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mières grandes dames de la cour de France qui embrassa la Réforme, née au commencement du XVIe siècle, morte au manoir de Montmorency en 1547. Elle fut remarquable non-seulement par l’élévation de son caractère et la sincérité de sa foi religieuse, mais surtout par l’influence décisive qu’elle exerça sur divers membres de sa famille et en particulier sur ses trois fils, qui ont une place importante dans l’histoire. Elle était fille de Guillaume de Montmorency et de Anne Pot, fille de Gui, comte de Saint-Pol. Mariée en premières noces avec le baron de Conti ; elle épousa dans la suite Gaspard de Coligny, seigneur de Châtillon, grand-maréchal de France, que François Ier nomma lieutenant de la principauté d’Orange et du comté de Guyenne. Elle en eut trois fils.

Redevenue veuve en 1522, Louise de Châtillon s’occupa exclusivement de l’éducation de ses enfants et confia l’instruction de l’aîné à Nicolas Bérauld, un des hommes les plus savants de cette époque. Ce jeune homme était destiné à la carrière ecclésiastique ; mais rien ne put le détourner de sa vocation véritable, qui était celle des armes. Mme de Châtillon oublia dans la joie que lui donnèrent ses enfants les malheurs qui l’avaient rudement frappée. À eux trois, « ils n’étaient qu’une âme. » Leur mère les élevait dans l’esprit de la Réforme. Odet, l’aîné, reçut à seize ans de Clément VIII le titre de cardinal de Châtillon ; le roi, à son tour, le combla de ses faveurs en lui donnant l’évêché de Beauvais et l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Mais Odet embrassa la Réforme et prit le titre de comte de Beauvais. Gaspard devint amiral, et François d’Andelot, le plus jeune des trois, fut nommé colonel d’infanterie..

L’influence considérable de Louise de Châtillon sur ces hommes remarquables est notée par le Père Maimbourg, dans son Histoire du calvinisme. « Il est sûr, dit-il, que d’Andelot puisa les premiers germes d’hérésie dans la lecture de certains ouvrages luthériens qui lui furent mis entre les mains au château de Milan, quand il était prisonnier en 1551, après avoir été pris par les Espagnols près de La Mirande, et qu’à son retour en France il infecta ses deux frères, bien qu’ils ne fissent pas profession publique d’hérésie. Il y a lieu de croire même que Louise de Montmorency, leur mère, était au nombre des femmes de la cour qui, sous le-règne de François er, favorisèrent les nouvelles doctrines, et qu’elles infusa dans l’esprit de ses fils les fortes dispositions qu’ils eurent d’être entachés d’hérésie. »

Mme de Châtillon avait dirigé l’éducation de Marguerite de Valois, sœur de François Ier, qui favorisa de tout son pouvoir la Réforme naissante. Devenue reine, Marguerite fit de sa vertueuse et noble institutrice sa dame d’honneur. Marguerite lui écrivait en 1536 ce billet familier : Ma chère cousine, je donne l’ordre au porteur de passer chez vous pour vous raconter ces nouvelles ; vous jugerez par là combien ce monde est plein de changements et de revers cruels, qui me confirment plus que jamais dans l’idée que bénis sont ceux qui ont mis leurs espérances dans le Dieu qui est immuable. »

À la cour, où elle passa presque toute sa vie, Louise de Montmorency, restée pure et respectée de tous, était appelée « la charmante et respectable femme en laquelle toutes les vertus se sont donné rendez-vous. » — « Au milieu du dérèglement de la cour, elle vécut d’une vie sainte, dit Coligny. Sa fille suivit ses conseils ; ses deux petites-filles, Léonore, princesse de Condé, et Charlotte, comtesse de La Rochefoucauld, se montrèrent dignes d’elle ; la première, surtout, mariée à Louis de Bourbon, montra un zèle ardent pour la cause de la Réforme. » — « Elle ne le cédait en rien à sa mère, dit Le Laboureur ; elle avait toutes les qualités précieuses qui distinguaient cette excellente dame, et c’était en même temps une huguenote très-obstinée. »


MONTMORENCY (François, duc DE), fils aîné du connétable Anne, maréchal et grand maître de France, né vers 1530, mort en 1579. Il fit ses premières armes en Piémont (1551) et se distingua dans toutes les guerres de son temps. Fait prisonnier en détendant Thérouanne, il resta jusqu’en 1556 entre les mains des impériaux, reçut, à son retour en France, le gouvernement de Paris et épousa, en 1557, Diane, fille naturelle du roi, après avoir laissé annuler le mariage secret qu’il avait contracté avec la belle Mlle de Piennes. En 1559, il obtint le bâton de maréchal de France, prit part au siège du Havre en 1563, tailla en pièces, au combat de Saint-Denis, la cavalerie du prince de Condé et fut envoyé, en 1572, en ambassade en Angleterre. D’un esprit tolérant, lié, du reste, d’amitié avec les principaux chefs du parti huguenot, il dut à son absence d’échapper au massacre de la Saint-Barthélémy et entra dans le parti des mécontents. Accusé d’avoir trempé dans la conjuration de Saint-Germain-en-Laye, qui avait pour but d’enlever le duc d’Alençon, François de Montmorency fut arrêté et conduit à la Bastille ; mais Catherine de Médicis l’en fit bientôt sortir et se servit de lui pour ramener le duc d’Alençon, qui avait quitté la cour.


MONTMORENCY (Henri Ier, duc DE), connétable, deuxième fils d’Anne, connu sous le nom de Damville, né à Chantilly en 1534, mort à Agde en 1614. Il servit avec éclat pendant les guerres du règne de Henri II, fit avec distinction les campagnes d’Allemagne, de Lorraine (1552), de Piémont, fit prisonnier le prince de Condé à la bataille de Dreux (1562), puis devint gouverneur du Languedoc (1563) et maréchal de France (1567). Il n’avait pas encore trente-trois ans. Après avoir pris part à la bataille de Saint-Denis, Damville se retira dans son gouvernement du Languedoc, où il signala sa haine contre les huguenots par des persécutions odieuses. Après la Saint-Barthélemy, il se mit à la tête des politiques dans le Languedoc, où il vécut en souverain, et repoussa les troupes envoyées contre lui. En 1579, après la mort de son frère, Damville prit le titre de duc de Montmorency. Il fut un des premiers à reconnaître Henri IV, qui le nomma connétable (1593). Il avait une grande bravoure, mais manquait des talents que réclame le commandement. On dit qu’il ne savait pas lire.


MONTMORENCY (Françoise DE), plus connue sous le nom de la Fosseuse, une des nombreuses maîtresses de Henri IV, née en 1562 ; on ignore la date de sa mort. Elle était fille de Pierre de Montmorency, baron de Fosseux, et fut placée, en 1575, en qualité de fille d’honneur auprès de la reine Marguerite de Navarre. Elle plut beaucoup au roi de Navarre et servit, pendant quelques années, d’intermédiaire entre les deux époux, qui vivaient en assez mauvaise intelligence. D’Aubigné raconte que Marguerite employait la petite Fosseuse à souffler à Henri les choses qu’elle ne pouvait lui dire elle-même, à lui raconter les commérages de la petite cour de Nérac, les propos qu’elle faisait attribuer à son frère Henri III, afin d’envenimer davantage la querelle et de rendre entre eux la guerre imminente. Pendant quelque temps tout alla bien ; la petite était trop jeune, à quatorze ans, pour que le Béarnais vît en elle autre chose qu’une enfant ; elle restait un instrument docile entre les mains de Marguerite. Mais, dès qu’elle eut seize ans, il devenait dangereux de laisser le vert galant jouer avec elle et Marguerite s’en aperçut. « Cette fille, craintive pour son âge au commencement, dit d’Aubigné, ne pouvoit bien pratiquer les leçons de sa maîtresse ; elle la faisoit aider par une fille de chambre nommée Xainte, avec laquelle le roi de Navarre « familiarisoit ». Celle-ci, hardie, rapportoit sans discrétion force nouvelles que la reine de Navarre recevoit (ou inventait) de la cour, soit les paroles de mépris que son frère disoit en son cabinet, soit les risées de Monsieur et du duc de Guise, qui se faisoient à ses dépens devant la dame de Sauves ; d’ailleurs, elle (la reine) séduisit les maîtresses de ceux qui avoient voix au chapitre ; elle-même gagna, pour ce point, le vicomte de Turenne..., etc. » C’est ainsi que se décida la guerre dite des Amoureux, suscitée par Marguerite, inquiétée dans ses amours avec le vicomte de Turenne, et par celui-ci, offensé d’une dénonciation de Henri III au roi de Navarre.

La paix faite, en 1581, la Fosseuse devenait inutile à Marguerite, mais le Béarnais en était épris. Marguerite a raconté, dans ses Mémoires, toutes les petites intrigues auxquelles donna lieu cette passion royale et surtout la grossesse qui en fut la conséquence. Henri enjoignit à sa femme d’accompagner la Fosseuse aux eaux d’Aigues-Chaudes, où il désirait qu’elle allât pour « ses incommodités d’estomac, » peut-être dans le but de la faire débarrasser secrètement de son fruit. Marguerite refusa et ce fut le roi de Navarre qui l’y accompagna en personne, avec d’autres filles d’honneur, pour « s’esbattre un peu. » Les eaux furent sans effet, et, au retour, l’accouchement était proche. Marguerite, bonne fille au fond, proposa à la Fosseuse de la conduire au Mas-d’Agenois, résidence champêtre isolée, et de l’y accompagner, afin qu’au moins sa délivrance ne fît pas scandale. Mais la Fosseuse jura ses grands dieux qu’elle n’était pas enceinte, qu’il ne fallait pas croire les méchantes langues, et le moment fatal arriva ainsi, sans que rien pût être concerté. Quand les premières douleurs l’annoncèrent, il fallut bien appeler le médecin. Henri, craignant d’un côté que l’aventure ne fut découverte et de l’autre que sa maîtresse ne fût mal secourue, car il l’aimait fort, eut recours directement à Marguerite. « Nous étions couchés, dit celle-ci, en une même chambre, en divers lits comme nous avions accoutumé.... Il ouvre mon rideau et me dit : « M’amie, je vous ai celé une chose qu’il faut que je vous avoue. Je vous prie de m’en excuser et de ne vous point souvenir de tout ce que je vous ai dit pour ce sujet ; mais obligez-moi tant de vous lever tout à cette heure et aller secourir Fosseuse, qui est fort malade. Je m’asseure que vous ne voudriez, la voyant en cest état, vous ressentir de ce qui s’est passé. Vous savez combien je l’aime. Je vous prie, obligez-moi en cela... » Je lui dis : que je l’honorois trop pour m’offenser de chose qui vînt de lui ; que je m’y en allois et y ferois comme si c’étoit ma fille ; que, cependant, il s’en allât à la chasse et emmenât tout le monde, afin qu’il n’en fût point ouï parler. » Et elle fit promptement ôter la patiente de la chambre des filles, la mit en une chambre écartée, avec son médecin et ses femmes pour la servir, et la fit très-bien secourir. « Dieu voulut qu’elle ne fît qu’une fille, qui encore était morte. »

Tel fut le dénoûment de cette affaire délicate ; il marqua la fin des amours de Henri de Béarn et de Françoise de Montmorency. Celle-ci n’en trouva pas moins un mari dans François de Broc, seigneur de Saint-Marc, qui l’épousa en tout bien tout honneur. Elle tomba, dès lors, dans une si grande obscurité que l’on ne sait rien du reste de sa vie ni de l’époque où elle mourut.


MONTMORENCY (Urbain de Laval de), marquis de Bois-Dauphin, maréchal de France, mort en 1629. Il servit sous le duc de Guise, combattit Contre Henri IV pendant la Ligue, fut fait prisonnier à Ivry (1590), s’empara, deux ans plus tard, de Château-Gontier et battit complètement un corps de troupes anglaises près de Mayenne. S’étant rallié à Henri IV, il reçut le bâton de maréchal de France (1597) et fut successivement ambassadeur à Vienne (1601), gouverneur de l’Anjou (1609), enfin commandant en chef de l’armée que Louis XIII envoya, en 1615, contre les princes révoltés. Peu après, il se retira dans ses terres.


MONTMORENCY (Charlotte-Marguerite DE), princesse de Condé, fille du précédent, née en 1594, morte en 1650. Lorsque, à l’âge de quinze ans, elle parut à la cour, elle produisit, par sa beauté, une impression si vive que Henri IV, malgré son âge, éprouva pour elle une ardente passion. Bassompierre se mit sur les rangs pour obtenir la main de la belle Charlotte et sa demande fut agréée par le connétable ; mais le roi fit venir Bassompierre, lui demanda d’épouser Mlle d’Aumale en lui promettant de le faire duc, et ajouta : « Si tu espouses Mlle de Montmorency et qu’elle t’ayme, je te haïray ; si elle m’aymoit, tu me haïrois. Il vaut mieux que cela ne soit point cause de rompre notre bonne intelligence, car je t’ayme d’affection et d’inclination. Je suis résolu de la marier à mon nepveu, le prince de Condé, et de la tenir près de ma famille. Ce sera la consolation et l’entretien de ma vieillesse. Je donneray à mon nepveu, qui est jeune et aime mieux la chasse cent mille fois que les dames, cent mille livres par an pour passer son temps. » Après avoir entendu ce langage, Bassompierre jugea prudent de renoncer à Mlle de Montmorency, qui épousa, à Chantilly, en 1609, le prince Henri de Condé, comblé, à cette occasion, par le roi de charges, de pensions et de présents. Le jeune prince, fort épris de sa femme, ne tarda point à s’apercevoir de l’extrême passion qu’elle avait inspirée à Henri IV. Comprenant alors que son oncle l’avait fait marier, selon l’expression de la marquise de Verneuil, « pour lui abaisser le cœur et lui hausser la tête, » et bien résolu à éviter le sort qu’on lui réservait, il éloigna Charlotte de Montmorency de la cour, refusa de l’y ramener malgré les demandes, les ordres, les menaces du roi qui, dans son irritation, lui supprima ses pensions, et, redoutant quelque traitement fâcheux, il prit le parti d’enlever sa femme qu’il conduisit en Belgique. Furieux, Henri IV fit courir après les fugitifs, et, sous le prétexte d’empêcher que Condé n’entrât dans les intérêts autrichiens, il somma le gouverneur des Flandres de lui envoyer le premier prince du sang. Cette demande fut accueillie par un refus. Néanmoins, le jeune prince crut prudent de se réfugier dans le Milanais en laissant sa femme à Bruxelles, sous la sauvegarde des habitants de cette ville. Après l’assassinat de Henri IV, Condé et sa femme revinrent à Paris, où ils vécurent dans une intelligence parfaite. Le prince ayant été mis à la Bastille en 1617, la princesse, après avoir vainement demandé à Louis XIII son élargissement, voulut partager sa captivité et subit volontairement avec lui une détention qui dura deux ans. Lorsque son frère, le maréchal de Montmorency, fut condamné à la peine capitale, la princesse Charlotte, s’humiliant pour la première fois, alla se jeter aux pieds du cardinal de Richelieu, implorant, mais en vain, sa grâce. Elle resta veuve en 1643, ayant eu de son mari trois enfants : le grand Condé, le prince de Conti et la duchesse de Longueville.


MONTMORENCY (Henri II, duc DE), maréchal de France, frère de la précédente, né à Chantilly en 1595, décapité à Toulouse le 30 octobre 1632. Il eut Henri IV pour parrain. Nommé amiral à l’âge de dix-sept ans, chevalier du Saint-Esprit à vingt-quatre, il commanda la flotte envoyée à Louis XIII par les Hollandais lors du siège de La Rochelle. Il fit les campagnes de 1629 et 1630 en Piémont, comme lieutenant général des armées du roi, et gagna le grade de maréchal de France par la victoire qu’il remporta au combat de Veillane. Ayant adopté le parti de Gaston, duc d’Orléans, contre le cardinal de Richelieu, il souleva, en 1632, la province du Languedoc dont il était gouverneur. Battu à Castelnaudary, malgré des prodiges de valeur, il tomba, couvert de blessures, au pouvoir des troupes royales, qui le conduisirent à Toulouse, où il fut jugé et décapité, comme criminel de lèse-majesté, le 30 octobre de la même année, dans l’intérieur de l’hôtel de ville. Ainsi périt, à l’âge de trente-sept ans, le dernier rejeton de la branche aînée de Montmorency. Sa mort, bien plus que celle de Chalais, de de Thou, de Marillac, de Cinq-Mars et de Bouteville, affermit le pouvoir de Louis XIII, prépara le despotisme de Louis XIV et apprit à la noblesse que le règne de la féodalité avait fait son temps. Il était digne, en effet, de la première famille des barons français de soutenir en bataille rangée la dernière lutte contre le pouvoir royal, que les efforts successifs de Louis XI, de Henri IV, mais surtout de Richelieu, avaient rendu si puissant. Quoi qu’on en ait dit pour Montmorency, Richelieu l’immola moins à ses vengeances qu’à son système politique de nivellement. « Il voulait, dit Michelet, faucher ce dernier rejeton du monde féodal et chevaleresque. »

Peu de jours après l’exécution du duc de Montmorency, sa veuve, la princesse des Ursins, duchesse de Montmorency, fut conduite comme prisonnière d’État au château de Moulins ; puis ayant obtenu, en 1645, la permission de faire transporter le corps de son mari à Moulins, elle lui éleva, en 1652, dans l’église qu’elle avait fait construire pour le couvent de la Visitation, un superbe mausolée, qui est encore le plus beau monument de la ville et l’un des tombeaux les plus remarquables de la France. Placé à la gauche du grand autel et vis-à-vis de l’ancienne grille du chœur des religieuses, il représente le duc à moitié couché, appuyé sur son coude ; la duchesse, assise à ses pieds, est voilée et en mante. Deux statues, représentant la Valeur et la Libéralité, se trouvent auprès du monument, orné d’une espèce de portique avec son fronton, soutenu de deux colonnes et de deux pilastres. Entre ces colonnes se voient les statues de la Noblesse et de la Piété. Au milieu du portique est une urne qui renferme les cendres du duc ; le feston qui l’entoure est porté par deux anges, et le haut du fronton est couronné par les armes des Montmorency. Ce mausolée peut avoir de 7 à 8 mètres d’élévation sur 4 ou 5 de largeur. Le corps du tombeau est en marbre noir ; les statues, ainsi que les ornements, sont en marbre blanc et l’inscription suivante est placée au bas, mais en latin :

« L’an 1652 et le vingtième de son deuil, Marie-Félicie des Ursins, princesse romaine, éleva ce mausolée à la mémoire de son digne époux, Henri II de Montmorency, le dernier et le plus illustre des ducs de ce nom ; pair, amiral et maréchal de France, la terreur des ennemis, les délices des Français, mari incomparable, dont elle n’eut jamais à déplorer que la mort. Après dix-huit ans du mariage le plus heureux, après avoir joui de richesses immenses et possédé sans partage le cœur de son époux, il ne lui reste aujourd’hui que sa cendre. »

Ce monument, l’un des plus parfaits qui existent en ce genre, est dû aux sculpteurs François Auguier, d’Eu ; Thomas Regnaudin, de Moulins ; Thibaud Poissant et le célèbre Çoustou, l’un et l’autre de Lyon. Selon M. de Salaberry, dans la Biographie universelle, il allait être détruit en 1793, par les révolutionnaires qui étaient déjà dans l’église, quand une voix sortie de la foule s’écria : « Quoi ! vous allez renverser le monument d’un bon républicain, puisqu’il est mort victime du despotisme ! » Les marteaux s’arrêtèrent et les cendres du dernier représentant de la féodalité sur les champs de bataille furent respectées, grâce à ce certificat de civisme.


MONTMORENCY (Marie-Félicie des Ursins, duchesse DE), femme du précédent, née à Rome en 1601, morte à Moulins (Allier) en 1660. Nièce de Marie de Médicis, elle fut appelée par elle à la cour de France, étant encore enfant et, à l’âge de quinze ans, on lui fit épouser Henri II de Montmorency. Elle dut briller à la cour du Louvre, et ce qu’il y a de singulier, c’est que Mlle de Scudéri, qui a fait le portrait de toutes les beautés célèbres de ce temps dans son Grand Cyrus, n’ait point fait le sien ; du moins, il ne figure pas dans l’ingénieuse clef retrouvée par V. Cousin et qui doit être bonne. Il n’est question d’elle, dans l’histoire, que lors du complot qui coûta la vie à son mari ; il est douteux qu’elle y ait participé, et une tendre amitié l’unissait toujours à la reine ; quelques relations contemporaines, entre autres une lettre au Père Berthier, insérée dans le recueil de Laplace, la montrent même s’opposant avec une grande énergie à cette entreprise qu’elle jugeait fatale, et détournant son mari de se fier à Gaston d’Orléans.

La duchesse fut arrêtée pendant qu’on instruisait le procès de Henri de Montmorency et emprisonnée au château de Moulins. Un an après le supplice de son mari, dont elle déclara vouloir porter un deuil éternel, on la laissa libre, mais elle resta à Moulins, acheta une petite maison aux portes de la ville et y vécut dans la retraite. Elle avait fait draper sa chambre de tentures noires et y restait constamment en prières, à la lueur des cierges. Sa famille parvint à l’arracher à ces préoccupations funèbres, mais tout ce qu’on put obtenir d’elle fut qu’elle s’enfermerait au couvent de la Visitation de Moulins. En 1645, elle obtint d’y faire transporter de Toulouse le corps de Henri de Montmorency et lui fit élever, dans la chapelle du couvent, le magnifique mausolée dont nous avons donné ci-dessus la description. Elle prit le voile le 30 septembre 1657 et passa le reste de sa vie près du tombeau de son époux. Un de ses bio-