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Lady Macbeth. Qu’avez-vous à parler ainsi ?

Macbeth, La voix disait toujours : Plus de sommeil ! Et l’écho répétait : Celui qui a tué le sommeil, c’est Glamis ; celui qui ne dormira plus, c’est Cawdor ; celui qui ne dormira plus, c’est Macbeth.

Lady Macbeth. Et quelle est la voix qui vous disait cela ? AllonsI fantaisies d’un cerveau malade et qui ne doivent point faire Plier votre force virile, noble seigneur. De eau 1 Cherchez de l’eau I Faites disparaître ces ignobles taches. Et ces poignards, pourquoi les avez-vous rapportés ? Il fallait les laisser là-haut ; que ces valets endormis soient souillés de sang.

Le drame continue, portant au comble l’intérêt tragique. Les deux principaux caractères se développent avec une logique implacâble. Macbeth rè^ne, mais rien ne peut plus l’arrêter dans la voie sanglante. Bientôt il sacrifia à ses inquiétudes ombrageuses tous ceux dont il croit avoir quelque chose à redouter. Il craint surtout Banquo, aux enfants duquel les ■sorcières ont promis le trône ; ill’in vite donc à un festin splendide avec un grand nombre d’autres seigneurs écossais, et lorsque Banquo arrive prés du palais, il tombe sous les coups de deux assassins ; mais son fils qui l’accompagnait parvient à s’échapper. Cependant le festin commence, et Macbeth regrette hypocritement l’absence de Banquo ; aussitôt l’ombre de la victime parait, visible pour lui seulement, et prend son siège à table. Les convives, ne comprenant rien à la terreur, & l’incohérence des discours de Macbeth, le croient atteint de folie. Une révolte éclate contre lui ; Macduff, dont il a fait égorger la femme et les enfants, s’avance à la tête d’une armée. Macbeth se rend alors auprès des sorcières et demande à leurs sortilèges la connaissance de l’avenir qui lui est réservé. Elles évoquent des fantômes, dont l’un remplit Macbeth de confiance en lui disant qu’il n’a rien à redouter de tout homme né d’une femme. Bientôt Macduffesten présence de l’assassin de sa famille, qui le brave ironiquement en lui racontant 1 oracle des sorcières. Macduff le consterne en lui apprenant alors qu’il n’est point né, mais qu’on l’a arraché du sein de sa mère. Tous deux sortent pour combattre, et, quelques instants après, Macduff reparaît sur la scène, tenant à la main la tête de Macbeth.

Les situations tragiques, les mots puissants abondent dans ce drame, un de ceux qui portent le plus visiblement l’empreinte du génie de Shakspeare. Lorsque Macduff apprend le massacre de sa famille, il ne jette pas un cri, ne verse pas une larme ; mais il se promène quelque temps en silence, puis il laisse échapper cette parolev qui peint avec une si terrible éloquence son impuissance à se venger : ■ Il n’a point d’enfants ! • On citera toujours, comme la peinture la plus saisissante du remords qui s’attache au crime, cette scène de somnambulisme où lady Macbeth se lève pendant son sommeil, en proie à l’affreux souvenir du meurtre de Duncan, et se frotte continuellement les mains comme pour en faire disparaître une tache ineffaçable : «Va-t’en, maudite tache... ; va-t’en, te dis-je... 1 II y a toujours 1k une odeur de sang. Tous les parfums de l’Arabie ne parviendraient pas à désinfecter l’étroit espace de cette main. •

Ce drame est un des tableaux les plus larges, les plus intéressants que le théâtre ait jamais déroulés aux regards des philosophes. Le caractère de la poésie est, dans Macbeth, âpre et sauvage ; il a de la force et de l’énergie. Il est habilement manié, suivant la différence des personnages. Le poëte a voulu peindre dans Macbeth un homme qui, sans être né véritablement méchant, et portant seulement en soi le germe des passions violentes, cède à la tentation et aux circonstances, et qui, une fois devenu criminel, ne s’arrête plus, et va même plus loin que ne le ferait un homme naturellement cruel et sanguinaire. Ses qualités mêmes, par le combat qu’elles excitent en lui, ne servent qu’à l’enfoncer plus profondément dans le crime. Il a des remords, des terreurs, et, pour s’étourdir, pour se familiariser en quelque sorte avec le meurtre, il entasse forfaits sur forfaits, jusqu’à ce qu’il soit arrivé au fond de l’abîme, à la différence d’un Auguste et d’un Sylla, par exemple, hommes de sang par nature, qui, après avoir atteint le but de leurs désirs, n’eurent point d’appréhensions imaginaires du châtiment qu’ils méritaient, et Unirent leurs jours en paix. Tel est Macbeth. Le caractère de lady Macbeth n’est pas moins conforme à la nature que celui de son mari, « Elle est précisément la femme d’un tel homme, dit M. Guizot ; le produit d’un même état de civilisation, d’une même habitude de passions. Elle y joint de plus d’être une femme, c’est-à-dire sans prévoyance, sans généralité dans les vues, n apercevant à la fois qu’une seule partie d’une seule idée, et s’y livrant tout entière sans jamais admettre ce qui pourrait l’en distraire et l’y troubler. Les sentiments qui appartiennent à son sexe ne lui sont pas étrangers : elle aime son mari, connaît les plaisirs d’une mère, et n’a pu tuer elle-même Duncan parce qu’il ressemblait & son père endormi ; mais elle veut être reine ; il faut pour cela que Duncan périsse ; son courage est facile, car elle n’a MACB

perçoit pas ce qui pourrait la faire reculer.’ Lorsque la passion sera satisfaite et l’action commise, alors seulement les autres conséquences lui en seront révélées comme une nouveauté’ dont elle n’avait pas eu la plus légère prévision. Ces craintes, cette nécessité de nouveaux forfaits, que son mari avait entrevues d’avance, elle n’y avait jamais songé. Mais le coup est porté et se révélera dans l’admirable et terrible scène du somnambulisme : c’est là que nous apprendrons ce que devient, lorsqu’il n’est plus soutenu par l’aveugle emportement de la passion, ce caractère en apparence si inébranlable ; Macbeth s’est affermi dans le crime, après avoir hésité à le commettre parce qu’il le comprenait ; nous verrons sa femme, succombant sous la connaissance qu’elle en a trop tard acquise, substituer une idée fixe à une autre, mourir pour s’en délivrer, et punir par la folie du désespoir le crime que lui a fait commettre la folie de l’ambition, «

Jamais poëte tragique n’a poussé la terreur aussi loin que Shakspeare dans Macbeth ; jamais le génie n’a scruté d’un œil plus perçant les mystérieuses profondeurs de la conscience ; jamais le drame n’a présenté un tableau plus sombre et plus vrai des angoisses mortelles qu’engendre le crime, lorsque le cœur de l’ambitieux n’est pas irrévocablement fermé à tout sentiment d’humanité. Aussi ces personnages, ces incidents, ces situations d une si puissante originalité ont-ils laissé des traces indélébiles dans la littérature de tous les peuples, et il n’est peut-être pas un écrivain qui n’y ait puisé des rapprochements pour caractériser plus fortement les circonstances et les êtres enfantés par son imagination.

io Macbeth. H est resté le type de l’ambitieux qui ne recule devant aucune scélératesse pour arriver au but de ses ’ désirs. Le nom de lady Macbeth est également devenu proverbial pour désigner une femme d’un caractère analogue, chez laquelle les attraits du pouvoir étouffent tout sentiment humain.

2« Les sorcières de Macbeth. Les écrivains y font allusion pour peindre d’un seul trait les vieilles mégères à l’aspect hideux et sinistre :

« Mlle de Corandeuil était bien la laide et revêche personne dont m’avait parlé Casorans ; mais, eût-elle été plus effroyable que les sorcières de Macbeth, j’étais décidé à faire sa conquête. Je commençai donc à jouer avec une attention inaccoutumée. »

Ch. db Bernard.

3» La spectre dk Banquo. V. Banquo.

4° LA TACHE DE SANG-DE LADY MACBETH.

Les écrivains ont fréquemment recours à cette allusion pour stigmatiser les crimes qui laissent une trace sanglante et ineffuçable dans l’histoire :

« Nous avons laissé à d’autres le funèbre honneur des insurrections provoquées, puis noyées dans le sang du peuple. Nous n’avons pas voulu avoir sur nos mains la tache de Macbeth, cette tache rouge qui ne s’efface jamais, jamais, jamais. •

Louis Blanc.

« Une idée qui prend le couteau a stw les mains, comme la femme de Macbeth, une tache que tous les parfums d’Arabie ne sauraient effacer. Elle a porté un défi à la morale, et, pour sa punition, la morale la livre à l’impuissance. >

Eua. Pelletan.

Macbeth, tragédie en cinq actes et en vers, de Ducis (1784), imitation timide du drame de Shakspeare. Sous prétexte de le franciser, le traducteur en a amoindri toutes les parties, situations et caractères ; il a voulu quelquefois ajouter à l’œuvre originale et s’est montré maladroit. Suivant les vieilles traditions, les faits ne se passent pas sur la scène : on ne les voit qu’en récit. Macbeth raconte à son confident la rencontre des trois sorcières, puis le meurtre de Duncan. Lady Macbeth s appelle Frédégonde, ce qui est bien plus convenable. Shakspeare la rend insensée et somnambule seulement à la fin du drame, lorsque le remords lui trouble la raison ; Ducis a cru bien mieux faire en la montrant ainsi égarée par l’ambition seule avant le meurtre : on la voit parcourir le théâtre, portant d’une main un flambeau, de l’autre un poignard, et rêvant le crime. Ce n’est qu’à la suite de cet accès de démence qu’elle demande à Macbeth la mort de Duncan, comme si elle y était poussée par les puissandes infernales et non par l’ambition. Qu’il y a plus de profondeur dans la conception de Shakspeare I Ainsi transformée, lady Macbeth n’est plus qu’une mégère. Quant à Macbeth, c’est un meurtrier poltron, visionnaire et superstitieux. Pourquoi cet assassinat de Duncan, très-inutile dans la tragédie française ? La règle inflexible des unités empêche Macbeth de jouir dix ans du fruit de son crime, comme dans le drame anglais. À peine a-t-il pris possession du trône qu’il y renonce quelques heures après, par frayeur. C’est à peine si l’on peut reconnaître, dans une imitation si effacée, quelques traits de l’original.

Macbeth, traduction en cinq actes et en

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vers du drame de Shakspeare, par M. Jules. Lacroix {théâtre de l’Odéon, février 1863). Cette traduction était écrite depuis plus de vingt ans (1840) et aucun théâtre n’avait osé la mettre en scène, tant nous sommes peu familiarisés encore avec les hardiesses de Shakspeare. Elle obtint à l’Odéon un très-grand succès, et montra le progrès accompli en ce sens depuis quelques années. Comme ensemble, la pièce de M. Lacroix est une traduction fidèle et énergique ; les plus beaux vers sont presque reproduits mot à mot. Quelques coupures ont été jugées nécessaires ; mais elles n’atteignent aucune partie saillante. Le vers a de la souplesse et de l’éclat ; il est ferme et concis. Quant à sa fidélité, ceux qui connaissent le texte anglais ou l’excellente traduction en prose de François-Victor Hugo pourront en juger par ce fragment de la scène capitale :

LADY MACBETH.

Quoi ! toujours une tacheI

LE MÉDECIN.

Écoutez, la voilà " Qui parte !... J’écrirai ses paroles, pour être Plus sûr de chaque mot.

LADT MACBETH.

Vcux-tu bien disparaître, Tache maudite ! Pars, pars, te dis-je. — Une, deux. Allons vite, il est temps de nous délivrer d’eux !

— L’enfer est noir ! Fi donc ! Un soldat qui frissonne ? Eh ! qu’on le sache ou non, qu’importe, quand personne

N’en pourra demander compte à vous, tout-puissantî Qui jamais aurait cru qu’il avait tant de sang, Ce vieillard !

LE MÉOECIN.

Écoutez.

LADY MACBETH.

Il avait une femme, Macduff !... Où donc est-elle à présent ? — C’est in (fàrne !

— Quoi ! ces mains ne seront jamais nettes ! — Assez !

Tous vos tressaillements nous perdent 1 — Finissez. L’odeur du sang est là,

Toujours !... On ne saurait purger cette main-là Avec tous les parfums de l’Arabie ensemble...

Macbeth, traduction en vers d’Emile Deschamps. V. Deschamps.

Macbeth, opéra en trois actes, paroles de Rouget de L’Isle, musique de Chelard, représenté à l’Académie royale de musique le 29 juin 1827. L’arrangement du chef-d’œuvre de Shakspeare pour la scène lyrique n’était pas heureux, surtout à l’Opéra français, où l’action et les paroles du poëme sont, pour la majeure partie du public, le principal de la représentation. Chelard, compositeur excellent, vit sa partition dédaignée, abandonnée Ear l’administration elle-même. Il y a de très-elles choses dans cet ouvrage, mais l’harmonie en est tellement travaillée, qu’il n’a pu être compris du public. Le compositeur quitta la France et fit entendre Macbeth à Munich avec le concours de Pellegrini et de M’o Nanette Schechner, bonne cantatrice. L’opéra réussit complètement. Il en fut de même en Angleterre, où Mrac Schroeder-Devrient chanta avec talent le rôle de lady Macbeth. M. Chelard, excellent contre-pointiste, a été dédommagé plus tard de son insuccès en France par la vogue qu’ont obtenue ses solfèges.

Macbeth, opéra italien en quatre actes, livret de Piave, musique de Verdi, représenté à la Pergola de Florence en mars 1847. Ce sujet fantastique, où le surnaturel joue un rôle si puissant, était complètement en dehors des moyens du compositeur, et en opposition avec lanature très-humaine et toute nerveuse de son talent. Aussi nous ne pouvons signaler que des efforts plus ou moins heureux, mais aucun morceau vraiment inspiré ni exprimant une situation avec la force qu’exige le drame de Shakspeare. Le chœur des sorcières n’est que bizarre ; le duo de baryton et basse, entre Macbeth et Bunquo, est bien écrit ; la cavutiue de lady Macbeth est pleine , d’énergie, mais exige trop de cris et d’efforts. Le meilleur morceau de tout l’opéra est le duo entre Macbeth et sa femme : Fatal mia donna. Dans le second acte, la scène du festin est médiocrement traitée, le brindisi est vulgaire. La scène de l’apparition, dans le troisième acte, est manquée. Le chœur : Ondine et silfidi est agréable. Dans le dernier acte, l’air de Macduff, la scène de somnambulisme et l’air de Macbeth n’offrent rien de bien remarquable. Cet opéra, mis en dix tableaux avec des paroles françaises de MM. Nuitter et Beaumont, fut représenté au Théâtre-Lyrique le 21 avril 1865. La tentative de M. Carvalho échoua. Nous le répétons : l’ensemble de l’opéra de Macbeth est monotone et n’offre pas de morceaux saillants. Nous nous empressons toutefois de constater que M. Verdi a écrit pour la scène française des airs de ballet d’une grande originalité rhythmique. Dans aucun de ses ouvrages il n a fait chanter les premiers violons avec autant de délicatesse.

Macbciii. Iconogr. L’œuvre du grand trafique anglais a inspiré un grand nombreartistes. Outre les tableaux d’Eugène Der lacroix et de Muller, auxquels nous consa MACB

crons des articles spéciaux, nous rappelle rons la Lady Macbeth de Kaulbach, un des maîtres de l’école de Munich. L’artiste a rendu

■ avec énergie et grandeur la scène effrayante où la coupable retourne à sa chambre en disant : > Au litl au’lit I » La pantomime des deux personnages qui l’observent est pleine d’expression. Enfin, l’architecture massive de la salle où la scène se passe, les hau ’ tes ombres qui s’y promènent par l’effet des lueurs de la lampe, tout concourt, dans l’œuvre du peintre allemand, à produire un tableau digne de celui du poëte. Cette toile a été souvent reproduite par les graveurs allemands, notamment par Eichens, Hoffmann, Jacoby. Citons aussi le Banquet de Macbeth, par Maclise (1840), tableau où la légende est traitéécomme l’histoire, où le fantastique se mêle au réalisme avec un grand bonheur d’expression et d’analyse. Le succès de ce tableau fut immense. La gravure, la lithographie s’en emparèrent et le firent promptement connaître partout. Il %’alut en outre à l’auteur son entrée à l’Académie Un Afacbeth reprochant aux meurtriers de Banquo la fuite de Fléance, tableau de Cattermole, a figuré à l’Exposition universelle de 1855. Un autre Macbeth, paysage de M. Corot, a paru au Salon de 1859.

Macbeth (lady), tableau de Muller, Salon de 1849. L’artiste a voulu représenter la célèbre scène de somnambulisme qui ouvre le cinquième acte de Macbeth. Shakspeare nous montre la terrible femme de Cadworen proie a ses hallucinations, marchant dans le silence de la nuit, et laissant échapper ses remords en présence de deux témoins qu’elle ne voit pas, qui écoutent ses paroles et qui, immobiles, échangent de courtes réflexions.

La suivante. Sur ma vie, elle est profondément endormie. Observez-la et restez immobile.

Le médecin. Que fait-elle donc ? Voyez comme elle se frotte les mains. . La suivante. C’est une habitude qu’elle a d’imiter l’action d’une personne qui se lave les mains. Je le lui ai vu faire un quart d’heure de suite.

Le médecin. Écoutez, elle parle. Je vais écrire ce qu’elle dira, afin de le graver dans ma mémoire.

Lady Macbeth. Quoi I toujours cette tache I Va-t’en, tache maudite, va-t’en, te dis-je...

Cette scène, d’un si grand effet de terreur dans son effrayante simplicité, M. Muller l’a transportée sur la toile, mais en lui enlevant toute sa grandeur tragique. « Sur le premier plan, dit M. Lagenevais, il place son médecin gesticulant, une jambe tendue en avant, comme un ténor qui chante sa cavatine ; a côté de lui, la suivante étend le bras, d’un air théâtral, vers lady Macbeth, qui, deminue, les cheveux épars, tord ses mains et enfonce la tête dans ses épaules par un geste désespéré... Était-il possible de concevoir les choses plus à rebours, de se montrer plus complètement inintelligent ? Cette lady Macbeth n’est qu’une grisette exaspérée. • Nonseulement l’artiste à complètement manqué sa composition, mais encore il semble avoir perdu, en l’exécutant, son talent de brillant coloriste. La scène, éclairée par une lampe, est d’un aspect froid et sans effets vigoureux. Les mains du médecin et de la suivante, d’une petitesse microscopique, forment des taches blanches plaquées sur des étoffes brunes. La meilleure partie du tableau est le fond de ciel bleu et de remparts blanchis par la lune qu’on aperçoit à l’extrémité de la galerie. On y troufre un effet, de fraîcheur nocturne remarquablement rendu.

Acheté par l’État, le tableau de Lady Macbeth fut transporté au musée du Luxembourg, d’où l’administration l’a fait enlever il y a quelques années.

Macbeth (lady), tableau d’Eugène Delacroix, Salon de 1851. Le grand artiste, comme M. Muller, a reproduit la fameuse scène du cinquième acte de Macbeth ; mais, avec sa vive et profonde intelligence, il s’est bien gardé de tomber dans la faute de ce dernier, dans l’exagération mélodramatique. Shakspeare, dans les quelques lignes que nous avons citées en parlant de la composition de M. Muller, présentait un tableau complet, d’une grandeur saisissante, d’un puissant effet de terreur obtenu par les moyens les plus simples. Delacroix comprit qu’il n’y avait rien à ajouter à cette composition du génie, sous peine de l’amoindrir en la dénaturant. Dans son tableau, lady Macbeth, couverte d’une ample draperie traînante, se promène, une lampe à la main, sous les sombres voûtes du palais, pendant que, à quelques pas derrière elle, le médecin et la nourrice la suivent sans bruit. La lampe, qui seule éclaire la scène, projette- sur lady Macbeth des lueurs blafardes d’un grand effet. Dans cette toile, Delacroix se montre, comme toujours, un admirable coloriste ; mais il semble qu’après avoir obtenu dans une ébauche l’effet cherché il se soit arrêté là. On y cherche vainement des lignes un peu étudiées donnant figure humaine aux personnages ; l’artiste se borne à indiquer le mouvement et à colorier. Quoi qu’il en soit, dans ce tableau ou, si l’on veut, cette ébauche, on voit qu’un grand artiste traduit un grand poète.