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qui se lave d’une légère teinte rousse du •îôté du soleil. La chair en est blanche, fine, fondante, sans pierres ; l’eau douce, finement aigrelette et agréablement parfumée..Le défaut de la poire madeleine est de devenir ra-Eidement cotonneuse et ensuite molle. L’arre qui la porte est tellement fertile, que dans les bonnes années il s’incline sous le poids des fruits. Ses feuilles sont arrondies à la base, allongées en pointe, creusées en gouttière, finement dentées, d’un vert gai en dessus, moins foncées en dessous. Les boutons à fruit, très-gros, donnent naissance ù une douzaine de Heurs roses an bouton et qui deviennent blanches ; elles ne s’épanouissent pas complètement et demeurent comme chiffonnées. Ce poirier se greffe indifféremment sur franc et sur cognassier.

La madeleine longue diffère de la précédente par sa forme plus allongée. L’arbre qui la produit prend naturellement la forme pyramidale ; ses rameaux sont pendants à l’extrémité. ■

MADELEINE, montagne de France qui se dresse sur les confins de la Loire et du Puy-de-Dôme. Point culminant, 1,1C5 met. Elle donne naissance à plusieurs affluents de la Loire,

MADELEINE (la), bourg et commune de France (Nord), cant., arrond. et à 1 kilom. de Lille, sur la basse Deule ; G,348 hab. Fabrication de produits chimiques et de poterie de terre ; filatures de fin et de coton ; fonderie de fer, four à chaux, chaudronnerie, amidonnerie.

MADELEINE ou MAGDALEN, groupe d’Iles du golfe Saint-Laurent, au N.-E. de l’île du Prince-Édouard et au N, -0. de l’île du Cap-Breton, entre âio jo’ et -m 50’ de latit. N.. et entre 63° et 65" de longit. O. Les prinei Eales sont Coffins, Saunders, Wolfe, Araerst, etc. Elles dépendent du gouvernement du bas Canada,

MADELEINE Ou MAGDELE1NE (sainte Marie-), femme célèbre de l’Évangile, née à Magdala, village de Galilée, près du lac de Génésareth. Elle vivait au i« siècle dénotre ère. On ignore à quelle famille elle apparter liait. Douée d’une grande beauté, joignant à une imagination vive des sens exaltés, elle s’était fuit connaître par les dérèglements de sa conduite lorsqu’elle entendit parler de Jésus et de ses prédications. Elle voulut le voir, et à peine l’eut-elle vu et entendu qu’il se produisit en elle une profonde transformation. Elle se prit d’un amour enthousiaste pour le jeune Nazaréen et renonça complètement à sa vie de courtisane. Un jour que Jésus-Christ était à table chez Simon le Pharisien, la belle pécheresse se présenta tout èplorée dans lu salle du festin, se précipita aux pieds de Jésus, tes arrosa de ses ■ larmes, les baisa, les inonda de parfums et les essuya avec ses cheveux. Le Pharisien ayant manifesté son étonnement de ce que Jésus se laissât toucher par une feminfl connut ! de tous comme une courtisane, celui-ci se contenta de répondre, en s’adressant à ceux qui l’environnaient : « Il lui sera beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé. »

À partir de ce moment, Madeleine s’attacha aux. pas de Jésus avec quelques autres femmes qui l’assistaient de leurs biens dans ses courses évungéliques. Elle le suivit à Jérusalem, ne l’abandonna point pendant sa passion, se tint au pied de la croix et, après uvoir assisté a l’ensevelissement du crucifié, elle alla préparer des aromates pour l’embaumer. D’après le récit des évangélistes, qui du reste est rempli de contradictions, Madeleine, s’étant rendue au sépulcre le lendemain du jour du sabbat, vit que le corps de Jésus ne s’y trouvait point et se prit à pleurer. Tout à coup Jésus lui apparut ; elle ne le reconnut point tout d’abord, mais quand il l’eut appelée pur son nom, dit saint Jean, elle s’écria : O mon maître i et voulut se jeter k ses pieds pour les baiser. — "Ne me touchez point, mi dit Jésus, car je ne suis pas encore monté vers mon père ; mais allez trouver mes frères ut dites-leur que je vais monter vers mon père et mon Dieu, qui est aussi leur père et leur Dieu. » Après ces paroles, il disparut. Marie-Madeleine, profondément troublée, en proie à une vive exaltation, retourna aussitôt à Jérusalem et fit part aux disciples qu’elle rencontra de ce qu’elle avait vu ou uru voir. Plusieurs disciples, dont le nom varie selon les évangélistes, se rendirent au tombeau, qu’ils trouvèrent vide. Le récit de Marie-Madeleine fut accepté par eux, et le bruit de la résurrection de Jésus ne tarda pas k s’accréditer.

À partir de cette époque, que devint Marie-Madeleine ï Où alla-t-elle mourir ? Quelques auteurs, parmi lesquels il faut distinguer le janséniste Tillemout, qui, d’après Photius ep Lauuoy, s’appuie sur le témoignage de plur Sieurs écrivains grecs du viic siècle et des siècles postérieurs, prétendent qu’elle accompagna Jean et Marie, mère de Jésus, à Éphèse, où elle mourut et où elle fut enterrée l’an QO. En 8G9, l’empereur Léon le philosophe, toujours d’après les mômes auteurs, aurait fait transporter son corps d’Éphèse à Constantiuople, où il fut dépose dans l’église Saint-Lazare. En 1218, les croisés s’emparèrentde ces reliques et les apportèrent au pape llon’orius. III, qui les fit enfermer à fesuiiit-Jenn-do-r.niraT), sous un autel dédié à l’amie

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du Christ. Ilest dit encore, dans l’Histoire te Fleury, que, t dès l’un 1146, oncroyiiit avoir le corps de la Madeleine à Vézelay, et que, en 1267, le roi saint Louis, accompagné du légat Simon de Brie, alla à Vézelay et y assista à la translation des reliques de sainte Marie-Madeleine d’une châsse k l’autre. » Une autre tradition veut que Madeleine soit allée mourir avec Lazare et sa sœur Marthe en Provence, entre Marseille et Nîmes, près de Saint-Maximin, au sommet de ce qu’on appelle les petites Alpes, dans le lieu nommé à cause d’elle la Sainte-Baume. Mais ici se présente la question de savoir si Mario-rMiideleine et Marie, sœur de Marthe, sont une même personne, si même il n’y a pas eu une troisième Madeleine dont la vie aurait été mêlée par la légende à celle des autres. Au commencement du xvio siècle, surtout, cette question de l’unité de la Madeleine fut vivement agitée ; la Sorbonne elle-même s’en mêla et ce fut pour déclarer, le l" décembre 1521, qu’il n’y a qu’une Madeleine ; déjà, en 1140, Gérard de Nazareth avait écrit De unaMagdalena contra Grsscos, Depuis, la discussion aété reprise par Tillemont, — le Père Lamy de l’Oratoire, Bossuet, Fleury ; elle est encore pendante. Ce n’est point à nous d’y mettre un terme.

Mais revenons à la tradition erronée qui fait mourir Madeleine en Provence. En 1279, il se rénandit tout à coup le bruit qu’on venait de" découvrir à Saint-Maximin les reliques de Madeleine. L’historien de cette découverte prétend qu’on trouva dans le tombeau qui les renfermait un écriteau très-ancien, sur du bois incorruptible et contenant ces mots : > L’an 700 de la nativité de Notre-Seigneur, le 16e jour de décembre, régnant Odouin, roi de France, du temps de l’incursion des Sarrasins, le corps de sainte Marie-Magdeleine fut transféré la nuit très-secrètement de sou sépulcre d’albâtre en celui de marbre, par la crainte des infidèles. » Or il est à observer, dit Fleury, qu’il n’y eut jamais de roi de France du nom d’Odouin ou Odoie, et qu’en l’an 700 régnait Childebert III, à qui succéda Dagobert jusqu’en 716. » Cet écriteau avait donc été fabriqué par un ignorant ou un mauvais plaisant. Tout était faux, absurde. Mais la légende ne s’établit pas moins. D’après cette légende, Madeleine s’était retirée pour y pleurer ses fautes à la Sainte-Baume, qui devint un lieu de pèlerinage : les rois, les comtes de Provence vinrent visiter la Sainte-Baume et le Saint-Pilon qui la couronne, et d’où les anges, disait-on, avaient enlevé au ciel sainte Madeleine dans une glorieuse assomption.

Les écrits, soit en prose ; soit en vers, dont Marie-Madeleine est le sujet sont innombrables, et nous n’en entreprendrons pas une nomenclature, même incomplète. Dans ce nombre, il en est d’éloquents, de sublimes ; telles sont les méditations du cardinal de Bérulle : on dit qu’elles étaient adressées à Marion Deforme et à Ninon de Lenclos ; il en est d’autres curieux, extravagants, burlesques : ainsi le discours de Michel Menot, remarquable par ses singularités macaroniques ; d’autres enfin s.ont profondément ridicules, irrévérencieux à force de sottise ; tel est le poème d’un capucin, frère Remy de Beauvais (Tournay, 1617, in-12) ; tel est aussi le poème extravagant de la Madeleine au désert, du carme Pierre de Saint-Louis, poSme dont nous parlons plus loin.

Le baron d’Holbach, dans son Histoire critiqua de Jésus-Christ, parle assez longuement de Madeleine, qu’jl accuse d’avoir eu des complaisances criminelles pour Jésus. Il est vrai qu’il se décharge de l’accusation sur l’abbé de Labaume Desdonat, auteur de la Cttristiade, lequel à son tour s’en décharge sur les albigeois. Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, consacre un article à Madeleine ; il s’y raille finement du baron d’Holbach, qui est allé chercher ses arguments dans une Christiade, et surtout de la Christiade, dont l’auteur fait sottement de Madeleine une damedela cour, une marquise, ayant cent domestiques, des apanages, etc.

Madeleine est devenue |( patronne des parfumeurs, et l’Église l’honore le 22 juillet.

Par antonomase, on donne le nom de Madeleine aux femmes connues par la facilité de leurs mœurs, qu’elles se soient ou nou repenties, et l’on fait souvent allusion, mais presque toujours ironiquement, à la phrase célèbre : « Il lui sera beaucoup pardonné parce qu’elle a beaucoup aimé. ■

Quelques instants avant de mourir (1SOS), Sophie Arnould, la spirituelle actrice, dit au curé de Saint-Germain-l’Auxenois, qui lui administrait l’exiréme-onction : « Monsieur le curé, je suis comme Madeleine, beaucoup de péchés me seront remis, car j’ai beaucoup aimé, •

Ah ! vous pensez vraiment que l’âpre destinée Vous a plus que toute autre aux larmes condamnée î Et, pour quelque oripeau qui brille sous mon toit, Vous criez : ■ Au bonheur ! »en me montrant du doigt ? Dieu n’a pas mis des pleurs qu’aux yeux des iïltide-

(leines ; J’ai le cœur vide, hélas ! si j’ai les mains trop pleines.

Ii. BOU11.HET.

« En racontant son voyage à Constantinople, M. Gautier a eu l’adresse incomparable de ne pas dire un mot de la question d’Orient, ni de la querelle des lieux saints, ni de la mer Noire, si co n’est, je crois, pour s’y promo MADB

ner. Je ne connais guère que M. Théophile Gautier qui sache faire des tours de cette hardiesse ; mais«7 lui sera beaucoup pardonné parce qu’il a beaucoup raconté. »

Cuvilligr-Flkûrt.

« Mais, mademoiselle, si vous êtes jeune, si vous êtes belle, si vous avez une famille, si vous.sentez au cœur un nard céleste à répandre, comme fit Madeleine aux pieds de Jésus, laissez-vous apprécier par un homme digne de vous, et devenez ce que doit être toute bonne jeune fille, une excellente femme, une vertueuse mère de famille. •

H. de Balzac.

a Si j’avais regardé à mes pieds, peut-être y aurais-je vu quelque belle Madeleine avec son urno de parfums et sa chevelure éplorée. J’allais, levant les bras au ciel, désireux de cueillir les étoiles qui me fuyaient, et dédaignant de ramasser la petite pâquerette qui m’ouvrait son cœur d’or dans la rosée et le gazon. »

Th. Gautier.

Madeleine (LA CONVERSION DU), ouvrage

ascétique de Fray Pedro Malon de Chaide, religieux de l’ordre de Saint-Augustin, un des plus anciens et des plus renommés controversistes de l’Église espagnole. La première édition de ce livre l’ut publiée à Alcala de Henares, en 1592. L’auteur n’a pas retracé l’histoire véritable de Madeleine, mais composé une sorte de roman, divisé méthodiquement en trois parties, comme un sermon, où il expose les théories catholiques sur la grâce et un commentaire de l’Évangile. C’est un écrivain plein de feu. Le sujet qu’il a traité prêtait à des descriptions qu’il a trop multipliées, et qui souvent Sont pompeuses à l’excès. Une femme d’une rare beauté, comme Madeleine, après avoir épuisé toutes les voluptés impures, voit peu à peu l’amour terrustre faire place à l’amour divin, et le repentir la ramène à. la foi. Malon de Chaide a considéré sa Madeleine sous le triple point de vue de pécheresse, de pénitente et de sainte, et développé ainsi son idée sous toutes les faces. On lui reproche d’abuser du style noble, un peu guindé ; mais il a certainement montré une grande habileté à manier une langue qui n’était pas encore parvenue à son complet développement.

D’ordinaire, Malon de Chaide est plus vé-, bornent que passionné et tendre, plus fort et plus vigoureux pour reprendre le mal, qu’enthousiaste pour faire l’éloge du bien. Son livre contient des passages pleins de chaleur et de mouvement : les idées abondent et se précipitent ; l’auteur se montre non-seulement ému, mais entraîné. Dans son prologue, il s’élève contre les livres de chevalerie, contre les romans en général, ainsi que contre tous les ouvrages qui obscurcissent les vérités morales. Doué d’une imagination très-brillante et très-féconde, Malon de Chaide se trouvait par là entraîné a de graves défauts. À côté de traits sublimes, on rencontre chez lui des trivialités ; a côté de riches métaphores, des hyperboles violentes ; il entremêle des raisons puissantes et solides de subtilités scolastiques. Enfin il abuse du style llcuri, de l’antithèse, et son mauvais goût le porte à confondre l’enflure avec la majesté. Malgré toutes ces réserves, Madeleine n’en esc pas moins, de l’avis des critiques espagnols, un véritable monument littéraire. Cet ouvrage a été réimprimé dans le tome 1« des Escvilores del siylo xvi, de l’importante bibliothèque Ri vaduneyra (Madrid, 1853-1855, 2 vol. in-4o).

Madeleine (ou Mugdelalne)a« désert de La Suinte-Baume, en Proveuco, pOëlll6 épique

d’un religieux canne, le père Pierre de Saint-Louis (xvne siècle). Doit-on appeler cette composition poëme épique ou poBme burlesque ? L’un et l’autre. Epique dans l’intention de l’auteur, gui crut faire une œuvre comparable a. l’Iliade, elle est, malgré lui, d’un burlesque achevé ; la déviation des idées, des images, du style atteint de telles proportions, les conceptions sont tellement énormes et monstrueuses, que cette Madeleine est presque aussi curieuse à lire qu’un chef-d’œuvre.

Le Père Pierre de Saint-Louis, entré au couvent à la suite d’un désespoir d’amour, choisit ce sujet parce qu’il lui rappelait le nom de l’objet aimé ; mais, au milieu de son immense composition, assailli de scrupules religieux, il fut sur le point de laisser son travail interrompu, et le monde lettré y eût perdu assurément. Par bonheur, la uéfunte Madeleine lui apparut, enveloppée de linceuls, et elle lui ordonna de continuer. Pierre d<5 Saint-Louis continua et mit cinq ans à extraire péniblement de son cerveau ce poème baroque, en douze chants et autant de milliers de vers Le révérend Père annonce d’abord galamment Qu’il chante dans ses vers une dame de marque,

et cette dame de marque, c’est Madeleine convertie, cette vestale d’un nouveau genre,

Qui conserva si bien le feu qui la brûloit,

Qu’il ne fut point éteint par tant d’eau qui couloit.

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Il nous montre cette charmante inconsolable dans cet antre

Où la nuit, par un trou tout a fait obligeant, La lune lui fournit une lampe d’argent,

précaution inutile, puisque la grotte était déjà éclairée par les yeux de la sainte, Qui sont les bénitiers d’où coule l’eau bénits Qui chasse le démon jusqu’au fond de son gîte.

Comme monotonie, il est difficile d’imaginer quelque chose de plus complet. Le poëme ne renferme que descriptions entassées les "unes sur les autres sans la moindre trace d’action, des monologues interminables de la sainte, des conversations qu’elle entreprend avec unetête de mortoutoutsimplement avec l’écho. La tête de mort répond, l’écho aussi, mais inoins verbeusemont ; oar il ne fait que répéter la dernière syllabe du vers précédent, ce qui donne lieu au plus réjouissant dialogue :

Que fuient les oiseaux volant dans ces bocages ?

Cages. Que dit-elle à mon cœur au bord de ce vieux antre ?

Entre. Quels furent donc mes yeux à ceux des regardants ?

Ardents. Cornaient pour ces malheurs doit paraître Marie ?

Marrie. De qui suivoit les pas autrefois Magdeleine ?

D’Hélène. Que nie fera l’époux dans sa cour souveraine ?

Reine. Et que donne le monde aux siens le plus souvent ?

Vent. Que dois-je vaincre ici sans jamais relâcher ?

La chair. Qui fut cause des maux qui ine sont survenus ?

Vénus. Que fauHl dire après d’une telle infidèle ?

Pi d’elle ! Qui me cachoit le ciel sans que mon œil le visse ?

Le vice.

Le dialogue se prolonge longtemps encore et se termine ainsi : Pourrois-je quelque jour aller tout droit à Dieu î

Adieu. Et l’Echo prend congé sur cette réponse trop peu affirmative. Les anges qui viennent du temps à autre enleverMadeleine au ciel rompent seuls un peu cette monotonie. Le Père Pierre de Saint-Louis a dans le faux, le buroque, le ridicule, l’imagination la plus féconde et la plus créatrice. Les descriptions valent leur pesant d’or. On y voit des cerfsvolants qui courent à toute bride, la mer qui s’habille d’une belle robe verte, sans faire un pli ; des yeux qui passent sous des arcs de triomphe — ce sont les sourcils — et des larmes qui coulentsur les joues comme des chandelles fondues. Ce morceau vaut la peine d’être cité :

Voyei encor ces yeux qui ne veulent rien voir Dans une affliction qu’on ne peut concevoir ; Ces glaces, ces miroirs, ces chandelles fondues Sur la joue et de là sur les lèvres fendues, Roulent jusqu’à sa bouche autrefois de corail, Et maintenant d’ébène et faite en soupirail, Bouche dont les souris découvraient avec gloire Un petit double rang de perles et d’ivoire, Lèvres dont l’incarnat faisoit voir a la fois Un rosier sans épine, un chapelet sans croix. Voyez ces mêmes yeux plus mourants que malades, Abattus et noyés sous ces belles arcades. Sous ces arcs de triomphe, et des iris dorés Dont ils couloient tirer leurs traits plus acérés.

Dans le cours de sa conversation avec la tête de mort, Madeleine se livre à une orgie grammaticale des plus réjouissantes ; Et, regardant toujours ce têt de trépassé, Elle voit le futur dans ce présent passé ;... ... Et c’est sa discipline et tous ses châtiments, Qui lui font commencer ces rudes rudiments...

.. Ce qui la fait trembler pour son grammairien, C’est de voir par un cas du tout déraisoiiuablu Que son amour lui rend la mort indéclinable, Et qu’actif comme il est aussi bien qu’excessif, 11 le rend à ce point d’impassible passif. Oh 1 que l’amour est grand et la douleur amere, Quand un verbe passif fait toute sa grammaire ! La Muse pour cela me dit, non sans raison. Que toujours la première est sa conjugaison, .., ... Sachant bien qu’en aimant, elle peut tout prétendre Comme tout enseigner, tout lire et tout entendre, Pendant qu’elle s’occupe à punir le forfait De sou temps prétérit qui ne fut qu’imparfait ; Temps de qui le futur réparera les pertes Par tant d’afflictions et de peines souffertes ; El le présent est tel que c’est l’indicatif D’un amour qui s’en va jusqu’à l’infinitif. Puis par un optatif, ah ! plût à Dieu, dit-elle, Que je n’eusse jamais été si criminelle 1... ... Prenant avec plaisir, dans l’ardeur qui la bi tile. Le fouet pour discipline, et la croix pour fende.

Les accessoires de composition, dans ce poUrne, ne sont pas moins jolis. Madeleine traverse la mer, comme les déesses antiques, dans une conque traînée par des néréides et des tritons. Le Père de Saint-Louis y ajoute naturellement des thons, pour la rime ; les troupes écaillées escortent ce beau train naual, les campagnes salées en. frémissent et les Zéphjres enflent leurs joues pour faire flotter le voile de la sainte autour de sa tête. Les anges qui viennent l’enlever au ciel sont vêtus , en enfants de chœur ; le poëte a eu beau creuser, il n’a rien trouvé de plus beau.