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pouvoir rotatoire est de — 25 à 15°, devient moitié moindre à 52°, s’annule à 90° et change de signe au-dessus de cette température.

Au-dessus de 100°, la lévulose commence à s’altérer en donnant les mêmes produits de décomposition que la glucose ; elle forme avec la chaux un composé insoluble, dont la formule est (C6rD206,2(CaO)3.

La lévulose s’altère plus facilement que la glucose sous l’influence des acides et de la chaleur ; mais elle résiste mieux à l’action des ferments et des alcalis. Nous avons vu qu’on uiilise sa résistance a l’action des ferments, pour l’extraire de ses mélanges avec la glucose.

LEVURE s. f. Ce-vû-re — rad. tajer). Substance qui monte à la surface du moût de bière, pendant la fermentation, ou qui est propre a déterminer la fermentation alcoolique des corps qui contiennent un principe sucré : Pour être de bonne qualité, là levure ordinaire doit développer une odeur aromatique légère de houblon. (Payen,)

— Blas. Quartier de l’écu du côté dextre, vers le chef, lorsqu’il est d’un autre émail que le reste de l’écu. Il On dit plus ordinairement franc QUARTIER.

— Art culin. Ce qu’on retire de dessus et de dessous le lard à larder : Des levures de lard.

— Pêche. Demi-mailles par lesquelles on commence un filet.

— Encycl. Pendant la fermentation du moût de bière, la levure est entraînée par le gaz acide carbonique à là superficie du liquide et dégorge par une large bonde inclinée, pratiquée à cet effet. Elle est reçue dans de petits baquets, au fond desquels elle se dépose en partie ; on décante avec quelques précautions la plus grande partie du liquide clair, puis on la délave dans ce qui reste, et l’on verse l’espèce de bouillie ou d’écume qu’elle forme alors sur un filtre en toile nommé carrelet. Elle s’égoutte spontanément et devient vite très-épaisse ; on la met dans de doubles sacs de toile, qui doivent remplir l’office de nouveaux filtres plus lins et plus serrés que les premiers. On lie fortement l’ouverture de ces sacs, puis on les place sur le plateau d’une presse dont’ on leur fait subir l’action. La pression à laquelle on les soumet est graduée de façon à en faire sortir, la plus grande quantité possible. Ce liquide, joint à celui qui a été obtenu par la première filtration et au moût décanté, est réuni à la masse de bière fermentes dans la cuve guilloire et prête à être mise en tonne. La levure qui est demeurée dans les sacs en est extraite pour être vendue aux levûriers, marchands qui font le commerce de la levure. Ceux-ci la divisent en mottes arrondies pesant’ 500 ou 250 grammes.

La levure ainsi préparée active énergiquement la fermentation et tend à dégager le gaz acide carbonique des matières végétales ; elle est, pour cette raison, employée par les boulangers et les brasseurs, et aussi par les distillateurs, à cause de la propriété qu’elle a de produire l’alcool dans les solutions de sucre. Les boulangers se servent rarement de la levure pure, si ce n’est pour les pâtes excessivement légères, telles que celle des pains à café.

Dans les endroits où l’on’ne brasse point de bière, on est forcé de se procurer de la levure dans des pays parfois assez éloignés, et souvent, même dans les lieux où sont établies des brasseries, lorsque viennent les saisons où l’on ne brasse que par petites quantités, la levure se trouve être insuffisante à la consommation. Ainsi à Paris, où la production de la bière, considérable en été, diminue d’une façon très-notuble en hiver, la levure, plus nécessaire encore en hiver qu’en été, l’ait défaut a la boulangerie et à la pâtisserie parisiennes, qui en consomment une très-grande quantité. Il faut alors avoir recours aux brasseries flamandes, dont la production est toujours suffisamment abondante ; mais le transport fait perdre à la levure quelque peu de ses propriétés.

Le besoin incessant de cette substance, d’un emploi pour ainsi dire journalier, a fait songer à ckorchsr les moyens de la conserver. Plusieurs procédés ont été essayés dans ce but, et seule, jusqu’à présent, la dessiccation a présenté quelques avantages. On a essayé d’abord de dessécher la levure en l’étendant en bouillie sur des baguettes disposées par étages et isolées les unes des autres, qu’on plaçait dans une étuve à’ courant d’air sec. On détachait ensuite la levure desséchée en frappant les baguettes l’une contre l’autre, ce qui la faisait tomber par écailles légères et fines. Enfin, ou introduisait la leuûre sèche, ainsi ’ recueillie, dans des vases bien clos et très-secs. Ce procédé présente, exécuté en grand, d’assez sérieux inconvénients. Un second consiste à recueillir la tevàre toute fraiche ; après lui’avoir fait subir Un lavage réitéré à l’eau claire et une décantation, on la laisse égoutter sur un drap a liitrer, puis on la soumet à une forte pression. Elle devient alors dure, cassante, facile k briser par petits fragments. Ainsi divisée, on la mélange à une fois son poids de charbon animal en poudre fine, préparé récemment et broyé à chaud. Cette substance absorbe une partie de l’humidité que la levure peut encore contenir, et celle-ci, rendue plus friable par ce mélange, est réduite aisément en poudre fine. Ou l’étend alors eii couche très-mince

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sur des plaques qu’on place dans une étuve h, courant d’air sec, et, au bout de quelque temps, la dessiccation est complète. On verse ensuite cette levure en poudre dans des flacons, où elle conserve pendant longtemps une grande énergie. Enfin, un troisième procédé, assez semblable au second, consiste à placer la levure, bien égouttée, en couche mince, sur des tablettes de plâtre qui en absorbent l’humidité ; on range ces tablettes, disposées en rayons, dans une étuve à courant d’air sec ; on les retire pour réduire en poudre la levure déjà, desséchée, et l’on recommence pour cette poudre la première

opération, afin d’obtenir une dessiccation complète ; on retire de nouveau la levure en-poudre de l’étuve pour l’enfermer hermétiquement dans des flacons, comme dans le second procédé.

La levure chauffée à la chaleur de l’eau bouillante perd ses qualités utiles ; chauffée à une température pius élevée, elle se décompose et donne tous les produits de la calcination des substances animales.

Le raisin pressé et plusieurs autres fruits déposent, après leur fermentation, une substance considérée comme identique avec la levure, et qui a, comme elle, la propriété d’activer la fermentation, quoique d’une façon sensiblement moins énergique,

La levure est constituée : par de. la bière très-chargée d’acide carbonique ; par des amas do 1 algue du ferment, dite aussi champignon du ferment ; par de l’amidon et un peu d’hordéine.

LEVÛRIER s. m, (le-vû-riê — rad. levure). Marchand de levure de bière.

LÉYY (A.), mathématicien, né à Paris en 1794, mort dans la même ville en 1841. Il entra en 1812 à l’École normale, où il devint répétiteur de mathématiques en 1814. Comme il appartenait à la religion juive, il perdit sa place sous la Restauration et passa en Angleterre. Là il se lia avec D. Brewster et Wollaston, collabera à VEncyclopédie britannique et fut chargé de dresser le catalogue de plusieurs cabinets de minéralogie. Par la 1 suite, il devint professeur de mathématiques à l’université de Liège et membre de l’Académie des sciences de Bruxelles. De retour en France après la révolution de 1830, Lévy fut nommé professeur au collège Charlemagne et maître de conférences à l’École normale. On lui doit un certain nombre de mémoires, entre autres : De différentes propriétés des surfaces de second ordre ; Sur une nouvelle manière de mesurer la pesanteur spécifique des corpsj Sur quelques propriétés des systèmes de forces.

LÉVY (Michel), médecin français, né à Strasbourg en 1809, mort en 1872. Il fit ses études médicales à Montpellier, prit part, comme chirurgien sous-aide, à la campagne de Morée, assista au siège d’Anvers, et passa son doctorat à Montpellier en 1834. Cette même année, il devenait chirurgien de première classe et était nommé, en 1836, a la suite d’un concours, médecin principal du Val-de-Grâce. Successivement ensuite major de première classe (1841), major principal (1849), inspecteur (1852), médecin en chef de l’aimée d’Orient (1854), il fut mis, à son retour, à la tête de l’École de médecine et de chirurgie militaires, et nommé membre du conseil de santé des armées. Depuis 1850, il faisait partie de l’Académie de médecine. Le docteur Lévy était un praticien éclairé et un professeur plein de zèle. Outre des articles dans la Gazelle médicale, des Discours prononcés au Val-de-Grâce, les Éloges de Broussais (1839), de Larrey, etc., on lui doit : De l’empyème (1834), thèse ; Traité d’hygiène publique et privée (1843-1845, 2 vol. in-8°), plusieurs fois réédité ; Mémoire sur la rougeole des adultes (1847) ; Histoire de la méningite cérébro-spinale (1850, in-8°) ; Rapport sur le traitement de la gale (1852, in-8°) ; Notes sur les hôpitauxbaraques du Luxembourg (1871, in-8°), etc.

LÉVY (Michel), fondateur de l’importante maison de librairie Michel Lévy frères et le plus jeune des frères Lévy, né à Phalsbourg (Meurihe) en 1821. A l’âge de quinze ans, Michel Lévy ouvrit seul, rue Marie-Stuurt, à Paris, un cabinet de lecture et une librairie théâtrale. En 1842, il transporta son établissement passage du Grand-Cerf et commença à éditer quelques pièces de théâtre. Trois ans après, il prit pour associés deux de ses frères, Calmann et Nathan, Outre des œuvres dramatiques, il édita alors des romans de Louis Reybaud, de Jules Sandeau, de Mme Reybaud, etc., et installa, rue Vivienne, une petite succursale de son magasin du passage du . Grand-Cerf. Grâce à son habile direction, sa librairie prit bientôt une extension considérable. On le vit alors éditer un grand nombre

! d’ouvrages d’actualité, des volumes et des

brochures politiques nés de la révolution da | 1848, et prendre la direction du journal

! VEnlr’acte, sorte de moniteur officiel des

| théâtres, qui est resté sa propriété. Dès 1850, | en ^compagnie de son frère Calmann, le troisième frère s’étani^retiré, Michel Lévy devint l’éditeur de presque toutes les célébrités contemporaines : Guizot, Lamartine, de Tocqueville, Villeinain, Cousin, Chateaubriand, Victor Hugo, Lamennais, Balzac, George Sand, Alfred de Vigny, Augustin Thierry, Sainte-Beuve, Renan, Henri Heine, Augier, de Rémusat, Stendhal, Gautier, Emile de

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Girardin, Scribe, Gozlan, Murger, Beulé, Ampère, Jules Janin, Baudelaire, etc.

M. Michel Lévy, qui avait déjà fait paraître la Bibliothèque dramatique (in-18) et le Théâtre contemporain illustré (in-4<>), a édité plusieurs recueils pittoresques : VUnivers illustré, le Journal du dimanche, le Journal du jeudi, etc., et plusieurs collections estimées : les Bons romans, la Bibliothèque contemporaine (in-18, ’ à 3 fr.), le Musée littéraire contemporain (in-4°, à 0 fr. 20) et la Collection Michel Lévy (in-18, à 1 fr.). Cette dernière collection a eu un succès énorme. Par son bon marché, elle a écrasé la contrefaçon belge, et ses volumes, établis dans les meilleures conditions de prix et de correction de texte, ont une vogue extrême non-seulement en France, mais encore à l’étranger. En 1861, MM. Lévy ont acquis le-fonds de la Librairie nouvelle, qui depuis lors est leur succursale pour la vente au détail. Aujourd’hui la maison principale est établie rue Auber, et forme un des plus beaux et des plus vastes magasins de librairie de l’Europe.

Au mois de janvier 1873, M. Michel Lévy, qui tient une place si importante dans la librairie contemporaine, a, sur la proposition du ministre de l’instruction publique, été décoré de la Légion d’honneur.

LÉVY (Emile), peintre, né à Paris en 1826. Élève de Picot, dAbel de Pujolet de l’École des beaux-arts, il remporta le grand prix de Rome en 1854. Pendant son séjour en Italie, M. Lévy fit plusieurs envois importants. Dès 1855 paraissait à l’Exposition universelle Noé maudissant Chanaan, tableau bien composé et bien dessiné, qui fut acheté par l’État. Depuis lors, cet artiste s’est avantageusement fait connaître par des œuvres qui attestent" un style élevé et de remarquables qualités de peintre. Nous citerons notamment le Souper libre ou Bepas des martyrs (1859) ; Buth et Noémi (1859) ; la Rentrée des foins (1361) ; Vercingétorix se rendant à César ; la Messe aux champs ; Vénus ceignant sa ceinture (1863) ; Idylle (1864) ; Diane (1S65) ; la Mort d’Orphée (1866) ; 'Arc-en-ciel ; les Litas (186S) ; la Musique ; 1Hésitation (1869) ; le Christ au tombeau (1873), etc. M. Lévy a obtenu une médaille à l’Exposition universelle de 1867 et la croix de la Légion d’honneur.

. LEVY (Maria-Jordao), écrivain portugais, né à Lisbonne en 1831. Reçu docteur en droit en 1853, il a suivi la carrière du barreau, est devenu avocat à la cour de cassation dans’sa ville natale et a consacré ses loisirs à la composition d’ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Ensaio sobre a historia do direito romano (Coïmbre, 1850) ; Commenlario ao codigo pénal portuguez (Lisbonne, 1853-1854, 4 vol. in-4») ; Corpus inscriptionum romanarum lusitanum (Lisbonne, 1858, 2 vol. in-fol.), etc.

LÉVYNE s. f. (lé-vi-ne). Miner. Silicate hydraté de calcium et d’aluminium.

— Encycl. La lévyne cristallise en rhomboèdres tronqués sur leur face basique. Les cristaux sont souvent striés. Leur dureté = 4-4,5, leurdensité =2,09-2,16. Leur éclat est vitreux. Ils sont incolores, blancs, rougeâtres ou jaunâtres, transparents ou translucides. Au chalumeau, ils fondent en un globule opaque et vitreux. Pulvérisée, la lévyne se dissout dang les acides sans donner de précipité gélatineux.

Berzélius, après avoir analysé la lévyne, avait été conduit à lui attribuer la formule de la chabasite. Les analyses de Damour, qui renferment moins de silice, conduisent à la formule

Ca"O.Az203.3SiOï + 4H«0

ou

(Ca"Az2H*)Si30^.2HS0

qui est la formule d’un orthosilicate.

LEWALD (Jean-Charles-Aui ; uste), écrivain allemand, né à Iiœnigsberg (Prusse) en 1792. Placé d’abord dans une maison de commerce, il la quitta peu après pour prendre du service dans l’armée russe, fit les campagnes de L813 à 1815, devint directeur du secrétariat au quartier général, puisifut chargé de la direction des hôpitaux russes en Allemagne. Lewald voyagea ensuite dans plusieurs contrées de l’Europe et se lia, à Breslau, en 1817, avec MM. Shall et Holtei, qui collaborèrent à son drame intitulé le Grand-père. En 1818, on le retrouve acteur à Brunn, puis il fut successivement, jusqu’en 1827, directeur des théâtres de Brùnn, de Munich, de Nuremberg, de Bamberg et de Hambourg. En 1831, il vint à Paris pour y obtenir un privilège de théâtre, mais bientôt il renonça à ce projet et parcourut pendant deux ans l’Italie. De retour en Allemagne vers 1834, il alla s’établir à Stuttgard, où il fonda, en 1835, un journal qu’il dirigea pendant douze ans environ, sous le titre de l’Europe, chronique du monde civilisé. Lors des événements politiques de 1848, M. Lewald se fit remarquer, au milieu de l’enthousiasme général, par une modération raisonnée qui le tint également éloigné du parti révolutionnaire extrême et du parti de la réaction. En 1850, il devint un des rédacteurs politiques de la Chronique allemande, organe des conservateurs, en même temps qu’il était nommé régisseur du théâtre Royal. Parmi ses ouvrages, nous mentionnerons des Nouvelles (Hambourg, 1831-1S35) ; le Tyrol, depuis le lac de Garde jusqu’à celui de Constance (Munich, 1835) ; Mémoires d’un banquier (1836, 2 vol.) ; Aquarelles de la vie (Manheim, 1836-1837) ; Esquisses (1836) ; le

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Divan, recueil de nouvelles (1839, 3 v-ol.) ; ï’Insurgé, roman (1865) ; enfin des traductions et de nombreux essais de critique littéraire ou artistique. Ses Œuvres complètes ont été publiées en 12 volumes, de 1844 à 1845.

LEWALD (Fanny), femme auteur et romancière allemande, parente du précédent, née à Kœnigsberg le 24 mars 1811, d’une famille de commerçants juifs considérés. Son père était un pur rationaliste ; avec une logique assez peu commune, il décida que ses enfants feraient eux-mêmes choix de leur religion lorsqu’ils auraient atteint l’âge de raison. En attendant, il s’attacha à affermir en eux le sentiment du respect et du devoir et leur fit donner une éducation très-complète, A seize ans, la jeune Fanny était citée dans son entourage comme une vraie fleur de science. Elle le rappelle volontiers ; c’est la seule coquetterie qui perce dans ses mémoires ; elle est assez originale pour qu’on la constate. Elle avait lu Kant, admirait Heine et pensait déjà fort librement sur toutes choses. Par une sinfulière surprise de l’imagination, elle s’épritun jeune candidat en théologie, orthodoxe et fort ennemi des frivolités mondaines ; elle rêva la paroisse du vicaire de Wakefield et adopta la religion protestante, sans toutefois parvenir a la foi.

Sur ces entrefaites, le candidat en théologie devint malade et mourut. Fanny le pleura, mais sa raison se remit en équilibre. Tel fut son premier roman. Le second allait suivre bientôt ; il devait être plus sérieux et exercer sur sa vie une action décisive. Le héros en fut son cousin Henri Simon. Cet homme politique, dont l’existence et la fin tragique sont entourées en Allemagne d’un reflet romanesque, eut !a rare fortune d’émouvoir à peu près en même temps et de jeter dans la carrière des lettres les deux femmes auteurs les plus célèbres de son pays, la comtesse Hahn et Fanny Lewald. Lorsque Fanny le rencontra, il avait vingt-sept ans et sortait de la forteresse de Glogau, où il avait été renfermé à la suite d’un duel. Il lui apparut comme un héros de Byron ; elle l’admirait et le plaignait^ et l’amour se prit à renaître dans son cœur. Cependant Fanny ne pouvait savoir si son cousin l’aimait. Les lettres qu’il lui écrivait étaient celles d’un parent, d’un ami ; nulle part la tendresse d’un cœur épris ne s’y trahissait. Néanmoins elle l’attendit, et pendant des années elle vécut balancée entre le doute et l’espérance. Elle refusait tous les partis qui lui étaient présentés, ’et, pour échapper aux obsessions de sa famille, elle rêva un instant de se faire institutrice. Elle ne trouvait de consolation que dans la lecture des lettres de Rahel Levin, qui eurent uns grande influence sur son développement ultérieur. Sur ces entrefaites, les lettres de son cousin se ralentirent et devinrent plus froides. Quelque chose de mystérieux seinblait entourer sa conduite. Cédant.à l’anxiété, Fanny lui écrivit en exigeant une réponse catégorique. Cette réponse vint et ce fut’ un arrêt pour Fanny. Simon avait rencontré la comtesse Hahn, il l’avait aimée, il avait touché son cœur ; et pourtant ils étaient forcés de se séparer, arrachés l’un à l’autre par leurs convictions politiques : Simon était un républicain, la comtesse une aristocrate décidée. Fanny se roidit contre le malheur et tenta d’abord de continuer la correspondance ; puis elle pria Simon de brûler leurs lettres : elle se. sentait comme enchaînée et voulait se délivrer. À cette époque, Fanny avait passé la première jeunesse ; elle ne pouvait compter sur une fortune suffisante pour le jour où son père lui manquerait. Cédant à une secrète passion d’indépendance, qui depuis longtemps germait en elle, elle désirait de plus en plus se créer une situation personnelle. Elle songeait à écrire ; le succès de quelques petits essais, les encouragements de son parent le littérateur Auguste Lewald la déterminèrent à suivre la carrière des lettres. Elle se rendit à Berlin, où, après avoir vécu quelque temps dans le travail et la solitude, elle ne tarda pas a se faire des relations et à conquérir une situation distinguée. L’étude da Spinoza acheva de fixer sou esprit en donnant à ses convictions philosophiques une assise définitive. À partir de cette époque, Fanny Lewald retrouva le calme qu’elle avait perdu. Elle assure, dans ses mémoires, qu’elle ne.regrette rien de son passé. « J’ai trouvé le bonheur, dit-elle, dans la maison silencieuse, pleine d’amour et de pain, au foyer chéri. » Elle a épousé, en 1854, M. Adolphe Stahr, critique berlinois fort distingué, et elle a fait plusieurs voyages en France, en Italie et en Allemagne. Ainsi qu’elle nous l’apprend, elle n’a pas écrit par vide de cœur, pour amuser des femmes stupides... « Elle a voulu être en harmonie avec elle-même et ne rien enseigner que sa vie ne pût justifier. > Sous ce rapport, elle a pleinement atteint son but. Ses romans ne sont qu’un commentaire en action de l’histoire de sa vie ; ils en ont l’es défauts. Elle raconte avec précision et décrit avec exactitude. Elle est douée au plus haut degré de cette faculté que le physiologiste Mùller appelle la plasticité do l’imagination, et qui fait que les objets extérieurs se classent et se gravent dans l’esprit sous leur forme réelle et dans leur ordre logique. Il y a de la clarié, mais la chaleur manque ; aussi les descriptions et récits de voyage de Fanny Lewald sont-ils supérieurs à ses œuvres d’i-