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MUSS

qu’on ne l’avait fait avant lui. Ses principaux ouvrages sont : De eerta méthodo philosophie experimentalis (1723) ; Epitome elementorum physico-malhematicorum in ustis academicos (Leyde, 1725), traité fort estimé, plusieurs fois réimprimé sous le titre de Introauciio ad philosophium naturalem (Leyde, 1702, 2 vol. in-4o), et Jeux fois traduit en français, sous les ti très à’Essais de physique [ 1739) et de Cours de physique (1769) ; Pltysicx expérimentales et geametrics de mugnele tuborum capillariiim vitreorumque speculorum attractione, ~magnitudiiie terrs, coherentia corporum firmorum (Leyde, 1729, in-4o), recueil d’excellents travaux ; Tentamina experimentorum naluraliimi in Academia del Cimenta ex italico sermone in latinum conversa (Leydé, 1731, îiit4°) ; Instituliones logics prxcipue comprehemtentesartem argumentundi (Leyde, 1748, in-8o). r-Son frère, Jean van Musschenuhouk, né en 1S87, mort à Leyde en 1748, suivit d’abord la carrière des, armes, devint un excellent mécanicien, puis fut professeur de philosophie k Leyde. Il fut d’un grand secours/à S’Gravesamle pour inventer et perfectionner des instruments de physique, décrits par ce dernier dans les trois éditions de ses Éléments de physique.’On a de lui -.Description de nouvelles sortes de machines pneumatiques^ tant’• doubles que simples (Augsbourg, 17û5, in-8Q).

MUSSCHER (Michel van), peintre hollandais, né à Rotterdam en 1645, mort à Ams—’ terdum’en 1705. Il fréquenta les principales écoles de Hollande, suivit les leçons de Gabriel Metzu, de Jean Steen, d’Abraham van den Tempel, etc., et s’adonna successivement à la peinture d’histoire, de genre, du paysage, an portrait. Ses ouvragés, dont les : meilleurs sont ses portraits, se distinguent par l’harmonie de la couleur, la délicatesse de la touche et par un fini précieux. Mais ils, laissent beaucoup à désirer au point dé vue du dessin et de la composition. Tout eh’idéalisant ses modèles, il sàvait’leur donner ùrïe grande ressemblancé ; aussi obtint-il’liii’e grande vogue comméportraitiste et fit-il ùiVe belle fortune. On regarde comme son chefd’œuvre le tableau dans lequel il s’est représenté, entouré de sa’femme e£ de ses’enfants. ’.MUSSE s. f. (mu-se). Cachette. Il Vieux mot.,. ■’..ii, i

..’, — Véner. Passage, étroit d’un, fort bu d’une haie, pour les lièvres, les lapins et autre gibier.. ’, , >, ,., rl.. T.

— Econ, rur. Sorte de chambre basse, qui sert d’habitation aux oies et aux canards.

— Zooph. Genre de madrépores. ■’

MUSSE1.BURGH, bourg et paroisse d ; E-cosse, comté et à 8 kilom,’E. d’Édimbourg, sur l’estuaire du Forth, à l’embouchure de l’Esk ; 9, 000 hab. Marais salants ; fabrication de toiles, cuirs, poterie ; distilleries, brasseries. Bains de mer très-fréqueutOii’,

MUSSELEM— s. m. (mu-se-lèmm)..Cavalier d’un corps ottoman,.qui possédait des bénéfices et jouissait de certaines immunités..

MDSSENNA s. m. (mu-sènn-na). Bot. V.’MÉ SENNA.’H’’•’;’•

MUSSE-POT (A) loc., ady.’V. .mucheten-

POT., « àiJ t,’, ti’,’,.,’ » ’j

MUSSER v. a. ou tr. (mu-sé.— — L’origine de ce mot est controversée. Grandgagnage propose le germanique muchen, mus/ce », agir d’une manière cachée, et Diez l’ancien haut allemand sich mizen, se retirer dans l’obscurité. Delàtre rapporte cémot au latin mussare, de la racine sanscrite muç, comprimer, * murmurer, grec muzo. Périon, Borel et autres ont songé au grec muein, cacher, dont l’infinitif futur fait mussein, Ce serait le seul cas où un verbe français dériverait d’une forme grecque au futur. Le latin muss/tre, dissimuler, serait peut-être plus acceptable). Cacher : Il faut mussur mn faiblesse sous ces grands crédits. (Montaigne). || Vieux mot. ■

Se musser v. pr. Se cacher : Le naturel des femmes nous est figuré par la lune, entre autres choses, en ce qu’elles SE MUSSENT, elles se contraignent et dissimulent en ta vue et présence de leurs maris. (Rabelais.)’ Dessous une amussa,

L’ambition, l’amour, l’avarice se musse. "

Réunies !

MUSSET (Joseph-Mathurin), homme politique français, né en Bretagne en 1749, mort en Belgique en 1828. Curé de Falleron au moment où éclata la Révolution, il adopta avec chaleur les idées nouvelles, s’empressa de prêter serment à la constitution civile du clergé, fut nommé, dans le Var, député à la Législative (1790), puis à la Convention, où il siégea parmi les montagnards. Lors du jugement de Louis XVI, il se prononça, pour la mort sans appel ni sursis, puis remplit diverses missions, dans lesquelles il sut allier l’énergie à l’humanité. Ce fut lui, qui, en 1794, présenta à la Convention et appuya la pétition du serrurier Gamain, qui avait exécuté pour Louis XVI la fameuse armoire de fer des Tuileries et prétendait avoir été empoisonné ensuite par ce prince. Depuis lors, Musset devint successivement membre du conseil des Anciens, administrateur de la loterie, commissaire du Directoire en Piémont, préfet de la Creuse (1800), membre du Corps législatif (1802). Il vivait depuis 1807 dans la retraite, lorsque la loi de 1816 le força à se réfugier en Belgique, où il termina sa vie.


MUSSET (Louis-Alexandre-Marie DE), marquis de Cogners, littérateur français, né à Mazangé, près de Vendôme, en 1753, mort à Cogners (Sarthe) en 1839. Il suivit la carrière des armes et il était, au début de la Révolution, lieutenant des maréchaux de France. En 1790, il devint procureur syndic du district de Saint-Calais, fit partie, à partir de 1801, du conseil général de la Sarthe, et fut, de 1810 à 1814, député au Corps législatif. Depuis lors, il vécut dans la retraite. De Musset était membre de l’Académie celtique, dans le recueil de laquelle il a inséré douze Lettres critiques sur l’origine du christianisme. Il a fourni des articles au Cours d’agriculture de l’abbé Rozier, des pièces de vers aux Étrennes du Parnasse, sous le pseudonyme de Billerie. Enfin, on lui doit un certain nombre d’écrits, parmi lesquels nous citerons:le Duel et l’amitié à l’épreuve de l’amour-propre et de l’amour (1774), recueil de contes moraux; Correspondance d’un jeune militaire ou Mémoires de Lusigny et d’Hortense de Saint-Just (Paris, 1778, 2 vol. in-12), roman réédité sous le titre:Amours d’un jeune militaire (1779) ; De la religion et du clergé catholique en France (1797, in-8o) ; Considérations sur l’état des finances du royaume (in-8°), etc. Citons enfin de lui un mémoire sur la légende de Roland, dont on s’est tant occupé depuis. C’est une bonne fortune pour le marquis de Musset d’avoir, l’un des premiers, attiré l’attention du public sur ce type chevaleresque entre tous, que la musique a rendu si populaire et que la poésie a chanté avec tant de charme. On doit encore au marquis quelques travaux sur les progrès de l’agriculture.


MUSSET (Victor-Donatien DE); plus connu sous le nom de Musset-Patay, littérateur et administrateur français, cousin du précédent, né dans le Vendômois en 1761, mort à Paris en 1832. Il appartenait à une bonne famille, que les dons de la fortune n’avaient point gâtée. Fort jeune, encore, il entra à l’école militaire de Vendôme, où ses progrès furent rapides et ses talents remarqués. Dès cette époque, il manifesta pour la critique et pour l’érudition un goût qu’il ne cessa pas de cultiver. En 1793, Musset-Pathay, allié et parent d’émigrés, fut déclaré suspect et incarcéré pendant quelque temps. Rendu à la liberté après la Terreur, il accompagna à Tours un commissaire des guerres qui, ayant remarqué ses capacités, le fit entrer dans l’administration. En 1808, Musset-Pathay quitta le ministère de la guerre pour entrer au ministère de l’intérieur. De 1818 à 1830, il demeura sans emploi, faisant en Belgique de fréquents voyages, qui paraissent ne pas avoir été étrangers à la politique. Grâce au général de Caux, il rentra, lors de la révolution de Juillet, au ministère de la guerre comme chef du bureau de la justice militaire, et mourut du choléra. Ses deux fils, Paul et Alfred de Musset, ont fait rejaillir sur son nom une partie de l’éclat littéraire dont ils se sont environnés, le second surtout. Il avait lui-même beaucoup travaillé et publié un certain nombre d’ouvrages, qui, pour la plupart, ont paru sous le voile de l’anonyme et qui ne sont pas sans valeur. Son principal titre est un commentaire des œuvres de J.-J. Rousseau, dans lequel il manifeste pour le philosophe de Genève un enthousiasme sans bornes. Parmi ses autres travaux, il faut citer:la Cabane mystérieuse (Paris, 1799, 2 vol. in-12), fiction du genre romanesque, assez ennuyeuse ; l’Anglais cosmopolite (Paris, 1800, in-8o), œuvre originale, donnée comme une traduction de l’anglais et réimprimée en 1802 ; Voyage en Suisse et en Italie, fait avec l’armée de réserve (Paris, 1801) ; Vie militaire et privée de Henri IV, d’après ses lettres inédites (Paris, 1803) ; Recherches historiques sur le cardinal de Retz (Paris, 1807), ouvrage dans lequel il se prononce en faveur du fameux cardinal ; Anecdotes inédites sur Mme  d’Épinay (Paris, 1808) ; les Trois Bélisaires (Paris, 1808) ; Souvenirs historiques (Paris, 1810) ; Fragments d’un voyage dans le Brabant hollandais et dans les îles de la Zélande (Paris, 1810) ; Bibliographie agronomique (Paris, 1810), l’un des premiers traités qui aient été faits sur l’économie rurale ; Essai sur l’administration (Paris, sans date, in-8o) ; Histoire de la vie et des ouvrages de Jean-Jacques Rousseau (Paris, 1821, in-8o) ; c’est l’œuvre capitale dont nous avons parlé plus haut ; elle mérite de fixer l’attention des érudits littéraires ; il a, en outre, enrichi d’annotations et de remarques diverses éditions des œuvres complètes de son auteur favori, et fait suivre son grand ouvrage de quelques études sur des points de détail ; Précis des circonstances de la vie de Jean-Jacques Rousseau, depuis l’époque où il a terminé ses Confessions jusqu’à sa mort ; Examen des Confessions et des critiques qu’on en a faites (1824) ; Observations sur les correspondances en général et sur celle de Rousseau en particulier (1824) ; Réponse à la lettre de M. Stanislas de Girardin (Paris, 1824) ; Premier examen critique de l’édition de Rousseau publiée par M. Auguis (Paris, 1824). On lui doit encore une Suite au Mémorial de Sainte-Hélène ou Observations critiques pour servir de supplément et de correctif à cet ouvrage (Paris, 1824, 2 vol. in-8o) ; Contes historiques (Paris, 1820), en collaboration avec M. de Sazerac ; Chronique amoureuse de la cour de France (Paris, 1826, in-fol.). En sa qualité de bibliographe, Musset-Pathay a écrit un certain nombre de préfaces pour les œuvres de quelques-uns de ses confrères ; ainsi, il a fait précéder d’un tableau historique de l’empire de Russie le Voyage à Pétersbourg du comte de La Messelière (1803, in-8o), et rédigé le précis sur les guerres de France mis en tête des Relations des principaux sièges faits ou soutenus par notre armée depuis 1792 jusqu’en 1804 (Paris, 1806, in-4o), recueil dû à la collaboration des généraux Marescot, Dejean, Poitevin, etc., et dont Napoléon arrêta la publication. Musset-Pathay continua, en outre, l’Histoire du Bas-Empire de Lobeau ; il traduisit l’Abrégé de l’histoire romaine de Goldsmith et l’Abrégé de l’histoire grecque.


MUSSET (Paul-Edme DE), fils du précédent et frère aîné d’Alfred de Musset, né à Paris en 1804. Il fit ses études au lycée Charlemagne et n’embrassa la carrière littéraire qu’après les premiers succès de son frère. Écrivain élégant, sobre et châtié, d’une certaine compétence dans les restitutions historiques qu’il a tentées à diverses reprises, surtout dans ses Originaux du XVIIe siècle et ses Femmes de la Régence, où se trouvant quelques portraits à la plume légèrement esquissés, assez fin observateur des mœurs dans ses récits de voyages et dans les nouvelles que ses excursions à l’étranger, surtout en Italie, lui ont inspirées, il a cependant toujours été écrasé par la supériorité de son cadet. Ses essais au théâtre n’ont jamais rencontré de ces succès qui mettent hors de pair et il n’a pu acquérir qu’une estimable notoriété. Sa réplique à l’audacieux roman de George Sand, Elle et Lui, dans lequel elle évoquait maladroitement le souvenir de sa rupture avec Alfred de Musset, et qu’il intitula Lui et Elle (1859, in-18), fit un certain bruit à cause des révélations dont ces pages étaient pleines; nous en avons rendu compte (v. ELLE ET LUI). On lui doit surtout des romans et des recueils de nouvelles : la Table de nuit, équipées parisiennes (1832) ; Samuel (1833) ; la Tête et le cœur (1834) ; Lauzun (1835, 2 vol.) ; Anne de Boulen (1836, 2 vol.) ; le Bracelet (1839) ; Mignard et Rigaud (1839, vol.) ; Guise et Riom (1840, 2 vol.) ; Femmes de la Régence (1841, 2 vol. in-8o) ; Mme  de La Guette (1842, 2 vol.) ; Course en voiturin (1845, 2 vol.) ; Originaux du XVIIe siècle (1848) ; les Nuits italiennes (1848, 2 vol.) ; Jean le trouveur (1849) ; le Maître inconnu (1852, 3 vol. in-8o) ; Livia (1852, 3 vol. in-8o) ; le Nouvel Aladin (1853, in-18) ; Puylaurens (1856, in-18) ; Lui et Elle (1859, in-18) ; Extravagants et originaux du XVIIe siècle (1863, in-12) ; Voyage en Italie, partie septentrionale (1863, in-8o, nouv. édit.), etc. ; la Revanche de Lauzun, drame en cinq actes (Odéon, 1856) ; Christine, roi de Suède, comédie en trois actes (1857). M. Paul de Musset rédigea avec talent le feuilleton dramatique du journal le National. Il a traduit les Mémoires de Gozzi et a donné à la Revue des Deux-Mondes : le Dernier abbé, Puylaurens, Scènes de la vie sicilienne, etc.


MUSSET (Louis-Charles-Alfred de), l’un des plus grands parmi les poètes contemporains, et dont la place est glorieusement marquée sur la même ligne que Lamartine et Victor Hugo ; né à Paris en 1810, mort dans la même ville en 1857. Il était le second fils de Musset-Pathay, littérateur distingué. Dès l’âge de vingt ans, au moment de la lutte ardente des écoles littéraires, il se jeta dans la mêlée en publiant un volume de poésies intitulé : Contes d’Espagne et d’Italie. Ce recueil, plein de verve, d’imagination, d’esprit et de couleur, fit une sensation immense et plaça son auteur à l’avant-garde de l’école nouvelle, parmi les plus hardis et les plus aventureux. On y remarque déjà une partie des qualités brillantes qui se sont développées depuis chez le poète ; mais, malheureusement aussi, les défauts dont il n’a jamais daigné se corriger : abondance d’idées, exubérance de sève, richesse de coloris, saillies étincelantes, allure cavalière et dédaigneuse, ironie d’une puissance voltairienne, incorrections volontaires, immoralité insouciante et folle, mépris de l’humanité, scepticisme universel, absence d’idéal ; enfin, toutes les grâces de l’adolescence unies aux inspirations du vice et aux amertumes du désenchantement. Depuis, parurent successivement la Coupe et les lèvres, poëme dramatique où les plus admirables vers ne rachètent pas toujours l’ironie amère et désolante des idées Qu’ils expriment ; À quoi rêvent les jeunes filles, délicieuse fantaisie, d’une grâce et d’une suavité incomparables ; Namouna, poëme qui, par ses allures capricieuses et vagabondes, rappelle le Beppo de lord Byron, et où l’on remarque principalement le portrait de Don Juan ; la Confession d’un enfant du siècle, analyse navrante d’une maladie morale que l’auteur connaissait trop ; Rolla, composition d’une richesse de poésie qui ne fait pas pardonner l’immoralité de l’idée ; les Nuits, élégies sublimes, baignées de toutes les larmes que la douleur humaine peut répandre, et qui sont peut-être le chef-d’œuvre de la poésie contemporaine ; le dialogue de Dupont et Durand, impitoyable et injuste raillerie des améliorations sociales rêvées par la philosophie moderne ; puis des Nouvelles en prose, d’un style élégant et limpide, et qui se distinguent par la grâce, le naturel et le sentiment. Parmi ses Comédies et Proverbes, on remarque surtout Lorenzaccio, puissante étude dramatique dans la manière de Shakspeare, et où déborde le désolant scepticisme du poëte, son mépris de toute conviction. Quelques-unes de ces esquisses ont été essayées sur la scène et ont obtenu un succès mérité. Un caprice, Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, et plusieurs autres, ont été représentées sur le Théâtre-Français et vivement goûtées du public. En dehors de ses œuvres, la biographie d’Alfred de Musset n’existe pour ainsi dire pas, ou du moins peut-être serait-il mieux de n’en pas tenir compte ; sa vie fut celle d’un homme qui, doué des qualités les plus brillantes, de la sensibilité la plus vive et des qualités intellectuelles les plus rares, s’est pourtant complu à se renfermer dans un dédaigneux égoïsme, à ne pas vouloir soupçonner qu’il y eût sur terre d’autres créatures vivantes que lui et ses maîtresses, quand il en avait, à persifler cruellement cette sensibilité qui le faisait poëte, et qu’il voulait se cacher à lui-même. Un voyage en Italie, qu’il accomplit avec George Sand en 1833, et dont les péripéties sont restées mystérieuses, malgré les plus scandaleuses révélations, paraît avoir eu une grande influence sur l’esprit et sur l’existence même du poëte. Une rupture éclata à Venise entre les deux amants ; Elle et Lui, de George Sand, Lui et Elle, de Paul de Musset, Lui, de Mme  Louise Colet, ont raconté ces événements intimes de diverses manières, toutes opposées. La Confession d’un enfant du siècle laisse voir une incurable blessure faite au cœur du poëte, et, en même temps qu’un scepticisme ironique domine la plupart de ses œuvres postérieures, Alfred de Musset s’enfonce matériellement dans cette vie de débauches ternes et monotones, entrecoupée de surexcitations alcooliques et de stations dans les mauvais lieux, sur laquelle il est parvenu pourtant à jeter le voile éclatant de la poésie. « Tout ce que l’on peut dire de lui, dit M. Ch. de Mazade, c’est qu’il régla mal sa vie, qu’il céda trop aux entraînements de son imagination et de sa nature ; il fut de ceux qui viennent au monde moins pour se gouverner eux-mêmes que pour charmer les hommes. Quand on relit la Confession d’un enfant du siècle, on n’a pas de peine à voir combien de traits personnels et familiers au poëte ont dû passer sur le visage de ce héros du temps, de ce jeune homme qui tombe à chaque instant et se relève pour retomber encore, qui croit se sauver des orages du cœur dans l’ivresse des sens et éprouve aussitôt le dégoût de ces plaisirs malsains, qui badine avec la souffrance, joue avec tout et, à travers tout, garde une âme supérieure à tous les désordres vulgaires. Que le poëte eût quelque prédilection pour cette figure de Don Juan, qu’il compare à un guerrier, cela est possible. Dans tous les cas, ce qu’il faudra ajouter, c’est que ses faiblesses n’ont nui qu’à lui-même ; il ne s’en faisait pas un piédestal. Il n’était pas de ceux qui ont des théories de réhabilitation toutes prêtes, qui abritent leurs passions sous des sophismes, et, à la bien prendre, cette confession est elle-même un livre de morale plus éloquent que le traité le plus complet. Ce qui ressemble à de la licence chez Alfred de Musset est quelque chose qui effleure, sans laisser de traces, parce que cela est aussitôt épuré comme par une flamme invisible. Il en est de ce libertinage du poëte comme de son ironie, qui finit toujours par une larme, quelquefois par une prière inquiète, errante et désolée. » Le critique songeait à Rolla, et il excepte sans doute cette ordurière Gamiani, imprimée clandestinement à Bruxelles, et qui dépasse les monstrueuses imaginations du marquis de Sade en paroxisme érotique.

Vers 1836, Alfred de Musset rencontra la Malibran, et l’intimité qui s’établit entre lui et la grande artiste, qu’il a chantée en si beaux vers, put faire croire un moment à une transformation ; mais il était déjà trop tard ; Alfred de Musset n’était plus que le spectre de lui-même et, d’ailleurs, la Malibran mourut. Quelques rares lueurs traversaient par intervalles cette intelligence prête à s’obscurcir. De 1840 à 1850, les Strophes à la Malibran, l’Épître à Mathurin Régnier, le Souvenir et diverses autres pièces insérées dans ses Poésies nouvelles (1856. in-8o) attestaient que le génie poétique n’était pas encore mort en lui ; ses derniers proverbes, inférieurs aux premiers, Louison, comédie en deux actes et en vers (Théâtre-Français, 1849), trahissent de la fatigue et marquent même dans la manière de l’auteur une transformation pénible. Alfred de Musset avait dû à l’amitié du duc d’Orléans la place de bibliothécaire du ministère de l’intérieur ; la révolution de Février lui enleva cette sinécure, ce qui était peu fait pour le rallier aux idées triomphantes. Au reste, tout en lui répugnait aux utopies généreuses dont la France était enivrée : son génie aristocratique, ses habitudes de débauche et de dissipation, son scepticisme incurable, son mépris des hommes, ainsi que sa puissante personnalité d’artiste enveloppée d’égoïsme et d’orgueil. C’était l’homme d’une autre époque et d’une autre génération ; lui-même s’oubliait et était infidèle à son génie. Depuis longtemps, plongé dans un découragement profond, l’âme ulcérée par une douleur qu’on n’a jamais bien