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fixa avec Munoz et les enfants qu’elle avait eus de lui depuis le mariage secret qui les avait unis, paraît-il, en 1833. En 1843, Espartero ayant été renversé du pouvoir et Isabelle II ayant été proclamée majeure, l’ex-régente revint à Madrid et se maria publiquement, en 1845, avec Munoz, créé alors duc de Rianzarès. À cette époque, elle avait avec Louis-Philippe des relations très-suivies, et ce fut d’un commun accord qu’ils décidèrent le mariage d’Isabelle II avec l’infant don François de Paule, et celui de l’infante Marie-Louise avec le duc de Montpensier. Ces mariages, dont le retentissement fut énorme, faillirent amener une rupture entre la France et l’Angleterre. Grâce à l’influence qu’elle exerçait sur sa fille, Marie-Christine eut depuis lors une part cachée, mais importante, dans la direction des affaires publiques, et poussa constamment Isabelle à se séparer du parti libéral pour chercher son appui dans le parti réactionnaire. Elle prêta successivement son appui à Narvaez, à Bravo-Murillo, au comte de San-Luis, et se vit de nouveau exilée après le mouvement insurrectionnel de 1854. Marie-Christine revint alors en France, où se trouvait la plus grande partie de son immense fortune, et habita la Malmaison, qu’elle avait achetée. Par la suite, elle revint à diverses reprises en Espagne où elle séjourna peu de temps, voyagea en Italie, et fut rejointe à Paris, en 1868, par sa fille chassée du trône. Depuis cette époque, elle a vécu dans la retraite, passant la plus grande partie de son temps en Italie. En 1855, une des filles qu’elle a eues de Munoz a épousé le prince Ladislas Czartoryski. En 1870, Marie-Christine a été accusée, aux cortès, par le ministre des finances, d’avoir, ainsi que sa fille Isabelle, emporté d’Espagne la plus grande partie des diamants de la couronne, faisant partie du domaine de l’État.


MARIE-ÉLÉONORE DE BRANDEBOURG, reine de Suède, fille de l’électeur Sigismond, née vers le commencement du XVIIe siècle, morte en 1655. Elle épousa, en 1620, Gustave-Adolphe, roi de Suède, dont elle sut se gagner le cœur par sa beauté, par sa vive imagination et par sa sensibilité. Lorsque Gustave mourut, elle se montra inconsolable, passa plusieurs années dans un appartement tendu de noir, conserva longtemps avec elle le cœur de son époux, et institua un ordre ayant pour emblème un cœur couronné à côté d’un cercueil. Cette princesse avait peu de sympathie pour les Suédois, qui lui reprochaient ses prodigalités et qui lui enlevèrent, en 1636, le soin de l’éducation de sa fille Christine. Quatre ans plus tard, elle quitta sous un déguisement la Suède, se rendit en Danemark, puis en Prusse, et revint en Suède lors de la majorité de sa fille. La douleur qu’elle éprouva de voir cette princesse embrasser le catholicisme la conduisit, dit-on, au tombeau.

Marie-Éléonore (ORDRE DE), fondé en Suède, au mois de décembre 1632, par la reine Marie-Éléonore pour honorer la mémoire de son époux, tué à la bataille de Lutzen le 16 novembre précédent, et destiné aux princesses du sang royal. La décoration était un cœur couronné, représentant le tombeau de Gustave-Adolphe. La devise de l’ordre était: Post mortem triumpho et morte vici ; multis despectus magna feci (Je triomphe après ma mort, en mourant j’ai vaincu ; dédaigné par la multitude j’ai fait de grandes choses).


MARIE-CASIMIRE, reine de Pologne, épouse de Jean III Sobieski, née près de Nevers vers 1635, morte en 1716. Elle était fille de Henri, marquis de Lagrange d’Arquien, et de Françoise de La Châtre de Brillebaut, maltresse d’hôtel de Marie-Louise de Gonzague, duchesse de Nevers. Celle-ci ayant épousé, en 1646, Wladislas IV, roi de Pologne, emmena avec elle dans cette contrée Marie-Casimire, alors âgée de onze ans, et elle la fit élever auprès d’elle. Arrivée à l’adolescence, Marie-Casimire fut, par son esprit et par sa beauté, l’ornement de la cour de Jean-Casimir. Ce fut à cette époque qu’elle inspira une violente passion au jeune Jean Sobieski, passion qu’elle partagea, du reste, mais qui resta ignorée de tous. Néanmoins, pour plaire à Marie-Louise de Gonzague, elle consentit à épouser le vieux Jean Zamojski, guerrier renommé et l’un des plus puissants parmi les seigneurs polonais. L’accord ne régna pas longtemps entre les deux époux et Zamojski mourut en 1665, après sept années de mariage, dont il avait passé les quatre dernières à l’étranger loin de sa femme. Quelques mois après cette mort, Marie-Casimire épousait son ancien amant qui, dans l’intervalle, était devenu premier ministre, grand maréchal et général de la couronne de Pologne.

C’est de cette époque (mai ou juillet 1665) que date la funeste influence de la fille du marquis d’Arquien sur les affaires de la Pologne, nous dirons même sur la destinée future de ce malheureux pays. Elle avait sur son époux un empire sans bornes, qu’elle conserva jusqu’au dernier jour. La grandeur de l’amour de Sobieski pour sa femme nous est attestée, non par des créations sorties de l’imagination brûlante des poètes, mais par des preuves en quelque sorte officielles, par les lettres de Sobieski. Dès l’instant où il vit pour la première fois l’enchanteresse, il devint à jamais son esclave. Ni l’âge, ni les fatigues de la guerre, ni les soucis de la politique, rien ne put amoindrir cet amour ; le patriote, le roi s’effacèrent en lui devant l’amant. Loin d’elle il se désolait et parfois même sa douleur se traduisait par des larmes ; le moindre caprice, un accès de mauvaise humeur de Marie-Casimire le jetait dans le désespoir, et il s’humiliait alors, tombait à ses genoux et la suppliait de lui pardonner ; pour elle, il songea un instant à renier sa patrie et à devenir Français, car Louis XIV lui offrait le titre de prince et le bâton de maréchal ; mais elle ne voulut pas y consentir : aussi prévoyante qu’habile, elle devinait que la Pologne était un champ bien plus vaste pour son ambition. Ce fut, en effet, à ses intrigues que Sobieski dut en grande partie d’être élu roi en 1674. Elle fut loin cependant de payer dignement un tel amour. Sa vie entière ne fut qu’un caprice continuel, et elle semblait prendre plaisir à tourmenter son mari pour éprouver jusqu’où allait son pouvoir sur lui. Elle l’aimait cependant, mais à sa manière ; altière et impérieuse, il lui semblait que le monde entier devait tomber à ses pieds et lui rendre hommage. Sobieski, tout dévoué, tout prêt à se sacrifier pour elle, ne comprenait pas sa manière d’aimer ; pour un de ses sourires il eût donné, tout aussi bien en l’année 1696 qu’en l’année 1665, tout ce qu’il possédait sur la terre, il eût peut-être donné sa patrie. Pour se faire une idée de cet amour, il faut lire ses lettres à sa femme, à sa bien-aimée Mariette, comme il l’appelait. Rien n’est plus tendre, plus ardent, plus passionné. Sobieski aima pendant toute sa vie ; Marie-Casimire calcula pendant toute la sienne. Toutes les fautes de ce règne retombent sur elle, car ce fut son bon plaisir qui guida le char de l’État. Louis XIV ayant refusé de donner au frère de la reine de Pologne les titres de duc et de pair, elle fit conclure une alliance entre la Pologne et l’Autriche, et élimina l’influence française. Dans le but de conserver le pouvoir lorsque son mari ne serait plus, elle s’attacha à amasser de l’argent en vendant des emplois et en abusant de l’autorité royale. Par sa conduite publique elle discrédita le pouvoir ; par sa conduite privée, par son humeur tracassière elle empoisonna les dernières années de Jean III Sobieski et s’aliéna l’affection de son fils aîné le prince Jacques. La mort de Sobieski (1696) fut l’occasion de nouvelles scènes scandaleuses. Le prince Jacques et sa mère se disputèrent le trésor royal et le pouvoir, et le cadavre de Sobieski fut exposé sans couronne et sans anneau royal, parce que le fils craignait que sa mère n’enlevât au mort les joyaux de la couronne, et celle-ci avait la même crainte à l’égard de son fils. Elle consentit cependant à soutenir l’élection de ce fils, même par la violence ; mais la diète l’expulsa de Varsovie. Après avoir inutilement tenté de faire élire roi Jablonowski, puis le neveu du roi de Bavière, Marie-Casimire se rendit à Rome, où elle tint une cour brillante jusqu’en 1714. À cette époque, ayant perdu son fils préféré, Alexandre, elle quitta Rome, se rendit en France et mourut au château de Blois. Ses restes furent transportés en Pologne.


MARIE DE SAVOIE-NEMOURS, reine de Portugal, fille de Charles-Amédée de Savoie, née en 1646, morte en 1683. Son oncle, le duc de Beaufort, la conduisit en 1666 à Lisbonne, où elle épousa le roi Alphonse VI. La jeune reine était spirituelle, belle, énergique, résolue ; son mari était à peu près idiot et complètement débauché. Pour rompre cette insupportable union, Maria, de concert avec son beau-frère Pierre, souleva le peuple contre Alphonse, le fit déposer, puis envoyer en exil à Terceira (1667), et, après avoir obtenu la nullité de son mariage (1668), elle épousa son beau-frère, qui s’était emparé de la régence et qui devint roi, sous le nom de Pierre II, en 1683.


MARIE ou MARIA Ire (Françoise-Élisabeth), reine de Portugal, fille de Joseph Ier, née à Lisbonne en 1734, morte à Rio-Janeiro en 1816. Elle épousa, en 1760, son oncle dom Pedro et, comme elle était fille unique, elle succéda à son père, malgré les efforts de Pombal, qui avait voulu établir la loi salique et faire passer la couronne au fils aîné de Marie. Devenue reine en 1777, elle prit le titre de Maria Ire, pendant que son mari prenait celui de Pedro III. Elle renvoya le ministre Pombal, accorda une amnistie générale à tous les condamnés politiques et rappela tous les exilés, sauf les jésuites. En 1778, Marie signa une convention fixant la ligne de séparation des possessions espagnoles et portugaises dans l’Amérique du Sud, puis, en 1780, elle fit une alliance commerciale avec Catherine II, ordonna la création de l’Académie de Lisbonne (1780), la canalisation du Mondenego, l’établissement d’une route allant de la capitale à Porto, etc. C’était une princesse bonne, humaine, charitable, mais dévote jusqu’à la superstition. Après la mort de son mari (1786), elle s’adonna de plus en plus aux pratiques religieuses, abandonna le soin des affaires au duc de Lafoens, puis à son fils aîné, le prince du Brésil. Étant tombée dans une mélancolie profonde, elle finit par être frappée d’aliénation mentale (1791). Le prince Jean, qui prit le titre de régent en 1799, emmena avec lui sa mère au Brésil lorsque les Français, sous les ordres de Junot, envahirent le Portugal.


MARIE II ou MARIA II DA GLORIA (Jeanne-Charlotte-Léopoldine-Isidora-da-Cruz-Françoise-Xavier-da-Paula-Michaela-Gabriella-Rafaela-Louise-Gonzaga, dona), reine de Portugal, fille de dom Pedro Ier, empereur du Brésil, née à Rio-Janeiro en 1819, morte à Lisbonne en 1853. À la mort du roi de Portugal Jean VI (1826), son fils, dom Pedro Ier, empereur du Brésil, accorda une nouvelle constitution au Portugal, renonça à ses droits en faveur de sa fille, Marie II, qu’il fiança à son oncle, dom Miguel, et nomma ce prince régent du royaume (1827). Lorsque dom Miguel, après avoir prêté serment à la constitution, fut entré en fonctions comme régent (février 1828), dona Maria, sa nièce et sa future femme, partit pour l’Europe ; mais pendant ce voyage, dom Miguel, appuyé par le clergé, par l’aristocratie et par le parti absolu, se fit proclamer roi (30 juin), et la jeune reine dépossédée fut forcée de se réfugier en Angleterre, pendant que ses partisans, à la tête desquels se trouvaient Saldanha, Pizarro, Villaflor, les chefs du parti constitutionnel, tentaient en sa faveur des mouvements qui avortèrent. En 1830, Marie retourna à Rio-Janeiro, auprès de son père. Ce prince, ayant été obligé d’abdiquer la couronne du Brésil en faveur de son fils, dom Pedro II, résolut d’aller en Europe et de rétablir sa fille sur le trône de Portugal. Sous le nom de duc de Bragance, il se rendit en Angleterre, puis en France, leva une armée de volontaires, avec laquelle il débarqua sur les côtes de Portugal, et soutint un long siège à Porto. La destruction de la flotte de dom Miguel par l’amiral Napier et la victoire remportée par Saldanha à Almoster lui ouvrirent enfin la route de Lisbonne, où, après une lutte de deux années, il replaça sa fille sur le trône (1833). En qualité de régent et de tuteur de dona Maria, il rétablit l’ordre, supprima les congrégations religieuses, dont les biens vendus servirent à suppléer à la pénurie du trésor, et força dom Miguel à se réfugier en Italie. Le 12 septembre 1834, il se démit de la régence, fit déclarer par les cortès sa fille majeure, et mourut six jours après. La jeune reine, peu après son avènement, épousa à Lisbonne le prince Charles-Auguste-Eugène-Napoléon de Leuchtemberg (27 janvier 1835), qui la laissa veuve au bout de deux mois, et se remaria, le 9 avril 1836, avec le duc Ferdinand de Saxe-Cobourg-Kohary, qui prit le titre de roi, sous le nom de Ferdinand II, lors de la naissance d’un prince héritier du trône.

Pendant le règne de cette princesse, le Portugal fut en proie à des troubles incessants, causés soit par le parti révolutionnaire, soit par les partisans de dom Miguel, qui n’avait point renoncé à ses prétentions et avait été reconnu par le pape comme souverain légitime. Le gouvernement constitutionnel se traîna péniblement, sans cesse entravé dans son développement par des intrigues et des machinations de partis, par le déplorable état des finances, par l’hostilité de la cour de Rome, irritée des mesures prises à l’égard du clergé, par la lutte des ambitions rivales et avides de gouverner, enfin par la trop grande confiance que la reine accorda aux frères Cabral, dont l’un, Costa Cabrai, créé comte de Thomar, s’attira, comme ministre dirigeant, à la fois la haine du parti libéral et l’opposition d’une grande partie de l’aristocratie. Après un court passage aux affaires du comte Villaflor, devenu duc de Terceira, puis de Saldanha, le chef des libéraux, les cortès refusèrent d’adhérer à la nomination du roi comme généralissime de l’armée, furent dissoutes à deux reprises, et, à la suite d’une insurrection du parti ultra-libéral à Lisbonne, la reine dut prêter serment, le 4 avril 1838, à une nouvelle charte, rédigée dans un sens démocratique. Mais les élections de 1840, favorables aux partisans du régime aristocratique, la réconciliation de la cour de Lisbonne avec le saint-siége, l’appui du gouvernement anglais, parurent affermir le pouvoir de la reine. En 1842, elle rétablit la charte de 1826 et forma un nouveau cabinet sous la direction du duc de Terceira, nommé ministre de la guerre et président du conseil. Costa Cabral, créé comte de Thomar en 1844, fut alors mis à la tête du cabinet et excita un mécontentement général par sa politique violente et inconstitutionnelle. Plusieurs mouvements insurrectionnels avaient été comprimés lorsque éclata en 1846 une révolte formidable. Dona Maria, voyant la nécessité de faire des concessions, appela au pouvoir le duc de Palmella, puis Saldanha (6 octobre) ; mais le mouvement révolutionnaire ne continua pas moins à s’étendre dans le pays, et l’on vit les démocrates se coaliser avec la noblesse mécontente, avec le parti miguéliste, pour menacer le trône. Vainement le maréchal Saldanha remporta quelques avantages sur les insurgés ; la révolte gagna les Algarves, les provinces méridionales, les Açores, et il ne fallut pas moins qu’une intervention combinée de la France, de l’Angleterre et de l’Espagne pour conjurer la chute de dona Maria (1847). Pendant quelque temps, la reine laissa Saldanha diriger les affaires ; mais en 1849 la coterie Cabral avait repris toute son influence, et le comte de Thomar, appelé à la présidence du conseil, continua son système de violences et d’illégalités. Le mécontentement était devenu général, lorsque Saldanha se mit à la tête d’une insurrection militaire, força le comte de Thomar à prendre la fuite, prit la direction des affaires, contraignit le roi Ferdinand à se démettre du commandement en chef de l’armée et fit reviser la constitution par de nouvelles cortès, qui votèrent une loi électorale démocratique. Mais Saldanha, craignant d’être entraîné trop loin, se retourna bientôt vers le parti conservateur, voulut modifier la loi électorale, transformer la dette publique en 3 pour 100, et recourut à un coup d’État pour se débarrasser de l’opposition faite à son administration par les deux Chambres. Sur ces entrefaites, la reine mourut en couche, laissant à son époux, Ferdinand, la régence au nom de son fils mineur, Pedro V. Cette princesse joignait à des vertus domestiques une grande bonté ; mais elle n’avait aucune qualité brillante et forte, aucune vue politique. Elle avait eu de son mari cinq fils et deux filles.


MARIE-THÉRÈSE, impératrice d’Autriche, reine de Bohème et de Hongrie, née le 13 mai 1717, morte le 29 novembre 1780. Elle était fille de l’empereur Chartes VI et d’Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbuttel. L’empereur n’avait qu’un fils, l’archiduc Léopold ; cet enfant étant mort, avec lui s’éteignait la maison de Habsbourg-Autriche. Charles VI promulgua la fameuse pragmatique sanction par laquelle, à défaut d’enfant mâle, l’héritage de ses vastes États était destiné à l’aînée de ses filles. Il savait bien qu’un tel règlement de sa succession serait contesté ; aussi travailla-t-il pendant près de trente années (1713-1740) à lui donner un caractère inviolable en le faisant reconnaître par toutes les puissances. C’est en vertu de la pragmatique sanction que Marie-Thérèse put lui succéder. Destinée au trône, elle fut élevée, non en dauphine, mais en dauphin, en futur roi; ce qui explique son caractère altier. À quatorze ans, elle assistait aux conseils d’État. Le 12 février 1736, à dix-neuf ans, elle fut mariée à François-Étienne de Lorraine, depuis empereur sous le nom de François Ier. Charles VI mourut le 20 octobro 1740. Dix-sept jours après la mort de son père, le 7 novembre 1740, Marie-Thérèse reçut l’hommage des États de l’Autriche, des provinces italiennes, de la Bohème et de la Hongrie, et, premier acte de son règne qui dénote toute l’habileté qu’elle avait déjà acquise, elle s’attacha les Hongrois, si peu Autrichiens depuis deux siècles, en faisant le serment suivant, dont s’était servi en 1222 le roi André II, le descendant du vieux chef ou duc hongrois Almus : « Si moi ou quelqu’un de mes successeurs, dit-elle, en quelque temps que ce soit, veut enfreindre vos privilèges, qu’il vous soit permis, en vertu de cette promesse, à vous et à vos descendants, de vous défendre, sans pouvoir être traités de rebelles. » Le 24 juin de l’année suivante, Marie-Thérèse fut couronnée à Presbourg. Mais l’Europe entière était déjà coalisée contre elle et revendiquait l’héritage de Charles VI, héritage immense, qui comprenait la Hongrie et la Bohême, la Souabe autrichienne, la haute et la basse Autriche, la Styrie, la Carinthie, la Carniole, les Pays-Bas, les quatre villes forestières du Brisgau, le Frioul, le Tyrol, le Milanais, les duchés de Parme et de Plaisance. L’électeur de Bavière faisait valoir un testament de Ferdinand Ier, frère de Charles-Quint ; il descendait, en effet, d’Anne, fille aînée de Ferdinand Ier, qui avait disposé par son testament qu’en cas d’extinction de la ligne masculine autrichienne la Bohême et l’Autriche passeraient à ses filles et à leur descendance ; l’électeur de Saxe, roi de Pologne et époux de la fille aînée de l’empereur Joseph Ier, frère aîné de Charles VI, réclamait également ; le roi d’Espagne appuyait ses droits sur cette raison qu’il descendait par les femmes de la fille de l’empereur Maximilien. L’Europe fut tout à coup inondée de manifestes, de mémoires sur la question de l’héritage. Avant qu’elle fût tranchée par l’épée, « on s’attendait, dit Voltaire, à une guerre universelle… Mais ce qui confondit la politique humaine, c’est que l’orage commença d’un côté où personne n’avait tourné les yeux. » Ce fut, en effet, la Prusse qui mit le feu aux poudres : Frédéric II réclama la Silésie, offrant en échange à Marie-Thérèse contre ses ennemis les forces et les trésors amassés par son père. C’eût été de la part de celle-ci faire acte de prudence et même d’habileté que d’accepter les propositions de Frédéric II ; mais elle ne soupçonnait pas derrière ce joueur de flûte, ce faiseur de petits vers, le héros militaire qui se révéla dès cette première campagne ; et puis, dit Voltaire, « le sang de tant d’empereurs qui coulait dans les veines de la reine de Hongrie ne lui laissa pas seulement l’idée de démembrer son patrimoine. » Marie-Thérèse refusa hautement.

Le 23 décembre 1740, Frédéric II entra en campagne et mena son armée contre les 24,000 Autrichiens rassemblés à Molwitz par le feld-maréchal de Neipperg ; la victoire fut pour lui. Dès lors, il alla de l’avant et reçut à Breslau les hommages de la province convoitée par lui. Bientôt à la Silésie il joignit la Moravie, et en même temps l’électeur de Bavière, Charles-Albert, prenait les armes, soutenu par la France, l’électeur palatin et l’électeur de Cologne. Plus heureux encore que Frédéric, il se fit couronner à Linz archiduc d’Autriche, puis roi de Bohême à Pra-