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vement à Bruxelles, puis à Londres, et enfin à Cologne, où elle mourut (1642) dans un dénuement presque absolu. Cette princesse, au caractère faible, aux passions vives, sans cesse conduite par d’obscurs confidents, vindicative par entêtement, constamment la première victime de son goût pour l’intrigue, hautaine dans sa prospérité, humble et suppliante dans les jours mauvais, devenue par son détestable caractère insupportable à son mari, à son fils, à ses favoris eux-mêmes, n’eut qu’un seul mérite, héréditaire du reste dans sa famille, celui de protéger et d’aimer les lettres et les beaux-arts. Elle donna des pensions à Malherbe, au cavalier Marin, nomma Philippe de Champaigne son premier peintre. C’est elle qui fit construire le palais du Luxembourg, l’aqueduc d’Arcueil, l’hôpital de la Charité. On lui doit aussi une collection de tableaux de Rubens, représentant les principaux faits de sa vie et de celle de Henri IV, qu’on voit aujourd’hui au musée du Louvre.

- Iconogr. On possède un portrait de Marie de Médicis gravé sur bois en 1587. La jeune princesse y est représentée en buste, de profil, la bouche légèrement ouverte, les cheveux nattés et couverts d’une espèce de coiffure à la romaine. Cette pièce passe généralement pour être l’œuvre de Marie de Médicis elle-même ; mais M. Charles Blanc a combattu cette opinion ; il a fait remarquer que, loin d’être l’œuvre d’un simple amateur, cette gravure attestait une très grande habileté et une très grande pratique de la xylographie.

Deux portraits de Marie de Médicis, par F. Porbus, appartiennent au Louvre ; l’un, daté de 1612, provient de l’ancienne collection Campana. Au palais Pitti est un portrait de cette princesse par Scipione Pulzone. Outre le tableau qui est au Louvre (no 457), et qui a été gravé par J .-B. Massé en 1708, Rubens a peint Marie de Médicis vêtue de deuil ; ce dernier portrait est au musée de Madrid. Divers portraits de cette reine ont été gravés par Th. de Leu.

Le musée d’Amsterdam a un tableau de Sandrart représentant la Compagnie des archers assistant à l’arrivée de Marie de Médicis, M. Jules Ravel a peint Marie de Médicis et Leonora Galigaï (Salon de 1864).

Marie de Médicis (VIE DE), suite de vingt et un tableaux allégoriques, par P.-P. Rubens (musée du Louvre). Cette belle série avait été commandée au peintre, en 1620, par la veuve de Henri IV, pour servir de décoration à l’une des galeries du Luxembourg ; l’autre galerie parallèle devait être consacrée à la vie de Henri IV, mais l’exil de Marie de Médicis empêcha de donner suite à ce projet. Rubens vint à Paris en 1621 et fit en grisaille les esquisses de la première série, qu’il peignit ensuite dans son atelier, à Anvers, en se faisant aider de quelques-uns de ses élèves : J. Jordaens, Diepenbeck, Van Thulden, Van Egmont, C. Schut, Simon de Vos ; il acheva les tableaux sur place, dans divers séjours qu’il fit à Paris, de 1623 à 1625. En voici les sujets : I. La destinée de Marie de Médicis. II. Sa naissance à Florence le 26 avril 1573. III. Son éducation. IV. Henri IV reçoit le portrait de Marie de Médicis. V. Le grand-duc épouse par procuration sa nièce au nom du roi. VI. Débarquement de la reine au port de Marseille. VII. Mariage de Henri IV et de Marie de Médicis, accompli à Lyon le 9 décembre 1600. Ce tableau est un des plus frappants de la collection, et la tête de Henri IV est peut-être le portrait le plus parfait qui existe de ce roi. VIII. Naissance de Louis XIII à Fontainebleau le 27 septembre 1601. IX. Henri IV part pour la guerre d’Allemagne et laisse à la reine le gouvernement du royaume. X. Couronnement de Marie de Médicis. Cette belle composition est regardée comme la plus parfaite de cette suite historique, et on la met au nombre des chefs-d’œuvre de Rubens. XI. Apothéose de Henri IV et régence de Marie de Médicis. XII. Gouvernement de la reine. XIII. Voyage de Marie de Médicis aux Ponts-de-Cé. XIV. Échange de la princesse Isabelle de Bourbon, qui doit épouser Philippe IV, et d’Anne d’Autriche, destinée à Louis XIII. XV. Félicité de la régence. XVI. Majorité de Louis XIII. XVII. La reine s’enfuit du château de Blois, où son fils l’avait reléguée par le conseil de ses courtisans. XVIII. Réconciliation de la reine avec son fils. XIX. Conclusion de la paix. XX. Entrevue de Médicis et de son fils. XXI. Le Temps fait triompher la Vérité.

C’est une opinion assez accréditée parmi un certain nombre de critiques que cette série, quoique fort belle, ne suffit pas pour faire connaître complètement Rubens. Les juges les plus compétents ne partagent pas cet avis. À leurs yeux, la galerie Médicis est une des œuvres les plus prodigieuses de ce fécond génie. Ce qui rend cet ouvrage non moins admirable, c’est le peu de temps que l’artiste mit à l’exécuter ; il est vrai qu’il se fit aider par ses élèves, qui ébauchaient ordinairement ses tableaux, et il serait même aisé de désigner ceux où Jordaens a mis la main ; mais cette promptitude n’en est pas moins extraordinaire, et c’est une qualité de plus quand elle ne nuit pas à la perfection.

« Cette histoire de Marie de Médicis, dit M. Viardot, qui n’était que la décoration d’un palais, rapportée du Luxembourg au Louvre, sera désormais l’ornement du musée ; elle sera aussi l’une des principales gloires de son auteur. Sans doute, si l’on considère d’abord le sujet, ce vaste poëme en vingt et un chants n’est pas précisément un livre d’histoire, mais seulement une suite d’allégories ou, mieux encore, de flatteries allégoriques à travers lesquelles il est assez difficile de reconnaître l’altière, opiniâtre et fausse Marie de Médicis qui, épouse, se fit détester de son époux, mère, se fit détester de son fils, et, régente, se fit détester de la France. Sans doute aussi, en les considérant comme de simples œuvres d’art, il ne se trouve pas dans ces vingt et un chapitres une page aussi magistrale que la fameuse Descente de croix d’Anvers ; mais, toutefois, par la grandeur inusitée de l’ensemble, par l’invention inépuisable et l’infinie variété des sujets, ainsi que par la merveilleuse exécution de leurs détails, la Vie de Marie de Médicis, prise en masse, ne cède à nulle page de Rubens le premier rang dans son œuvre immense. » Il est à regretter que les précieuses esquisses, faites en grisaille par Rubens en 1621, et qui seraient si bien auprès des tableaux, se trouvent à la pinacothèque de Munich. De ces nombreuses toiles, celle du Couronnement de Marie de Médicis est considérée comme la plus belle ; elle a été gravée par J. Audran et Landon.

La Vie de Marie de Médicis a été l’objet, dans les premières années du second Empire et sous la direction de M. de Nieuwerkerke, d’un rajeunissement qui a été diversement apprécié par la critique. On a détaché le vernis jaune qui couvrait toutes les toiles, et Rubens est apparu avec des tons rutilants et des carnations sanguinolentes qu’on ne lui connaissait pas. Il paraît que tels durent être les tableaux quand ils sortirent de la main du maître, et le vernis qui les avait fait rancir nous empêchait d’en avoir une idée vraie. Ainsi soit-il. Mais ceux qui étaient habitués à l’aspect des Rubens tels qu’on les connaissait jusqu’alors crièrent comme si on les avait écorchés eux-mêmes.


MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE, reine de France, née à Madrid en 1638, morte à Versailles en 1683. Fille de Philippe IV, roi d’Espagne, et de sa première femme, Élisabeth de France, sœur de Louis XIII, elle était nièce d’Anne d’Autriche et doublement cousine de Louis XIV. Marie-Thérèse n’avait entre elle et le trône que deux enfants maladifs, ce qui explique parfaitement les hésitations de Philippe IV à la donner en mariage au jeune Louis XIV. On sait par quelle ruse Mazarin parvint à faire conclure le fameux traité des Pyrénées et à pousser l’Espagne à entrer elle-même dans ses vues. Tandis que les Espagnols faisaient les plus grands efforts pour détacher la Savoie de l’alliance française, le rusé cardinal demanda pour le roi la main de Marguerite de Savoie. La cour de France assigna à la cour de Savoie un rendez-vous à Lyon pour la fin de novembre 1658. Mais tandis que la cour de Savoie entrait dans cette ville par une porte, un des secrétaires d’État de Philippe IV y entrait par l’autre. Le roi d’Espagne offrait sa fille à Louis XIV. Sans cérémonie, on congédia la princesse Marguerite, à qui le roi promit cependant par écrit de revenir s’il n’épousait pas l’infante. Alors fut négocié le fameux traité des Pyrénées, dont le premier article fut le mariage de Louis XIV. Marie devait apporter en dot 50,000 écus d’or, payables en trois termes, et, moyennant le payement de cette somme, elle renonçait au trône d’Espagne pour elle et ses enfants. Mazarin savait fort bien que cette dot ne serait point payée et que la renonciation d’une enfant mineure pourrait être attaquée au moment opportun. Le mariage se fit à Saint-Jean-de-Luz le 9 juin 1660, et Marie-Thérèse fit son entrée à Paris au mois d’août suivant. À défaut d’autres mérites, les grâces et la beauté de cette princesse ont été célébrées sur tous les tons par les poëtes et les courtisans. Ses qualités, toutes négatives, ont été sans contredit cause de ses chagrins, de l’indifférence de son mari et de son rôle effacé, non-seulement dans la politique, mais encore dans les intrigues de cour. D’une dévotion qui ne devait être dépassée que par celle de Mme de Maintenon, elle demeura toute sa vie, dans la cour la plus brillante du monde, absorbée par les conseils de son confesseur et les souffrances que lui causaient l’abandon et les infidélités de son royal époux. Au retour d’un voyage triomphal qu’elle fit en Bourgogne et en Alsace, elle fut prise d’une maladie qu’on crut d’abord insignifiante, mais qui, mal soignée, occasionna sa mort en très-peu de temps. Le mot si connu de Louis XIV : « Voilà le premier chagrin qu’elle m’ait donné, » est peut-être le plus bel éloge de cette reine sans dignité, de cette femme sans énergie. Son oraison funèbre fut prononcée par Bossuet et par Fléchier.

Marie-Thérèse eut six enfants, dont cinq moururent avant elle ; l’aîné seul, Louis de France, lui survécut.


MARIE LESCZINSKA (Catherine-Sophie-Félicité), reine de France, née à Posen en 1703, morte à Versailles en 1768. Elle était fille du roi de Pologne Stanislas Lesczinski et de Catherine Opahnska. Marie avait un an lorsque son père, qui depuis peu avait succédé à Auguste sur le trône de Pologne, se vit attaqué par ce dernier et jugea prudent d’envoyer sa famille en Posnanie. Pendant une alerte on abandonna la jeune princesse, qu’on retrouva peu après dans l’auge d’une écurie. Quelques années plus tard, Stanislas perdait définitivement sa couronne. Après avoir cherché avec sa famille un asile en Suède et en Turquie, il se rendit en France (1719). Ce fut là, près de Wissembourg, que Marie termina son éducation, éducation très-soignée, très-complète. Elle acquit des connaissances très-variées, et son esprit, mûr de bonne heure, prit de sa mauvaise fortune même un caractère sérieux, élevé, sagace, auquel se joignait un grand fond de douceur et de tendresse. Son père, qui vivait obscurément d’une pension modique, cherchait à trouver dans la haute noblesse un parti pour sa fille lorsque le duc de Bourbon, alors à la tête des affaires, eut l’idée de choisir pour femme au jeune Louis XV, alors âgé de quinze ans, Marie Lesczinska, qui en avait vingt-deux. Un jour Stanislas entra dans la chambre où se trouvaient sa femme et sa fille. « Mettons-nous à genoux, leur dit-il, et remercions Dieu ! — Vous êtes rappelé au trône de Pologne, mon père ? s’écria Marie. — Non, ma fille ; le ciel nous est bien plus favorable ; vous êtes reine de France. » Quelques jours après, le 5 septembre 1725, le mariage de Marie et de Louis XV avait lieu à Fontainebleau.

La jeune reine n’était pas belle ; elle était brune, petite, mais elle joignait au désir de plaire, à une grande aménité naturelle, à beaucoup de douceur et de bonté, une certaine grâce qui n’était pas sans charme ; Louis XV, alors un enfant timide, conçut d’abord une affection très-vive pour Marie. Pendant quelques années leur union fut parfaite ; mais le jeune roi ne tarda pas à se laisser corrompre. Il abandonna la reine qui en souffrit cruellement, mais en silence, pour se précipiter dans une vie de honteuses débauches. À l’exemple de Louis XIV, mais avec encore plus d’impudeur, il donna au peuple l’exemple de la plus hideuse corruption. Marie vit passer devant elle la tourbe des favorites ; elle dut les accueillir, tolérer leurs insolences et courber la tête, humiliée, frappée dans ses affections et dans sa dignité. Malgré son inaltérable douceur, il lui arriva cependant quelquefois de sentir sa patience à bout. Le Bas (Dictionnaire encyclopédique de la France), raconte à ce sujet une piquante anecdote que voici : « Le frère de la favorite, Marigny, avait été nommé directeur général des bâtiments et des jardins, et souvent il envoyait à la reine une corbeille de fruits ou de fleurs, que Mme de Pompadour offrait elle-même, autorisée par sa charge. Un matin, la marquise arrive, et jamais sa beauté ne fut plus éclatante. La reine en fut frappée ; elle en ressentit une vive souffrance, et, pour exhaler son dépit, se mit à louer la favorite avec exagération, détaillant ses bras, son cou, ses yeux, les contours de son visage, admirant la grâce avec laquelle elle portait cette corbeille qu’elle lui laissait impitoyablement sur les bras, semblant, en un mot, s’occuper d’une œuvre d’art, et non d’une personne vivante et pensante. L’embarras de la marquise était grand quand la reine y vint mettre le comble en la priant de chanter : « Que j’entende à mon tour, dit-elle, cette voix dont toute la cour a été charmée au spectacle des petits appartements. » La marquise déclina d’abord en rougissant l’honneur que lui faisait la reine ; mais celle-ci lui ayant ordonné de chanter, elle fit entendre, de sa voix la plus sonore et la plus triomphante, le grand air d’Armide :

Enfin, il est en ma puissance…,

et ce fut au tour de la reine de changer de couleur, en se voyant braver par une rivale qu’elle-même avait poussée à cet excès d’insolence. Ce trait, ajoute Lebas, est une exception dans la vie de Marie ; ceux qui vécurent près d’elle la virent constamment pleine de douceur et de bonté. »

Abandonnée par son mari, délaissée par les courtisans, qui poussèrent un jour l’insolence jusqu’à lui appliquer ce vers du Britannicus de Racine :

Que tardez-vous, seigneur, à la répudier ?

la reine vécut dans la retraite, faisant d’abondantes aumônes et partageant son temps entre la méditation, l’éducation de ses enfants et la conversation de quelques amis qu’elle appelait « ses honnêtes gens. » Au milieu de cette société choisie, dans des conversations intimes, elle donnait toute la mesure de son esprit, à la fois sagace et fin. Quelques-unes de ses pensées et de ses observations ont été recueillies. — Les bons rois, disait-elle, sont esclaves et leurs peuples sont libres. — Le contentement voyage rarement avec la fortune ; mais il suit la vertu jusque dans le malheur. — Les trésors de l’État ne sont pas nos trésors ; il ne nous est pas permis de divertir en largesses arbitraires des sommes exigées par deniers du pauvre et de l’artisan. — Il vaut mieux écouter ceux qui nous crient de loin : « Soulagez notre misère, que ceux qui nous disent à l’oreille : « Augmentez notre fortune. »

Marie Lesczinska avait eu de son mariage dix enfants : deux garçons et huit filles. La mort en avait enlevé cinq déjà, les uns en bas âge, les autres hommes et pères, lorsque la fin prématurée du Dauphin, qui donna le jour à Louis XVI, et bientôt après celle de Stanislas, lui portèrent le dernier coup. On la vit s’éteindre calme et résignée, à l’âge de soixante-cinq ans. Les médecins cherchaient un remède à sa maladie : « Rendez-moi, leur dit-elle, mon père et mes enfants, et vous me guérirez. » Louis XV ressentit une assez vive émotion en apprenant la mort de sa femme ; mais cette impression s’effaça vite, et bientôt il se plongea plus avant encore dans la fange qui était devenue son élément.

Marie Lesczinska (PORTRAIT DE), par Michel van Loo ; au Louvre. La reine est de grandeur nature, debout et de trois quarts, tournée à gauche, devant une console sur laquelle on voit une couronne, un buste de Louis XV et un vase de cristal garni de fleurs. Elle tient un éventail d’une main et une branche de jasmin de l’autre ; elle porte par-dessus sa robe, brodée à grands ramages, un manteau de velours bleu, semé de fleurs de lis et doublé d’hermine. Sur le devant du tableau, un petit chien accroupi a le cou orné d’un ruban rose.

Ce portrait, peint en 1747, fut exposé au Salon de cette année. Il a fait partie de la collection de Louis XV. La tête a été faite d’après le beau pastel de Latour, afin d’éviter au modèle la peine de poser.


MARIE-ANTOINETTE-JOSÈPHE-JEANNE DE LORRAINE, archiduchesse d’Autriche, reine de France, épouse de Louis XVI, née à Vienne le 2 novembre 1755, le jour même du tremblement de terre de Lisbonne. Elle était fille de l’empereur d’Allemagne François Ier et de l’impératrice Marie-Thérèse, reine de Hongrie et de Bohème.

Dans les dernières années du second Empire, toute une école de scribes avait mis à la mode la sanctification de la reine martyre, bien moins par une réaction de pitié pour une destinée tragique que pour mendier les faveurs d’une autre étrangère qu’une aventure avait fait rebondir sur le trône, et dont on savait que Marie-Antoinette était l’idole, sans doute par certaines affinités de mœurs et de position.

En offrant le nouveau fétiche à l’adoration publique, ces desservants d’une littérature dévoyée qui a fait sa spécialité de la canonisation des pécheresses traitaient leur personnage par les procédés littéraires, c’est-à-dire comme une héroïne de roman, lui prodiguant sans compter toutes les perfections et toutes les supériorités, et lui composant une véritable légende, à la manière des Acta sanctorum. Il en est même qui ont trouvé le moyen de transformer en panégyrique le récit de ses trahisons.

En sorte que ceux qui eussent tenté de dégager la réalité historique de cet amoncellement d’erreurs et de fictions pouvaient craindre que la froide recherche de la vérité ne les fît accuser de manquer de respect au malheur. La critique se trouvait comme désarmée par les partialités du sentiment, par les attendrissements de la pitié. Il est toujours difficile d’argumenter contre la douleur et le désespoir des vaincus. Cependant on accordera que les faits n’ont pas moins de valeur que des émotions, et que la vérité n’est pas moins sacrée que le malheur, surtout quand il est mérité.

Nous n’avons, certes, pas l’intention de nous abandonner ici au système des dénigrements systématiques, ni de répondre aux réhabilitations paradoxales et romanesques qui ont pullulé de nos jours par les amertumes du pamphlet. Mais nous avons le droit et le devoir de rechercher le vrai indépendamment de toute autre préoccupation, sans esprit de système et sans parti pris, mais aussi sans molle complaisance pour le fétichisme sentimental et l’espèce de nymphomanie rétrospective de ces enthousiastes bien moins préoccupés des fautes inexpiables du personnage historique que des grâces de la femme.

Quoi qu’en disent certains panégyristes, l’éducation de Marie-Antoinette fut fort négligée, et Mme Campan, qui cependant a pour elle un véritable culte, donne sur ce sujet des détails fort curieux. À l’exception de la langue italienne, qu’elle avait apprise de Métastase, elle ne savait rien, pas même l’histoire de son pays. « On s’en aperçut bientôt à la cour de France, dit Mme Campan, et de là vient l’opinion, assez généralement répandue, qu’elle manquait d’esprit. » On lui attribuait des œuvres d’art, des dessins auxquels elle n’avait pas mis la main, des réponses en latin qu’on lui faisait apprendre par cœur et sans qu’elle sût un mot de cette langue, etc. Elle-même, à la cour de France, se moquait de toutes les charlataneries de son éducation. Marie-Thérèse, qui s’occupait fort peu de ses enfants, donna à la jeune archiduchesse deux acteurs français pour précepteurs, Aufresne et Sainville. Ce choix, au moins singulier, déplut à la cour de France (on songeait déjà à une alliance), et Choiseul envoya à Vienne l’abbé de Vermond pour remplacer les comédiens. Celui-ci, contrairement sans doute à ce qu’on attendait de lui, devint et resta un agent autrichien. Il ne s’occupa que de plaire, par sa servilité, à son élève et nullement de l’instruire. Après le mariage, il passait très-jus-