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1807), où ils perdirent 40,000 hommes, tués ou prisonniers. Soult occupe Kœnigsberg, un armistice est signé ; Napoléon et le czar se rencontrent dans une entrevue célèbre sur le Niémen et discutent les conditions de la paix, qui est signée à Tilsitt les 7 et 8 juillet. La Prusse, soumise à l’occupation militaire, perdait la moitié de son territoire ; deux royautés vassales, la Westphalie, donnée à Jérôme, et la Saxe, accrue du grand-duché de Varsovie, étendaient la domination française jusqu’à la Vistule. L’Allemagne demeurait inondée par nos garnisons. De plus, la Russie adhérait au blocus continental.

Au lieu de reconstituer la Pologne, Napoléon avait donné à son vassal le roi de Saxe les débris de ce pays qu’il avait arrachés au czar.

Néanmoins, l’Empire était à son apogée militaire, dominant tous les grands États de l’Europe. Le Sénat, le 27 juillet suivant, dans sa harangue à l’empereur, déclarait emphatiquement qu’il était au delà de l’histoire humaine, au-dessus de l’admiration.

Il le prouva aussitôt en faisant disparaître les derniers vestiges de la liberté, en supprimant ce qui restait du Tribunat, une ombre, et successivement en rétablissant la censure, en suspendant le jury et les dernières garanties de la liberté individuelle, en complétant son système nobiliaire, etc. Signalons, cependant, quelques établissements utiles, l’installation de la cour des comptes et la promulgation d’un code de commerce.

Il avait parlé de paix, dans ses discours d’apparat : il chercha aussitôt des prétextes pour une guerre nouvelle. Le Portugal, comme c’était son droit et son intérêt, refuse d’exclure de ses ports le commerce anglais, de déclarer sur-le-champ la guerre à l’Angleterre, de saisir les marchandises et les propriétés des Anglais, comme le lui intimait Napoléon ; celui-ci en propose la conquête à l’Espagne, signe un traité dans ce sens avec l’imbécile Charles IV et son ministre, le fameux Godoï, et ordonne à Junot d’envahir le Portugal (octobre 1807). Le passage par l’Espagne était garanti. Mais Junot, qui n’avait presque que de jeunes conscrits n'ayant pas l’âge et levés par anticipation, perdit beaucoup de monde en route et arriva à la fin de novembre à Abrantès dans un assez piteux état. Mais le prestige de la « grande armée » était tel, que la cour, le gouvernement et les principales familles s’embarquèrent aussitôt pour le Brésil. La conquête était faite presque sans coup férir. Le général français entre à Lisbonne et se trouve rapidement maître de tout le Portugal.

Mais Napoléon préparait déjà un autre drame politique : le détrônement de son bon allié le roi d’Espagne et la conquête de la péninsule. Ce malheureux pays, qui avait cru trouver une protection dans notre alliance, au milieu des bouleversements de l’Europe, qui avait fait tant de sacrifices pour nous, qui avait subi toutes les exigences tyranniques de l’empereur, avait eu un moment la velléité de s’affranchir de cette lourde tutelle, aussi onéreuse qu’humiliante, mais était retombé aussitôt dans son impuissance. Le faible Charles IV était dominé par Godoï, prince de la Paix, favori de la reine et serviteur trop docile de la politique française. Ceux qui s’indignaient en silence contre cette sujétion plaçaient volontiers leurs espérances patriotiques dans l’héritier du trône, Ferdinand, prince des Asturies. Après une suite d’intrigues ténébreuses, Napoléon crut l’heure venue de profiter des dissensions de la famille royale, qu’il attisait par ses agents, pour consommer son usurpation.

En janvier 1808, tout en accablant le roi de marques d’amitié, il fait entrer des troupes en Espagne, sous le prétexte de couvrir l’armée de Portugal et de s’opposer à un débarquement supposé des Anglais à Cadix. Chaque jour de nouvelles troupes entraient, comme s’il n’y eût plus eu de Pyrénées, s’étendaient partout, assez bien accueillies, car on n’osait encore supposer une si noire trahison, et, suivant leurs instructions, profitant de ces dispositions pour occuper les places fortes et les points stratégiques. Bientôt Murat vint prendre le commandement de cette armée (1er  mars 1808). La cour, dont les inquiétudes grandissaient tous les jours, veut se retirer d'Aranjuez, où elle se trouvait, sur Séville. Des émeutes éclatent, le peuple s’oppose à cette fuite ; le roi, épouvanté, abdique en faveur de son fils, devenu populaire, en haine du favori Godoï, et qui est proclamé sous le nom de Ferdinand VII. Pendant ce temps, Murat entrait tranquillement à Madrid. Se posant en arbitre, il décida Charles IV à rétracter son abdication (23 mars). Napoléon ne pouvait souhaiter mieux que tous ces déchirements. L’intrigue fut si habilement menée, que le peuple était convaincu que les Français allaient favoriser Ferdinand.

Le 27 mars, l’empereur, qui sentait le dénoûment approcher, écrivait secrètement au roi de Hollande, son frère, pour lui annoncer qu’il allait lui donner la couronne d’Espagne, le changer de royaume aussi simplement qu’il eût notifié à un fonctionnaire qu’il était « appelé à d’autres fonctions. »

Enfin, Napoléon vint s’installer à Bayonne (14 avril). À force de mensonges et de promesses, il y attira le père et le fils pour juger leurs différends, prononcer entre eux, en bon ami et en fidèle allié. Il avait, d’ailleurs, pris ses mesures pour les y faire amener au besoin de force.

Quand il les eut sous sa main, il leur exprima crûment ses volontés et leur imposa à tous deux une renonciation (5-10 mai), puis les interna en France.

Dans l’intervalle, une émeute avait éclaté à Madrid et avait été cruellement réprimée par Murat, qui se berçait de l’illusion que le trône d’Espagne lui était destiné.

À la nouvelle du massacre de Madrid et des trahisons de Bayonne, toute l’Espagne se souleva spontanément contre cette domination étrangère, aggravée encore par une fourberie sans exemple. Ce noble pays ne fut pas seulement entraîné par ses moines, comme on l’a répété ; le soulèvement fut unanime, national, et eut tous les caractères d’une explosion ; toute classe et tout parti y contribuèrent ; ce qu’il y a de vrai, c’est que le clergé s’y associa, à son honneur. Napoléon allait avoir devant lui, non plus une armée, mais une nation, qui se levait avec la résolution de sauver son indépendance ou de périr.

Quant à lui, changeant d’idée, il donna la couronne d’Espagne à son frère Joseph, qui régnait à Naples, et, sans le consulter, lui enjoignit, par un ordre bref et impératif, de venir régner sur ce volcan. Par d’autres promotions, il donne le royaume de Naples à Murat et le grand-duché de Berg au fils du roi de Hollande, déplaçant au gré de son caprice ses rois et ses grands feudataires comme il eût fait de ses garnisons.

À peine installé, Joseph jugea sa situation et en demeura consterné. Mais l’empereur le voulait, il lui fallait régner en sous-ordre et de seconde main. Il ne lui manquait guère que des sujets.

Les Espagnols soulevés, comme les Portugais, avaient appelé, accueilli les Anglais pour les soutenir. On sait ce que fut cette guerre implacable, qui dévora, dit-on, 500,000 hommes à la France et qui allait se poursuivre jusqu’en 1813, époque à laquelle le puissant empereur dut s’avouer vaincu et abandonner sa prétendue conquête.

Pendant les péripéties de ce drame sanglant, d’autres événements se passaient en Europe. L’héroïque résistance des Espagnols sembla réveiller les peuples. L’Allemagne se prépare en silence, attendant le moment favorable. L’Autriche arme, renoue ses relations avec l’Angleterre, excite la Prusse, soulève le Tyrol et occupe la Bavière. En janvier 1809, Napoléon, qui s’était précédemment lié avec le czar dans l’entrevue d’Erfurt, dont il attendait d’utiles résultats, accourt d’Espagne où, dans une apparition de deux mois, il avait un peu rétabli ses affaires, et se voit obligé de tourner de nouveau ses regards vers l’Allemagne. Il tire quelques renforts d’Espagne, organise ses nouvelles conscriptions (levées par anticipation), enrôle de toutes parts et de force, jusqu’à des enfants de seize ans, augmente son effectif en saignant la France à blanc, en épuisant les alliés ; enfin, pendant que ses lieutenants opéraient en divers lieux, il part pour l’Allemagne (avril 1808), et, à la suite des combats de Thann, d’Abensberg, de Landshut, d’Eckmülh, de Ratisbonne, qu’on a nommés la bataille des cinq jours, et où son génie militaire brilla du plus grand éclat, il enfonce le centre des Autrichiens et les rejette sur les deux rives du Danube.

Ce magnifique début fut attristé par la nouvelle que le prince Eugène s’était fait battre en Italie par l’archiduc Jean. Napoléon n’en marche pas moins sur Vienne, où il entre pour la seconde fois (13 mai), et d’où, quelques jours plus tard, il lance le décret qui mettait fin au pouvoir temporel des papes. Déjà, à la suite de longs démêlés, il s’était saisi d’une partie des États pontificaux et il avait fait occuper Rome par Miollis. Il finit par faire enlever le pape, qu’il interna à Savone.

Cette campagne, marquée par de nombreuses actions, Essling, Gros-Aspern, Raab, etc., se termine par la sanglante bataille de Wagram (6 juillet). L’Autriche, épuisée, négocie la paix, qui est signée à Vienne le 14 octobre, à des conditions assez dures pour elle. Pendant le cours de cette année, les Anglais avaient remporté quelques succès maritimes ; mais ils avaient échoué dans une descente en Hollande.

Bien que le divorce fût interdit aux membres de la famille impériale par les constitutions de l’Empire, Napoléon n’en divorça pas moins avec Joséphine en décembre. Trois mois plus tard, le 2 avril 1810, il épousait l’archiduchesse d’Autriche, Marie-Louise, et entrait enfin dans « le concert des rois. »

Il était au sommet de sa fortune, mais déjà l’on pouvait prévoir son déclin. La nation se fatiguait comme l’Europe. Les continuelles levées d’hommes, le despotisme étendu sur tous, le malaise, l’absence de commerce extérieur, les continuels remaniements de territoire, la lassitude des généraux, les violences du maître, bien d’autres causes encore entretenaient la désaffection.

La France comprenait 130 départements, sans compter le royaume d’Italie et toute une ceinture d’États feudataires. Mais cette puissance énorme, qui écrasait l’Europe, commençait à apparaître d’une solidité douteuse, et les esprits clairvoyants prévoyaient, craignaient une décadence rapide, que Napoléon, en effet, allait précipiter par des fautes nouvelles et qu’il avait méritée par ses excès de toute nature.

Toujours obsédé par l’idée funeste de son blocus continental, il y subordonnait en partie sa politique. C’est pour cela qu’il violentait les peuples et les princes, ceux mêmes qu’il avait établis, et qui étaient accablés de ses exigences, obligés pour y faire face de léser les intérêts et la dignité de leur patrie adoptive ; c’est pour cela qu’il imposa l'abdication à son frère Louis et convertit la Hollande en départements (juillet 1810) ; qu’il absorba les villes hanséatiques, l’Oldenbourg, une partie de la Westphalie, les provinces illyriennes ; qu’il occupa Dantzig et une partie des côtes de la Baltique ; qu’il opprimait les neutres et les alliés ; qu’il expulsait les Américains des porte de l’Empire, etc.

À cette époque où la guerre lui laissait un peu de repos, sauf en Espagne, il était tout occupé de cette grande affaire et n’en agissait pas moins en prévoyance de nouveaux conflits.

Le 20 mars 1811, il lui naquit un fils, qu’il baptisa du titre de roi de Rome, à l’imitation des anciens césars germaniques, et sur qui il fondait, par une vaine prévision, les plus vastes espérances. Il y eut à l’occasion de cette naissance, puis du baptême, des fêtes éclatantes, comme après le mariage. On revit dans ces occasions tous les actes de courtisanerie, toutes les platitudes habituelles et dont Napoléon était si avide. À l’Hôtel de ville, Bellart et les membres du conseil (qui proclameront la déchéance) votèrent 10,000 fr. de rente au page qui vint des Tuileries leur annoncer la grande nouvelle qu’il était né « un roi de Rome. » C’était le budget de la ville de Paris qui soldait les frais de cet enthousiasme officiel. Des sénateurs vinrent haranguer l’enfant, etc.

Bientôt le sang allait recommencer à couler par torrents, et l’empereur, sous le prétexte que son bon allié le czar organisait ses forces, poussait lui-même ses préparatifs militaires avec sa fiévreuse activité et comme s’il eût voulu entrer en campagne deux mois plus tard. La France et les peuples soumis, les alliés, devaient pourvoir sans murmurer à ces prodigieuses dépenses d’hommes et d’argent. Il levait les conscriptions un an et deux ans à l’avance, et quant aux nombreux réfractaires qui se dérobaient pour échapper à la boucherie, il les faisait poursuivre par des colonnes mobiles qui commettaient tous les excès, accoutumées à toutes les brutalités de la guerre, et qui installaient chez les parents des fugitifs des garnisaires que les familles devaient grassement nourrir et payer jusqu’à soumission des malheureux réfractaires.

Il organisait militairement, en outre, une prétendue garde nationale, conscription mal déguisée, qu’il comptait bien incorporer d’une heure à l’autre dans l’armée active.

Par suite du blocus, les matières premières étaient rares, nos manufactures combles de produits invendus, la crise commerciale et industrielle en permanence ; les faillites et banqueroutes se multipliaient par milliers et sans relâche (1811). À Lyon, à Rouen, dans la plupart des villes industrielles et dans beaucoup de départements, « les trois quarts des bras au moins restèrent oisifs. » (Thiers.) Le sucre, le café et d’autres produits atteignirent des prix fabuleux, comme nous l’avons revu durant le siège de Paris.

Enfin, en 1812, il y eut une disette qui ajouta les souffrances de la faim à tant d’autres.

Mais toutes ces souffrances et ces ruines ne troublaient guère le maître dans ses vastes conceptions et dans la poursuite de ses chimères. Il semblait déjà évident pour plusieurs de ceux qui l’approchaient qu’il était frappé d’une sorte de démence. Il avait au moins la folie de la puissance et de l’orgueil.

L’année 1811 avait été marquée en Espagne par quelques succès, qui compensaient un peu tant d’échecs précédemment essuyés. Mais Wellington était maître du Portugal et marchait sur Madrid.

C’est à cette heure critique que Napoléon se détermina à la plus funeste de ses entreprises.

Mécontent du czar, dont l’alliance ne lui avait pas procuré des avantages à la hauteur de ses prétentions, il résolut de le punir de sa tiédeur dans l’application du blocus (qui ruinait ses peuples) par l’invasion de la Russie. Pendant qu’il leurrait cette puissance par de vaines négociations, il poussait ses préparatifs avec la plus grande activité, groupant les contingents de l'Italie, de la Hollande, de la Saxe, de la Bavière, etc., de manière à se constituer une année de 600,000 combattants ; il s’assurait le concours forcé de la Prusse et de l’Autriche, et, après avoir tenu à Dresde un de ces congrès de rois où se complaisait son orgueil, il déclare la guerre à la Russie (22 juin 1812) et, le surlendemain, franchit le Niémen à la tête de masses énormes, composées de soldats de toutes les nations. Le voilà engagé dans cette aventure tragique et gigantesque dont rien n’avait pu le détourner, ni les conseils, ni les prières, ni les représentations les plus judicieuses. Il avait dit, dans sa proclamation aux soldats : « La Russie est entraînée par la fatalité : ses destins doivent s’accomplir ! »

Combien, à ce moment, ce langage emphatique s’appliquait bien plutôt à lui-même ! Après s’être attardé 17 jours dans Wilna, après les batailles de Smolensk, de Polotzk, de Valontina, qui écartèrent les armées russes plutôt qu’elles ne les dispersèrent, il s’enfonça à travers des régions dévastées, ne rencontrant que des débris de villes incendiées par les Russes, et se dirigeant sur Moscou, où il pensait pouvoir livrer une action décisive. Il rencontra, en effet, l’année de Barcley et de Koutouzof sur les bords de la Moskova (7 sept.), et remporta sur eux la grande victoire de Borodino, due principalement au maréchal Ney.

La vue de Moscou remplit l’armée d’enthousiasme, et Napoléon s'établit au Kremlin, attendant des propositions de paix, et affectant de dicter des décrets sur le Théâtre-Français et autres sujets de cette importance.

Tout à coup, Moscou brûle, embrasé par le patriotisme des habitants et par les ordres du gouverneur Rostopchin (15-20 sept.). Napoléon atterré, au lieu de marcher sur Saint-Pétersbourg, attendit, en poursuivant de vaines négociations, que l’hiver précoce de ce dur climat le chassât de ces ruines fumantes, terrible auxiliaire que les Russes attendaient. Il se résigne enfin à la retraite (18 octobre), harcelé par les Cosaques et divers corps d’armée, à travers les neiges et les déserts, avec des troupes affamées, démoralisées, obligées cependant de combattre à chaque pas, et semant de milliers de cadavres cette route funèbre. Ce fut une marche dont le souvenir épouvantable ne s’effacera jamais. La Bérézina, nom sinistre, engloutit 20,000 cadavres (25 nov.). Enfin, on évalue à 300,000 le nombre de ceux qui ne repassèrent jamais le Niémen.

L’auteur de tant de désastres, quand on fut arrivé dans un pays où l’on pouvait se procurer des moyens de transport (en Lithuanie), abandonna froidement ses débris d’année (6 déc.) et accourut à Paris, où la conspiration de Malet avait récemment failli le renverser.

De plus, en Espagne, la défaite des Arapiles avait encore une fois chassé Joseph de Madrid, et mis ses affaires dans le plus fâcheux état.

Quant au puissant empereur, se jetant à côté, il attribua en plein conseil d’État les malheurs de la France à l’esprit philosophique, aux idéologues, qui avaient perverti l’esprit du peuple !

Puis, au lieu de demander la paix, il se hâta de moissonner plusieurs générations, avec l’appui d’un Sénat avili, et se précipita de nouveau en Allemagne, où la Russie, renforcée de la Prusse et de la Suède, qui avait en 1810 Bernadotte comme prince héréditaire, ne voulait plus souffrir l’occupation française. L’Angleterre fournit 7 millions sterling à la nouvelle coalition. L’Autriche reste sourde aux appels de l’époux de Marie-Louise, dominée par l’Allemagne, qui, entraînée par des ligues patriotiques, se levait à la voix de ses meilleurs citoyens contre le tyran du monde, à l’exemple de la courageuse Espagne.

Le 2 mai 1813, l’empereur, au prix d’énormes sacrifices, bat les coalisés à Lutzen, réinstalle à Dresde son fidèle allié le roi de Saxe (12 mai), et défait les Russes dans une bataille de quatre jours, à Bautzen (20 mai). Il jugea prudent, toutefois, d’accepter la médiation de l’Autriche, l’armistice de Pleiswitz (3 juin), enfin le résultat du congrès réuni à Prague (5 juillet), le tout pour se donner le temps d’achever ses armements. Quant à la paix, à des conditions pratiques, il n’en voulait pas, se croyant assuré de vaincre les coalisés et d’imposer définitivement sa domination à l’Europe. Cette paix, que l’Autriche proposait dans sa médiation, lui eût fait perdre des conquêtes que visiblement il ne pouvait plus défendre, mais lui eût laissé encore la Belgique, les provinces rhénanes, la Hollande, le Piémont, la Toscane, l’État romain, plus Naples, la Lombardie, la Westphalie, constitués en États vassaux. Mais il préférait perdre la France plutôt que de renoncer à l’autocratie de l'Europe. La nation, exténuée, affamée de paix, eût accepté ces conditions fort modérées et qui n’avaient rien d’humiliant après les désastres de Russie et d’Espagne. Aussi, se gardait-il de laisser deviner le fond de sa pensée, sauf à quelques intimes, comme son esclave Bassano. Toute sa conduite, et cela à toutes les époques, n’était que mensonge et dissimulation.

Finalement, la lutte reprit. L’Autriche entra dans la coalition, puis la Bavière, en attendant d’autres défections successives. Menacé par trois armées, Napoléon remporte encore la victoire de Dresde (27 août 1813), pendant que ses lieutenants, grands hommes de guerre, mais dominés par la situation, les Macdonald, les Ney, les Oudinot, échouent en Silésie, en Bohême, etc. Il se vit donc obligé de battre en retraite, en combattant à chaque pas, fit tête pendant deux jours à 300,000 coalisés, avec une étonnante supériorité, dans cette effroyable affaire de Leipzig (18-19 oct.), qu’on a nommée la bataille des nations. Écrasé, il subit encore un échec au passage de l’Elster, mais soutient sa retraite jusqu’au Rhin, perce les Bavarois à Hanau (30 oct.), à Hocheim (2 nov.), et rentre en France avec un lambeau d’année.

Les souvenirs de la grande Révolution rendent les coalisés prudents, ils proposent la paix sur la base des frontières naturelles ;