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cardinal Mazarin. Il mourut en 1707, laissant de Diane-Gabrielle de Damas-Thianges, sa femme : Philippe-Jules-François Makcini-Mazarini ; Jacques-Hippolyte, marquis de Mancini, colonel d’infanterie, mariéàAnne-Louise de Noailles, dont il eut une fille qui épousa, en 173S, Louis-Melchior-Armand, vicomte, puis marquis de Polignac ; Diane-Gabrielle-Victuire Mancini, ninriée à Charles-I.onis-Antoinede Hénin, prince de Chimay ; Diane-Adélaïde-Philippe Mancini, mariée à Louis-Armand, duc d’Estrées. Philippe-Jules-François Mancini-Mazarini obtint des lettres de confirmation de son duché-pairie de Nivernais et Donziais en 1720. Il mourut en 1768, laissant, de son mariage avec Marie-Anne Spinola, Louis-Jules-Barbon Mancini-Mazakini, duc de Nivernais et Donziois, ambassadeur de France à Rome, à. Berlin et à Londres, membre de l’Académie française, membre honoraire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Celui-ci avait épousé, en premières noces, Hélène-Françoise-Angélique Phélipeaux de Pontchartrain, sœur du comte de Maurepas, et, eu secondes noces, Marie-Thérèse de Brancas de Forcatquier. Du premier lit, il eut un fils, mort enfant, et-deux filles, Hélène-Julie-Rosalie ManciniMazarini dk Nevehs, mariée à Louis-Marie Pouquet de Belle-Isle, duc de Gisors, fils unique du maréchal de Belle-Isle, et Adélaïde-Diane-Hortense -Délie Mancini-Mazarini du Nevers, mariée à Louis-Hereule-Timoléon do Gossé, duc de Brissac. Le duc de Nivernais mourut dernier de son nom en 1798.

MANCINI {Paolo), fondateur de l’Académie des Umoristi, nèk Rome, mort dans la mémo ville en 1635. Il suivit d’abord la carrière des armes, prit part, en qualité do cajrrtaine de la garde à cheval du général cardinal Aldobrandini, k la guerre suscitée contre Ferrure par Clément VIII, épousa en 1600 Vittoria Oapozzi, et quitta alors le service. À l’occasion de ses noces, célébrées avec une grande magnificence, plusieurs auteurs du temps composèrent des pièces de vers et de3 comédies. Paolo Mancini les engagea à venir les réciter ou les faire jouer dans son palais, qui, à partir de ce moment, devint le rendez-vous des beaux esprits. Les invités de Mancini se réunirent sous sa présidence deux fois par mois, puis toutes les semaines, et ce fut ainsi que fut constituée, vers 1602, l’Académie des Umorisli, ainsi nommée parce que les premiers membres, gens de beaucoup d’esprit, avaient reçu le surnom û’Uomini di beil' umore. Cette société littéraire, qui jeta un grand éclat, et compta au nombre de ses membres Sulviuni, Marini, Guarini, Peiresc, etc., ne se soutint que jusqu’en 1670. Quant à Mancini, devenu veuf après vingt ans d’une union des plus heureuses, il embrassa alors la vio religieuse.

MANCINI- (Laure), duchesse de Mebcœur, née à Rome en 1635, morte il Paris en janvier 1057. Ce fut la plus sage de toutes ces Masariues, comme on les appelait, qui causèrent tant de troubles dans les régions galantes de la cour et furent pour le cardinal, comme pour le jeune roi lui-même, le sujet de tant de préoccupations. Elle avait environ treize ans lorsque, en 1647, Mazarin, affermi depuis cinq ans dans la succession de Richelieu et fort de l’amitié, peut-être de l’amour d’Anne d’Autriche, se proposade la faire venir à Paris avec une de ses sœura, Olympe, et ses deux cousines, les Martinozzi. Il envoya Mme de Niivnilles les chercher à Rome en grand équipage, et elle ramena avec elles un jeune frère ues Mancini, Paul. Arrivées à la cour, les nièces du cardinal eurent pour gouvernante l’ancienne gouvernante du roi, la marquise de Sénecé ; Mme de Nogent les reçut à Fontainebleau comme des altesses, et la reine alla les voir le soir même. Elles eurent tout aussitôt une petite cour, ce qui peint bien le servilisme de tout l’entourage du cardinal ministre, et quoique Mazarin affectât de traiter de sots ceux qui se dérangeaient pour ces petites filles, il était trop flatté dans son amour-propre pour ne pas leur en savoir gré. Le maréchal de Villeroy dit à ce propos : « Voilà de petites demoiselles qui présentement ne sont point riches, mais qui bientôt auront de beaux châteaux, de bonnes rentes, de belles pierreries, de bonne vaisselle d’argent et peut-être de grandes dignités. ■ C’était un homme avisé que ce maréchal.

Aussitôt que Laure eut atteint ses dix-sept ans, le cardinal songea à l’établir. Il jeia d’abord les yeux sur le duc de Caudale, que l’on appelait le beau Caudale et qui se prétendait prince, dit Amelot de La Houssaye, à cause que sa mère était fille bâtarde de Henri IV. Mais.le beau Caudale mourut subitement à Lyon, empoisonné, dit-on, par un mari jaloux. Mazarin lit alors des avances au duc de Mercœur, fils du duc de Vendôme, et par conséquent petit-fils de Henri IV et de la belle Gabriello : il tenait a cotte lignée il-légitime du Béarnais. Le duc de Mercœur

était d’ailleurs épris comme un simple mortel de cette nièce du cardinal qui, d’après Mme de Motteville, était une agréable brune, du visage le plus gracieux. Son père, pour qui elle n’était que la fille d’un aventurier, le railla d’abord de sa sotte inclination, puis donna son consentement à ce qu’il considérait comme une mésalliance, afin de rentrer à la cour, d’où ses folies l’avaient fait écarter ; il refusa net une seconde fois quand, la

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Fronde ayant momentanément triomphé, ! Mazarin fut exilé par arrêt du parlement, i Mais le duc de Mercœur passa outre ; il rejoignit le cardinal à ïirùhl, près de Cologne, où il s’était retiré avec ses nièces, et réalisa le mariage en vue duquel il avait engagé sa parole (1651).-La cour se montra d’abord furieuse, les pamphlétaires tournèrent ce mariage en ridicule. Voici les titres de quelquesunes des brochures publiées U ce propos : l’Outrecuidante présomption du cardinal Mazarin dans le mariage de sa nièce (Paris, 1651) ; Réponse de laniinocier ou le Blâme des noces de M, le duc de Mercœur avec ta nièce de Mazarin (lC5l) ; Lettres de M. de Bbaufort à M. le duc de Mercœur, son frère (1651) ; Réponse à, etc. ; Lettre de ta prétendue M<»e de Mercceitr envoyée à M. de Deaufoit (1651) ; Entretien de M. le duc de Vendàme avec MM. les ducs de Vendôme et de Beaufort, ses enfants, etc., etc. Quelques-uns des adversaires du cardinal ne s’en tinrent pas aux moqueries des frondeurs ; Condé appela Mercœur devant le parlement et lui reprocha d’entretenir des intelligences avec les ennemis de la France. Mercœur se défendit en prouvant que, au temps de la faveur du cardinal, Condé avait chaudement approuvé

cette union. La rentrée en Fiance de Mazarin assoupit bientôt cette affaire, et tout le monde se tut.

Pendant que le duc de Mercœur, qui avait obtenu Oe gouvernement de la Provence et un commandement en Italie sous les ordres des ducs de Savoie et de Modène, allait remporter quelques faciles succès, Laure Mancini vécut obscurément au château d’Anet, cherchant à faire oublier le bruit scandaleux qui s’était fait autour do son nom. Elle parut assez rarement au Louvre et à Fontainebleau, où pourtant elle recueillait, avec ses sœurs, les plus vifs hommages. • La reine de Suède railla le chevalier de Grammont, raconte Mme de Motteville, sur la passion qu’il avait pour Mm« de Mercœur, et ne l’épargna nullement sur 16 peu de reconnaissance qu’il en fiouvait espérer, » Louis XIV lui-même vouut aussi lui plaire. À l’un des bals de Fontainebleau, « le jeune roi, dit le même témoin, trop accoutumé à rendre tous les honneurs aux nièces de Mazarin, alla prendre Um de Mercœur pour commencer le branle. La reine, surprise de cette faute, se leva, brusquement de sa chaise, lui arracha M™o de Mercœur, en lui disant tout bas d’aller prendre la princesse d’Angleterre. La reine d’Angleterre, qui s’aperçut de la colère de la reine, courut après elle, et lui dit tout bas qu’elle la priait de ne point contraindre le roi, que sa fill. ; avoit mal au pied, et qu’elle ne pouvoit danser. La reine lui dit que, si la princesse ne dansott, le roi ne dnnseroit point du tout. Ainsi la reine d’Angleterre laissa danser la princesse sa fille, et dans son âme fut raal satisfaite du roi. Il fut encore grondé le soir par la reine, sa mère, mais il lui répondit qu’il n’aimoit point les petites filles. ■

La duchesse de Mercœur, déjà mère de deux enfants, allait en mettre un troisième au monde lorsqu’on lui annonça la mort de sa mère (décembre 105G) ; cette nouvelle lui frappa si fortement l’esprit qu’elle expira peu de temps après être accouchée. Les médecins ne prolongèrent sa vie de quelques heures qu’en lui appliquant des ventouses de la façon la plus cruelle. Comme la délivrance s’était heureusement accomplie et que la vie de la malade ne semblait courir aucun danger, Mazarin assistait, le soir même, a un ballet. Averti de la situation, il n’eut que le temps de se rendre à l’hôtel de Vendôme et donna les marques de la plus vive douleur. Le duc de Mercœur, tout entier à son chagrin, entra dans les ordres ; des deux fils qu’il eut de Laure Mancini, l’un fut le fameux duc de Vendôme, le vainqueur de Luzzara, l’autre le grand prieur de Vendôme.

MANCINI (Olympe), comtesse de Soissons et princesse de Carign an, née à Rome en 1639, morte à Bruxelles en 1708. Sa destinée fut orageuse. Son père, qui se mêlait d’astrologie et qui avait tiré l’horoscope de toute la famille, avait prédit que l’une de ses filles, Marie, causerait de grands troubles dans le monde ; il en aurait pu dire "autant d’Olympe, d’Hortense et de Marie-Anne. «La famille de Mazarin était un fléau, dit Michelet. Le bataillon de ses nièces, fort nombreuses, était né, formé sous l’étoile de la reine de Suède, qui vint à Paris en leur temps. Le cynisme altier de Christine, ses courses errantes et son dévergondage, comme d’un vaisseau sans gouvernail, enfin le coup royal qu’elle frappa sur Monaldeschi, tout cela Jes avait éblouies, si bien qu’elles prenaient son costume et beaucoup trop ses mœurs. Une autre singularité de ces Mazarine3, c’est que leur frère, à l’instar des Condés, admirait, célébrait les charmes de ses sœurs et vivait avec tlies dans une peu édifiante union. » L’éducation d’Olympe, commencée à Rome dans un couvent, fut continuée à Paris, de la façon la plus brillante et presque royale, car les nièces du cardinal la partageaient avec le jeuue roi Louis XIV et son frère, Monsieur. La reine s’en mêlait et les conduisait elle-même au Val-de-Gràce faire leurs dévotions. Les Mazarines, dont les pamphlets du temps disaient :

Biles ont les yeux d’un hibou,

L’écorce blanche comme un chou,

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Les sourcils d’une ame damné’a

Et le teint d’une cheminée,

acquirent vite ce genre de beauté hardie et provoquante qui fit leur succès à la cour. Ce portrait satirique s’appliquait surtout à Olympe, la plus brune de toutes, « âme noire et visage noir, » dit Michelet, avec quelque exagération. Elle ne manquait pas de grâce ; on remarque môme qu’elle prit vers ses dix-sept ans un embonpoint potelé fort agréable ; elle avait de l’esprit, un esprit souple, insinuant et porté à la ruse, à la malice. Elle sentit vite, avec ses instincts de femme et d’Italienne, l’impression favorable qu’élis produisait sur le jeune roi, dont elle partageait les jeux, avec qui elle jouait la comédie, et son ambition s’éveilla. On remarqua entre eux des privautés singulières, at Loret s’écria dans sa Gazette :

., .. Lu nymphe Mancine,

Fort bien vestue à lu Christine, ,

D’une amazone avoit les traita.

Parmi ces célestes attraits.

Qui font que sous son bel empire Maint cœur d’importance soupire....

Ce « cœur d’importance ; » c’était celui de Louis XIV.

« La reine, dit Mme de Motteville, ne se fâchait point de cet attachement ; mais ello ne pouvait souffrir, pas même en riant, qu’on parlât de cette amitié comme d’une chose qui pouvait tourner au légitime ; la grandeur de son unie avait’de l’horreur pour un tel abaissement. » Mais d’autres croyaient la mésalliance possible : Christine dit un jour assez haut pour être entendue du cardinal, dont elle avait besoin : ■ Ce serait fort mal de ne point marier au plus vite deux jeunes gens qui se conviennent si bien. » Olympe dut pourtant se contenter d’être la maîtresse ; le trône qu’elle rêvait lui échappa, peut-être parce qu’elle se donna trop vite. Elle se rejeta alors sur les princes du sang, car il lui fallait un mari illustre. Il fut question du prince de Conti, puis du prince de Modène, puis du duc de La Meilleraye, qui refusa, comme les deux premiers. Un pamphlet, qui pa rut sous le titre d’Entretiens de Çoibert et Je Bloin (Cologne, 1701), rapporte que, lorsque Olympe lui fut proposée, La Meilleraye répondit qu’il voulait se marier pour faire Son salut et que, comme il ne pourrait jamais se résoudre à aimer ce diable en jupon, ce mariage serait pour lui, à proprement parler, le chemin de la damnation, car il serait contraint de pécher avec d’autres femmes. Puis Olympe sut l’enflammer tellement par ses agaceries, qu’il en devint amoureux fou et courut la redemander à son oncle. Mazarin le renvoya à Olym’pe, qui répondit, c’était sa vengeance : « Je ne veux me marier que pour faire mon salut, pour aimer mon mari, et comme j’ai pour vous une insurmontable aversion, je vous refuse. » Mazarin finit par mettre la main, pour elle, sur un grand seigneur, Eugène de Carignan, de la maison’de Savoie, et prince du sang de Franco, par su mère. Pour lui, la cardinal fit revivre le titre de comte de Soissons. Les poètes de cour célébrèrent à l’envi cette union, et, ce qui est caractéristique des mœurs de l’époque, ils ne manquèrent pas de dire au mari qu avant lui sa femme avait été jugée digne • de la couche des dieux • (février 1657^. Une des sœurs d’Olympe, Marie Mancini, lui succéda dans le cœur du roi et parvint à la faire bannir de lu cour ; mais cette éclipse fut de peu de durée. Louis XIV, épousa Marie-Thérèse ; Olympe reprit son ascendant, et, d’autant plus libre qu’elle était mariée, commença cette vio de scandales qui devaitla faire montrer du doigt, même au milieu de cette cour licencieuse. Le roi venait ouvertement la voir à l’hôtel de Soissons. Elle l’accompagna dans un voyage qu’il lit à Bordeaux et revint avec lui, en têle-ù-tête dans sou carrosse. Unagentseoret de Mazarin, Bartet, écrivaità son maître, à la dato du 3 octobre de la même année : « Le roi a trouvé le moyeu de venir de Bordeaux ici en jouaut ; il a quitté le carrosse de la reine dès la seconde journée, et est entré dans le sien avec M’u" la comtesse de Soissons seule et Mme d’Uzës ; ils ont fait dan3 le carrosse d’une machine une table où ils jouent tête-àtête un jeu à perdre 300 ou 400 pistoles. Là perte n’est pas da cela jusqu’à cette.heure, et c’est le roi qui perd. Il a repris uvec Mme la comtesse le commerce de lui parler, de lire avec elle, et particulièrement d’y jouer plus qu’avec qui que Ce soit ; de sorte que cela va aussi bien qu’on le peut souhuiter, et dure comme cela depuis six jours ; ils ont dîné tous les jours tête-à-tête dans le carrosse, sans en sortir. •

L’hôtel de Soissons fut pendant quelque temps renommé pour les fêtes qu’y donnait la belle Olympe, maîtresse de maison bien entendue et habile à satisfaire les goûts de ses hôtes. On y jouait surtout un jeu d’enfer, et Louis XIV y fut très-assidu ; puis il se lassa de cette maîtresse qu’il avait déjà une fois quittée, et chargea le beau de Vardes, celui que Michelet appelle un don Juun espion, de l’en débarrasser en la prenant pour lui. Quelques jours après, de Vardes était son amant en titre. L’association de ces deux types pervers faillit être fatale à La Vulliere, que Louis XIV venait de prendre pour maîtresse ; il n’est sorte de machinations qu’ils n’ourdirent contre elle, jusqu’à contrefaire des lettres écrites d’Espagne ù Marie MANC :

1.0,10.

Thérèse. La comtesse de Soissons ourdit encore d’autres trames à elle seule, contre Madame, avec qui elle soupçonnait, non sans raison, de Vardes de lui êtréinfidèle, à lalouse de Madame jusqu’à la folie, dit M">* de La Fayette, elle ne laissait point de bien vivre avec elle. Un jour qu’elle était malade, elle pria Madame de l’aller voir, et elle reprocha à Madame le commerce que, depuis trois ans, elle avait avec de Vardes ? a son insu...’ Une autre fois, elle envoya prier encore Madahis de l’aller voir : la princesse la trouva dans une douleur inconcevable des trahisons de son amant... Sur cela, elle conta à Madàm> tout ce qu’elle savait, et,1 dans cette confron talion qu’elles firent entre elles, elles découvrirent des tromperies qui passent l’imagination. La comtesse jura qu elle ne verrait do Vardes de sa vie ; mais que ne peut una violente inclination ? De Vardes joua si bien la comédie qu’il l’apaisa. > Madame, à son tour, privée de de Vardes et du comte de Guiûhe exilé, jeta les hauts cris ; elle alla jusqu’à se plaindre au roi. Olympe en fit autant, et leurs récriminations réciproques firent’découvrir toutes sortes de choses restées à moitié cachées. Tel était le train de la cour ;, on ne s’en douterait guère en lisant les histoires officielles du grand siècle.. -.,

La seconde partie de la1 vie déla comtesse de Soissons fut misérable*. Compromise dans l’affaire des poisons par la Voisin, elle avait joué tant de mauvais tours à tout le monde qu’elle ne trouva personne pour la défendre. Elle était peut-être innocente ; mais la, mort subite de son mari, en 1673, laissait place au soupçon. On ne put rien prouver à cet égard, si ce n’est une scène de magie blanche assez’ singulière. Pendant que le comte déSoissons était en Champagne et déjà malade, elle fit venir chez elle une petite fille de cinq ans, que l’on disait douée de. seconde vue et qui prophétisa sa mort, en présence de la duchesse de Bouillon, du duc de Vendôme et de Villeroy. Ces sortes de sorcellerie, quand elles sontjustifiées parl’événement, sont bien sujettes à caution. La comtesse, avertie, jugea prudent de fuir ; elle donnait à jouer à la bassette chez elle lorsqu’on vint la prévenir ; elle s’esquiva, donnant une excuse banale à tout le inonde qui se retira fort.stupéfait, lit un paquet de ses bijoux et pierreries et prit la route de Bruxelles, seule avec Mm» d’Alluye. Louvois, qui lui en voulait à mort, la fit relancer par de la cavalerie jusqu’à la frontièrej et un bref fut crié dans Pans pour qu’elle eut à sa présenter bous trois jours. Elle s’en- donna bien de garde ; elle écrivit à ses amis que Louvois ne serait content que lorsqu’il I aurait menée à l’échafuud, mais qu’elle ne voulait pas lui donner cette satisfaction et qu’elle se justifierait plus tard. A Bruxelles, la population était tellement contre elle, à cause des rumeurs d’empoisonnements qui commençaient à courir même à l’étranger, que, étant entrée au Béguinage pour acheter des dentelles, elle n’en put sortir et fut obligée d’y coucher ; elle aurait été déchirée à la porte. Cette effervescence populaire s’upaisa, et elle put séjourner tantôt dans les Pays-Bas^ tantôt en Allemagne, ’pendant que sou fils, l’illustre prince Eugène de Savoie, lui fermait irrévocablement la France par les victoires qu’il remportait sur les ineptes généraux de Louis XIV. Des Pays-Bas, elle passa en Espagne où, quelques années auparavant, sa sœur Marie avait, également trouvé un refuge. Mais là encore, elle fut poursuivie par sa fatale renommée d’empoisonneuse. D’abord Charles H, qui ne pouvait avoir d’enfants, et qui la croyait sorcière pour tout de bon, l’accusa de lui avoir > noué l’aiguillette ; • il ne se cacha pas ensuite pour dire tout haut que les jours de la reine, Louise d’Orléans, étaient eu danger, si elle continuait de recevoir une telle femme. L’événement sembla justifier ses craintes : Louise d’Orléans mourut subitement. Saint-Simon s’est fait l’écho des bruits tnulveillauts qui coururent alors :

< Le comte de Manfeld étoit ambassadeur de l’empereur à Madrid, et la comtesse de Soissons lia un commerce intime avec lui dès en arrivant. La reine, qui ne rospiroit que France, eut une grande passion ne voir la comtesse de Soissons. Le roi d’Espagne, qui avoit fort oui parler d’elle, et à qui les avis pleuvotent, depuis quelque temps, qu’on vouloit empoisonner la reine, eut toutes les peines du, monde à y consentir. Il paroît à la fin que la comtesse de Soissons vint quelquefois les après-dtnée chez la reine, par un’escalier dérobé, et elle la voyoit seule avec le roi. Ces visites redoublèrent, et toujours aveu répugnance de la part du roi. U avoit demandé en grâce à la reine de ne jamais goûter de rien qu’il n’en eût bu ou mangéiè premier, purce qu’il savait bieii qu’on né le vouloit pas empoisonner. Il faisbit’chaud, le luit est rare à Madrid, La reine on désira, et la comtesse, qui1 avoit peu à peu usurpé des moments de tête a : tête avec elle, lui eii vanta d’excellent, qu’elle promit de lui apporter à la glace. On prétend qu’il fut prépare chez lé comte de Mausfeld. La comtesse de Soissons l’apporta à la reine, qui l’avala, et mourut peu de temps après.» Tout semble positif’dmis ce récit, qui est une accusation en bonne et due forme. Mais les faits sont contreditspur tous les témoignages des contemporains, la princesse Palatine, Dangeuu, le comte de Kebunac, ambassadeur d Espagne, etc.

Lu comtesse de Soissons quitta Madrid et

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