qui devaient faire un jour sa réputation comme écrivain. En même temps, on l’entourait des professeurs les plus distingués, qui tous avaient ordre de ne lui parler que latin ; en sorte qu’à l’âge de six ans il savait l’idiome de Tacite mieux que sa langue maternelle. «Nous nous latinisâmes tant, racouta-t-il plus tard, qu’il en regorgea jusqu’aux villages tout autour plusieurs appellations latines qui ont pris pied par l’usage et qui existent encore. » Il apprit ensuite le français comme on apprend une langue étrangère. Cette langue u était pas encore fixée ; François Ier venait de l’introduire dans les actes publics ; le Xvie siècle allait en faire un des principaux idiomes modernes et Montaigne devait y contribuer plus qu’aucun de ses contemporains. On lui enseigna le grec par un autre procédé que le latin. « Nous pelotions, dit-il, nos déclinaisons à la manière de ceux qui, par certains jeux de tablier (échiquier), apprennent l’arithmétique et la géométrie.» Il acheva ses études au collège de Bordeaux, étudia le droit, et fut pourvu, en 1554, d’une charge de conseiller. Parmi ses collègues au parlement de Bordeaux se trouvait La Buëtie, déjà célèbre par son traité Le la servitude volontaire ; il s’établit entre ces deux hommes supérieurs une de ces amitiés indestructibles dont les grandes âmes sont seules capables, et que Montaigne a célébrée dans un des plus beaux chapitres de ses Essais.

Dix-huit ans après la mort de son ami, Montaigne se trouva mal en parlant de lui. L’amitié fut peut-être la seule passion vive qu’il ait ressentie, et c’est U ce propos qu’il a écrit : » L’amitié me fut montrée, longue espace avant que je l’eusse veu (La Buetie) et nie donna la première cognoissance de son nom, acheminant ainsi cette amitié que nous avons nourrie tant que Dieu a voulu, entre nous si entière et si parfaite que certainement il ne s’en lit guère do pareille, et entre nos hommes, il no s’en voit aucune trace en usage. Il faut tant de rencontre à la bastir que c’est beaucoup si la fortune y arrive une fois en trois sit’des. » Montaigne quitta de bonne heure les emplois publics, car il se sentait plus fait pour étudier les hommes que pour les diriger. Cependant, élu par ses compatriotes maire de Bordeaux, chargé par eux de plaider leurs intérêts à ia cour d« France, il figura avec éclat aux états de Blois (1557), fut décoré par Charles IX de l’ordre de Saint-Michel, nommé gentilhomme de la chambre,

et s’attira la confiance de Marguerite ne France, qui aimait à le consulter. C’est ainsi que les honneurs venaient pour ainsi dire au-devant de cet homme modeste qui semblait les fuir, peut-être parce qu’il en était digne.

Le père de Montaigne mourut. Montaigne l’avait aimé tendrement et avait conservé pour les soins qu’il avait donnés a son éducation une reconnaissance qui ne s’affaiblit

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jamais. Il donna de cette affection filiale une preuve dont on ne saurait contester l’évidence : il traduisit pour son père un livre fort ennuyeux et parfaitement médiocre, la 7’/ieotouie naturelle de Sébonde. Le livre fut imprimé par la volonté expresse du père de Montaigne ; il n’eût jamais suffi pour faire une réputation à son traducteur. À défaut de goût, ces détails nous révèlent chez le père de Montaigne un ardent amour pour les lettres. Aussi son château était devenu la réunion habituelle des beaux esprits du voisinage. La mort du vieillard apporta de grands changements à la vie du château. Fait pour se contenter aisément de l’amitié d’un seul ou de quelques-uns, Montaigne s’isola volontairement dans la société de ses livres et de son cherLaBoetie, et ce fut alors que commença ce travail incessant, source de cette érudition prodigieuse qui enrichit les Essais sans les alourdir ; car Montaigne, esprit éminent et naïf k la fois, cite Plutarque ou Cicéron avec tant de grâce, de simplicité, de bon sens etd’à-propos, il les-comprend si parfaitement, il les rend avec tant de franchise qu’on n’est jamais tenté d’accuser de pédantisme ses innombrables citations.

Quand la mort l’eut privé de la tendre amitié de La Boëtie, Montaigne recueillit pieusement les Opuscules traduits du grec en français par son ami et en donna une édition (Paris, 1572, 1 vol. in-8"). C’est là qu’on trouve la singulière lettre de consolation adressée à sa femme au sujet de la mort de leur fille, et qui n’est qu’un simple morceau de Plutarque approprié à la circonstance. On s’est étonné de cette façon de chercher des consolations dans Plutarque, et l’on est allé jusqu’à accuser, k propos de ce fait, notre moraliste de dureté de cœur. Que c’est méconnaître Montaigne 1 N’est-il donc pas naturel que, nourri constamment des" dicts «des anciens, il les ait associés k tous les faits de sa vie, à toutes ses pensées, k toutes ses douleurs ? Accuse-t-on d’insensibilité le Titien pour avoir peint les traits de sa fille, ou Lamartine pour avoir raconté en vers les derniers moments de la sienne ? Artiste, poëte, philosophe, chacun a sa manière spéciale et naturelle d’exprimer ses sentiments, et Montaigne était très-sincèrement persuadé que personne n’eût été plus apte que Plutarque à consoler sa femme dans un si cruel malheur.

Il est vrai, toutefois, que s’étant marié, il s’était laissé pousser à cet acte grave, non point par ce qu’on appelle la passion, mais par un simple respect pour les usages reçus. Il n’eut jamais pour celle dont il avait fait sa femme ce qui porte le nom d’amour. La chose étant, il nous l’a dite sans fard, Pourquoi l’eût-il cachée ? Personne ne fut jamais moins que lui capable de déguiser sa pensée. Mais il nous a appris avec la même franchise que cette femme, qu’il avait prise sans l’aimer, il lui resta constamment fidèle. À défaut d’amour, du reste, il montra toujours pour elle un respect, une complaisance que de plus épris que lui sont bien loin d’imiter. S’il restait un doute sur la sensibilité de Montaigne, nous renverrions, pour le dissiper, k son propre témoignage ; nous n’eu connaissons pas de plus véridique. Il nous apprend combien la mort de son père fut pour lui un coup sensible. Il continua à vivre au château de Montaigne, moins par goût que pour honorer le souvenir paternel. Il portait habituellement un manteau que son père avait porté : ■ Ce n’est point, disait-il, par commodité, mais par délices : il me semble m’envelopper de lui. » Il ne s’accordait aucun exercice corporel en dehors de la chasse, et sa santé physique éprouvait un notable dérangement de cette privation. Lu modération connue de son caractère engagea plusieurs de ses amis k lui conseiller d’écrire l’histoire de son temps ; il ne suivit point leurs conseils et il eut raison ; car, en dehors de la vie privée, il connaissait peu de chose et ne se sentait, à aucun titre, intéressé à la politique. Il préféra écrire les premiers chapitres des Essais (1572), occupation qui avait l’avantage de ne pas l’éloigner de ses pensées favorites. Ce fut son humeur mélancolique qui lui mit d’abord en téta cette « rêverie d’écrire. » Il espéra que cela le distrairait.

À l’époque même où il donnait les premières éditions, si améliorées depuis, de cet ouvrage remarquable, unique dans notre littérature (1580), il entreprit de voyager et se mit a parcourir la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie en observateur et en philosophe. Une édition des Essais, en date de 1582, contient plusieurs particularités de son séjour à Plombières, à Bade et surtout aux bains délia villa près do Lacques. Il ne destinait pas a la publicité le récit de son excursion eu Italie, qui n’a été mis au jour qu’eu 1774 pat-Meunier et Querlon, sous le titre de : Journal du voyage de Montaigne en Italie, par la Suisse et l Allemagne en 1580 et 1581 (in-4°). Pendant le voyage qu’il fit eu Allemagne et en Italie, il allait un peu au hasard ; on le lui fit observer ; il répondit qu’il n’allait que là où il voulait et que là où il se trouvait bien, il y restait. Souvent ses hôtes, le prenant pour un très-grand seigneur, lui offraient des vins de choix ; Montaigne en était très-flatté. Quand il arrivait qu’on lui débitait une harangue, il y répondait longuement, comme il l’avoue avec complaisance dans le 111e livre des Essais. À Lurette, il offrit à la Vierge un magnifique ex-voto d’argent ciselé, orné de son portrait, de celui de sa femme et do celui

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de sa fille. À Rome, on lui décerna le titre de citoyen romain. Rome avait joué un grand rôle dans son imagination comme dans celle de quiconque a reçu l’éducation classique. Il l’étudia en détail et il ne se montre vraiment pas enthousiasmé de sa nouvelle patrie. «On n’y voit plus, dit-il, que le ciel sous lequel elle est assise et le plan de son gile. Ce n’est plus qu’un sépulchre et les masures chrétiennes perdues dans les ruines antiques font l’effet des nids d’hirondelles suspendus aux voûtes et aux parois des églises de France.»

De retour en France (1585), et décidé à ne plus sortir de son vieux château féodal, il s’y livra tout entier à l’étude et à la philosophie ; mais lorsqu’il était occupé à revoir et à augmenter les premières éditions de ses Essais, il fut envoyé aux états généraux de Blois (1588), ces fameux états de Blois où fut assassiné Je duc de Guise. Ses dernières années furent troublées par les guerres religieuses ; le fanatisme ne respecta pas toujours dans sa retraite studieuse le paisible philosophe, trop supérieur à son époque pour en avoir les passions farouches. Son château fut plusieurs fois dévasté ; sa modération, son désir de concilier les deux partis lui avaient fait des ennemis dans les deux camps. Mais, en même temps, le petit nombre des grands esprits contemporains s’honorèrent de son amitié : Pibrac, Paul de Foix, le chancelier de L’Hospital, de Thou, Pasquier, Juste-Lipse, le cardinal du Perron, surent apprécier la supériorité de son cœur et de son esprit ; le célèbre théologien Charron voulut devenir son élève ; Mlle de Gournay, que l’admiration avait attirée auprès de lui, devint sa filte d’alliance ; tous ceux enfin qui l’approchèrent subirent l’irrésistible ascendant de sa supériorité. Montaigne mourut d’une esquinancie, en 1592, à l’âge de près de soixante ans. On l’inhuma k Bordeaux, dans l’église d’une.commanderie de Saint-Antoine. C’était, d’après les témoignages contemporains, un homme de haute taille et d’assez d’embonpoint, doué d’une santé robuste, qui s’altéra néanmoins k l’âge do quarante-sept ans. À cette époque, il ressentit les premières atteintes d’un mal qui ne le quitta plus et dont il souffrit cruellement jusqu’à sa dernière maladie. Il refusa constamment les secours de la médecine, à laquelle il ne croyait point. On dit que cette opinion était héréditaire dans sa famille. Il supporta son mal avec une égalité d’âme qui fait le plus grand honneur k sa philosophie. « Celte philosophie est universellement connue, mais diversement appréciée. Les adversaires du célèbre moraliste croient avoir tout dit quand ils l’ont appelé le « sceptique Montaigne. » Sceptique, oui, il le fut, sentant vivementet exprimant avec une simplicité forte et sincère l’impuissance de l’orgueilleuse raison, la vanité du dogmatisme, l’incertitude d’une multitude de questions qui passent pour résolues, l’inutilité d’une foule d’autres qui se débattent cependant avec une inconcevable fureur. Mais si son esprit était sceptique, Son cœur ne l’était point. Il croyait du fond de son âme aux amitiés humaines et il les sentait de telle façon que c’est beaucoup, comme il avait raison de le dire, si elles sont senties ainsi « une fois en trois siècles. » Il était sceptique, mais non point k la façon de ceux qui doutent par mépris et par raillerie ; il doutait, lui, parce que, parfaitement sincère avec lui-même et avec les autres, il étudiait sans passion et sans parti pris et n’affirmait que lorsqu’il était convaincu. Si l’on supprimait du monde, même philosophique, toutes les affirmations légères ou passionnées, combien on verrait se multiplier le nombre des sceptiques t Sans doute encore la morale de Montaigne n’est pas stoïque ; sans doute il excuse ses faiblesses et les nôtres avec une facilité que de farouches moralistes lui reprochent amèrement ; mais ces colères sont-elles bien justifiées ? Montaigne professe une grande admiration pour Socrate et pour Caton ; mais il se reconnaît franchement incapable d’imiter leurs vertus, et excuse ceux qui, comme lui, ne peuvent s’élever à une si grande hauteur de perfection.

Dans cette étude sur Montaigne, nousavons essayé de montrer l’homme et le philosophe bien plus que l’écrivain ; celui-ci est tout entier dans les Essais, dont nous avons rendu, compte ailleurs. (V. Essais.) L’éditeur Lemerre, qui a entrepris de rééditer les grands écrivains avec la préoccupation du texte original et un esprit de retour aux formes exactes de la langue de l’auf ur, a fait entrer dans sa belle collection les Essais de Montaigne, accompagnés d’une notice, de variantes, de noies, de tables et d’un glossaire, par MM. E. Courbet et Ch. Royer (1« vol. 1872).

— Iconogr. Périgueux possède une statue en bronze de Montaigne, exécutée par Lanno et qui a été exposée au Salon de 1838. Le modèle en plâtre de cette statue a figure à l’Exposition uuiverselle de 1855. Un buste de

Montaigne, par Lanno, se voit à l’École normale, à Paris. Deux autres bustes du philosophe, l’un en marbre par Bridau père, l’autre en plâtre parDeseine, ornent les galeries historiques de Versailles. Pigulle a fait une statuette en bronze qui a paru dans une exposition publique, à Paris, eu 1831. Parmi les portraits graves, nous citerons ceux de Nie. Auroux (1009), Étienne Fiquet, Chereau le jeune, P.-K. Bertonuier, P.-M. Alix, Henriquel-Dupout, etc. P.-N. Bergeret a peiut, en