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Le 1er juin au matin, le comité révolutionnaire (qu’on nommait aussi comité de salut public des sections) publia une proclamation pour rendre compte aux Parisiens des premiers résultats obtenus, et qui se terminait par ces mots significatifs : « Par ce que la Convention a fait hier, nous attendons ce qu’elle va faire aujourd’hui. Citoyens, restez debout ! »

On ne saurait nier que cette mise en demeure n’eût un caractère impérieux et insurrectionnel. Mais telle était la situation. Au reste, l’ordre le plus admirable continuait à régner à Paris, et cette tranquillité, en de pareilles conjonctures, n’est pas un des caractères les moins remarquables de cette étonnante révolution, qui s’accomplit sans qu’une goutte de sang ait été répandue.

Le soir, Marat se présenta à la Commune, craignant quelque hésitation ; il fit une harangue enflammée, puis monta à l’horloge de l’Hôtel de ville et se mit lui-même à sonner le tocsin. Mais Paris n’avait pas besoin de ces excitations ; après quelques heures d’interruption et de repos, toutes les sections, à l’appel du tambour, se réunissaient de nouveau en armes. La Commune et le comité révolutionnaire envoyèrent de nouveau une députation composée de dix-huit commissaires, et qui se présenta vers minuit à la barre de la Convention. Hassenfratz porta la parole et reproduisit, avec plus d’énergie encore, les mêmes demandes concernant les principaux députés girondins. Cette fois, l’Assemblée décréta que le comité de Salut public lui présenterait, sous trois jours, un rapport concernant la pétition des autorités de Paris. À cette heure, vingt mille hommes en armes étaient campés autour des Tuileries, et ils ne se retirèrent que sur l’ordre de la Commune. Toutefois, le tocsin ne cessa de sonner pendant toute la nuit.

Au petit jour (2 juin), toute la ville était de nouveau sous les armes : la crise allait enfin se dénouer. Plusieurs des girondins, Pétion, Brissot, Guadet, Buzot et d’autres, retenus par leurs amis, ne parurent pas à l’Assemblée. La séance s’ouvrit d’une manière funèbre, par l’annonce des progrès des révoltés de la Vendée et de la Lozère, et ensuite par l’effroyable nouvelle de l’égorgement de huit cents patriotes lyonnais par les modérés de nuance girondine unis aux royalistes de la ville. L’Assemblée était sous l’impression de ces terribles événements, quand le violent et courageux Lanjuinais, royaliste de sentiment, girondin de circonstance, monte à la tribune pour demander, au milieu de la plus effroyable tempête, la cassation de toutes les autorités de Paris et la répression du mouvement. Motion vaine et chimérique ! À ce moment même, plus de cent mille hommes en armes environnaient les Tuileries, et une nouvelle députation venait clamer à la barre : « Sauvez le peuple, ou il va se sauver lui-même ! »

La situation était vraiment tragique, et les montagnards mêmes, par dignité, hésitaient à céder à cette pression en frappant leurs ennemis. L’homme des compromis, Barère, accourt, au nom du comité de Salut public, lire un projet de décret invitant les membres dénoncés à se suspendre volontairement dans l’intérêt de la paix publique. Isnard, Lanthenas, Fauchet déclarent consentir à cette espèce d’ostracisme. Mais l’opiniâtre Lanjuinais proteste, ainsi que Barbaroux ; Marat porte le dernier coup à cet essai de transaction, en criant dédaigneusement : « Il faut être pur pour faire des sacrifices à la patrie. » Billaud-Varenne demande contre les girondins le décret d’accusation par appel nominal motivé. C’était ainsi qu’ils avaient eux-mêmes procédé contre Marat.

Enfin, après une suite d’incidents et d’orages de toute nature, la Convention, apprenant qu’elle était pour ainsi dire consignée dans la salle des séances, se soulève d’indignation, et sort solennellement, son président en tête, pour affirmer sa liberté en traversant les masses armées et en faisant le tour du Carrousel et des Tuileries. Mais à la porte du côté gauche de la place, elle rencontre Hanriot et son état-major ; le nouveau chef des sections armées ne répond aux injonctions qu’en disant aux représentants : « Retournez à votre poste, et livrez les coupables que le pays vous demande ! »

Hérault de Séchelles (le président) voulant forcer le passage, Hanriot fait reculer son cheval, et d’une voix tonnante : « Canonniers, à vos pièces ! »

La pression morale dégénérait évidemment en attentat. Humiliée, indignée, la Convention se présenta sur d’autres points, bien accueillie partout, mais toujours bloquée, environnée d’une forêt de baïonnettes. Elle rentra dans la salle des séances sous l’impression d’une tristesse poignante. Au fond, les montagnards eux-mêmes étaient comme humiliés de leur propre victoire ; toutefois, il fallait une solution, car la situation devenait intolérable. L’Assemblée rendit enfin le décret de suspension des députés dénoncés, en ordonnant qu’ils seraient maintenus en arrestation chez eux. Beaucoup de membres de la Plaine, qui votèrent le décret, pensaient sans doute que cet arrangement laissait quelque espoir de réconciliation. Mais on sait, d’ailleurs, que les girondins se perdirent eux-mêmes en faisant appel à la guerre civile, en soulevant l’insurrection départementale.

On pense bien que nous n’entreprendrons pas de justifier, au point de vue du droit strict, les événements des 31 mai-2 juin. Ce fut certainement une sorte de coup d’État populaire, une violence réelle ; mais, d’un autre côté, il n’est pas moins certain que les choses ne pouvaient plus marcher ainsi, et que les périls publics imposaient une solution rapide, qui, dans l’état des choses, ne pouvait être qu’un déchirement. Le peuple, lassé de tant de luttes intestines, a tranché sommairement la question dans le sens de la Montagne. Qu’on analyse l’histoire, qu’on pèse les hommes, qu’on scrute les faits, et l’on demeurera convaincu que l’instinct populaire ne s’est pas trompé, soit au point de vue de la politique révolutionnaire, soit sous le rapport de la défense nationale.


Mai 1839 (insurrection du 12), dernière tentative armée du parti républicain sous le règne de Louis-Philippe. Les hardis conspirateurs avaient choisi, pour éclater, le moment d’une crise ministérielle ; six combinaisons avaient été tentées pour former un cabinet, et toutes avaient échoué ; l’opinion publique était inquiète et surexcitée. Il existait alors à Paris une société secrète, les Saisons, transformation des Familles, et qui comprenait mille à douze cents hommes résolus, dont les principaux chefs étaient Barbes, Blanqui, Martin Bernard, Nétré et quelques autres. Le moment parut favorable, et une prise d’armes fut décidée. Toutes les dispositions prises, le 12 mai, à 3 heures et demie de l’après-midi, pendant que les troupes étaient au Champ-de-Mars pour une revue, les sectionnaires, à un signal donné, se rassemblent rue Bourg-l’Abbé, enfoncent le magasin de l’armurier Lepage, se distribuent les fusils, puis des cartouches, qui avaient été cachées dans des maisons de dépôt. Le plan que Blanqui avait fait adopter consistait à s’emparer d’abord de la préfecture de police. Sans attendre même la réunion de toutes les forces insurrectionnelles, Barbes, suivi d’une poignée d’hommes, traverse la Seine, attaque et emporte le poste du Palais de justice, commandé par un lieutenant qui fut malheureusement tué dès lès premiers coups de feu, mais non pas assassiné, comme on 1 a souvent répété.

Dans l’intervalle, la préfecture de police avait eu le temps de prendre quelques mesures de défense, et en outre, le petit nombre des insurgés ne permettait pas de tenter une attaque sérieuse. Barbes repassa la Seine et alla rejoindre, à la place du Châtelet, la colonne dirigée par Martin Bernard, Blanqui et leurs amis. La réunion de ces forces ne composait encore qu’un faible total de combattants. Dans l’espérance de grossir leur troupe et d’achever leur armement par l’enlèvement de quelques postes, les insurgés s’engagèrent dans les rues étroites et populeuses, et se dirigèrent vers l’Hôtel de ville, dont ils s’emparèrent sans coup férir. Barbes lut une proclamation à la foule, qui accueillait les républicains avec sympathie, mais sans grossir’leur nombre d’une manière bien sensible. Un combat fori vif leur livra le poste de la place Saint-Jean. Ils occupèrent un moment, ensuite, la mairie du Vile arrondissement, où ils ne trouvèrent point les munitions qu’il sespéraient y rencontrer.

Cependant, revenu d un premier mouvement de stupeur, le pouvoir agissait vigoureusement ; la ville se remplissait de troupes, et bientôt les insurgés se trouvèrent enveloppés d’un cercle de fer. Contre leur espoir, le peuple, surpris par cette attaque inopinée, s’était ému, mais sans se jeter dans le mouvement. Abandonnés à eux-mêmes, les audacieux combattants, qui n’étaient qu’une poignée, se rejetèrent, pour prolonger leur résistance, dans les quartiers populeux, où l’émeute recrutait habituellement ses soldats, dans les rues Simon - le - Franc, Beaubourg, Transnonain, etc. Dans la rue Grenêtut, il3 élevèrent trois barricades et les défendirent avec une vaillance obstinée. Mais ce fut là le tombeau de l’insurrection. Plusieurs des chefs furent blessés. Barbes fut frappé à la tête, et les derniers défenseurs des barricades hachés sur leurs redoutes improvisées. Un jeune sectionnaire de seize ans, nommé Camille Huait, resté presque seul, combattit jusqu’à la dernière minute et fut percé de vingt-huit ou trénte coups de baïonnette. Il survécut cependant, parut devant la Cour des pairs et fut acquitté à cause de sa jeunesse. Le lendemain matin, 13, il y eut encore quelques tentatives de résistance sur quelques points, mais rapidement réprimées. La République était encore une fois vaincue.

L’insurreoiion du 12 mai n’eut d’autre résultat que de hâter l’enfantement d’un ministère, qui fut improvisé dans la nuit.

Le 27 juin suivant comparurent devant la Chambre des pairs, constituée en cour de justice : Barbes, Martin Bernard-, Mialon, Nouguès, Marescal et autres inculpés. Leur attitude, à tous, fut énergique et fière. Le premier fut condamné à mort ; mais le cri unanime de l’opinion publique imposa au pouvoir une commutation de peine. Il en fut de même pour Blanqui (qui était en fuite, mais qui fut pris plus tard). Martin Bernard fut condamné à la déportation, d’autres aux travaux forcés et à des peines graduées, mais généralement fort rigoureuses.


Mai 1848 (journée du 15). Le soulèvement de la Pologne, qui avait suivi la révolution de Février, expirait dans le sang des patriotes, et le tableau déchirant de tant d’héroïsme et de malheurs, les cruautés des vainqueurs, les récits des émigrés qui repassaient par groupes notre frontière, avaient réveillé la vieille affection de la France pour sa sœur du Nord. À Paris, ces sentiments se manifestèrent avec énergie dans les journaux, dans —les sociétés populaires et par de nombreux placards affichés sur les murailles. L’agitation aboutit naturellement à l’idée de demander à l’Assemblée nationale le rétablissement de la Pologne.

Tel fut le point de départ, le but ostensible de la fameuse/journée du 15 mai.

Aux yeux de beaucoup de contemporains, ce mouvement fut le résultat d’un vaste complot ourdi par Barbes, Louis Blanc, Caussichére, etc. D’autres n’y voulaient voir qu’une manœuvre de police, un piège tendu aux chefs du parti populaire. Devant la cour de Bourges, Raspail qualifia le mouvement de

0 vaste coup de filet. »

Voyons les faits.

D’abord il est certain que la composition de l’Assemblée constituante n’avait pas répondu aux espérances du parti avancé, non plus que ses premières mesures. Mais enfin elle était installée, et la masse du peuple l’acceptait ainsi, tout en manifestant une certaine inquiétude sur l’avenir, un mécontentement marqué de la marche rétrograde de la Révolution.

D’un autre côté, si quelques agitateurs en sous-ordre songeaient a l’éventualité d’une dissolution, les chefs sérieux du parti révolutionnaire étaient même opposés à une manifestation et s’efforcèrent de l’empêcher. Mais ils furent entraînés dans le torrent.

Huber, justement suspecté de plusieurs pour sa conduite équivoque dans les affaires où il avait figuré depuis 1836, mais lancé de nouveau dans le mouvement, en possession même d’une influence réelle, à cause de ses longues souffrances de prisonnier, Huber fut un des principaux organisateurs de cette manifestation. L’idée fut mise en avant dans le comité centralisateur, ou club des clubs, dont il était le président. Elle se répandit bientôt dans tout Paris, fut accueillie avec enthousiasme par le peuple, les clubs, les gardes nationaux venus des départements pour assister à la fête de l’installation de l’Assemblée, et vainement combattue par Cabet, Barbes, Blanqui, Raspail, etc. Après avoir été plusieurs fois ajournée, la manifestation fut fixée au 15, jour où des interpellations sur la Pologne devaient avoir lieu à l’Assemblée.

Le Commission exécutive et le bureau de l’Assemblée n’étaient pas sans inquiétude, et des précautions militaires furent prises.

Une convocation, signée Huber et Sobrier, avait fixé l’heure et le lieu du rendez - vous. Tous les acteurs de la démonstration protestaient d’ailleurs de leurs intentions pacifiques, et il est certain que la plupart de ceux qui en firent partie étaient de bonne foi dans

1 expression de leurs sympathies pour la Pologne.

Les renommées populaires avaient dû céder à l’entraînement général, et Raspail avait même consenti à rédiger une pétition.

Dès le matin du 15, la place de la Bastille se couvrit d’un peuple immense, qui se forma en colonne vers dix heures, et commença k défiler sur le boulevard en bon ordre, au cri de Vive la République ! et de Vive la Pologne !- On comptait plus de cent corporations avec leurs bannières, les ateliers nationaux, les délégués du Luxembourg, les clubs des gardes nationaux de Paris et des départements, des proscrits de toutes les nations, avec leurs drapeaux, etc.

À la Madeleine, l’agitation était déjà plus grande ; à la place de la Concorde, la colonne rencontra un bataillon de garde mobile, commandé par le général Courtais ; on crie : Vive le général du peuple ! Sensible à la popularité, et accoutumé d’ailleurs aux grandes manifestations parisiennes, il fait mettre les baïonnettes au fourreau, convaincu du caractère inolîensif du mouvement. Blanqui et son club prennent la tête et entraînent la foule vers le pont. Il est probable que l’instinct révolutionnaire l’emporta en ce moment chez le3 clubistes sur les calculs de la prudence, et qu’ils jugèrent que, le cas échéant, on pourrait tirer parti des circonstances. Toujours est-il que, dans le plan primitif, on devait s’arrêter à la place de la Concorde et envoyer à l’Assemblée des délégués porteurs de la pétition en faveur du rétablissement de la Pologne. À ce moment, ce torrent ne pouvait plus être arrêté. La garde mobile, sympathique au mouvement, et qui d’ailleurs eut été impuissante, ouvrit ses rangs : la foule traversa le pont et se massa autour du palais de l’Assemblée. Pressés, foulés par l’avalanche des survenants, les premiers rangs commencèrent à escalader les grilles, sans aucune résistance de la part des mobiles ; en vain le général Courtais accourut et supplia le peuple de respecter l’Assemblée ; mais il était trop tard. La salle des séances, les tribunes publiques sont presque aussitôt envahies par la foule. À ce inument, M. Wolowski était k la tribune, développant ses interpellations sur la Pologne. À plusieurs reprises déjà, il avait été interrompu par les puissantes rumeurs du dehors, par les cris de Vive la Pologne l De nouveaux flots d’envahisseurs pénétrent par

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toutes les issues, après avoir écarté Iarnartine, Courtais et Ledru-Rollin ; la salle est

filus que comble et les tribunes craquent sous e poids des spectateurs. Au milieu du plus effroyable tumulte, les assauts à la tribune succèdent aux envahissements. Barbes, Louis Blanc, Ledru-Rollin, une foule d’autres, essayent de parler. Raspail parait à son tour, et lit à grand’peine la pétition. Le peuple veut qu’on délibère sans désemparer et réclame un décret pour le rétablissement de la Fologne. Tous les hommes qui voudraient borner l’émeute à l’exercice du droit de pétition cherchent inutilement à opérer un mouvement de retraite. Blanqui, Barbes, d’autres encore, parlent tour à tour. Louis Blanc, acclamé, porté en triomphe, conjure le peuple de se retirer ot de laisser l’Assemblée délibérer librement. Raspail fait inutilement le3 mêmes efforts. Pendant ce temps, le rappel battait dans Paris ; quelques-uns l’entendent et menacent le président Buchez, qui redoutant d’autres malheurs, écrit, sous la dictée impérieuse des émeutiers, l’ordre de cesser de battre le rappel, mais en omettant la date et le timbre, espérant être compris de la garde nationale.

Parmi les acteurs sérieux de ce draine figuraient, comme toujours, des personnages burlesques, avides de jouer une manière de rôle ou au moins de se mettre en évidence. Ici, on remarquait un homme coiffé d’un casque de pompier, qui s’agitait beaucoup : c’était un artiste, président de club à Montargis, et nommé Degré. C’est le fameux pompier du 15 «mii, dont on a fait une légende.

Craignant d’être dépassé par Blanqui, son adversaire, Barbes demande, au milieu du bruit, un milliard d’impôt sur les riches, pour subvenir aux frais d’une expédition en faveur de la Pologne. Mais il est entièrement faux qu’une voix se soit écrié : C’est trois heures de pillage que nous voulons ! Cette honteuse ineptie a été insérée, après coup, au Moniteur, comme cela a été péremptoirement prouvé au procès de Bourges.

Enfin, après une série de scènes que notre cadre ne nous permet pas de rapporter en détail, Huber, qui cependant avait, dit-on, promis à Marrast de faire avorter le mouvement, escalade la tribune, et de sa voix tonnante, lance les paroles funestes : « Puisque l’Assemblée ne veut pas prendre un parti et que le peuple est trompé par ses représentants, je déclare que l’Assemblée nationale est dissoute l •

Au milieu de la confusion et du tumulte, le président est chassé de son siège ; beaucoup de représentants quittent la salle ; Barbes est porté en triomphe et part, suivi d’un flot d’emeutiers, pour aller à l’Hôtel do ville, accompagné d’Albert ; Huber va crier la dissolulion sous le péristyle et disparaît ; Louis Blanc se trouve emporté par d’autres groupes vers l’esplanade des Invalides ; la salle se vide en grande partie, et il ne reste, ça et là, que quelques groupes d’envahisseurs tranquillement occupés à écrire des listes d’un gouvernement provisoire.

Par une coïncidence habilement préparée, la paye des ouvriers des ateliers nationaux devait avoir lieu ce jour même, à trois heures. Cette circonstance avait contribué déjà à éclaircir la foule.

La garde nationale arriva de tous côtés vers quatre heures et demie ; les émeutiers restés dans la salle se dispersent par toutes les issues ; Ledru-Rollin, Lamartine et d’autres représentants réfugiés à l’hôtel de la présidence rentrent en séance ; l’Assemblée se reconstitue ; le général Courtais, qui n’a rien pu empêcher, est hué et lâchement maltraité par des gardes nationaux, qui se livrent aux mêmes violences sur Louis Blanc, accouru après avoir échappé à grand’peine aux dangereux enthousiastes qui l’entraînaient, Lamartine et Ledru-Rollin marchent, à la tête de forces militaires considérables, sur l’Hôtel de ville, où ils entrent sans coup férir, et où Barbes et Albert, à peine installés, sont arrêtés du même coup.

On arrêta aussi successivement Sobrier, Raspail, Blanqui, Flotte, Courtais, etc., qui furent enfermés à Vincennes et plus tard traduits devant la haute cour de Bourges (v. haute cour). Huber fut également arrêté, puis, chose inexplicable, relâché. Pour se laver des soupçons qui pesaient sur lui, il revint plus tard d’Angleterre, se constitua prisonnier et fut condamné à la déportation. V. Huber. ;

Caussidière et Louis Blanc, violemment attaqués, ne furent cependant frappés que plus tard.

Cette malheureuse affaire de mai, dans laquelle il y eut, sans doute, des intrigues particulières difficiles à démêler, mais surtout beaucoup de confusion, d’imprudence et de gâchis, précipita la réaction et fut un des préludes de la sanglante insurrection de juin.


Mai (loi du 31), mesure législative et inconstitutionnelle qui consacra, en 1850, la mutilation du suffrage universel.

À cette époque, l’élection de Cnrnot, de Vidal et de de Flotte, puis d’Eugène Sue à Paris, d’autres élections partielles dans les départements, le mouvement de l’opinion annonçaient assez que la démocratie socialiste allait rapidement devenir maîtresse du scrutin. Le gouvernement et la majorité cherchèrent un remède contre les tendances radicales du suffrage universel, et il crurent l’avoir trouvé