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telle. En dédiant son livre aux daines, l’auteur s’est imposé la tâche de vulgariser autant que possible tous les détails de son sujet. C’est donc moins une discussion approfondie qu’il offre à ses lectrices, qu’une conversation lé fère et agréable. Le mélange de la prose et es vers ; quelques applications heureuses de3 principes de la science ; des réflexions renfermant un sentiment délicat ; des portraits, des tableaux, des descriptions, des épisodes historiques dissimulent l’aridité de la science. La frivolité de l’ouvrage n’est qu’apparente ; ces ornements n’otent rien à la. valeur du fond. L’auteur a bravé l’axiome latin :

Ornari tes ipsa négal ; contenta docere. Dans les éditions successives, Aimé Martin a suivi les progrès de la science et du’goût. D’édition en édition, il a perfectionné son ouvrage : il a donné plus de développement a certaines parties essentielles du sujet, et il a fait disparaître ce ton de galanterie fade, imité de Demoustier, qui était encore à la mode sous l’Empire.

Malgré toutes ces corrections, le livre n’est plus aujourd’hui au courant des progrès de la science ; celle-ci marche trop vite et se transforme trop souvent pour qu’un ouvrage de cette sorte soit longtemps à peu près complet. En outre, on est un peu revenu de cette manie qu’avaient nos pères de vouloir rendre la science amusante.

Lettre* ■up l’Amérique du Nord, par

M. Michel Chevalier (1836, 2 vol. in-8°). Envoyé dans l’Amérique du Nord avec mission d’y étudier lès travaux publics, et en particulier les chemins de fer, M. Michel Chevalier explora les États-Unis deux années durant, de 1834 à 1836. C’est le fruit de ses études qu’il a recueilli dans ces Lettres. Bien que désabusé du saint-simonisme, le voyageur croyait encore à la possibilité de réaliser un jour l’émancipation des classes pauvres. Aussi, pénétré de ce sentiment généreux, éprouva-t-il une émotion, une contiance, un contentement que ses Lettres inspirent à leur tour, à la vue du spectacle merveilleux que lui présentaient les États-Unis. Comment ne pas partager sa surprise et soii espoir I D’un côté, l’ancien monde, accablé de misèré et de corruption, oubliant ou incapable de guérir les plaies sociales, et ne sachant donner du pain, un vêtement et un abri à qui veut vivre en travaillant. De l’autre côté de l’Atlantique, le nouveau monde, un monde où

tout est nouveau. Ce qui le frappa, ce fut l’aspect de l’aisance universelle. En se promenant dans les rues de New-York, l’observateur se demande s’il n’est pas arrivé h une époque de vacances, si tous les jours seraient des dimanches dans ce pays, dont la population lui semble tous les jours endimanchée. Point de visages flétris ; rien dans les carrefours qui trahisse la dégradation et l’infamie de l’homme ou de la femme. « Tout homme était chaudement enveloppé dans son surtout, toute femme avait son manteau et son chapeau au dernier goût de Paris. » Mais cette prospérité esc peut être superficielle. Les investigations scientifiques confirmerontelles ce premier jugement ? Oui, et au delà de toute attente. Daiis les grands centres d’activité, les progrès en tout genre tiennent du prodige. En un demi-siècle, New-York a vu Sii population décupler et ses richesses centupler. En quinze années, l’Union américaine a sillonné son vaste territoire de canaux et de chemins de fer dans toutes les directions, de l’Atlantique aux prairies de l’Ouest, de la vallée du Mississipi à celle du Saint-Laurent, le long de l’Océan, dans le rayonnement des métropoles, autour des diverses exploitations. La marine à vapeur de Cette nation née d’hier représente trois fois plus de bâtiments que n’en possède la France, et quatre fois plus si de la- marine de cette dernière on décompte les bâtiments de l’État. C’est que « la république des États-Unis n’est pas une seconde édition de la république romaine.-C’est une colossale maison de commerce qui tient une ferme à céréales dans le Nord-Ouest ; une ferme à coton, h riz et à tabac dans le Sud ; qui possède des sucreries, des ateliers de salaisons et de beaux commencements de manufactures ; qui a ses ports du Nord-Ouest garnis d’excellents navires, bien construits et mieux montés encore, avec lesquels elle entreprend les transports pour, le compte de tout l’univers et spécule sur tes besoins de tous les peuples, t Un mouvement perpétuel agite la population de cette contrée cinq ou six fois grande comme la France. L’intérêt individuel est le moteur de cette fourmilière laborieuse. Pour tous, la besogne abonde, et.de la besogne largement rétribuée ; rien donc n’y est plus aisé que de vivre en travaillant, et de fort bien vivre. Les objets de première nécessité, pain, vin, viande, sucre, thé, café, çhàulfuge sont à plus bas prix qu’en France^ en raison de la modicité des impôts, et les salaires y sont doubles ou triples, sans préjudice d’une nourriture succulente et copieuse ; aussi n’y a-t-il pas de pauvres dans les États-Unis, du moins dans ceux où l’esclavage n’a pas accès. Or, cette prospérité est singulièrement profitable à la femme. Depuis l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’à celle du Mississipi, on chercherait en vain une de ces louves, qui n’ont plus aucune qualité de la femme. « Affranchie d’occupations incompatibles avec sa constitution délicate, la fe" ?me a été affran LETT

chie aussi de cette repoussante laideur et de cette grossièreté de complexion que la pauvreté et la fatigue lui infligent portout ailleurs. Toute femme a les traits aussi bien que la mise d’une dame. Toute femme ici est qualifiée de tady et s’efforce de paraître telle. » La prospérité phénoménale de ce pays a eu pour causes, selon M. Michel Chevalier, l’activité infatigable des Américains et leur production illimitée, la célérité et l’économie établies dans les rapports commerciaux par les innombrables moyens de

transport, la puissance du crédit appliquée à toutes les espèces de transactions, enfin une habitude d’éducation qui prépare les citoyens, depuis le plus riche jusqu’àu prolétaire, à l’exercice d’une industrie profitable. C’est, en effet, à l’éducation pratique que reçoivent les Anglo-Américains, à cette éducation populaire si admirablement organisée, sans fonctionnaires publics et sans congrégations, c’est à la complète liberté dont ils jouissent, qu’ils doivent attribuer la merveilleuse prospérité de leurs affaires., .j.. r

Ce livre est excellent, dans l’exposition des faits comme dans la recherche des causes ; il indique la voie que doivent suivre les vieilles nations européennes, si elles veulent se régénérer. ".... !.’

Lettres d’un •»oyacour, par George Sand (1837). Première excursion de l’auteur dans la métaphysique, la philosophie et l’a p’oliiique, ces Lettres sont encore empreintes dé toute la poésie d’/iidt’uiia et’de Vulentiiie. Elles sorit curieuses au point’de vue autobiographique, en ce qu’elles touchent quelques points de la vie intime de George Sand et reflètent l’influence que prenaient sur elle ses amis, qui sont, dans ces-Lettres, ses ebrrespondants : Alfred de Musset, Gustave

Planche, Michel (de Bourges), Pierre Le ? roux. On y rencontre de fines analyses de sensations et-de pittoresques effets de paysàr ges. Ce qu’il y a de singulier, c’est l’expression de la lutte, de la révolte de l’auteur contre les idées métaphysiques ou sociales que lui imposent ses amis, et vers lesquelles elle se sent attirée malgré elle. George Sand essaye sans cesse d’y échapper pour se plonger dans l’art pur et la poésie ; mais c’est en vain. » O toi, grande Suisse 1 s’éeriet-elleen retrouvant son âme de poëte devant les merveilles de la iiature, ô vous, belles montagnes, ondes éloquentes, aigles sauvages, chamois des Alpes, lacs de cristal, neiges argentées, .sentiers perdus, sombres supins, rochers terribles I ce ne peut être un mal que d’aller me jeter à genoux, seul et pleurant au milieu de vousl La vertu ni la républiques peuvent défendre à un pauvre artiste, — cha■grin et fatigué, d’aller prendre dans son cerveau le calque de vos* lignes sublimes et le prisme de vos riches couleurs 1 » Il lui faudra néanmoins, pendant de longues années, ts’égorer dans l’étude de questions humanitaires et sociales, trè3-hautes en elles-mêmes et dignes des efforts d’un grand.esprit, mais que l’imagination est impuissante à poser comme à résoudre.

Au point de vue littéraire, les Lettres d’un voyageur renferment nombre de pages d’un mérite réel, celles où le poète, uégagé du philosophe, se laisse aller à ses impressions, à ses rêveries, à ses enthousiasmes. I ! faut citer principalement les trois lettres.sur l’Italie, comme richesse de couleur descriptive ou de narration enjouée ; les lettres, sur le Malgache, un personnage original de ses amis, comme sentiment de la vie intime, de la vie du foyer ; la lettre apologétique sur l’art ; celle sur la Maison déserte, comme élan poétique de l’imagination ; toutes, , enfin, comme vive expression du sentiment da l’amitié, de l’amour et de la nature.

Lotiras parisienne*, par M™e Emile de Giràrdin (1846, 5 vol. in-so). L’élégant vicomte de Launay a réuni sous ce titre les célèbres Courriers de Paris qu’il donnait daiis la Presse, durant une période d’environ douze années. Par ces feuilletons légers, spirituels, M"’» de Giràrdin, sous ce nom devenu bientôt transparent, inaugura la chronique* fjui depuis devait tenir tant de place dans les journaux. C’était alors une nouveauté, èl chacun de ses articles lit sensation à son heure- Aujourd’hui encore, s’ils ont perdu le charme et l’attrait de l’actualité, ils n’en, sont pas moins précieux et intéressants, en ce qu’ils renferment, sous la forme la plus agréable et la plus fine, l’histoire de nos mœurs sous là monarchie de Juillet. Mieux que personne, en effet, Mme de Giràrdin était en position, par la nature de sou esprit et de ses relations, de voir et d’observer, dans ses moindres détails, la société de ce tèmps-là. De Borte que, en se jouant, elle est urnvée du premier coup à la perfection dans le genre le plus difficile peut-être du journalisme : la chronique au jour le jour dès propos de salon, de la littérature, de la musique, du théâtre, des inodes même, et de toutes ces choses graves ou futiles qui composent ce qu’on nomme l’actualité. M. de Lamartine n’hésite pas a appeler les Lettres parisiennes le chef-d’œuvre en prose de M"" de Giràrdin. Il est difficile, en effet, de faire preuve de plus de pénétration, de finesse, de sérieux et en même temps de gaieté dans l’esprit. ■ Moraliste de salon et.journaliste, dit Sainte-Beuve, Mme de Giràrdin a créé un genre qui est à elle et où elle a excellé du

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premier jour. Elle entendit et comprit le génie du temps ; elle se figuraque le beau Ûnnois lui-même, de nos. jours, n’irait plus ; en Syrie, mais qu’il fonderait un journal. El’e se dit que la force, le péril, l’influence étaient là. On n’est pas moins adoré et l’on est plus craint. Elle prit la plume dans son Courrier de Paris et fit la chronique, la police des salons Si on laisse de.côté certains traits

lancés à satiété et sans bonne grâce contre les gens qu’elle a pris en déplaisance, le feuilleton créé par Mme de Giràrdin était piquant, légerj gai, paradoxal et pas toujours faux. En général, il ne faut pas appuyer en. la lisant. La société, parisienne, est observée à fleur de peau ; elle est saisie dans son travers, dans son caprice, d’une saison, d’un seul jour, d’une seule, .dusse qui se dit élégante par.excellence. Ûnft course de chevaux, une chassé, une.mode nouvelle, une chose frivole prise au sérieux, une sérieuse prise au frivole, ce sont là’.ses sujets, ses triomphes ordinaires et faciles ; E|le arrive, elle entre dans son ; sujet| comme dans un salon, ayant d’avance ses partis pris d’être gaie, aimable, " éblouissante, au rebours du. lieu cominun.(je n’ai pas dit du sens commun]), et elle tient sa gageure^ Des mots heureux, imprévus, tout à fait drôles font oublier l’absence du fond ; elle a dii facétieux. On, rit, on est déconcerté, oh oublie un moment, par les finesses’et les saillies dû.détail, .- ce qui souvent est une complète, ..moquerie iOU mystification de la, nature, humaine. Le blanc et |e npjr, le y rai et,1e.faux, eile yous retourne tout cela, et.ee serait.id.u.vrai pédantisme auprès d’elle que des’en préoccuper. L’auteur écrit ces petits feuilletons, si ; légers d’un style des plus nets et les, compose avec un art parfait. ». i

. Lettrés’, d un bon jeûne boninie à «a cousine Mndcieiué, par Edmond Abput (3 séries iri-18’, 1856, 1861, 18G3). La première série, qui a paru dans le Fiijuro (1855-1856), a seule pour nous de la valeur, .précisément] parce quél’auteur l’a* reniée comme un péché de jetihesséS’ét ’qu’il s’est toujours opposé à ce qu’on là-rééditât.’ On dit mêméqu’il a fait disparaître les exemplaires mis en vente qu’il a pu’retrouver, ; le lait est qu’il est presque impossible de s’en procurer un seul aujourd’hui. Edmond Abôut ; exaspéré de son échec au Théâtre-Français, où Guillery avait été outrageusement sifflé, se figura qu’il avait des ennemis. Il entra au Figuro pour les fustiger de la belle manière, et jamais il n’a eu plus de.vè’rve.’plus’de malice spirituelle -et d’impertinence goguenarde que dans ces Lettres, signées d’ubord Valentm de Quévilly, puis vicomte de Quévilly, où il prit à’partie les coteries littéraires, les journalistes en-renom, les directeurs de théâtre, les actrices, les financiers du second Empire, et même un peu les fantoches qui nous gouvernaient : il n’était pas’encore le correspondant intime du sire des Tuileries. Ce qu’il y a de drôle, c’est qu’il’gngrià de là sorte ses cartes’d’hivitatkm aux cohues de Compiègne. À ce moment-la, il ne songeait qu’à taper ferme sur tout ce qui lui barrait le chemin, et ce sont les Lettres qui lui ont valu une place parmi les fines plumes de notre temps, il n’a rien écrit de plus vif et de plus piquant que certains tableaux de mœurs qu’il y expose, sous la couleur d’un honnête provincial étonné de tout ; il y a fait à certains amours-propres des blessures incurables, dans des chapitres de critique qu’il né récrirait plus muiinenuiit. Au point de vue de son renom littéraire, il a donc eu tort de les renier.

Les deux autres séries, parues dans l’Opinion nationale, n’ont pas la même verve. Sous prétexté d’être sérieuses, ces Lettres sontpurfois pleines d’ennui. Ce n’est plus que pur hasard et en traitant des questions insignifiantes que l’auteur retrouve son esprit incisif et ingénieux dans S. méchanceté.

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Lettres à mon frère sur nies croyuuces religieuses, par Matth. Briancourt (faris, Librairie des sciences sociales). L’auteur appartient à l’écote phalanstérienne. Il trouve dans les écrits de Fourier la solution de tous les problèmes philosophiques et religieux agités, à notre épqque. Voici comment il résume ses : croyances : « Je crois en un seul Dieu, toutpuissant, juste et bon, ayant pour corps la lumière, pour membres la totalité des astres ordonnés en séries hiérarchiques. Je crois que Dieu assigne à tous ses membres, grands1 et petits, une fonction à remplir dans Je développement de la vie universelle qui est sa vie, réservant l’intelligence pour ceux de ses membres qu’il s’ussooie dans le gouvernement du monde. Je crois que les êtres intelligents du dernier degré, les humanités, ont pour tâche la gestion des astres qu’ils habitent et sur lesquels ils ont pour mission de faire régner l’ordre, la paix et la justice. Je crois, que les créatures remplissent leurs fonctions en satisfaisant leurs besoins, qué Dieu proportionne exactement aux exigences, des fonctions, et comme, dans sa bouté, il attache le plaisir à. la satisfaction des besoins, je crois que toute créature accomplissant sa tâche est aussi heureuse que le comporte sa nature, et que ses souffrances sont d’autant plus vives qu’elle s’écarte davantage de l’accomplissement de cette tâche. Je crois que l’humanité terrestre aura bientôt acquis les connaissances et le matériel qui lui sont indispensables pour remplir sa haute fonction, et qu’en conséquence le jour du

bonheur général ici-bas ne tardera pas longtemps a se lever. Je crois que l’intelligence des êtres, raisonnables dispose de.deux corps, l’un formé de substances visibles pour nos yeux, l’autre de matières plus subtiles et invisibles nommées arômes. Je crois qu’à ja mort de leur corps visible ces êtres continuent à vivre dans le monde aromul, où ils trouvent ta rémunération exacte de louis œuvres, bonnes ou mauvaises ; puis qu’après un temps plus ou moins long ils reprennent un corps matériel.pour l’abandonner encore à là décomposition, et ainsi de suite. Je crois que les intelligences qui s’agrandissent en remplissant exactement leurs fonctions vont animer des êtres de plus en plus élevés dans la divine hiérarchie, jusqu’à ce qu’elles rentrent, à la fin des temps, dans le sein de Dieu, .d]où elles sont sorties, qu’elles s’unissent à son intelligence et partagent sa vie aromalc. •

Lettres d’Everard, par P. Lanfrey (1859, in-18). Sous la forme d’un roman psychologique, l’auteur a élevé une éloquente protestation contre l’affaissement des intelligences et des mœurs sous !e second Empire. Cette protestation était courageuse à l’heure où elle lut écrite, quand la dynastie des Bonaparte semblait plus affermie que jamais. En apparence, -le héros du livre, Everard, est un mélancolique. À’ttristé delà perte des institutions libres et de la désertion do ceux qu’il croyait plus vaillants, .il résiste, il proteste, mats autour de lui tout le inonde s’abandonne au courant. Au fond, il symbolise la protestation de la France entière asservie et les aspirations de cette ardente et enthousiaste jeunesse, à qui le gouvernement refusait l’action pour laquelle elle est faite, et qu’il condumnait à s’user dans des occupations stériles, dans une inertie dissolvante. Everard se dit qu’il n’a qu’un moyen de s’y soustruire, le suicide. « Le jour où j’aurai conscience de faire en vain appel aux sentiments qui m’inspirent à cette, heure, le jour où je ne me retrouverai plus sous, les ruines de mes convictions et de mon honneur, ce jour-la je nie tuerai ! ■ Ce n’est pas la crainte d’un avilissement personnel qui le conduit à cette résolution suprême, c’est la douleur de l’avilissement, de son jpays. Il en trace un tableau cruel : ici dés petitesses d’esprit amenant de grands malheurs publics ; là toutes les formes de la flatterie devant le triomphe de la force ; l’hypocrisie à l’ordre du jour dans toutes les régions ; partout la médiocrité faisant la loi ; l’individualité vaincue, écrasée. Lassé enfin de. ne pas trouver en France l’occasion d’agir, Everard va chercher la mort eu Italie, dans une conspiration.

En relisant ce livre à distance, bien loin de cet étut réel de la société française qui l’a inspiré, on y trouverait volontiers un peu trop de ce scepticisme byronien, d’où sont —sortis les Manfred et les Lara ; mais au moment où il fu^èerit, il reflétait parfaitement, sous une forme poétique, la résistance intime qu’opposait toute la nouvelle génération aux présomptions et aux incapacités de l’Empire.

Lettres sur l’Angleterre, par Lûttis BlatlC

(1866, 2 vol. in-18). L’éminent historien de la Révolution a réuni sous ce titre en volumo les remarquables lettres qu’il envoyuit de î’ex-il au journal le Temps ; quelques-unes ont paru dans l’Europe et dans i’Jitoile belge. Elles offrent, l’ensemble le.plus intéressant. L’auteur ne se proposait pas de suivre un plan défini à l’avance, d’étudier, par exemple, telle partie de la constitution ou des mœurs anglaises ; il écrivait au jour le jour, relatant l’événement de la semaine, que ce lut un changement de cabinet, une émeute de feuians, un procès judiciaire, ou tout simplement une course de chevaux. La vie anglaise, avec toute son originalité, est donc prise sur le fait par un observateur tel que Louis Blanc. ; de la le peu de liaison des chapitres, niais aussi leur variété. Des faits minimes, des oscillations ministérielles^ de simples menaces d’oscillation se trouvent démesurément grossis : ils n’auraient été que des points imperceptibles pour Louis Blanc historien, ils sont un objet de discussion approfondie pour Louis Blanc journaliste. Il discute, blâme ou loue les affaires d’une nation qui ne reconnaît pas à l’étranger le droit de s’immiscer dans ses querelles intérieures. Les traits de mœurs, les solennités, les réceptions officielles, les fêtes nationales, le Parlement, les questions diplomatiques, le paupérisme, l’éducation, un drawiny room, les élections, l’industrie et ses assises internationales, l’alliance de la France et de la Grande-Bretagne, tels sont les textes ordinaires de ces correspondances. L’auteur passe sans transition d’un débat sur.la constitution anglaise à la fête du lord maire ; de la Chambre des communes au.prêche, et d’un meeting aux plantureusesréjouissances du Christinas ; entre deux portraits politiques se place un portrait de mœurs. Envisagés par un descriptif ou un sceptique, comme Gautier, par exemple, ces divers points de vue ne seraient qu’amusants ; mais avec Louis Blanc l’étude des questions politiques primo tout, et c’est ce qui fait que ces lettres peuvent à la fois être lues avec plaisir et méditées avec fruit. Les éminents hommes d’État do l’Angleterre ont été surtout analysés et jugés par lui avec une grande autorité : Palmerston, Cobden, Russel, lord Derby, Gladstone, Bright tien-