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il y a peu d’années. Le chœur et le transsept, l’aile occidentale, une partie du N.-E. de la grande tour, presque toute l’aile méridionale et une partie de l’aile septentrionale sont encore debout. • L’entrée principale, magnifique portail gothique, est surmontée d’une superbe fenêtre au-dessus de laquelle on voyait autrefois les statues du Christ et des apôtres. «Cette partie extérieure de l’édifice, dit M. Amédée Pichot (Voyai/e historique et littéraire en Angleterre et en Écosse), est curieuse par une bizarre décoration de Sculptures gothiques, toutes d’une belle exécution. Ce sont des rosaces, des couronnes, des fleurs de lis, des tètes de chérubins et des sirènes ; une truie jouant de la cornemuse, un renard tenant deux colombes dans sa gueule, un vieux moine jouant de la guitare et encore accablé Sous le poids d’une autre image qui a disparu ; un estropié sur les épaules d’un aveufle, des tètes de dragons et je ne sais eomien d’autres figures grotesques ou gracieuses, que je ne puis mieux comparer qu’à un chant héroï-comique de l’Ariosteou d6 Pulei. Une de ces figures, du côté de la grande croisée du sud, représente un homme dont la tête sort d’une touffe de lierre en faisant le geste de se couper la gorge avec un couteau ; un autre tient un bassin comme pour recevoir le sang. Plus bas sont des musiciens, puis un moine qui applique à sou oreille sa main en guise de cornet ; et un autre enfin, k qui les yeux sortent de la tête par l’effort qu’il fait pour se relever, tout chargé qu’il est d’un lourd fardeau. Tous ces jeux de l’imagination du sculpteur attestent une singulière facilité. Chaque visage vous parle. L’homme qui va se couper la gorge a un air triste qui vous afflige pour lui ; celui qui est dans l’attitude de prêter une oreille attentive semble réellement écouter une confession ; les musiciens exécutent leurs airs avec gaieté ; vous iriez volontiers aider ces pauvres moines qui semblent vous dire que leurs épaules sont trop chargées, etc. ■

MELSUNGEN, ville de Prusse, province de Hesse, régence et à 22 kiloin. de Cassel, sur la Fuide ; -4,100 hab. École forestière ; château des anciens landgraves, bâti en 1550. Fabrication de lainages, de draps ; corderie ; tannerie. Commerce de bois et de bestiaux.

MELTHE ouMELTE s. f. (mèl-te). Etendue d’une juridiction, dans la coutume du Hainaut.

MELTON-MOWBRAY, ville d’Angleterre, comté et à 22 kilom. N.-E. de Leicester, sur l’Eye ; 4,207 hab. Fabrication de toiles, bonneterie. Importants marchés à bétail ; pieds de cochon et fromages renommés. C’est le rendez-vous principal des chasseurs de renard. Les pâturages des environs nourrissent de belles bêtes à cornes.

MELON, en latin Melodunum, ville de France (Seine-et-Marne), ch.-l. de département, d’arrond. et de deux cantons, sur la Seine et le chemin de fer de Paris à Lyon, à 45 kilom. S.-Iï. de Paris, par 48" 32’ de lat. N’. et 0» 19’ de long. E. ; pop. aggl., 8,403 hab.pop. toi., 11,130 hab. L arrondissement comprend 6 cantons, 97 communes et 66,203 hub. Tribunal de lre instance ; deux justices de paix. Collège communal, musée, bibliothèque publique, école normale d’instituteurs, école professionnelle. Filature de coton, fabriques de calicots, toiles peintes, étoffes de laine, boutons ; tanneries, faïencerie, mégisseries. Commerce important de grains, farines, bestiaux, volailles, fromages de Brie. La ville de Melun est agréablement située au pied d’une colline, sur l’emplacement d’une forteresse gauloise mentionnée dans les Commentaires de César sous le nom de Melodunum, La Seine la divise en trois parties. L’une des rues de la ville a conservé le nom d’Amyot, le traducteur de Plutarque, qui y vit le jour en 1514, dans une maison sur la façade de laquelle a été placée une plaque de marbre avec inscription cominéinoiative. La1 statue en marbre de t’illustre traducteur de Plutarque orne la cour de l’hôtel de ville ; elle fait honneur au talent de M. Godin, sculpteur de Melun.

L’église principale, dédiée à saint Aypais, dont le nom, assez singulier, ne figure pas dans le calendrier, paraît duter de la fin du xv» siècle ou du commencement du xvie. Elle se compose d’une nef principale et de deux collatéraux, dont les colonnes sont d’une merveilleuse délicatesse. Les vitraux du chœur sont dignes d’attention. L’égide Notre-Dame est un curieux édifice du style roman et du style de transition. Elle a été récemment restaurée et mise au nombre des monuments historiques. Il existe à Melun une prison centrale qui renferme en moyenne î,100 détenus.

Les autres édifices importants de Melun sont : l’hôtel de ville, bâti dans le style de la Renaissance et terminé eu 1848 ; la préfecture, entourée n’un beau jardin, et le château de Vairx-Pénil, précédé d’une pelouse en amphithéâtre et oll’rant une magnifique futaie.

Au N.-E. de la ville, vers le village de Mainey, s’élève le château de Vaux-Praslin, reconstruit par Fouquet, surintendant des finances sous l’administration du cardinal Mazariu.

Jules César indique clairement la position 4e l’ancien Melun qui, comme l’ancien Paris,

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était situé iur une île de la Seine ; cette ville faisait alors partie de la nation sénonaise, et Labienus, lieutenant de César, s’en empara l’an 52 av. J.-C. Les Romains firent un poste militaire de cette ville, dont s’empara Clovis en 494. Après avoir été ravagée plusieurs fois par les Normands, Melun devint la résidence de plusieurs rois de France : Robert Ier et Philippe lor y moururent en 1031 et en 1108. Louis le Jeune résida aussi à Melun, et, sous son règne, Abailard, forcé de quitter Paris, vint k Melun ouvrir son école et 3’ resta jusqu’à sou outrée à l’abbaye de Cluny. Philippe-Auguste et Louis VIIÏ habitèrent aussi le château de Melun. Charles le Mauvais s’empara de cette ville en 1358 ; Duguesclin la reprit l’année suivante. En 1420, les Anglais s’en rendirent maîtres et, dix ans après, ils en furent expulsés par les habitants, commandés parde Giresmes. En 1485, CharlesVllI et Henri VII y signèrent une trêve. Depuis cette époque, le château de Melun servit de prison a plusieurs personnages importants : le duc d Alençon y fut enfermé en 1551, Dandelot en 155S. En 1588, après la journée des Barricades, le duc de Guise tenta e, n vain de s’emparer de la ville. Toutefois, en 1589, elle se prononça pour les ligueurs et elle fut prise par Henri IV en 1590. Louis XIV y chercha un refuge pendant la Fronde (1652). Melun avait le titre de vicomte et fut érigée en duché-pairie en 1709, en faveur de Louis-Hector de Villars. Au mois de septembre 1870, Melun fut occupée par les Allemands, qui évacuèrent la ville au mois de juin 1871. Parmi les hommes remarquables nés à Melun, on cite le roi Philippe-Auguste et Jacques Amyot.

Plusieurs conciles ont été tenus à Melun, Dans le concile de 1216, convoqué sur la demande d’Innocent III qui venuit d’excommunier Philippe-Auguste, les évêques assemblés déclarèrent qu’ils ne tiendraient compte de cette excommunication qu’après plus ample information. Ils firent, en outre, plusieurs règlements disciplinaires. L’un d’eux défendait aux avocats de plaider avant d’avoir fait serment de ne point employer la calomnie ; un autre déclarait que tout individu excommunié qui resterait plus d’un an sans se faire absoudre y serait contraint par la puissance séculière, qui s’emparerait de sa personne et de ses biens. Au concile de 1225, convoqué par le roi Louis VII, les évêques demandèrent d’avoir la connaissance de toutes les causes nobiliaires ; mais le roi s’y refusa. En 1300, l’archevêque de Sens, Becard, réunit à Melun un nouveau concile, où l’on fit des canons sur la discipline et sur les conséquences de l’excommunication. ^

MELUN, nom d’une famille qui tire son nom de la ville de Melun, qu’elle a possédée héréditairement, avec le titre de vicomte, depuis la fin du xe siècle, et qui est alliée par les femmes k la famille de Hugues Capet. Ces vicomtes de Melun avaient pour représentant, à la fin du xiu siècle, Guillaume, dit le Charpentier, qui suivit Hugues, comte de Vermandois, à la première croisade. Un de ses descendants, Adam, vicomte de Melun, fut un des meilleurs capitaines du roi Philippe-Auguste. Il mourut en 1220, en Angleterre, où il avait suivi Louis de France, depuis roi sous le nom de Louis VIII. Il eut quatre petits-fils : 1° Guillaume III, qui accompagna le roi Louis XI dans son expédition d’Afrique, et qui mourut sans postérité ; 2« Adam II, vicomte de Melun, seigneur de Tancarville, autour de la branche des Tancarville, qui s’éteignit au commencement du xve siècle, après avoir produit plusieurs archevêques, plusieurs grands chambellans et autres dignitaires de la cour, et dont le dernier rejeton, Guillaume, vicomte de Melun, comte de Tancarville, grand boutillier de France, premier président laïque de la chambre des comptes, puis grand maître des. eaux et forêts, périt à la bataille d’Azincourt. De cette branche est issue celle des comtes et princes d’Epiuay, châtelains de Gand, marquis de Roubaix et de Richebourg, comtes de SaiiU-Pol. Cette dernière finit avec Louis de Melun, prince d’Epinay, créé duc de Joyeuse en 1714, tué dans une partie de chasse à Chantilly en 1724, sans laisser de postérité. Il en était sorti deux rameaux, dont le premier, celui des comtes de Melun, encore subdivisé, s’est éteint en 1736 ; le second, dit des marquis de Richebourg et comtes de Beausart, finit vers 1730, avec Guillaume de Melun, vice-roi de Galice après sou frère. 3° Le troisième petit-fils d’Adam fut Simon de Melun, grand maître des arbalétriers, puis maréchai de France (1290), dont la postérité s’est éteinte en la personne de son arrière-petit-fils. 40 Enfin, le quatrième petit-fils d’Adam, Jean, seigneur de la moitié de la vicomte de Melun, mourut vers 1297, laissant pour successeur un de ses fils, Simon de Melun, dont le petit-fils, Jean, fut père de : 1» Philippe de Melun, dont le fils aîné, Charles de Melun, baron des Landes, grand maître de France, fut décapité par ordre de Louis XI en 1468, et dont la branche s’éteignit k la fin du xvie siècle ; 2° Charles de Melun, gouverneur du château d’Usson, en Auvergne, à qui Louis XI fit trancher la tête en 1468, parce qu’il avait laissé évader Antoine de Cbàteamieuf, prisonnier d’État ; 3° Louis de Melun, échanson de la duchesse d’Anjou et gouverneur de Coulominiers, mort

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vers U72. Un descendant de ce dernier, Charles de Melun, seigneur du Buignon, de Maupertuis, etc., gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Louis XIII, fut père de : 10 JûACatM, qui a continué la filiation directe ; 2» Louis de Melun, auteur de la branche des marquis de Maupertuis, éteinte en 1763. Joachim de Melun, dit le comte de Melun, gentilhomme ordinaire de la chamb’ e du roi, mort en 1677, eut, entre autres enfants, Louis-Armand, comte de Melun, dont la descendance s’éteignit en 1731 ; et Joachim-Henri de Mblun, seigneur de Brumetz, père de BarTHÉlumy-Joachim, vicomte de Melun, mort en 1749. Adam-Joaciiim-Mamk, vicomte de Melun, fils et successeur du précédent, morteu 1797, laissa Anne-Joachim-Krançois, vicomte de Melun, marié, en 1805, k Amélie de Faure, dont sont issus plusieurs enfants. À la suite de cette notice généalogique, nous donnerons quelques détails biographiques sur les principaux membres de cette famille.

MELUN (Guillaume de), surnommé le Charpentier, à cause de la puissance des coups de sa hache d’armes. Il vivait au xie siècle, était parent de Hugues de Vermandois, et il accompagna Godefroi de Bouillon en Palestine (1096), où il se signala par sa valeur.

MELUN (Adam, vicomte de), un des capitaines de Philippe-Auguste, mort en 1220. Il battit les Anglais dans le Poitou (1203), contribua à la victoire de Bouvines (1214), suivit Louis de France (depuis Louis VIII) d’abord contre les albigeois, puis dans son expédition d’Angleterre, où il mourut.

MELUN (Simon de), maréchal de France, mort en 1302. Il devint sénéchal de Périgord et de Limousin, suivit saint Louis en Afrique (1270), soumit l’Ile de Majorque, puis fut successivement nommé grand maître des arbalétriers, ambassadeur en Angleterre (1297), et maréchal de France. Il trouva la mort a la bataille de Courtrai, où il se conduisit de la façon la plus brillante.

MELUN (Charles de), grand maître de France, seigneur de Normanville, etc., décapité en 1468. Au commencement du règne de Louis XI, il jouissait d’une grande faveur ; mais à l’époque de la ligue du Bien public (il était alors gouverneur de Paris et de la Bastille) on acquit la preuve qu’il entretenait des relations secrètes avec les seigneurs soulevés. Le terrible Louis XI ne laissa pas cette trahison impunie ; il priva Charles de Melun de toutes ses charges, puis fit instruire son procès. Charles déclara que, s’il avait eu des relations avec les chefs de la ligue, c’est qu’il en avait reçu l’autorisation du roi. À cette affirmation, Louis XI répondit par une dénégation absolue, qui équivalait à un arrêt de mort. Après avoir subi la torture, Charles de Melun fut décapité aux Petits-Andelys. On raconte que, ayant été manqué au premier coup, il se redressa et proclama son innocence. Ses biens furent confisqués et donnés au comte de Dammartin, son implacable ennemi ; mais, sous Charles VIII, on réhabilita sa mémoire et on rendit ses biens à ses enfants. Tant qu’il avait été le favori de Louis XI, Charles de Melun avait montré un faste et une mollesse qui lui avaient valu le surnom de Sardanapale de son temps.

MELUN (Louis de), marquis de Maupertuis, puis duc de Joyeuse, lieutenant général, etc., né en 1634, mort en 1721, Il se distingua au siège de Valenoiennes (1677), h la bataille de Casse !, au siège d’Ypres, et défendit Le Havre contre les Anglais (1694). Pour empêcher cette ville d’être incendiée comme Dieppe, ■ il fit amener dehors des murs, dit Desnties, des piles de bois qu’embrasèrent quelques fusées. Les ennemis s’y méprirent et dirigèrent toutes leurs bombes sur ce feu ; la ville n’eut donc k souffrir que peu de dommages causés par des projectiles égarés.» Louis de Melun donna constamment des preuves du plus brillant courage.

MELUNOIS, OISE s. et adj. (me-lu-noi, oi-ze). Géogr. Habitant de Melun ; qui appartient à cette ville ouk ses habitants : Les Melunois. La population melunoise.

MÈLUSINE s. f. (mé-lu-zi-ne — nom d’une fée). Femme acariâtre, querelleuse •" Crier comme une méi.usine

— Blas. Cimier figurant un être demifemme et demi-serpent, qui se baigne dans une cuve où il se mire et se coiffe : Les maisons de Lusignan et de Saint-Gelais portaient pour cimier une mèlusine. MÉLUSIINE, fée que les romans de chevalerie et les lèg&ndef fabuleuses ont rendue célèbre ; on la représentait tantôt sous la forme d’une belle femme, tantôt sous celle d’un serpent. La tradition populaire attribuait un grand rôle, dans le Poitou, à la fée Mèlusine. On prétendait qu’elle était le génie de la maison de Lusignan, et que, toutes les fois qu’une personne de cette maison allait mourir, Mèlusine se montrait sur la grande tour du château de Lusignan, qu’elle avait fait bâtir, et remplissait l’air de cris lugubres ou de sifflements. De la ces mots : cris de mèlusine, ou, par corruption, cris de merlusine, expression proverbiale encore en usage chez le peuple.

Quelques auteurs ont pensé que cette tradition avait un véritable fond historique ; ils

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ont vu dans la fée Mèlusine soit Mélisende, veuve d’un roi de Jérusalem, dont parle Guillaume de Tyr, soit la dame de Mervant, femme de Geoffroy de Lusignan. Il faut toutefois remarquer que Mèlusine n’est que l’anagramme du vieux nom du château de Lusignan que l’on écrit Leusignem. C’est au roman de Jean d’Arras que cette tradition doit surtout d’avoir survécu.

D’autres nuteurs pensent, avec plus de raison peut-être, que Mèlusine ou mieux Mellusine, qui est plus fréquemment employé nu moyen âge, est une corruption de mère Lucine, la mater Lucina que les femmes romaines invoquaient dans leurs couches pour leur délivrance. L’invocation k Lucine, dont on a tant d’exemples dans les auteurs latins, se serait perpétuée, sous cette forme légèrement altérée, longtemps encore après 1 abolition du paganisme, et c’est de là que viendrait l’expression ■ pousser des cris de mèlusine ou de merlusine, • comme prononce encore le peuple.

Mèlusine, roman de Jean d’Arras (xve siècle). Cette amusante épopée en prose, qui était devenue fort rare avant que M. Jannet la réimprimât dans sa Collection elzéoirtenne (1 vol. in-12, 1854), tient une bonne place parmi les romans du moyen âge. Elle nous délasse des Alexandre, des Arthur et des Atnadis, et.sansabatidonner le récit des grandes prouesses, des coups d’épée merveilleux, nous fait pénétrer dans le royaume des fées. La fée est le deus ex machina de tous les romanciers du moyen âge ; c’est par elle qu’ils se tirent d’une difficulté imprévue, qu’ils font triompher leurs héros d’un obstacle infranchissable ou qu’ils le retiennent prisonnier dans quelque tour enchantée ; mais la fée n’intervient qu’aux grands moments. Dans la

Mèlusine, le surnaturel surabonde ; c’est la fée qui noue et dénoue les événements.

Mèlusine est l’aînée des trois filles du roi Thiaus et de la fée Pressine ; sa mère l’a douée naturellement d’une merveilleuse beauté. Elle rencontre, dans une forêt, près d’une fontaine, le beau Raimondin, fils du roi des Bretons, jeune et hardi garçon qui vient de tuer par mégarde son oncle, le comte de Poitiers, dans une chasse au sanglier. Mèlusine lui propose de faire de lui le plus grand gentilhomme du royaume, s’il veut 1 épouser, k une condition, c’est qu’il ne cherchera jamais à la voir le samedi de chaque semaine. Le pacte est conclu ; les épousailles ont lieu, puis les noces, k la grande surprise des autres gentilshommes, qui ne connaissaient pas Mèlusine. La fée, k l’aide du procédé employé pour fonder Carthage, fait donner à son mari, sur un roc stérile, autant de terre qu’en pourrait enclore une peau de cerf et, faisant découper cette peau en lanières, s’empare ainsi d’un petit territoire sur lequel est fondé le château.de Lusignan. Ici le roman bifurque et, après nous avoir fait assister à la naissance d’Urian et de Guion, deux des fils de Raimondin et de Mèlusine, il raconte les aventures de ces deux preux en Orient, où ils vont porter secours au roi de Chypre, et où ils deviennent rois, l’un de Chypre, l’autre d’Armanie. Cependant Raimondin tient toujours son serinent de ne pas regarder sa femme le samedi, et jusqu’alors la fortune n’a fait que lui sourire, sa prospérité n’a fait que s’accroître. Un beau jour, sur les sollicitations de son frère, qui accuse Mèlusine d’être infidèle ce jour-lk k sou*époux, il a la curiosité de plonger les yeux par un trou dans le mur, dans la chambre où sa femme est retirée, et il l’aperçoit au bain : Mèlusine, tous les samedis, était k moitié femme et k moitié serpent. Rien ne saurait peindre la douleur de Raimondin dès qu’il» surpris ce secret, et Jean d’Arras, dans le naïf langage de son temps, a trouvé des accents de douleur vraiment éloquents. Mèlusine trahie s’envole du château de Merment, où ils étaient alors, k la vue de tout le inonde, sous la forme d’un serpent, et l’on vit longtemps, dit le chroniqueur, la trace de son pied sur une des fenêtres du château. « Et l’oyoil-on plus lo.ng d’une lieue, dit-il, aller par l’air, car elle alloit menant telle douleur et si grand effroi que c’estoit grand douleur à voir. Et en estoieut les gens tous esbahis ; et tant alla qu’elle fut à Lusignan et l’environna par trois fois et crioit piteusement et lainentoit de voix sereine, dont ceux de la forteresse et de la ville furent moult esbahis et ne savoient que penser, car ils voyoient la figure d’une serpente et oyoient la voix d’une dame qui sailloit d’elfe. Et quand elle l’eut environné trois fois elle se vint fondre si soudainement et si horriblement sur la tour poterne, en menant telle tempête et tel effroi, qu’il sembla à ceux de lêans que.toute la forteresse dut cheûir en abisme et que toutes les pierres du dommaige se remuassent l’une contre l’autre. »

Cette histoire fantastique de Mèlusine, où l’on retrouve une tradition affaiblie de la légende de l’Amour et Psyché, n’aurait pas suffi à elle seule pour remplir tout un volume. Les conquêtes d’Urian et de Guion à Chypre, les faits d’armes accomplis à la Grand’Dent par Geoffroy, autre fils de Mèlusine et de Raimondin, ses combats contre les géants et surtout le pillage de l’abbaye de Maillières, qu’il livre aux flammes avec tous ses moines, forment autant d’épisodes intéressants. Peu de livres de ce genre sont d’une