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À vrai dire, bien qu’elle ait-essayé de toutes les formes de gouvernement, l’antiquité n’a guère connu la liberté politique, parce qu’elle a presque ignoré la démocratie. Presque partout elle était régie par le principe de l’autorité à outrance, incarné soil dans un homme, soit dans une oisie privilégiée. L’Asie tout entière était livrée aux caprices du despotisme, et la volonté du prince y tenait lieu de législation. Les institutions monarchiques de l’Égypte, plus savantes mais non moins absolutistes, repoussaient la propriété individuelle, base indispensable de la liberté civile. Même au temps de sa plus haute splendeur, l’ancienne Grèce ne s était jamais élevée à une notion claire et logique de la liberté. Nous ne parlerons pas de Sparte, où personne n’était libre, où la raison d’État écrasait tellement les volontés individuelles que les citoyens les plus fiers n’auraient pas plus réussi à s’y soustraire que les ilotes esclaves. Qu’estce que les lois de Minos, sinon la volonté divine ou plutôt la fatalité en action ? Sur une population de deux cent mille âmes, Athènes comptait de quinze à vingt mille citoyens qui se disaient libres et qui l’étaient en effet. A Rome enfin, la liberté n’a jamais existé ni dans les lois ni dans les mœurs. Nous en dirons la raison en comparant aux anciennes les institutions modernes, et nous démontrerons que l’existence d’une classe privilégiée est incompatible avec la liberté.

Pouvaient seuls se dire libres au moyen âge, et l’étaient en effet beaucoup trop, les possesseurs de fiefs, qui ne^relevaient de personne et écrasaient toutes les volontés au-dessous d’eux. Mais, à part ce petit nombre de privilégiés, la masse des populations ne possédait aucun droit sérieux et subissait le joug d’un demi-esclavage. L’affranchissement même des serfs ne changeait guère leur condition, aucune puissance tutélaire ne s’élevant pour garantir l’exercice et la durée des droits précaires qui leur étaient conférés. Une sorte de liberté relative apparaît au xue siècle, lors de l’affermissement du pouvoir central et de l’émancipation des communes. C’est à cette époque que commence à se dégager des ténèbres du moyen âge la double notion de la liberté individuelle et de la souveraineté collective. L’affranchissement partiel du peuple et de la bourgeoisie, qui fut pour la monarchie un simple moyen de gouvernement, , fut pour la nation une semence de liberté qui devait germer plus lard et produire des fruits inattendus. Le inonde passe, les empires s’écroulent et les principes sont éternels. A l’état latent et virtuel, ils sont encore assez puissants pour effrayer les despotes sur leurs trônes et charger la mine des révolutions. S’il est vrai enfin que la liberté politique ne se rencontre jamais au berceau des sociétés, il n’est pas moins certain qu’elle devient forcément le régime substantiel de leur âge viril, et que seule elle peut les préserver de la décadence, j

Lorsque l’essor des facultés humaines est. comprimé dans ses manifestations extérieures, le sanctuaire de la conscience devient le dernier refuge de la liberté. Or, au moyen âge, le dogmatisme religieux imposé par la force à la société civile ne lui avait même pas laissé cet asile. L’affranchissement du monde moderne devait doue commencer par l’émancipation de la conscience. C’est du fond de ce for intérieur que s’élança la réforme religieuse, avant-coureur des révolutions politiques. Ce n’est puint ici le lieu de raconter cette formidable lutte de trois siècles, qui eut pour résultats la première convention d’Utrecht, redit de Nantes, les traités de Westphalie et la révolution de 1688, autant de conquêtes fuites sur le vieil esprit du moyen âge, dont la défaite fut irrévocablement consommée par la grande Révolution de 1189. Ici naît un monde nouveau, noous rerum nascitur ordo. En datant l’ère moderne du 22 septembre 1792, nos pères, s’étaient peut-être trompés : c’est une date trop exclusivement française pour être universellement adoptée ; il eu est une autre qui marque le point culminant de la route de l’humanité : c’est le jour à jamais mémorable où, réunie dans un jeu de paume, une grande assemblée se proclama le droit vivant, la liberté triomphante à l’encontre du vieux droit mort, du despotisme terrassé. La liberté du inonde date du 10 juin 1789.

Liberté ! égalité ! fraternité ! Credo en trois mots, symbole complet dé croyances nouvelles, devise magique qui, rit palpiter le cœur de la terre, voit< ce que contenait en germe le serment du Jeu de paume ; en germe, avonsnous dit, car les fruits durables sont lents à mûrir. De ces trois termes parfaitement coordonnés, le dernier ne noUs apparaît encore que comme une vague lueur" à l’horizon de 1 avenir ; le second est déjà devenu, tn principe du moins, la base de la société française et de plusieurs autres, et il tend à passer dans les faits ; seule la liberté, pur la lenteur de sa marche, par ses éciipses limgues et fréquentes, laissé encore des craintes à ses partisans et des espérances à ses ennemis. La réflexion et l’étude des faits doivent suffire cependant pour décourager les uns et rassurer les autres. La liberté politique nous fut assez souvent ravie, et, quand elle a progiessé, ’-ee n’a été jamais qu’avec un accompagnement de menaces qui semblaient rendre douteux son lendemain ; mais la liberté de conscience a marché d’un pas sûr at continu ; la dogme a

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perdu un terrain qu’il ne regagnera plus ; la liberté civile peut donc-être compromise un instant dans les institutions ; une forteresse lui reste, d’où ses ennemis ne la débusqueront pas : la conscience publique. Pour que l’assiégé sorte de la place et reprenne ses positions, deux choses lui suffisent, qui ne peuvent lui faire défaut : le temps et l’occasion.

On ne s’entend pas, toutefois, sur l’extension qu’il convient de donner à la liberté. L’école libérale proprement dite proclame la toute-puissance de l’individu et voudrait ne confier à l’État qu’unéfonction arbitrale. Cette théorie, développée avec éloquence à la tribune et dans les livres sous la Restauration, a servi de bélier pour battre en. brèche la, monarchie de droit divin. Triomphante en 1830, elle a pris possession du pouvoir en inaugurant le régime constitutionnel ; mais aussitôt, de la devise de ses pères la bourgeoisie française a effacé la liberté ou tout au moins en a altère le sens, en se bornant à inscrire dans sa Charte que tous les citoyens sont égaux devant la loi, disposition q, ui devient un mensonge ou un non-sens si tous les citoyens ne sont pas appelés au même titre à participer à la confection des lois. Que m’importe en effet que nous soyons, vous et moi, soumis à la même loi, si c’est vous seul qui la faites ? La loi devient alors, à mon égard, un contrat léonin dans ses clauses et vicié dans sa source, faute de consentement de ma part ; pour vous-même elle est entachée dune condition potestative, puisque vous pouvez chaque jour la modifier sans ma participation. Quant à la liberté que vous me laissez, je la trouve illusoire. Celte liberté, c’est, selon vous, le droit dé faire ce qui n’est point défendu par la loi. Mais, encore une fois, si la loi même est restrictive de ma liberté, si elle reste tout entière en vos mains, si vous me retirez d’une maiii ce que vous me concédez de l’autre, si, au’ lieu d être dans le bon plaisir d’un homme, l’arbitraire est dahs-la loi même, mon sort deviendra même pire qu’auparavant, en ce sens que vous aurez légaliseja servitude et que vous la rendez plus durable en lui donnant les apparences du droit. Voilà ce qu’ont répondu en substance, pendant dix-huit ans, les partisans de la liberté effective, jusqu’au jour où leurs doctrines l’ont emporté de haute lutte, en réalisant la véritable égalité politique par le suffrage universel. Nous sommes loin de prétendre ici que le suffrage universel soit toute la liberté, mais il la contient en germe et à en est la base indispensable ; aussi est-ce k lui que s’attaquent les ennemis.de la liberté.

On a dit que la liberté n’était pas complètement absente des sociétés hiérarchiques. On a cité l’exemple de l’Angleterre. Là, les citoyens ont le droit de manifester librement leurs opinions par la parole et par la presse, et de se réunir en nombre illimité pour les discuter et prendre des résolutions qui deviennent parfois les arrêts souverains de l’opinion publique. Mais qu’on ne s’y trompe pas ; il y a loin de cette liberté apparente à une liberté effective. Les sujets do discussion abandonnés par un pouvoir aristocratique aux meetings des classes subordonnées ne sont pas de ceux qui touchent aux bases fondamentales de l’ordre social. Si l’on s’avise un jour d’y mettre en délibération la constitution aristocratique de la, propriété, les privilèges héréditaires de la noblesse, la suprématie de la religion officielle ou une nouvelle et plus équitable répartition des charges publiques, l’aristocratie restera libre de couper court à la discussion, par l’application des lois qu’elle a faites ou qu’elle pourra faire el.e-même. Lôrs même qu’il s’agit d’objets d’une moindre importance et qu’on laisse discuter librement, les résolutions des meetings, fussent-elles acclamées par des centaines de mille voix, ne passent pas le seuil de l’enceinte ou réside le pouvoir souverain, juge en dernier ressort de toutes les questious controversées. Pour en forcer les portes, à faut que les vceux du peuple soient portés par un souffle d’opinion irrésistible. Entre la liberté de pétitionner et le droit de décider, il y a un ubhne. La liberté politique, prélude indispensable des grandes réformes économiques, ne sera réelle et effective en Angleterre que lorsqu’elle aura conquis, dans le suffrage universel, son organe et son instrument. Une brèche a été faite déjà aux murs du vieux Parlement ; elle s’élargit de temps en temps et l’époque n’est pas éloignée où ils seront tout à fait démolis. Ce jourlà.’la royauté constitutionnelle sera bien malade chez nos voisins.

Toutes les libertés sont solidaires, et toutes ensemble ont pour support l’égaliié ; car toute ’ liberté qui n’est pas dévolue également à l’universalité des citoyens doit s’appeler, de son véritable nom, privilège. Quand notre pensée se reporte vers l’histoire, si riche de leçons, de la République romaine, nous nous laissons volontiers ailerjusqu’à l’admiration pour ■ les mâles venus des Caton, des Brutus et des Cussius, derniers défenseurs de la liberté. Mais n’est - ce pas pour avoir abusé de leurs privilèges que les classes pàtrieién’ nés furent courbées à leur tour sous le niveau commun de la servitude ? La république romaine n’a-t-elle pas été vaincue paroe^qu’elle n’avait, dans la plèbe, que des spectateurs désintéressés ou même hostiles ? Les éloquentes protestations de Cicérou et la Jicre indignation de Tacite.’nous émeuvent ; mais ces vertueux citoyens ’gagneraient singuliè LIBË

rement dans notre estime si leurs regards daignaient tomber quelquefois sur l’immense multitude que l’orgueil patricien avait condamnée à un asservissement éternel, t.a Hbertéqni n’est |ias la liberté de tons ne mérite pas ce beau nom. La liberté ! mais c’est elle aussi que réclamaient la Ligue du bien pu- ’ bl’ic, la Frondéet toutes les autres coalitions de la féodalité déchue contre la puissance sociale représentée alors, faute de mieux, par la monarchie absolue. Et n’est-ce pas aussi au nom de la ’ liberté que le duc de Saint-Simon se récrie contre l’intolérable despotisme de Louis XIV et de sa « vieille sultane ? » Là liberté, pour cet orgueilleux patricien, ce n’était que l’indépenduncéabsolue de sa caste, l’exemption des charges publiques, la main mise Sur tous les emplois à l’exclusion de toute roture, la féodalité enfin avec toutes ses conséquences. La liberté ! mais auxi états généraux de 1614 et de 1789, les cahiers de la noblesse la réclamaient non moins vivement que ceux du tiers état ; avec cette différence, toutefois, que les uns ne la voulaient que pour eux-mêmes et que les autres la demandaient -pour tous. Eh 1 de nos jours (car les privilèges n’abdiquent jamais) n’avons-nous pas entendu les fils des croisés s’écrier plus haut que tout le monde : Liberté.de conscience ! liberté des cultes ! liberté de la tribune ! liberté de la presse ! H-berté d’enseignement ! liberté de réunion l, li-i berté d’association !, etc, etc. Ce qu’ils sousentendaient dans leurs chaleureuses acclamations, nous n’avons pas tardé à l’apprendre dès qu’ils eurent escaladé le pouvoir : c’était tout simplement le monopole dé là liberté. ■ Non, et l’histoire ne le prouve que trop, la liberté politique n’est qu’un mensonge si elle est restée l’apanage d’un petit nombre, et si, de plus, la loi ne l’entouré pas de garanties sérieuses. Nous ne serons pas injustes envers l’écolélibérale (v. libéralisme) ; nous avons applaudi, dans notre première jeunesse, k sa noble et courageuse lutte contre le régimédu privilège, par la supériorité de ses lumières et dé son éducation niorale ; mais le Sentiment de là justice nous force h lo dire, la bourgeoisie, légataire universelle de La Révolution, a négligé de délivrer au peuple le lot qui lui était destiné ; c’est ce qui explique comment le peuple français, imitant celui de Rome, a’laissé égorger par le césarisme une liberté qui n’était pas pour lui. La bourgeoisie ne semble pas avoir profité de cette leçon ; mais le peuple ne parait pas non plus disposé à assister impassible aux fautes de la bourgeoisie et aux coups de main des césariens, car lui aussi a-eu sa part de la cruelle leçon.

La liberté n’est, en somme, que l’essor des facultés humaines, et l’amour qu’on lui porte est en raison directe de l’élévation de l’esprit et du cœur. Mais ne nous payons plus de vains mots et ne prodiguons plus notre encens à une idole.mutilée. Ce qu’il nous faut, ce ne sont pas des libérien, ce ne sont pas les libertés nécessaires, suivant l’expression malheureuse de M. Thiers, c’est la liberté. On nous a promis ou donné, sous l’Empire, la liberté du commerce, de la boucherie, , de la boulangerie et du théâtre ; mais la libertide l’homme et le plein exercice des droits de citoyen, qui nous les donnera ? Être libre, c’est être affranchi de toutes les servitudes ; or, y a-t-il servitude pire que celle de l’ignorance et de |a misère ? La conscience est libre ; mais qu’importe au peuple, si, après avoir perdu ses.croyances religieuses, il ne reçoit pas en’échange les éléments au moins d’une forte croyance morale et philosophique ? Le travail est libre, mais qu’importe au peuple, si, dépourvu des instruments du travail, sol, outils ou capitaux, il ne trouve même pas l’emploi de ses bras ? La vraie liberté, la liberté puissance n’est pas seulement, comme le prétend l’école libérale du laissez-faire, le droit, mais bien le pouvoir de développer ses facultés sous l’empire dé la justice et la sauvegarde de la loi.

Qu’est-ce qu’un droit abstnait sans les moyens de l’exercer ? À quoi servent aux aveugles les réverbères, et suffit-il pour les paralytiques de décréter le droit de marcher ?

Sub lei/e tibertas ! s’écrie 1 école du chacun

Four soi et de l’isolement. Nous acceptons aphorisme. Oui, il est nécessaire que la loi circonscrive dans de justes limites la liberté de chacun, afin qu’elle ne froisse pasla liberté de tous. Nous l’acceptons, mais à deux conditions : d’abord que la.loi, expression de la volonté universelle, n’annulera pas, sous le prétexte de les réglementer, les droits primordiaux que l’homme tient de sa nature

même, et, en second lieu, .qu’elle rendra ces mêmes droits efficaces en fournissant à chacun les moyens de les exercer. Sur ce dernier point, il y a |ieu d’examiner à nouveau quelssont les devoirs de la société envers chacun de ses membres. L’État, le gouvernement, qui la représente, n’est pas seulement une sorté d’arbitre pliis ou moins librement choisi pour distribuer la justice entre des citoyens virtuellement égaux, mais très-inégaux en réalité ; ses fonctions sont d’un ordre plus élevé : il a pour mission de protéger les faibles, les forts se protégeant tout seuls, et de prévenir, par de sages mesures, les écarts dangereux que peuvent produire dans lejeu des forces universelles les trop grandes inégalités sociales. Plus elles s’éloignent du niveau commun, plus il doit s’efforcer de les y ra LIBE

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mener. Cette fonction pondératrice et modératrice de la puissance sociale, l’école libérale la nie absolument, nous le savons, mais elle n’en est pas moins la condition nécessaire de la liberté.

’ Tel est le rôle du gouvernement, rôle que malheureusement il n’a presque jamais rempli. Aussi, pour fonder et faire vivre la liberté, ce n’est point sur le gouvernement que doivent compter ses véritables amis, mais sur leurs propres efforts, sur leur persévérance, sur leur inébranlable volonté, et aussi et avant tout sur la dignité de leur conduite et l’austérité de leurs mœurs. Les républicains de Rome concevaient ainsi la liberté ; nous qui la comprenons mieux qu’eux, qui n’en faisons pas comme eux le privilège d’une caste mais le droit imprescriptible et inaliénable de tous les citoyens, nous ne devons pas, l’ayant conçue plus noble et plus belle, avoir pour elle un amour moins pur ni la défendre avec moins de courage et de résolution.

Nous ne saurions mieux terminer ces réflexions que par un emprunt fait à M. de Girardin, un publiciste fort discuté, mais à qui l’on ne peut contester le titre de vétéran de la liberté ■• « La société, comme la nature, dit-il, a ses lois que des lois positives peuvent condamner, oui, mais supprimer, non. La terre se meut en vertu d’une loi naturelle que la loi positive a condamnée ; mais, en condamnant cette foi naturelle, qu’a fait -la loi positive ? Elle s’est vouée au ridicule et au mépris à perpétuité, et a fait tomber la religion au-dessous de la science. La liberté est la toi naturelle en vertu de laquelle l’homme se meut dans l’orbite de sa raison. La loi positive peut continuer de condamner cette autre loi naturelle ; mais, en la condamnant, que fait-elle ? Elle se condamne elle-méine. Laliberté est la loi de l’homme comme le mouvement est la loi de la terre. Aveugle qui ne la voit pas !.

. » Tout discuter, tout simplifier, tout

essayer, tout vérifier : voilà le règne de la liberté.

Vive la liberté ! A bas la peurl »

— Jurispr. Liberté individuelle. La liberté individuelle est définie par les jurisconsultes : le droit de disposer librement de sa personne, et d’obtenir pro.eclion ou réparation contre les arrestations illégales, violations de domicile ou autres atteintes portées à la sûreté dont chaque citoyen doit jùuir dans la Société. La liberté individuelle date réellement en France de la Révolution de 1789. Néanmoins, des peines sévères existaient avant cette époque contre les séquestrations arbitraires et ce que l’on appelait le crime de charte privée. Muyart’de Vouglnns (Luis criminelles) cite un arrêt du conseil de 1608 portant contre ce crime la peine de mort. L’ordonnance criminelle de 1070 avait toutefois notablement atténué cette pénalité. D’après les dispositions de cette ordonnance, l’officier public, coupable d’avoir fait exécuter une arrestation et une détention illégales, encourait seulement la destitution de sa charge et la condamnation à une amende de 1,000 livres, ainsi qu’à des dommages-intérêts vis-à-vis de la partie injustement détenue. Quant aux séquestra-I tions ou crimes de charte privée commis par ] de simples particuliers, ils étaient, suivant MM. Chauvenu et Ilélie, passib.es de peines arbitraires, c’est-à-dire d’une pénalité dont 1 les juges ne demandaient la mesure qu’à leurconscience, et proportionnaient la rigueur uu caractère plus ou moins criminel des faits. Quoi qu’il eii soit, ce système répressif manquait d’unité et de cohérence, et la liberté individuelle était réellement dépourvue de toute protection sérieuse, Sous un régime qui ) autorisait l’usage des lettres de cachet et où ’ les grands et les puissants trouvaient avec la justice tant et de si faciles ne. oinmodements. L’Assemblée constituante abolit les lettres dé cachet, et, dans la constitution qu’elle donna au pays te 3 septembre l-ol, elle inscrivit le-principe désormais impérissable, ’ quoique transitoirement méconnu et Souvent violé depuis, que nul ne peut être arrêté et détenu que dans les cas prévus par la loi et en observant les formes prolectrices qu’elle a prescrites. Dans les temps de troubles qui suivirent la proclamation ne ce principe, la liberté individuelle ne fut ma, heureusement pas toujours respectée et il était difficile qu’elle le fut. Les actes législatifs du premier Empire, actes d’ailleurs impuissants a refréner les entreprises arbitraires du gouvernement, consistent principalement dans les dispositions du code pénal de lSlu relatives aux arrestations illégales et aux séquesirations arbitraires. Ces dispositions répressives, remaniées sur quelques points en 1832, subsis tent encore dans leur économie générale. On leur fait le reproche mérité de punir nvee moins de rigueur les attentats à la liberté lorsqu’ils sont commis par lès fonctionnaire* publics que lorsqu’ils le sont par de simples particuliers. Ou reviendra tout à l’heure, avec quelques détails, sur ces dispositions pénalesaprès avoir achevé d’esquisser le mouvement historique de la législation sur cette matière. La charte de îsu, dans sou article 4, consacra le principe de la liberté individuelle dana des termes à peu près idemiques à ceux de lit constitution du 3 septembre 1791.

Le principe eut de fréquentes éclipses sous le régime de la charte de 1814. Une première