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ciaux est le sel ou crème de tartre, matière cristallisée déposée par le vin sur les parois des tonneaux et qu’on emploie comme mordant pour la teinture.

Le commerce des laines et la fabrication des couvertures de laine est très-considérable et fort ancien à Montpellier. Dès 1314, les consuls de la cité y attirent des ouvriers en laine, des parayres. Cette industrie, depuis cette époque, n’a fait que grandir en importance. Les laines, objet de ce commerce, sont tirées du Levant, préparées, puis transportées aux foires de Pézenas, de Montagnac et surtout de Beaucaire. Une grande partie est manufacturée et transformée en couvertures.

Montpellier a aussi des filatures de coton, des manufactures d’étoffes de coton, de flanelles, de siamoises, enfin des métiers de soieries, mais peu importants.

Mentionnons encore le commerce du tournesol, de la garance, de la tannerie, des eaux-fortes, de l’huile de vitriol, du salpêtre, de la bière, des cierges, des bougies, etc.

Le commerce des plantes aromatiques mérite une mention particulière. Peu de campagnes sont aussi fertiles en herbes odoriférantes que celles de Montpellier ; les montagnes, les rochers en sont couverts ; leur variété est infinie. De là, naturellement, l’excellence et l’ancienneté de la réputation des parfums fabriqués à Montpellier.

Notice historique. Il est impossible de donner la date exacte de la fondation de Montpellier, et les historiens varient sur l’étymologie de son nom. Selon les uns, qui font dériver ce nom de mons pessulus, c’est-à-dire mont fermé au verrou, la colline sur laquelle est bâtie Montpellier fut d’abord un lieu de pâturage, entouré d’une palissade « fermée au verrou, » interdit au bétail étranger ; une autre étymologie fait dériver le nom de Montpellier de mons puellarum, c’est-à-dire mont des jeunes filles, faisant allusion soit à la beauté des jeunes filles que le chroniqueur Froissart appelle « les frèches dames de Montpellier, » soit à deux sœurs de saint Fulcran qu’Arnaud de Verdale dit avoir été maîtresses et donatrices du territoire de Montpellier, soit enfin à un couvent de jeunes filles bâti sur le haut de la colline. Montpellier paraît avoir été formé de deux villages, Montpellier et Monspellieret, qui au xe siècle appartenaient à l’église de Maguelonne et furent donnés en fief par l’évêque Ricuin à un gentilhomme, nommé Gui ou Guillaume, qui agrandit ses possessions en achetant une partie du territoire de Montpellier au comte de Melgueil. Les descendants de Gui possédèrent cette seigneurie qu’il avait fondée jusqu’en l’année 1204, époque où Marie, fille du dernier membre de cette famille, la porta en dot à Pierre II, roi d’Aragon. Cependant Montpellier s’agrandit considérablement, prospéra, et son commerce prit une extension rapide. Dès le xiie siècle, on y bâtit une école de médecine qui attira de nombreux étudiants, et, en 1192, on y fonda une école de droit. Vers la même époque, la ville fut entourée de murailles par Guillaume VIII, qui donna sa fille unique en mariage à Pierre II d’Aragon (1204). Pierre II ayant violé les privilèges de la ville en fut expulsé par les habitants (1206), et ce ne fut que grâce à l’intervention du légat Castelnau qu’il y rentra. Jacques Ier, son fils, lui succéda dans le royaume d’Aragon et dans la seigneurie de Montpellier, auxquels il joignit bientôt le royaume de Majorque conquis sur les Sarrasins. Ce Jacques eut deux fils, entre lesquels il partagea ses États, et le cadet eut pour lot Majorque et Montpellier, qui passa ainsi dans la famille des rois de Majorque et qui devait y rester jusqu’en l’année 1349.

Au xiiie siècle, Montpellier devint de plus en plus florissant et eut des relations commerciales avec Gênes, Nice, Pise, les îles d’Hyères, etc. Une rivalité de commerce l’entraîna en 1254 à faire à Marseille une guerre qui dura trois ans. En 1292 le pape Nicolas IV y établit une université. L’année suivante, Philippe le Bel, roi de France, acquit par échange Monspellieret, qui était un fief de l’évêque de Maguelonne, et, en 1349, Philippe de Valois acheta moyennant 120, 000 écus d’or la seigneurie de Montpellier à Jacques III, roi de Majorque, qui avait un pressant besoin d’argent. Montpellier avec tout son territoire fut alors réuni entre les mains du roi de France ; mais, en 1365, Charles V céda la seigneurie de Montpellier à Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, en échange de quelques villes conquises par celui-ci en Normandie. Après avoir été enlevé, rendu, puis arraché de nouveau pour cause de félonie au roi de Navarre, Montpellier rentra enfin pour toujours sous la domination des rois de France vers la fin du règne de Charles VI, en 1382.

Dès le xie siècle, Montpellier avait joui de nombreux privilèges. Philippe IV, par ses lettres patentes du Ier juillet 1342, voulut que les habitants de Montpellier jouissent des privilèges de la noblesse de Languedoc et ne contribuassent que libéralement aux frais de la guerre. Louis XI exempta la cité du droit de fief et d’amortissement, conformément à la charte de 1231 de Jacques, seigneur de Montpellier. En 1431, les étrangers qui viennent s’y établir sont affranchis de toute contribution. Au commencement du xvie siècle, Montpellier possédait une cour des aides, une chambre des comptes, un hôtel des monnaies, une université célèbre. Elle eut beaucoup à souffrir pendant les guerres de la Réforme. En 1567, les protestants s’emparèrent de la ville, qui se constitua en une espèce de république et vécut ainsi jusqu’en 1622. En 1577, le maréchal de Dainville vint en faire le siège et se retira après la paix de Bergerac. Les protestants avaient fortifié Montpellier et en avaient fait un des boulevards du protestantisme, lorsque, le 3 août 1622, Louis XIII vint l’assiéger et y entra après un siège meurtrier le 20 octobre suivant. La ville retomba alors sous l’autorité royale, et pour maîtriser les habitants Louis XIII y fit construire une citadelle.

Devenu le chef-lieu de la généralité du bas Languedoc, puis le siège du gouvernement, de l’intendance et des états de la province, possédant une université renommée en Europe, Montpellier reçut de nombreux embellissements au xviie siècle et surtout au xviiie siècle. C’est de cette dernière époque que datent la place du Peyrou, l’arc de triomphe et l’aqueduc de Saint-Clément.

Plusieurs conciles ont été tenus à Montpellier. Nous citerons celui de 1162, dans lequel le pape Alexandre III excommunia l’antipape Victor ; le concile de 1195, qui prit des mesures relatives à la Trêve de Dieu, aux interdits contre les albigeois, etc. ; le concile de 1215, qui rédigea quarante-six canons relatifs à la réforme de la discipline et à la conduite à tenir vis-à-vis des hérétiques ; celui de 1224, qui s’occupa de juger la conduite du comte de Toulouse ; enfin le concile de 1258, dans lequel on régla diverses matières disciplinaires.

Montpellier a vu naître un grand nombre d’hommes célèbres, notamment l’historien d’Aigrefeuille ; le chirurgien Barthez ; le peintre Sébastien Bourdon ; l’archichancelier de l’empire Cambacérès ; Cambon, le créateur du grand-livre de la dette publique ; David, troubadour de la fin du xiie siècle ; Mathieu Dumas, général et historien ; G. Durand, troubadour du xiie siècle ; Fabre, le fondateur du musée et de la bibliothèque ; Gariel, historien ; Jacques, roi d’Aragon, seigneur de Montpellier ; Lafosse, savant médecin, ami de Voltaire ; Nogaret, chancelier de France ; le chirurgien Gigot de La Peyronie ; de Plantade, savant astronome ; Pouget, auteur du fameux catéchisme de Montpellier ; le troubadour Rambaud d’Orange ; le poète Ranchon ; le poète Roucher ; le peintre Vien, etc.


MONTPELLIER, ville des États-Unis d’Amérique, capitale de l’État de Vermont, à 838 kilom. N.-E. de Washington, sur l’Orion, par 44° 17′ de latitude N. et 76° 30′ de longitude O. ; 4,500 hab. Commerce de transit très-actif.


MONTPELLIÉRAIS, AISE s. et adj. (mon-pé-lié-rè, è-ze). Géogr. Habitant de Montpellier ; qui appartient à Montpellier ou à ses habitants : Les MONTPELLIÉRAIS. La société montpelliéraise. La Faculté montpelliéraise. || On dit aussi MONTPELLIÉRAIN, AINE.


MONTPENSIER, village et commune de France (Puy-de-Dôme), canton d’Aigueperse, arrond. et à 20 kilom. N.-E. de Riom, au pied d’une butte ; 529 hab. Carrières de plâtre. Il ne reste rien de l’ancien château de Montpensier, où mourut Louis VIII en 1226, et qui fut démoli par ordre de Richelieu en 1634. Près de la base occidentale de la butte qui domine le village, on trouve une petite grotte construite au-dessus d’une fontaine, d’où se dégage constamment de l’acide carbonique en assez grande quantité pour asphyxier les insectes et les oiseaux qui en approchent.

Ce village avait ses seigneurs particuliers dès le XIe siècle. Au XIIe siècle, il appartenait à la maison de Thiern. Agnès, héritière de cette maison, le porta par mariage à Guichard IV, sire de Beaujeu, qui mourut en 1216. Humbert de Beaujeu, seigneur de Montpensier, connétable de France, petit-fils du Guichard qui précède, n’eut qu’une fille, Jeanne, dame de Montpensier, qui épousa, vers 1275, Jean II, comte de Dreux. De ce mariage vinrent Jean III de Dreux, mort sans postérité en 1331, et Pierre, comte de Dreux, marié à Isabeau de Melun. Jeanne, comtesse de Dreux, dame de Montpensier, sortie de ce dernier mariage, mourut sans alliance en 1346. La seigneurie de Montpensier passa alors à Bernard de Ventadour, dont la mère était de la maison de Beaujeu, et fut érigée en comté. Ce Bernard de Ventadour et son fils Robert vendirent, en 1384, le comté de Montpensier à Jean, duc de Berry, troisième fils du roi Jean. Charles et Jean, les deux fils du duc de Berry, portèrent successivement le titre de comte de Montpensier. Marie de Berry, leur sœur, porta le comté à Jean Ier, duc de Bourbon, en 1400. Louis de Bourbon, troisième fils de Jean de Bourbon qui précède, fut comte de Montpensier et eut le Dauphiné d’Auvergne, par son mariage avec Jeanne, dauphine d’Auvergne, comtesse de Clermont, héritière du dernier dauphin d’Auvergne. Louis de Bourbon, comte de Montpensier, mourut en 1486, laissant Gilbert de Bourbon, comte de Montpensier, seigneur de Mercœur, lieutenant général en Poitou, gouverneur de Paris, qui suivit Charles VIII dans son expédition de Naples. Gilbert mourut en 1496, ayant eu, de Claire de Gonzague, Louis de Bourbon, comte de Montpensier, mort à Naples en 1501, sans avoir été marié ; François de Bourbon, duc de Châtellerault, tué à Marignan en 1515 ; Charles de Bourbon, connu sous le nom de connétable de Bourbon, sur qui le comté de Montpensier fut confisqué par le roi François Ier. En 1533, ce même roi céda le comté à Louise de Bourbon, sœur du connétable et veuve de Louis de Bourbon, prince de La Roche-sur-Yon, et à son fils, Louis de Bourbon, en faveur de qui il l’érigea en duché-pairie l’année suivante. Ce dernier, mort en 1582, avait épousé, en premières noces, Jacqueline de Longwy, et, en secondes noces, Catherine de Lorraine, fille du duc de Guise, Henri le Balafré. Il eut du premier mariage François de Bourbon, duc de Montpensier, mort en 1592, laissant de Renée d’Anjou, marquise de Mézières, Henri de Bourbon, dernier duc de Montpensier de cette branche. Cet Henri, mort en 1608, avait épousé, en 1573, Henriette-Catherine, duchesse de Joyeuse, dont il n’eut qu’une fille, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, qui épousa Gaston-Jean-Baptiste, duc d’Orléans, frère du roi Louis XIII. Depuis lors, le duché de Montpensier est resté dans la maison d’Orléans. Le frère puîné du roi Louis-Philippe et le plus jeune des fils de ce roi ont porté le titre de duc de Montpensier.


MONTPENSIER (Gilbert de Bourbon, comte DE), vice-roi de Naples, né vers 1443, mort à Pouzzoles, royaume de Naples, en 1496. Il était fils de Louis Ier de Bourbon, dauphin d’Auvergne, qui devint le chef de la première branche des Bourbon-Montpensier. Il prit part à la guerre que Louis XI fit au duc de Bourgogne en 1471, combattit plus tard en Bretagne, où il se signala par son courage à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488), se rendit, l’année suivante, dans le Roussillon pour contenir les troupes de Ferdinand le Catholique, suivit Charles VIII en Italie en 1494 et resta l’année suivante dans la péninsule, avec le titre de vice-roi de Naples, après le retour de Charles en France. Le comte de Montpensier se trouva bientôt dans la situation la plus précaire. Le peuple se révolta, ouvrit les portes à Ferdinand II, et le comte de Montpensier dut se jeter avec 6, 000 soldats dans les trois châteaux, où il manqua bientôt de vivres. Forcé d’entrer en accommodement, il promit de se rendre s’il n’était pas secouru avant un mois ; mais, au lieu de tenir sa parole, il s’échappa du château Neuf (1495), reprit la campagne à la tête de bandes d’aventuriers, ravagea la Capitanate et, après avoir vu se débander ses troupes, fut enfermé dans Atella par Ferdinand II et contraint de mettre bas les armes (1496). Au moment où il allait s’embarquer, il mourut à Pouzzoles d’une fièvre pestilentielle.


MONTPENSIER (Louis II DE BOURBON, comte, puis duc DE), capitaine français, né à Moulins en 1513, mort à Champigny (Touraine) en 1582. Il fut créé duc et pair en 1539, resta sans emploi sous les règnes de Francois Ier et de Henri II, fut fait prisonnier à la bataille de Saint-Quentin et obtint, grâce au crédit dont sa femme jouissait auprès de Catherine de-Médicis, le Beaujolais (1560), le dauphiné d’Auvergne, la terre de Dombes, puis devint gouverneur général de la Touraine, de l’Anjou et du Maine (1561). D’abord favorable aux réformés, il les poursuivit ensuite avec une impitoyable rigueur, s’empara de Blois, Tours, Angers, Bourges, Saintes, l’île d’Oléron, battit à Messignac, en 1568, les capitaines de Mouvans et de Gourdes, fit preuve de la plus grande valeur à Jarnac et à Moncontour, et devint, en 1569, gouverneur de Bretagne. Pendant la nuit de la Saint-Barthélemy, il prit part au massacre des huguenots, en criant partout qu’il fallait les écraser jusqu’au dernier. Après avoir commandé une armée dans le Poitou et la Saintonge, de 1574 à 1576, il contribua à amener la paix de Poitiers et mourut le plus riche seigneur du royaume, après en avoir été, dans sa jeunesse, le plus pauvre. Il avait épousé en premières noces Jacqueline de Longwy, qui lui donna un fils, François de Bourbon, dont nous allons parler plus loin, et, en secondes noces, Catherine de Lorraine, qui joua un rôle important pendant la Ligue.


MONTPENSIER (François de Bourbon, duc de), capitaine français, fils du précédent et de Jacqueline de Longwy, né en 1539, mort à Lisieux en 1592. Il fut d’abord désigné sous le nom de prince dauphin. Gouverneur général de Touraine en 1565, il prit part à la guerre contre les protestants sous le duc d’Anjou, assista aux batailles de Jarnac et de Moncontour, fut mis en 1574 à la tête d’un corps d’armée avec lequel il reprit la plupart des places du Vivarais, et eut à lutter dans le Dauphiné contre l’intrépide Montbrun. Après avoir rempli une mission diplomatique auprès d’Élisabeth, reine d’Angleterre, il fit comme lieutenant général la campagne de Flandre (1582) et succéda au duc d’Épernon comme gouverneur de Normandie en 1588. Un des premiers, le duc de Montpensier reconnut Henri IV comme roi de France. Il combattit avec lui à Arques, à Ivry (1590), soumit Avranches et assista au siège de Rouen. C’était un prince généreux, compatissant et exact à remplir ses promesses.


MONTPENSIER (Catherine-Marie de Lorraine, duchesse de), née en 1552, morte en 1596. Elle était fille du duc de Guise, assassiné par Poltrot devant Orléans, et sœur du duc de Guise assassiné aux états de Blois. Elle eut pour mère Anne d’Este. Mariée en 1570 à Louis II de Bourbon, duc de Montpensier, elle s’associa à toutes les intrigues et à toutes les luttes de son frère contre Henri III, joua dans la Ligue un rôle prépondérant et lui donna même ce caractère particulier d’acharnement que revêt volontiers la passion féminine. Femme jusqu’au bout des ongles, elle haïssait dans Henri III l’ennemi des femmes, le roi entouré d’une cour de mignons, plus encore que l’ennemi de sa race ; elle haïssait aussi celui qui l’avait raillée d’une légère difformité (elle boitait un peu) et qui colportait tout ce qu’il savait de ses aventures galantes. Jusqu’au meurtre accompli au château de Blois le 22 décembre 1588, son rôle fut primé par celui de son frère ; cependant, au mois de janvier précédent, Henri III s’était assez effrayé des conciliabules tenus chez elle et de ses relations avec les prédicateurs les plus violents de la Ligue pour lui interdire le séjour de Paris ; elle n’en tint aucun compte, et l’on rapporta au roi qu’elle montrait à ses familiers les ciseaux d’or, toujours pendus à sa ceinture, avec lesquels elle se promettait de le tonsurer dès qu’il aurait été déclaré indigne du trône. Ce fut elle qui organisa en grande partie la journée des Barricades, et elle ne s’en rendit pas moins au Louvre pour supplier Henri III de permettre à son frère de venir se justifier.

Après le meurtre du duc de Guise, elle se réfugia en Bourgogne près de son autre frère, le duc de Mayenne, mit fin à ses irrésolutions et le décida à prendre le commandement de la Ligue. Elle le ramena à Paris et on la vit alors courir avec ardeur aux assemblées populaires, ranimer les Seize, inspirer les plus violents prédicateurs, souffler partout l’esprit de la lutte, appeler le peuple aux armes et prêcher ouvertement le régicide. Durant le siège de Paris par les deux rois de France et de Navarre, elle poussait de toutes ses forces à la résistance acharnée. Malgré tout, la ville héroïque allait succomber lorsque Henri III mourut à Saint-Cloud, sous le couteau du moine jacobin Jacques Clément. Il est hors de doute que ce fanatique avait été poussé par la duchesse de Montpensier en personne ; Mayenne lui avait promis que la vie de tous les politiques détenus par lui prisonniers garantirait la sienne. « Quelques-uns prétendent, dit Henri Martin, qu’on excita en lui d’autres passions pour venir en aide au fanatisme et que Mme de Montpensier, en même temps qu’elle lui garantissait le chapeau de cardinal, s’il échappait, lui accorda ce qu’il y avait de plus capable de tenter un moine débauché. » L’accusation est peu vraisemblable, ajoute l’historien. On peut n’être pas de son avis, si l’on songe aux mœurs du temps, à la vie fort irrégulière de la duchesse et surtout à sa haine, qui ne reculait devant rien. Dès le matin du 2 août, la duchesse savait la grande nouvelle, la répandait dans Paris, distribuait des écharpes vertes aux chefs en signe de réjouissance, et le soir elle faisait allumer des feux de joie. Son ardeur guerrière ne se démentit pas même aux horreurs du second siège entrepris par Henri IV, et, lorsque le pain manqua, ce fut elle qui donna l’idée de fabriquer ce pain immonde, fait d’os broyés, qui de son nom fut appelé le pain Montpensier. Cependant elle ne bouda pas longtemps le vainqueur. D’Aubigné raconte dans son Histoire universelle, que, entré à Paris, Henri IV envoya souhaiter le bonjour à sa belle ennemie, l’assurant qu’il la prenait sous sa spéciale protection. Le premier soir qu’il reçut au Louvre, raconte D’Aubigné, on vit jouer aux cartes avec lui la duchesse de Montpensier, « laquelle, par la voix commune, était accusée d’avoir, avec le duc d’Aumale, tramé et pratiqué la mort du roi. » Durant la partie, Henri IV ayant demandé à la duchesse si elle n’était pas bien étonnée de le voir à Paris : « Je n’eusse, répondit-elle, désiré qu’une seule chose, c’est que M. de Mayenne, mon frère, vous eût abaissé le pont pour y entrer. — Ventre-saint-gris, répliqua le roi, il m’eût fait possible attendre longtemps, et je ne fusse pas arrivé si matin ! »

Malgré le bon accueil du roi, la duchesse de Montpensier eut peur ; lorsque le parlement mit en accusation le duc d’Aumale et ses complices, elle quitta Paris précipitamment et se réfugia au château de Saint-Germain, près de Catherine de Bourbon. Bientôt rassurée, elle revint à Paris, et on la vit tout à fait en faveur auprès de Henri IV, qui admirait peut-être son grand caractère, son intelligence peu commune et le sauvage amour qu’elle avait porté à ses frères. Pierre de L’Estoile, l’ennemi des Guises, raconte ainsi sa mort : « Le lundi, 6 mai 1596, mourut à une heure après midi Mme de Montpensier, en sa maison de la rue des Bourdonnais à Paris, d’un grand flux de sang qui lui couloit de tous les endroits de son corps, qui estoit une mort fort rapportante à sa vie, aussi bien que le grand tonnerre et tempête qu’il fit cette nuit, aux tempétueuses humeurs de son esprit malin, bouillon et tempétueux… Quand elle fut morte, on la mit dans son lit de parade, où beaucoup de gens de bien souhaitoient de la voir il y avoit longtemps, et se trouva un gentilhomme qui, après l’avoir baisée morte, dit tout haut qu’il y avoit longtemps qu’il avoit envie de lui donner ce