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cour ; il sentait sa force et voulait l’employer d’une façon lucrative. Une ode qu’il présenta, à Aix, à Marie de Mêdicis, Sur sa bienvenue en France (lGOO), car il fit k cette époque un dernier séjour en Provence, une seconde pièce adressée au roi, la belle ode qui commence ainsi O Dieu dont les bontés, de nos larmes touchées...,

et par-dessus tout la recommandation du cardinal Duperron.lui valurent les bonnes grâces de Henri IV. Un jour, le roi demandait à Duperron s’il faisait encore des vers ; le prélat lui répondit qu’il ne fallait plus que personne s’en mêlât après un certain gentilhomme de Normandie, habitué en Provence, nommé Malherbe, qui avait porté la poésie française a un si haut degré que personne n’en pouvuit jamais approcher. Une lettre de remercïments de Malherbe au cardinal prouve l’authenticité de cette anecdote. En LB05, le poète suivit k Paris deux de ses amis, le savant Peiresc et Du Vair, et fut présenté au roi. Pour mettre ordre à ses affaires, il rédigea cette même année sa curieuse Instruction à son fils, qui n’avait encore que cinq ans ; il lui donne, non des conseils de religion ou de inorale, mais des renseignements précis sur sa fortune, sur ses procès ; it lui énumère les instances qu’il a poursuivies, les prêts qui lui ont été faits et lui indique les notaires dépositaires des quittances. C’est l’œuvre d un madré Normand, rompu k toutes les roueries de la chicane, qui se méfie de tout le monde, surtout de ses proches, et qui veut assurer l’avenir de son fils contrôles chances de la vie et les perfidies possibles de ses adversaires. Cette pièce intime en dit long sur le caractère du poste.

À la cour, il sut proinptement faire son chemin. Malgré la pénurie du trésor royal, il

■ trouva moyen de se faire attacher au service du grand écuyer, duc de Bellegarde, avec 1,000 livres d’appointements, plus l’entretien d’un homme et d’un cheval. Peu de temps après il cumula ses fonctions d’écuyer avec celles de gentilhomme ordinaire de la chambre, qui rapportaient 2,000 livres, ce qui ne l’empêchait pas de solliciter encore quelque pension sur une abbaye ou un bénéfice. Henri IV la lui promettait sans cesse, mais ne la donnait jamais. Le roi l’avait pris en affection et aimait à l’avoir près de lui, soit pour lui faire faire des vers de. commande (c’est ce que Malherbe appelle des vers de nécessité), soit pour prendre plaisir à sa vive et caustique conversation. Malherbe possédait l’esprit de repartie, le secret des-mots brefs qui portent coup, et il avait la langue aussi verte que le Vort-galant lui-même ; bon compagnon du reste, aimant le vin, les femmes, la débauche, et austère seulement en fait de rimes. Kn même temps qu’il devenait pensionnaire du roi, la mort de son père (ICOOj le mit en possession d’une partiéde son héritage : le domaine rural de Dignyp qui était depuis longtemps le patrimoine de l’aîné de la famille, et une maison à Caen, qui existe encore, rue Notre-Dame, k l’angle de la rue de l’Odon, furent sa part dans la succession. Il la mangea en procès.

Pendant cinq années, jusqu’à la mort du roi, il ne quitta pas Henri IV ; il eut son appartement au Louvre, à Fontainebleau, et partout où le roi résidait ; cette période fut pour lui, qui avait le travail si difficile, relativement féconde. Il composa près de quatre cents vers : des odes et des sonnets pour le roi, pour le duc de Bellegarde, des vers de ballet, et enfin les cinq pièces où il chante les amours de Henri pour la princesse de Condé. Aussi disait-il qu’il était fort enxbesoijné. On a compté, en effet, que, année moyenne, Malherbe n’a jamais fait plus de trente vers par an. « Des vers de commande, des vers inspirés par le désir d’obtenir ou de payer un bienfait, une grâce, voilà, dit M. Ad. Régnier, ce qui forme la plus grande et la plus importante partie de son œuvre, depuis le moment où il se Axa à.la cour, et, chose singulière, parmi ces vers sa trouvent précisément les plus beaux qui soient sortis de sa plume. Si jamais homme eut le tempérament d’un poète officiel, c’est bien Malherbe. Son génie s’est nourri et s’est.vivifié de ce qui en

■ aurait tué d’autres plus poètes que lui, et il est à cet égard un phénomène k peu près unique dans notre histoire littéraire. Les vers d’amour pour la vicomtesse d’Auchy (Ca liste) sont, en nombre et en mérite, au-des sous de ceux qu’au nom d’Alcandrd (Henri IV il écrivit pour Oranthe (la princesse de Condé) et il s’était tellement habitué à parler pour les autres, qu’on citait comme des exceptions les pièces qu’il composa pour lui-même. Ronsard, dont il faisait si peu de cas, dAubiguy, qui semble n’avoir pas existé pour lui, no se seraient jamais effacés à ce point ; mais s’il leur est inférieur pour l’originalité, le sentiment et la passion, il leur est infiniment supérieur par ce qui fait vivre l’écrivain : par le bon

« sens, le goût, la justesse et le choix de l’expression. Ce sont là les premières" et nécessaires qualités d’un maître et d’un législateur da la langue, tel qu’il le fut et tel que, dans le même siècle, devait l’être un jour Boileau ; et celles-là, il les eut à un haut degré. Sa prose de commande ou de nécessité est aussi excellente que ses vers, et il faudra désormais lui ussiguer, comme prosateur, une place qu’on u avait point encore songé k lui donner. •

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Parmi ses poésies de cette époque, nous citerons cette ode d’un mouvement magnifique :

Que direz-vous, races futures ?... composée à l’occasion d’un attentat dirigé contre Henri IV ; une autre sur le Voyage du roi à Sedan et l’Ode au duc de Bellegarde, qui a presque l’ampleur d’une néméenne ou d’une olympique. C’est par ces vers solides, majestueux, d’une carrure franche, qu’il se plaça à la tête de tous ses contemporains et acquit cette légitime renommée qui lit de lui un cnef d’école. Dès lors, sûr de son mérite et de l’appui des gens de goût, il se posa en réformateur et ne craignit pas de s attirer les haines dé toute la gent poétique en vouant au ridicule ses adversaires et même ses meilleurs amis.

Après la mort de Henri IV, à la suite de laquelle il composa l’une de ses odes les plus laborieuses, menacé.dans sa situation de poète de cour, il sut s’y maintenir en’adressant à la reine mère une ode sur les heureux succès de sa régence ; c’est à la fin de cette pièce célèbre qu’il s’écrie avec une fierté que l’on a pu trouver excessive :

Apollon, à portes ouvertes.

Laisse indifféremment cueillir

Les belles feuilles toujours vertes

Qui gardent les noms de vieillir.

Mais l’art d’en faire des couronnes

N’est pas su de toutes personnes.

Et trois ou quatre seulement,

Au nombre desquels on me range,

Peuvent donner une louange

Qui demeure éternellement.

Et il a repris encore la même idée dans un

Sonnet au roy : Les ouvrages communs durent quelques années : Ce que Malherbe écrit dure éternellement.

Des vers assez fades composés pour des fêtes, des devises, quelques chansons et complaintes marquèrent seuls la période suivante de la vie de Malherbe. U vivait du reste assez heureux : sa charge de gentilhomme de la chambre lui avait été conservée ; !a régente y avait ajouté une pension de 500 écus ; elle le nomma ensuite trésorier de France, une, grasse sinécure, et lui fit, sur sa demande, une large concession de terrains k bâtir, dans la ville de Toulon, plus une part dans le produit des salines de Castigneau, ce qui avait considérablement amélioré sa fortune. Il ne se lassait pourtant point de solliciter, et comme on lui reprochait son âpreté au gain : • La monnaie dont les petits payent les bienfaits des grands, c’est la gloire, répondait-il fièrement. J’espère que de côté-là on ne m’accusera jamais d’ingratitude. > Il vivait sans- la moindre opulence appareute, et, comme il mourut pauvre, on se demanderait où passaient ses pensions et ses gratifications, si la surnom de Pùro la Luxure, qu’on lui donnait à la cour, n’éclairait un peu ce mystère. Séparé de sa femme, qui vivait toujours à Aix avec son dernier fils, Marc-Antoine, il eut jusqu’à la fin de sa vie un faible pour la galanterie. Un jour il dit au duc de Bellegarde : « Vous faites bien le galant et l’amoureux des belles dames ; lisez-vous encore k livre ouvert ?» ce qui était, nous rapporte Racan, sa façon de parler pour demander s’il était toujours prêt à les servir. Le duc lui dit que oui. « Parbleu I r-épliqua Malherbe, j’aimerais mieux vous ressembler de cela que de votre duché et pairie, »

Le grand poëte, le maître en l’art de bien dire se retrouve encore on quelques rares occasions. Une de ses plus étranges odes est adressée à Louis XIII, à sou départ pour La Rochelle ; une inspiration presque sauvage a dicté ces vers, fort beaux comme vers, mais exécrables au fond. Le poëte y charge les protestants d’anathèmes, les accuse de tous les maux qui fondent sur la’ France, et convie le roi, (le la façon la plus barbare, à écraser ces vipères, à en éteindre, la race, sans clémence ni pitié : un éloge hyperbolique de Richelieu est habilement encadré dans ces strophes cruelles. Nous préférons de beaucoup l’admirable sonnet que le vieux Maiherbe écrivit, vers la même époque (1627), sur la mort de son fils, tué en duel, et peut-être assassiné.

Ce fils, Marc-Antoine, né en 1600, montrait les plus grandes dispositions. It avait été élevé à Aix par sa mère, avait pris ses grades à l’université et s’était fait recevoir avocat au parlement. Il était en passe de faire, dans la magistrature, un chemin rapide, mais son humeur querelleuse et de nombreux duels avaient déjà menacé son avenir. Une première fois il eut un duel avec un certain Fortia de Piles, qui devait être un de ses meurtriers, et le procureur général le mit aux arrêts dans sa chambre ; sa seconde affaire fut fatale k son adversaire, un nommé Raymond Audebert, bourgeois d’Aix, qu’il tua roide en 1624’. Il fut condamné, pour ce fait, à avoir la tête tranchée ; mais à prit la fuite, se cacha, et Malherbe, traînant l’affaire en longueur, le fit porter, par la reine mère, sur une liste de gentilshommes condamnés pour

duels et amnistiés k l’occasion du mariage de Madame avec Charles, 1er ; il obtint de plus, pour lui, des lettres de rémission particulière. Trois ans plus tard, Marc-Antoine tombait lui-même sous les coups da Fortia de Piles et du baron de Bonnes. Y eut-il duel ou guetapens, c’est ce qu’il est impossible de savoir.

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À cette époque, où les querelles étaient si I fréquentes, où les parents et les amis, se soutenant les uns les autres, changeaient si souvent un duel en mêlée, il n’était pas toujours facile, quand un des combattants restait sur le carreau, de savoir par qui et comment il. avait été frappé. Le récit de Tallemant semble se rapprocher suffisamment de la vérité ; « Voici, dit - il, comme ce pauvre garçon fut tuê. Deux hommes d’Aix, ayant querella, prirent la campagne ; leurs amis coururent après ; les deux partis se rencontrèrent en une hôtellerie. Chacun parla k l’avantage de son ami. Le fils de Malherbe était insolent ; les autres ne le purent souffrir. Ils se jetèrent dessus et le tuèrent. Celui qu’on accusait s’appelait Piles ; il n’était pas seul sur Malherbe ; • les autres l’aidèrent à le dépêcher. » Ainsi, ce fut bel et bien un assassinat ; Fortia de Piles et le baron de Bonnes furent condamnés k mort ; mais ils usèrent du même subterfuge que Malherbe dans l’affaire précédente, surent éviter la prise de corps, firent intervenir leur famille, et, quoique Malherbe les poursuivit de juridiction en juridiction, qu’il eût juré de dépenser k les faire pendre le reste de sa vie et de sa fortune, il ne put y réussir. A bout de procès, d’ineidents et de requêtes, force lui fut de se contenter d’un accommodement : Fortia de Piles consentit k lui payer une grosse somme, que Malherbe déclara vouloir consacrer à l’érection d’un tombeau pour son fils. La mort le, surprit au milieu des négociations, de sorte qu’il n’eut même pas cette satisfaction, si mince qu’elle fût.

Il a élevé k son fils un monument plus durable dans ce beau sonnet dont nous parlions plus haut, qui est une de ses meilleures pièces :

Que mon ûls ait perdu sa dépouille mortelle. Ce fils qui fut si brave et que j’aimai.si fort, Je ne l’impute point ù. l’injure du sort, Puisque unir a l’homme est chose naturelle.

Mais que de deux marauds la surprise infidèle Ait terminé ses jours d’une tragique mort. En cela ma douleur n’a point de réconfort, Et tous mes sentiments sont d’accord avec elle.

O mon Dieu, mon sauveur, puisque par la raison Le, trouble de mon ame étant sans guérison, Le vœu de la vengeance est un vœu légitime.

Fais que de ton appui je sois fortifié.

Ta justice t’en prie ; et les auteurs du crime

Sont fils de ces bourreaux qui t’ont crucifié.

F.ortia de Piles passait pour descendre d’une famille juive. Ces beaux vers et la facture magistrale de ses odes les plus renommées expliquent l’influence de Malherbe sur la littérature de son temps. Certes, ceux qui l’ont salué du nom de Père de la poésie française ont étrangement exagéré sa valeur et son rôle. La poésie n’était plus k créer après Villon, Ronsard, Clément Marot, Du Bellay, Desportes ; Malherbe n’a ni la grâce amoureuse des deux derniers, ni la naïveté spirituelle de Marot, ni la hardiesse d’imagination et la sév’e lyrique de Ronsard. Sa qualité dominante est la sobriété. Il n’était pas de cette race dé poètes aux larges ailes, qui se laissent emporter au hasard de l’inspiration, font de la’poésie leur œuvre journalière et corrigent une œuvre défectueuse et mal venue par une autre meilleure. Il était de ceux pour qui la patience est une partie du génie, qui soumettent k un contrôle judicieux les mots, les idées, leurs oppositions, se préoccupent des moindres effets’de Stylo, et remettent sans cesse le même vers sur l’enclume, jusqu’à ce que, suivant l’expression de Théoph. Gautier, ils lui aient imprimé des carres nettes et précises. Ces laborieux écriT vains, Pope en Angleterre, Malherbe et Boileau chez nous, sont moins des créateurs que de parfaits ouvriers ; mais les questions de facture et de rhythme, le choix des mots, la sonorité du vers et la cadence de la strophe, l’ordonnance harmonieuse et symétrique de toute la pièce ont une telle importance, si l’on veut se placer au point de vue des poëtos, qu’on ne peut négliger ceux qui y ont excellé : autant vaudrait supprimer le vers. Toute la poésie n’est pas assurément dans une coupe savante, dans la rime neuve et riche, dans le choix de nobles et vives images, dans l’exacte proportion des parties d’une ode ; c’est cependant cette science de la forme qui fait que l’on est ou que l’on n’est pas poëte, et Malherbe la possédait au plus haut degré. Il eut de plus, le premier, l’intuition des qualités essentielles de la langue française : l’ordre, la clarté-, la méthode, qualités précieuses, qu’elle possédait depuis longtemps, mais qui étaient comme noyées dans le dévergondage capricieux et charmant des poètes de la

Eleiade. On peut toutefois reprocher à Malerbe d’avoir été trop loin dans son œuvra de réaction littéraire contre le xvie siècle. Comme réformateur, son rôle fut donc considérable. Il coopéra k ce que l’on peut appeler la clarification de la langue, par ses exemples et par ses leçons, par les mordantes critiques qu’il faisait de ses contemporains. Malheureusement, le poëte ne sut pas donner à sa vie la même dignité qu’à ses odes. D’abord il méprisait souverainement son art : « Un bon poëte, disait-il, n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de boules, » et il nu le pratiquait que pour l’argent ut les honneurs, à Je vous envoie des vers que j’ai donnés à la ruine, écrit-il k Peiresc ; ils sont au goût do toute cette cour. la désire qu’ils

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soient au vôtre. S’ils produisent quelque chose de bon pour moi, ils seront au mien ; jusque-là, je tiendrai mon jugement suspendu, à C’était la belle ode à Marie de Mêdicis sur les Succès de sa régence. Elle rapporta à Malherbe une pension de 1,500 livres, et il dut trouver ses vers excellents. En lisant l’ode sur la Mort de Henri IV, qui no croirait que le poëte pleure véritablement ce prince, qui l’avait comblé d’amitiés et do bienfaits ? aj’en dirai ma râtelée comme les autres, » écrit-il cyniquement k son ami. Ainsi, cette effusion cynique n’est qu’une o râtelée. » En fait d’ingratitude, peu de gens auraient pu lui en remontrer. Il flagorne d’abord Henri III, Henri, de qui les yeux et l’image sacrée Font un visage d’or a cette âge ferrée,

et empoche 500 écus pour ces deux vers. Le monarque mort, ce n’est plus qu’un « roi fainéant, la vergogne des princes, » et Malherbe s’applaudit de lui survivre. Tant que Marie de Médicis est reine ou régento, c est la reine sans pareille, le chef-d’œuvre des cieux, l’objet divin des âmes. Dès qu’elle est tombée en disgrâce, envoyée en exil, il n’en souffle plus mot, et transporte toutes ses adulations au favori Luynes ; il le loue platement de la fidélité de ses conseils, de l’assiduité do ses travaux, de sa profonde science politiqué, et lui attribue la grandeur de la Franco. Dès que le favori est tombé pour faire place k Richelieu, il l’appelle bizarrement

Une absinthe au nez de barbet

Que je voudrais voir au gibet.

Quant k Richelieu, Malherbe prend, pour le louer, sa trompette la plus éclatante :

Peuples, ça de l’encens ! peuples, ça des victimes, — Ace grand cardinal, grand chef-d’œuvre des cieux !

C’est « l’homme aux vastes desseins, l’âinu toute grande, l’oracle, le grand et grand prince de l’Église, etc. » Mal lui en auruit pris toutefois d’être disgracié ou da mourir avant Malherbe ; il eût sans doute subi la loi commune.

Voilà l’homme qui fut, de son temps, si renommé pour sa rude et cruelle franchise I II était franc et brusque, sans doute, comme lo montrent une foule d’anecdotes qui le concernent, mais seulement avec ceux dont il ne pouvait rien attendre, ni, pensions ni gratifications, avec Ses inférieurs, surtout avec Ses rivaux, ses disciples et ses adversaires. Un Provençal vint pour lui apporter une ode au roi, eu le priant de la juger ; Malherbe y jeta à peine les yeux, et, pour toute réponse, écrivit sous le titre : Ait roi... pour sa chaise ■percée ; Un pauvre lui demandait l’aumône en lui promettant de prier Dieu pour lui : «Je ne te crois pas on grande faveur auprès do Dieu, lui répondit-il’, puisqu’il te laisse dans cet état ; si c’était M. de Luynes qui voulût intercéder pour moi, h la bonne heure. » Comme un importun 1 arrêtait lu soir pendant que son valet portait une torche devant lui : « Allons, bonsoir, dit-il ; vous me faites brûler pour cinq sous de (lambeau, et ce que vous dites ne vaut pas six blancs. > On peut parier que ce n’était pas un trésorier de l’épargne ou même un simple commis de finances qu’il rabrouait de la sorte. C’était surtout contre les poëtes qu’il tournait ses mots les plus caustiques. Invité à dîner chez Desportes, il’arrive quand le potage était desservi ; Desportes le reçoit affectueusement et veut même se déranger pour aller chercher son volume de Psaumes nouvellement imprimé ; mais le vieil égoïste craintquola soupe ne refroidisse : « Laissez, laissez, uil-il ; votro potage vaut mieux que vos psaumes. » Il se brouilla de même aveu Mathurin Régnier, Bertuut Des Yveteaux, qui l’avait lancé à la cour, Lingondes, Barlhelot, Balzac, Théophile de Viau, et généralement avec tous les . hommes de lettres ses contemporains. Sa censure littéraire était excessive, comme en témoigne sou Commentaire sur ùesportes ; ses remarques, même bienveillantes, k ses amis et disciples, étaient d’une minutie telle, qu’elles fatiguaient et paraissaient tyrauniques. À Vous souvenez-vouâ, écrivait Balzac quelque temps après la mort de Malherbe, vous souvenez- vous de ce vieux pédagogue de cour que l’on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes ?... J’ai pitié d’un homme qui l’ait de si grandes affaires entre pas et point ; qui traite l’affaire des participes et des gérondifs comme si c’était celle do deux peuples voisins l’un de l’autre ot jaloux de leurs frontières. La mort l’attrapa sur l’arrondissement d’une période et l’an climatérique l’avait surpris délibérant si erreur et doute étaient masculins ou féminins. Avec quelle attention voulait-il qu’on l’écoutâl quand il dogmatisait do l’usugo et de la vertu des particules ?... » Le portrait est un peu chargé, quoique vrai ; mais Balzac oubliait qu’il avait assidûment Suivi les leçons de co pédugogue et qu’il lui devait le plus clair do son talent d’écrivain.

Ce qui nous réconcilie un peu avec Malherbe, c’est son scepticisme railleur un matière religieuse ; eu cela, il était bien do l’entourage du Béarnais. Comme il mangeait de la viande un samedi après la Chandeleur, on lui fit observer que c’était un péché, puisquo la sainte Vierge n’était plus eu couche. Il répondit qu’il était encore de bonne heure, et que les dames ne se lèvent pas si matin.

« Malherbe, dit Tallemant, n’était point uu-