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retourna à Bruxelles. Une lettre de M">« de Coulanges montre qu’elle y mena encore grand train, et continua ainsi jusqu’à sa mort, arrivée en octobre 1708. Elle eut trois filles et cinq fils, dont le plus célèbre fut le prince Eugène de Savoie.

MANCINI fMarie), princesse Coloî&a, sœur des précédentes, née à Rome en 1640, morte en 1715, si obscurément qu’on ne sait si c’est à Paris ou à Madrid. Elle fut amenée en 1653, avec sa jeune sœur Hortense, son frère Philippe, le futur duc de Ne vers, et Laure Martiuozzi. Mazarin était alors tout-puissant, et la république de Gênes fournit pour la traversée une magnifique galère dorée à ces jeunes favorites do lu fortune. Ce nouvel escadron de nièces du cardinal séjourna huit mois à Aix, pour y apprendre les éléments de la langue française ; puis ces jeunes filles, amenées à Paris, furent placées au couveut do la Visitation de la rue Saint-Jacques.

Quand elle parut à la cour, Marie avait près de dix-huit ans ; elle fit peu d’impression sur le roi, déjà occupé ailleurs. Elle n’était rien moins que belle, s’il faut en croire Mma de Motteville, qui nous la montre avec de grands bras décharnés et un long cou sans grâce, un teint brun et jaune. « Ses yeux, ajoutc-t-elle, étaient grands et noirs, mais ils n’avaient point encore de feu : ils paraissaient rudes ; sa bouche était grande et pinte, et hormis les dents, qu’elle avait belles, ou la pouvait dire toute laide alors. • Louis XIV lit d’elle une camarade, une compagne de jeux, comme l’avaient déjà été Laure et Olympe, avant que cette dernière fût davantage. Mais lorsque la beauté de la jeune fille se fut développée, il s’en éprit sérieusement ; il apprit même l’italien pour lui plaire, lui qui était si rebelle à l’élude et ne songeait qu’aux plaisirs. Marie, douée d’un esprit vif et prompt, cl façonnée en Italie par les meilleurs maîtres, Savait par cœur tous les poètes de son pays »t faisait honte au jeune roi de son ignorance. Leur roman d’amour commença ainsi en lisant Pétrarque ; mais il est probable que la rusée Italienne avait bien autre chose en tête que des vers d’amour. Jolie et ardente comme elle l’était, elle se crut un moment reine de France, tant Louis XIV mettait de passion à lui prouver son amour. Si le cardinal eût donné sur l’heure son consentement, le mariage aurait eu lieu, sans nul doute ; mais, loin de se prêter aux vues de sa nièce, il l’éloigna de Paris, la confina dans un couvent, au Broûage, en attendant l’issue des négociations qui devaient donner Marie-Thérèse pour femme à Louis XIV. On a vu dans la conduite du cardinal un acte de désintéressement admirable, l’acte presque sublime d’un grand ministre qui préfère le bien de l’État à ses avantages personnels ; il est probable qu’il y eut tout autre chose. Sa nièce, qui le méprisait, cherchait déjà à détacher le roi de Mazarin et le soulevait contre son autorité ; devenue reine, elle l’eût fait congédier. C’est l’opinion de Henri Martin et de Michelet. • Marie, sombre italienne aux grands yeux flamboyants, dit ce dernier, douée d’un esprit infernal et de l’énergie du bas peuple de Rome, enveloppa un moment le froid Louis XIV d’un tourbillon de passion. Elle eût été reine, à coup sûr, si Sun oncle n’avait deviné son ingratitude ; déjà elle travaillait à le perdre. » Mazarin sépara les deux amants, et c’est alors que Marie dit à Louis XIV ces mots si touchants : « Vous êtes roi, vous pleurez, et je pars !... • Le roi céda aux instances du cardinal et de la reine mère, qui déjà s’occupait de faire rédiger une protestation. Du couvent où elio était, la jeune fille continua d’entretenir correspondance avec le roi ; puis, revenue de sa colère, elle se soumit à la volonté de son oncle et cessa d’écrire. Peu après, en 1661, elle épousa le connétable Colonna, auquel elle apporta en dot 100,000 livres de rente. Il lui coûtait toutefois de quitter la France, et elle considéra son départ comme un exil.

L’union de Marie Maucini et du prince napolitain fut heureuse quelque temps ; ils allèrent habiter à Rome le beau palais Colonna, décoré par le Titien, l’Albane, Carrache, où cite donna en peu d’années plusieurs enfants à son mari ; mais, à la suite d’une couche laborieuse, qui avait mis ses jours en danger, excédée des empressements galants du connétable, elle lui signifia qu’elle ne voulait plus vivre avec lui et le rebuta par ses froideurs. Colonna prit une maîtresse, qu’il lit habiter au palais, et alors les querelles conjugales se renouvelèrent chaque jour. Ce fut bien pis lorsque près de la connétable vinrent se réfugier d’abord sa sœur Hortense, en rupture de ban conjugal, puis le chevalier de Lorraine, l’infâme mignon de Monsieur, frère de Louis XIV, et le duc de Nevers. Ce dernier, après avoir assisté à une altercation très-vive entre sa sœur et Colonna, lui dit : ■ Prenez garde ; vous vous réveillerez un beau jour enfermée dans le Paliano. » Le Paliano était un château fort du connétable. Marie eut peur, et, quelques jours après, elle quittait Rome furtivement, avec sa sœur Hortense, toutes deux habillées en homme, comme des aventurières. Elles firent, dans un. : barque de pêcheurs inconnus, une traversée qui dura huit jours, s’exposant à éire jetées à la mer s’il eut passé |>ar la tète des mariniers du les dépouiller. Elles débarquèrent à La Ciotat et se rendirent à cheval à

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Marseille. Tel était l’état ds leur toilette, que Mme de Grignan dut leur envoyer jusqu’à des chemises, en leur écrivant ■ qu’elles voyageaient en vraies héroïnes de roman, avec force pierreries et point je linge blanc. »

Elles voulurent aller voir, à Montpellier, un homme tombé de haut comme elles, le marquis de Vardes. Il méritait bien cet honneur, car l’aventure était digne de lui.

Là, les deux sœurs furent obligées de se séparer, le mari d’Hortense, en apprenant son retour, ayant mis les archers à ses trousses. Marie essaya de rentrer en grâce et demanda à Louis XIV de reparaître à la cour ; on la laissa venir à Paris, mais ce fut pour l’interner à l’abbaye du Lys. Ses lettres suppliantes au roi et à Colbert n’eurent aucun effet ; le roi, craignant de la voir se mettra en travers de ses amours, se souciait peu de la savoir fibre. On la relâcha, mais avec ordre de se tenir éloignée de la coir d’un rayon de cinquante lieues. Alors commencèrent ces courses errantes, dont nous ferons le récit abrégé d’après M. Amédée Renée. Elle se rendit à Lyon, et prit le parti de s’éloigner tout à fait, pour aller rejoindre sa sœur Hortense en Savoie. Là, elle se fâcha avec lu duc, oui lui conseillait de retourner à Rome ; elle franchit le Saint-Bernard, traversa la Suisse, et, trompée par les conseils d’un certain marquis que le connétable avait attaché à ses pas, elle gagna les Pays-Bas espagnols. Là, elle fut arrêtée et conduite dans la citadelle d’Anvers. S’ennuyant fort dans sa prison, elle eut l’idée do se rendre en Espagne pour intéresser la reine en sa faveur. Elle se fit transporter d’Ostende à Saint-Sébastien ; de là elle se rendit à Madrid, où elle trouva le connétable, qui la reçut dans sa maison. Mais ce nouvel essai ne réussit guère ; Marie avait on aversion ce Colonna, qui pourtant’ « étott fait à peindre, > dit Mme de Villars. Il est vrai qu’il était devenu fort avare. Bientôt il la fit enfermer dans l’Alcazur de Ségovic, • où elle fut traitée misérablement. » Une partie des couvents d’Espagne lui servirent tour à tour de prison. Elle essaya vainement de passer en Angleterre. Quelques historiens pensent qu’elle revint en France, où elle se serait éteinte dans l’obscurité. Le Père Anselme la fait mourir à iMadrid.

Outre des mémoires, publiés pour la première fois à Leyde en 1678, sous le titre de : Apologie, ou les Véritables mémoires de J/me Marie Mancini, connétable de Colonne, et sur l’authenticité desquels les biographes ne sont pas d’accord, notre héroïne, assuret-on, avait écrit plusieurs ouvrages. On ne peut lui attribuer sûrement qu’un opuscule sur l’astrologie, qu’elle aimait passionnément en sa double qualité d’Italieuue et de fille de Lorenzo Maucini. Cet opuscule a pour titre : Discorso astrofisico délie mutazioni dei tempi e di altri accidenli mondain deW anno 1070, di madatna Maria Mancini, principessa romana, dnchessa di Paliano, di Fitgliacopo, di Alarino, etc., e gran couiestabitessa del regno di Napoli (vol. in-4o).

MAft’CtNt (Hortense), duchesse de Mazarin, sœur des précédentes, née à Rome en 1640, morte à Clieises (Angleterre) en 1699. Hortense fut la plus jolie et la plus intelligente des nièces du cardinal ; encore n’eut-elle pas l’esprit de s’arranger une existence à l’abri des inquiétudes et des aventures ; mais ce fut la faute de son mari plus encore que la sienne. Elle parut à la cour en 1657, et rencontra bien vite de nombreux prétendants à sa main : Charles II d’Angleterre, alors roi sans couronne ; l’illustre Turenne, qui se sentait rajeunir en la regardant ; le futur roi de Portugal, Pierre II ; Charles de Lorraine ; Charles-Emmanuel de Savoie ; un descendant des

Courtenay, etc. Mazarin, qui aimait Hortense plus qu’aucune de ses autres nièces, voulait la marier à quelque grand seigneur de moins haute volée que ces altesses, qui perpétuât son nom, et à qui il se proposait de léguer la plus grande partie de son immense fortune. Il répondit donc à Charles II qu’il ne lui donnerait pas sa nièce tant qu’il y aurait des cousines germaines du roi à pourvoir, et trouva de semblables défaites pour les autres. Le descendant des Courtenay aurait bien fait son affaire ; mais il le trouva trop pauvre diable. Son choix tomba sur Armand de La Porte, marquis de La Meilleraye, celui dont Saint-Simon dit qu’il s’appelait de La Porta parce que, sans Soute, un de ses ancêtres avait été portier. Sou père était grand maître de l’artillerie. Il était amoureux fou d’Hortense, et disait partout qu’il lui serait égal de mourir sous trois jours pourvu qu’il la possédât. La jeune rille mettait peu d’empressement à épouser ce maniaque ; ce mariage se lit pourtant (février 1661), un mois avant la mort du cardinal. Le marquis de La Meilleraye dut prendre le titre de duc de Mazarin, et, un mois après son mariage, il héritait, du chef du cardinal, d’une fortune de 28 millions et de plusieurs gouvernements. Alors il devint avare, et, torturé par la jalousie, fit mener à sa femme la vie la plus misérable. Les deux époux habitaient le palais Mazarin, où logeait encore Marie Mancini, que le roi verxj.it voir quelquefois ; le duc de Mazarin fut jaloux du roi, et il n’est pas certain que Louis XIV n’ait senti s’éveiller une passion naissante pour la secur de celle qui avait été sa maîtresse. Pour éviter

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de»’ suites désagréables, le duc prit le parti de soumettre sa femme à une locomotion perpétuelle ; il l’emmenait dans tous ses gouvernements les uns après les autres, et ne la laissait jamais séjourner longtemps au même lieu. « En dépit de ses grossesses fréquentes, dit M. Amédée Renée, il la traînait de ville en ville, de Bretagne en Alsace, sans se faire annoncer nulle part, exposant sa compagne de route à mille fâcheuses aventures, comme d’accoucher en pleine hôtellerie ou dans quelque incommode manoir. L’image du roi, et peut-être de beaucoup d’autres, le poursuivait, et ne laissait reposer nulle part ce Juif errant de la jalousie. D’autres préoccupations vinrent encore s’emparer de lui j il se jeta dans la dévotion la plus outrée, il se lit des scrupules inouïs. Les jansénistes de la Fronde s’étaient scandalisés qu’un cardinal eût dans sa maison des statues et des portraits légèrement vêtus ; le duc de Mazarin s’en rit aussi un cas de conscience ; toutes ces nudités le révoltèrent. Et que fit-il ? Il ne se borna pas, comme Tartufe, à y jeter son mouchoir ; un marteau à la main, il parcourut un jour sa galerie en brisant de ces beaux marbres cequi choquait le plus ses regards. Les peintures des Titien et des Corrége, quand elles s’écartaient des règles expresses de la décence, subirent des réformes tout aussi radicales : elles furent religieusement barbouillées. Sur le bruit de ses faits et gestes, le roi envoya Colbert, qui trouva M. de Mazarin poursuivant ses exécutions. L’ancien intendant, qui savait par livres et deniers ce qu’avaient coûté ces chefs-d’œuvre, fit ce qu’il put pour sauver le reste. • Son rigorisme extravagant ne s’nrréuiit pas là, et le même auteur nous raconte, d’après Saint-Evremond, « qu’il voulut faire arracher les dents de devant à ses filles, qui étaient belles comme leur mère, pour qu’elles tissent naître moins de tentations. Il défendait aux villageoises de traire les vaches, dans l’intérêt de leur chasteté, et aux nourrices de donner à teter aux petits eufants le vendredi et le samedi. Il enseignait aux filles dans quelle posture pudique elles devaient battre le beurre ou filer. II s’en allait, faisant le missionnaire, de village en village, et y répandait des catéchismes de sa façon ; il voulait convertir en. couvents les corps de garde ; il vendit sa charge de grand maître de l’artillerie, où il voyait un obstacle à son salut. Il avait la passion des règlements, et il en fit un dus plus burlesques sur les règles à observer par îés garçons apothicaires pour concilier la décence avec leurs fonctions. >

On devine quelle dut être la vie d’Hortense avec ce maniaque. Un soir qu’elle était à Paris, elle réussit à s’enfuir, et chercha un refuge chez son frère, à l’hôtel de Nevers. Le roi intervint, et elle dut regagner le domicile conjugal ; elle s’enfuit de uouveau et se cacha dans 1 abbaye de Chelles, où.résidait déjà une de ses amies, la folâtra marquise de Courcelles. Le duc de Mazarin, ayant appris sa retraite, résolut de l’aller prendre de vivo force, et cerna l’abbaye à la tète de soixante cavaliers ; mais le duc de Bouillon et le comte de Soissons, qui tenaient pour leur boliesceur, ayant été avurtis, accoururent avec un parti aussi considérable, et tout se borna à des caracolades autour des murs ; les nonnes avaient fermé les portes et haussé les pontslovis, prêtes à soutenir un siège. Hortense dut pourtant rentrer à Paris, par ordre du roi. Elle s’enfuit encore, mais cette fois quitta la France, avec sou frère, le duc de Nevers, et le chevalier de Rohan, qu’on lui donnait pour amant. Elle s’était vêtue en homme, et se mit à courir le monde sous Ce costume. Elle se réfugia d’abord à Nancy, ehez l’un de ses anciens prétendants, Charles de Lorraine, qui lui donna une escorte jusqu’à Genève ; de là elle gagna Milan, puis Rome, où elle vécut chez la connétable Colonna, sa sœur. Peu de temps après, elles quittèrent Rome toutes deux, et c est alors que se place l’équipée que nous avons racontée dans la biographie précédente.

Pendant que Marie se dirigeait sur Versailles) où elle croyait pouvoir rentrer, Hortense gagna la Savoie. L’héritière de Mazarin n’avait pour toute fortune qu’une pension de 21,000 livres, que Louis XIV forçait le duc à lui payer. « Que ferez-vous.de celaï disait Lauzun à la duchesse. Vous le mangerez au premier cabaret. ■ Charles-Emmanuel l’accueillit fort bien, la défraya de tout, ot elle vécut trois ans à la cour de Chambéry dans le plus grand luxe. Il est probable qu’elle fut la maîtresse du duc, qui i avait autrefois recherchée en mariage ; aussi à la mort du

prince (1675), sa veuve, devenue régenta, se hâta de la congédier. Quittant ia Savoie, elle se dirigea vers l’Allemagne, puis vers la Hollande, toujours dans l’équipage d’une véritable héroïne de roman. « Elle était à «neval, nous dit son ancienne amie, la marquise de Courcelles, en plumes et en perruque, avec vingt hommes à sa suite, ne parlant que de violons et de parties du chasse, enfin de tout ce qui donne du plaisir. » À Amsterdam, elle s’embarqua’ pour l’Angleterre, et bientôt parut à Whiie-Hall, ù, la cour de Charles II, encore un de ses anciens prétendants. Cet événement fit grand bruit ; ce fut i presque une affaire d’État, dont se mêla le Parlement ; on croyait qu’IIortense allait détrôner les favorites en dédit. La nièce de Mazarin était belle, en effet, malgré ses

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. trente ans ; mais elle se contenta du prince de Monaco, tandis qu’un roi était à ses pieds, et fit cesser les intrigues qui s’ourdissaient autour d’elle. Charles II, en galant homme, ne lui en voulut pas ; il augmenta de 4,000 livres la pension que lui faisait Louis XIV, et lui donna pour résidence le pavillon de Saint-James, où ella. tint un salon recherché. « M"1" Mazarin n’est pas plus tôt arrivée en quelque lieu, écrit Saint-Evremoud, qu’elle y établit une maison qui fait abandonner toutes les autres ; on y trouve la plus grande liberté, on y vit avec une égale discrétion ; chacun y est plus commodément

que chez soi et plus respectueusement qu’à la cour. Il est vrai qu’on s’y dispute souvent, mais c’est avec plus de lumière que de chaleur ; c’est moins pour contredire les personnes que pour éclairer les matières, | plus pour animer les conversations que pour aigrir les esprits. Le jeu qu’on y joue est peu

! considérable, et le seul divertissement y fait

’ jouer. « La lecture, la conversation et le jeu

! n’étaient pas ses seuls plaisirs, et d’abord
; Saint-Evremond est bien indulgent quand il

| dit que le jeu à Suint-James était peu eonsij dérable. On y jouait, au contraire, des som■ mes folles ; on disait communément : la banj que de M|Jie Mazarin. Elle aimait aussi avec | passion les courses, les chasses, les combats de coqs et la table. Cette brillante fin d’exisj tence ne fut troublée que par une aventure tragique. Un de ses neveux, le chevalier de Soissons, fils de sa sœur Olympe, s’éprit d’elle, malgré la disproportion d’âge et la parenté, et il tua en duel son amant attitré, un Suédois, le comte Bannier. L’aventure fit scandale. Hortense eu fut au désespoir ; ou raconte qu’elle fit tendre son appartement de noir, et qu’elle ne parlait de rien moins que de s’y confiner pour toujours. Mais elle nc put tenir contre les prières de ses amis, surtout contre son tempérament ; elle fit sa rentrée dans le monde et reprit le train brillant de sa vie.

La mort de Charles II, la révolution qui renversa Jacques II, l’avènement au trône d’Angleterre de Guillaume d’Orange apportèrent quelque trouble dans ses finances. On lui relira son supplément de pension, puis il fut question de la faire expulser comme alliée du roi Jacques ; enfin elle fut sur le point d’être arrêtée comme affiliée à une conspiration catholique ; mais elle fut déchargea de l’accusation après un premier interrogatoire, on rie l’expulsa pas, et le sombre et sévère Guillaume voulut bien lui rendre la moitié de sa pension. Elle put donc continuer à vivre en Angleterre, non à Saint-James, mais à Chelsea, au bord de la Tamise, et y mourir. C’est elle que La Fontaine, l’ami de sa sœur, ia duchesse de Bouillon, a chantée dans ces vers :

Hortense eut du ciel en partage

La grâce, la beautd, l’esprit ; eu n’est pas tout : Les qualités du cœur ; ce n’est pas tout encore : Pour mille autres appas le monde entier l’adore,

Depuis l’un jusqu’à l’autre bout. L’Angleterre en ce point le dispute à la France...

MAiVCl.N’l (Marie-Anne), duchesse de Bouillon, sœur des précédentes, née à Rome on 1646, morte à Paris en 17U. Cette dernière des Mancini, venue en France bien après les autres, en 1655, ne mena point une vie aussi tapageuse que celle de ses sœurs aînées, et sauf l’affaire des poisons, où elle fut compromise avec la comtesse de Soissons, elle causa peu de scandale. Une anecdote que raconte M. Ainéiiée Renée sur son apparition à la cour, alors qu’elle était tout enfant, montre quels genres do divertissements amusaient 1 entourage, royal : « La cour se trouvait à La Fera ; le cardinal, une après-dînée, se mit à plaisanter sa nièce sur ses galants ; il alla jusqu’à lui dire qu’elle était grosse. Marie-Anne se fâcha tout rouge, et l’oncle de s’en amuser, si bien qu’il continua la plaisanterie. On rétrécit les robes de l’enfant pour lui faire croire que sa taille s’arrondissait. Ses colores divertissaient toute la cour. Il n’était question que de son prochain accouchement, et Marie-Anne, un beau matin, trouva daes ses draps un enfant qui venait de naître. Il lui fallut bien convenir alors de sa maternité ; elle jeta des cris de désespoir, et fit chorus avec son nouveau-né ; elléassurait fort qu’elle ne s’était aperçue de rien. La reine aila faire sa visite de cérémonie à l’accouchée et voulut être la marraine. Toute la cour, en grande pompe, vint la voir et défiler devant son lit, selon l’étiquette. On pressa Marie-Anne de déclarer le père de l’enfant, et elle répondit que ce ne pouvait être que le roi ou le comte de Guiche, car elle ne voyait que ces deux hommes-là qui l’eussent embrassée. Hortense, un peu plus âgée, était au courni.t île la chose et eu riait ce tout son cœur. Telles étaient les plaisanteries du temps, et la manière dont ou formait l’esprit des petites filles. >

Marie-Anne suivit au couvent de Brouago ses sœurs Marie et Hortense, que le cardinal y confina pendant qu’il négociait lo mariage du roi. A ia mort de Mazarin, toutes ses sœurs étaient mariées ; elle seule restait à établir. Elle épousa, en 16C2, le neveu de Turoime, Mauriee-Godefroid du La Tour, duc de Bouillon ; la jeu ne duchesse avait seize ans. Quoique son mari fût un beau cavalier, portant fièrement l’épée et ayant hérité d’une partie des qualités de son oncle, Marie-Aune en fut