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Sel de plomb C8H«*Ph"0*. C’est un simple précipité blanc.

■*- Sel de magnésium C9Hi*Mg"0» + 31150. 11 est effioroscent et se dépose en croûtes cristallines do sa dissolution dans l’eau chaude.

Sel de manganèse C9H’*Mn"0*. C’est un précipité blanc iusible.

Sel d’argent CW^AgSO*. C’est une poudre blanche.

Sel de strontium C9Hl*Sr0* + !H*0. Il se sépare en croûtes cristallines par l’évaporation de ses solutions chaudes. Desséchées sous un excitateur, ces croûtes perdent la moitié de leur eau et laissent des cristaux granulaires répondant à la formule

C»HHSr"0* + 1120.

LÉPARGYRÉE s. f. (lé-par-ji-ré — du gr. lepas, patelle ; argureios, d argent). Bot. Syn.

de SHKPHERDIE.

LÉPAS s. m. (lé-pass — mot gr. qui signif. rocher nu, parce que ce coquillage s’attache aux rochers ; de lepein, dénuder, dépouiller de son écorce, de la racine sanscrite lup, couper ; allemand luppen, lithuanien luppu, russe lirpliu}. Moll. Nom donné jadis indistinctement a toutes les coquilles patelliformes, telles que les patelles, les crépidules, les calyptrées, etc. || Lepas en bateau, Patelle rustique, il Lêpas fendu, Fissurelle émarginule. Il Lépas fluviatile, Nom vulgaire des coquilles du genre ancyle. Il Lépas de Magellan, Fissurelle peinte, il Lépas en treillis, Fissurelle grecque, n Lépas tuile ou épineux, Patelle granatine.

LÉPASTE s. m. (lé-pa-ste — gr. lepasté ; de lepas, patelle). Espèce de coupe en usage chez les Cirées : Elle attacha avec une cordelle le vase nommé lépaste, qu’elle, fit descendre jusqu’à l’eau sainte et en puisa pour ta faire boire à Polia. (Gér. de Nerv.)

LÉPAULLE (François-Guillaume-Gabriel), peintre français, né à Versailles en 1804. Élève de Hegnault, d’Horace Vernet, de Berlin et de l’École des beaux-arts, il débuta k vingt ans en exposant un tableau représentant l’invention de la lyre, puis visita successivement l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, le nord de l’Afrique et la Turquie. Laborieux à l’excès et doué d’une extrême facilité, M. Lépaulle a produit un grand nombre de tableaux d’histoire ou de genre et de portraits, plus remarquables par l’harmonie de l’ensemble, par la vigueur du coloris que par la science du dessin. Parmi ses œuvres, nous citerons : Intérieur d’appartement Louis A7V(1831), qui lui valut une 2° médaille ; la Coquette (1835) ; Frascatane en habits de fêle ; Vue de Paris (1839) ; Rêveuse italienne (1841) ; Au bal de l’Opéra ; la Mandoline (1842) ; Chacun chez soi (1845) ; Intérieur de harem ; les Odalisques au bain (1846) ; l'Esclave favorite (1S47) ; VIndécision (1852) ; Madeleine ; le liéue d’amour ; Une chasse (1857) ; Chasse à courre (1860) ; lo Pape visitant des prisonniers garibaldiens (1868), etc. Citons encore de lui des toiles représentant des animaux : le Rendez-vous de chasse ; l’Attaque ; l’Accompagnée ; le Hallali ; la Curée ; Steeple-chase ; Chevaux effrayés par un épermer, etc., et des peintures murales exécutées à l’église Saint-Merri à Paris. M. Lépaulle, connu surtout comme peintre de portraits, occupe une place honorable parmi les artistes de second ordre qui cultivent ce genre de peinture. Nous citerons, parmi ses très-nombreuses œuvres en ce genre : les portraits de MM. Rothschild, Frossurd, Cavaignac, Lanjuinais, Montesquiou, Montebello, Rigny, Breteuil, Maison, Las Marismas, Choiseul, Ossuna, Ittfantado, Dupin, Ciceri, Castil - Blase, Ualéoy, Levy Alvarès, Mmo Miolau-Carvatho, VictorEmmanuel, l’amberiick, enfin d’un grand nombre d’acteurs dans leurs principaux rôles. C’est surtout dans ces dernières compositions qu’il a déployé toute la prestesse de son pinceau. Il y est plus k l’aise que dans les toiles où il s’agit de représenter les personnages officiels ou princiers.

LE PAULM1ER DE GRENTEMESNIL (Ju

lien), médecin français, né dans le Cotentin en 1520. mort k Caen en 1588. Il fit ses études médicales à Paris, où il se livra k la pratique de l’art de guérir et professa à la Faculté. Pendant les guerres civiles, comme il était protestant et avait à redouter les persécutions, il se retira dans une maison de

campagne près de Rouen. Pour mettre sa retraite k profit, il s’occupa de rédiger les résultats de ses observations pratiques. Il en fut tiré pour venir à la cour donner des soins à Charles IX, que tourmentaient des insomnies continuelles. Il eut, disent les historiens, le bonheur de le guérir. On sait ce que la France gagna à cette cure, et, quant à Paulmier, ce qu’il en retira de plus positif, ce furent de violentes palpitations de cœur et une profonde hypocondrie, qui lui restèrent depuis les massacres de la Saint-Barthélémy. Il revint à la santé et attribua sa guérison à l’usage du cidi’e. Par reconnaissance pour cette boisson, il en fit une apologie dans laquelle il lui donne une grande prééminence sur le vin : De vino et pomacco iibri duo (Paris, 1588, in-8o). Nous devons à Paulmier : Truite des plaies des pistolets et arquebuses (Paris, 1568, in-8<>) ; De morbis tontagiosis libri septem (Paris, 1578, in-4»).

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LE PAULMIER DE GRENTEMESNIL (Jacques), en latin Paimerins, savant antiquaire et philologue français, fils du précédent, né dans le pays d’Ange en 1587, mort en 1670. Après avoir étudié la philosophie k Sedan, le droit à Orléans et à Paris, il suivit la carrière des armes (1620), combattit pendant sept ans pour l’indépendance de la Hollande, sous les ordres de Guillaume de Nassau, puis alla se fixer k Caen, où il passa le reste de sa vie à cultiver les lettres, et contribua beaucoup à la fondation de l’Académie de cette ville. Nous citerons de lui : Pro Lucano contra Virgilium apologia, écrit dans lequel il cherche à prouver que la Pharsale de Lucain contient des beautés égales à celles de l’Enéide de Virgile ; Exercitationes in optimos auctores grscos (Leyde, 1668, in-4o), ouvrage contenant des explications sur un grand nombre de passages dont le sens véritable avait échappé k la plupart des commentateurs ; Grssae aniiquie descriptio (Leyde, 1678, in-4o), livre posthume qui lui avait coûté vingt ans de travail. On lui doit aussi des vers grecs, latins, italiens et français.-Son neveu, Jacques Le Paulmier, né en 1624, mort en 1702, assista à quarante-huit sièges ou batailles, dont il écrivit la relation.

LEPAUTE (Jean-André), horloger français, né à Thonne-la-Longue, près de Montmédy, en 1709, mort k Saint-Cloua en 1789. On ne sait rien de son enfance, de son éducation, de son apprentissage. Il avait plus de trente ans lorsqu’il vint k Paris, où il ne tarda pas k prendre place en tète des artistes en horlogerie les plus habiles et les plus instruits. On lui doit la plupart des horloges qui décorent les édifices publics de la capitale : celle du Luxembourg, qui est horizontale, celles des Tuileries, du Palais-Royal, du Jardin des plantes, du château de Bellevue, du château des Ternes, etc., et des pendules d’une précision jusqu’alors inconnue, pour la plupart des observatoires de l’Europe. On cite, parmi ses inventions ou perfectionnements : Pendule entretenue en mouvement par un courant d’air ; Pendule à ine seule roue ; Pendule sans roue de mouvement ; Pendule à une roue, avec sonnerie sans rouages ; Echappement à chevilles, etc., etc.

Lepaute était logé au palais du Luxembourg, où Lalande avait alors son observatoire. Une amitié durable s’établit entre l’astronome et l’artiste, au grand profit de la science et de l’horlogerie. Sur la fin de sa vie, accablé d’in ri imités, Lepaute faisait de fréquents séjours k Saint-Cloud. Il a laissé : Traité d’horlogerie contenant tout ce qui est nécessaire pour bien connaître et bien régler les montres, etc. (Paris, 1755, in-4o), avec 17 planches. La préface de cet ouvrage contient une intéressante histoire de l’horlogerie ; Supplément au traité d’horlogerie (Parts, 1760), auquel Lalande a largement contribué, et enfin Description ■ de plusieurs ouvrages d’horlogerie (Paris, 1764, in-12).

. LEPAUTE (Nicole-Reine-Etable DE Labrièri-’, daine), mathématicienne française, femme du précédent, née k Paris le 5 janvier 1723, morte à Saint-Cloud le 6 décembre 1788. Toute jeune, elle étudia les sciences mathématiques, pour lesquelles elle avait des dispositions peu communes. A l’âge de vingt-cinq ans, elle épousa Lepaute et sut ajouter un nouveau lustre k un nom déjà célèbre. Elle s’associa dès lors aux travaux du célèbre horloger-mécanicien. Le Traité d’horlogerie (in-4"), qu’il publia en 1755, est en grande partie l’œuvre de sa femme. En 1757, elle concourut avec Clairaut et Lalande au travail entrepris par ces deux astronomes pour calculer l’attraction de Jupiter et de Saturne sur la comète prédite par Halley, afin de connaître exactement 1 époque de son retour. « Au mois de juin, dit Lalande, j’engageai Clairaut à appliquer sa solution du problème des trois corps à la comète qu’on attendait et k calculer l’attraction de Jupiter et de Saturne sur la comète, pour avoir exactement son retour. Mmo Lepaute nous fut d’un si grand secours que nous n’aurions point osé, sans elle, entreprendre cet énorme travail, où il fallait calculer pour tous les degrés et pour cent cinquante ans les distances et les forces de chacune des deux planètes par rapport à la comète. Je lui ai rendu justice k cet égard dans ma Théorie des comètes.-» — «11 fallait, dit d’un autre côté M. Babinet, avec les formules mathématiques perfectionnées, calculer exactement l’époque de ce retour. Clairaut entreprit et accomplit en maître la partie algébrique du problème ; mais il restait la tâcha immense de calculer numériquement les formules. Deux calculateurs eurent ce courage : c’étaient l’astronome Lalande et Mme Hortense Lepaute, qui, par parenthèse, a donné son nom & l’hortensia, rapporté des Indes par l’astronome Legentil. Pendant six mois, prenant k peine le temps de manger, les deux calculateurs mirent en nombres les formules algébriques de Clairaut, et, au mois de novembre 1758, celui-ci annonça publiquement le retour de la comète pour les premiers mois de l’année suivante. •

Nous avons rapporté ces paroles de M. Babinet, parce qu’elles viennent à l’appui de i’opinion^d’un certain nombre de biographes, qui ajoutent aux prénoms de M’"e Lepaute celui d’Hortense ; mais ce doit être une erreur. Ce n’est pas l’astronome Legentil, c’est le natura LEPA

liste Commerson, qui rapporta en France la rose du Japon ; ami particulier de Lepaute, il donna k cette fleur le nom de Lepaulia, et de Jussieu, qui la naturalisa et la classa plus tard, changea ce nom en celui plus harmonieux d’hortensia. On en a conclu que Mme Lepaute, k qui la rose du Japon était dédiée, portait le prénom d’Hortense ; mais il n’en est rien, et ce changement de nom a été une injustice, consacrée aujourd’hui par le temps.

De 1754 k 1759, Mme Lepaute travailla assidûment k la Connaissance des temps, ouvrage que l’Académie des sciences publiait chaque année pour l’usage des "astronomes et des navigateurs. À propos de l’éclipsé prédite pour le ier avril 1764, elle dressa une carte où est tracée la marche de cette éclipse, de quart d’heure en quart d’heure, et ses différentes phases pour tous les pays de l’Europe ; Ce travail l’amena à sentir l’avantage d une table des angles parallactiques, et elle en fit une très-étendue, qui parut dans la Connaissance des temps de 1763 et dans le livre intitulé : Exposition du calcul astronomigue. On a encore de cette savante des Tables dusoleilsde la lune et des autres planètes, publiées dans les Ephémèrides des mouvements célestes (t. VII et VIII) ; enfin des Mémoires d’astronomie insérés dans le Mercure, après avoir été lus k l’Académie de Béziers, dont l’auteur était membre.

M""’ Lepaute était le démenti vivant de cette opinion, d’ailleurs souvent fondée, qui refuse aux femmes la faculté de concilier ensemble la science et la grâce, l’étude et les qualités domestiques. Elle était aussi bonne ménagère qu’excellente géomètre, et encore plus empressée à rendre service qu’à effectuer un calcul. Sa vue s’étant aifaiblie par l’effet de l’âge et du travail, elle dut se relâcher de ses études : elle donna alors tout son temps et tout son dévouement aux soins que réclamait la santé de son mari, qu’elle précéda de quelques mois au tombeau.

LEPAUTE (Jean-Baptiste), horloger français, frère de Jean-André, né en 1727, mort en 1802. Il allait embrasser la carrière ecclésiastique, lorsque son frère, Jean-André, le manda à Paris et lui fit apprendre l’horlogerie. Au bout de quelques mois de travail, Jean-Baptiste put construire une horloge horizontale pour le château de la Muette. Quelque temps après, il aida son frère dans la construction de l’horloge du Luxembourg. En 1774, Jean-André lui ayant cédé ses droits dans l’établissement qu’ils avaient fondé en commun, Lepaute fit venir de son pays ses neveux Pierre-Henri et Pierre-Basile, avec lesquels il construisit l’horloge de l’Hôtel de ville et celle des Invalides, et, plus tard, leur céda sa maison. — Pierre-Basile Lepaute, né à Thonne-la-Longue en 1749, mort en 1843, est l’inventeur du remontoir d’égalité qu’il adapta à la pendule astronomique construite pour le Bureau des longitudes et placée à Observatoire de Paris. Il a également introduit ce mécanisme dans l’horloge du château de Compiègne. — Son fils, mort en 1869, a exécuté l’horloge de la Bourse de Paris, considérée comme le chef-d’œuvre de l’horlogerie de précision, celles de la Poste et de quelques autres monuments publics.

LEPAUTE (Joseph), dit Agelet, astronome français, né à Thonne-la-Longue (Meuse) en 1751, mort vers 1786. Il partagea le malheureux sort de La Pérouse. Neveu des célèbres horlogers Jean-André et Jean-Baptiste, il fut mandé par eux k Paris pour y-apprendre l’horlogerie ; mais, comme il manifestait un vif penchant pour les sciences, ses oncles le confièrent k Lalande, qui se chargea de son éducation, et, bien jeune encore, Joseph Lepaute fut nommé membre de l’Académie des sciences. En 1785, Louis XVI le désigna pour faire partie, comme astronome, de 1 expédition sous les ordres de La Pérouse. On sait la fin de cette triste entreprise.

LEPAETRE (Antoine), premier architecte du roi, né k Paris en 1614, mort en 1691. lia construit les deux ailes du château de Saint- ’ Cloud, aujourd’hui en ruine. Désigné par Mm° de Montespan pour bâtir le château de Clogny, il vit préférer k ses plans les dessins de Mansart, et le chagrin qu’il ressentit de cet échec abrégea ses jours. Ses Œuvres d’architecture ont été publiées en 1652 ; on en a donné un choix en 1854.

LEPAUTRE (Pierre), sculpteur français, fils du précédent, né k Paris en 1659, mort en 1744. Ayant remporté le grand prix de sculpture, il se rendit à Rome, où il séjourna pendant quinze ans et y exécuta ses deux groupes dEnée et Anchise et d’Arria et Pselus, placés dans le jardin des Tuileries. Le même jardin possède encore une Atatante et un Faune à la biche, fort remarquables, de Lepautre, qui se signala également dans l’exécution et la composition des boiseries de l’Œuvre de Saint-Eustache. On lui attribue plusieurs gravures k l’eau-forte, entre autres celle qui représente la statue de Louis XIV exécutée par Coysevox en 1689, sur la commande de la ville de Paris.

LEPAUTRE (Jean), graveur français, né en 1617, mort en 1682. Il débuta comme apprenti chez un menuisier, qui lui enseigna les éléments du dessin, et, doué d’une persévérance inouïe, il devint rapidement aussi excellent dessinateur que graveur habile. Ses corapo LEPA

sitions roulent en général sur l’architecture et l’ornementation ; cependant il a gravé plusieurs portraits ; nous nommerons, entre autres, celui de Louis XIV'habillé à la romaine. On cite dans son œuvre, dont le total atteint, suivant Mariette, le chiffre considérable de 1,440 pièces : l’Histoire de Moïse ; Sujets tirés de la mytholoijie ; Fontaine à l’italienne : les Visions de Queoedo ; le Sacre de Louis XIV à Reims ; le Baptême du dauphin.

LE PAYEN (Charles-Bruno), agronome français, né à Metz en 1715, mort dans la même ville en 1782. Il devint procureur du roi au bureau des finances de Metz. On a de lui : Essai sur les moulins à soie (Metz, 1767) ; Description de la construction qui s’est faite à Mets de vaisseaux en maçonnerie propres d loger et à conserver le vin (Metz, 1780), etc.

LE PAYS (René), sieur du Plessis-Villeneuve, poste français, né à Fougères (Bretagne) en 1636, mort à Paris le 30 avril 1690. Le Pays est un poète de l’école de Voiture, dont il exagéra encore les défauts.

Venu de bonne heure à Paris pour y chercher fortune, il entra dans l’administration des finances, fut chargé d’une mission à l’armée d’Espagne, visita ce pays, l’Angleterre, la Hollande, puis obtint le poste important de directeur des gabelles de Provence et du Dauphiné. Depuis lors, il résida presque continuellement à Grenoble ou à Valence ; aussi son nom figure-t-il avec honneur dans les biographies des hommes célèbres de ces deux provinces.

Le Pays était un homme aimable, d’un esprit fin et humoristique, d’un caractère enjoué. Il avait la plaisanterie facile, ce qui lui valut d’être fort recherché. Une page, de ce style affecté qui était sa manière, nous apprend ce qui le fit entrer dans les finances. « L’ambition, dit-il, est une fièvre dont je ne ressens plus guère les accès... Dans ma jeunesse, j’ai fait comme les autres, j’ai cherché la fortune avec un esprit inquiet, j’ai examiné les lieux par où elle passait le plus souvent, et j’ai tâché de me trouver sur son passage. Allant au-devant d’elle, j’ai cru que, comme elle est aveugle, elle me pousserait même sans y prendre garde ; mais je m’imagine qu’elle a des yeux pour moi, puisqu’elle a su si bien éviter toutes mes approches. J’ai fait ce que j’ai pu pour lui faire ma cour. Remarquant dans le monde qu’elle maltraitait les gens de lettres et qu’elle caressait les hommes d’affaires, pour lui plaire j’ai forcé mon inclination. J’ai donné toute mon occupation aux finances et n’ai donné que mon divertissement aux Muses. Cependant mes soins et mes peines ont été inutiles ; jusqu’ici, je n’ai pu la trouver favorable. » La fortune ne fut cependant pas bien cruelle à son égard ; il eut toute sa vie une modeste aisance approchant de la richesse, et ce qui le porta sans doute à se plaindre, ce fut d’avoir été déçu dans son ambition, qui rêvait une ferme générale ou peut-être la surintendance des finances. Sur ses vieux jours, il éprouva un mécompte encore plus sensible ; son associé fit une soustraction dans la caisse des gabelles, et Le Pays fut contraint par Louis XIV de verser une grosse somme à titre de restitution ; en vain il adressa au monarque une supplique en vers, de son style le plus maniéré ; Louis XIV fut inflexible : les vers de Le Pays n’étaient pas de ceux qu’on paye si cher.

Boileau a fait passer à la postérité le nom de cet écrivain, bien oublié aujourd’hui ; il fait parler littérature à un campagnard dans la satire du Dîner ridicule, et le lourdaud déclare ingénument préférer Le Pays à Voiture :

Le Pays sans mentir est un bouffon plaisant, Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.

Le satirique ajoute en note : « Le Pays, écrivain estimé chez les provinciaux à cause d’un livre qu’il a fait, intitulé Amitiés, amours et amourettes. » Ce petit volume avait été récemment publié (Grenoble, 1664, in-12) ; c’est un recueil de Lettres, en vers et en prose, adressées à des amoureuses fictives, des Iris en l’air, comme on disait dans ce temps-là ; La recherche du bel esprit y est poussée à l’extrême et fatigue singulièrement le lecteur ; on trouve pourtant çà et là quelques traits heureux, quelques vers bien tournés. Les dames goûtèrent infiniment cette production, et plusieurs d’entre elles allèrent s’enquérir auprès du libraire sur la figure qu’avait l’auteur. La duchesse de Nemours fut du nombre de ces curieuses. Le Pays, l’ayant su, lui adressa son Portrait (prose et vers). Cette pièce, malgré quelques longueurs, est sans contredit une des plus gaies et des plus ingénieuses qu’il ait faites.

Il reçut sans broncher l’épigramme que lui lançait Boileau, et par là montra du moins son bon esprit. Tandis que Cotin et les autres regimbaient si bruyamment, voici ce que Le Pays écrivait à l’un de ses amis, M. du Tiger, depuis consul en Égypte, et qui lui avait envoyé la satire : « Vous savez que parmi mes bijoux j’avais en manuscrit une partie des satires nouvelles. Cependant, mon cher monsieur, vous m’avez sensiblement obligé de me les envoyer imprimées, et voua avez raison de vous vanter de m’avoir fait présent d’une essence de sel et de suc. Que ce M. Boileau sait renfermer de choses en peu d’espace et que son petit livre fournit de belles leçons aux faiseurs de gros volumes ! Il faut avouer que ce galant homme est né