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claves et décoré de quatre bas-reliefs représentant : la Préséance de la France sur l’Espagne en 1662 ; la Conquête de la Franche-Comté en 1668 ; le Passage du Rhin en 1672 et la Paix de Nimègue en 1678. C’est sur l’emplacement de ce monument triomphal que la Restauration a fait ériger la statue équestre en bronze de Louis XIV, qui s’y voit aujourd’hui, et dont le modèle a été fourni par Bosio.

Une autre statue équestre de Louis XIV, due à Desjardins et érigée à Lyon sur la place Bellecour, fut brisée en 1792 ; elle a été gravée par Benoît Audran, et il en existe un modèle en zinc au musée de Versailles. Deux groupes allégoriques en bronze des frères Coustou, qui ornaient le piédestal de cette statue, ont été épargnés et se voient aujourd’hui dans le vestibule de l’hôtel de ville de Lyon. En 1826, une statue équestre en bronze de Louis XIV, exécutée par le sculpteur Lemot, a été érigée sur la place Bellecour. Une autre statue équestre s’élève au centre de la cour d’honneur du château de Versailles ; la figure du roi est due à L. Petitot ; celle du cheval, qui était destinée dans le principe à une statue de Louis XV qu’on avait l’intention d’ériger au rond-point des Champs-Élysées, a été modelée par Cartellier. Le modèle en bronze de cette statue équestre est au musée de Versailles (n° 2158). Ce musée possède plusieurs bustes de Louis XIV en marbre et en bronze : l’un d’eux est dû au Bernin, un autre à Jean Warin. Citons enfin une statue équestre modelée par De Bay père pour Montpellier, vers 1829 ; un buste colossal exécuté par le même artiste pour la bibliothèque publique de Nantes, et une statue de marbre exposée par Lemaire au Salon de 1840.

Le palais de Versailles est rempli de peintures retraçant les exploits du roi-soleil. Charles Lebrun les a représentés d’une manière allégorique, en 27 tableaux, sur la voûte de la grande galerie. Abraham Bosse a gravé une suite de douze compositions allégoriques relatives aux premiers événements du règne de Louis XIV. Edme Jeanrat a gravé la Cérémonie du mariage de ce prince ; J. Boulanger, la Cavalcade faite le jour de sa majorité (d’après Chauveau) ; Jean Lepautre, la Cérémonie du sacre ; R. de Hooghe, Louis XIV malade de chagrin en voyant le peu de succès de ses troupes pour soutenir le prétendant.

Parmi les tableaux des galeries historiques de Versailles, nous citerons : le Mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse, par Testelin (d’après Ch. Lebrun) ; Louis XIV recevant le grand Condé après la bataille de Senef, par C. Dœrr (Salon de 1857) ; l’Entrée de Louis XIV à Douai, tableau de l’école de Van der Meulen ; la Réparation faite à Louis XIV par le doge de Gènes en 1685, par Cl.-G. Hallé ; l’Entrée de Louis XIV à Dunkerque, par Ch. Lebrun ; Louis XIV visitant la manufacture des Gobelins, par Pierre de Sève (d’après Lebrun), etc. Divers tableaux de Van der Meulen, représentant les exploits de Louis XIV en Flandre, se voient au Louvre.

Parmi les peintures d’artistes contemporains, nous citerons : Louis XIV et Mlle  de La Vallière, par Monvoisiti (Salon de 1833) ; le même sujet, par H. Decaisne (Salon de 1850) ; une Promenade de Louis XIV à Fontainebleau, par Eug. Desjobert (Salon de 1843) ; Louis XIV bénissant un de ses petits-enfants, par Mme  Hersent (gravé par Prévost) ; Louis XIV retenant Molière à déjeuner, par Gérome (Salon de 1863) ; le même sujet, par H. Vetter (Salon de 1864), etc.

Allus. hist. Louis XIV entrant botté et éperonné au parlement. V. BOTTÉ.

Louis le Grand (SIÈCLE DE), poëme de Charles Perrault, lu en séance de l’Académie le 27 janvier 1687, publié en 1688 (1 vol. in-12). C’était une déclaration de guerre à l’antiquité, et ce poëme fut un des principaux écrits suscités par la querelle des anciens et des modernes.

Tandis que le poète portait sur Homère et sur Virgile des jugements excessifs et qu’il exaltait le présent aux dépens du passé, rien n’était plus amusant que de voir l’attitude des partisans des anciens pendant cette lecture. Boileau, blessé moins de l’omission de son nom que de ces vives attaques contre ses auteurs favoris, s’agitait sur son fauteuil d’un air d’impatience et de mauvaise humeur. Racine s’approcha de Perrault en sortant de l’Académie et le complimenta sur cette charmante plaisanterie. Perrault soutint qu’il avait parlé fort sérieusement. « Je pris alors, écrit-il dans ses Mémoires, où il a raconté cette fameuse séance, je pris alors la résolution de dire en prose ce que j’avais dit en vers. » De là sont sortis les Parallèles.

Quoi qu’il en soit, et des violences de Boileau, et des jugements exagérés de Perrault sur l’antiquité, il y a dans son poème d’excellentes idées sur le progrès des connaissances humaines et sur la permanence des forces de la nature, idées exprimées en fort bons vers.

Louis le Grand (ORAISON FUNÈBRE DE), par Massillon, prononcée dans la basilique de Saint-Denis le 9 septembre 1715. L’exorde de ce morceau d’éloquence est resté célèbre. En face du cercueil de celui que l’adulation avait surnommé le Grand, l’orateur s’écria : « Dieu seul est grand, mes frères !... et dans ces derniers moments, surtout, où il préside à la mort des rois de la terre ; plus leur gloire et leur puissance ont éclaté, plus, en s’évanouissant alors, elles rendent hommage à sa grandeur suprême : Dieu parait tout ce qu’il est, et l’homme n’est plus rien de tout ce qu’il croyait être. » On a félicité Massillon du courage qu’il a montré en adressant de dures vérités à la cendre de celui qui avait été perpétuellement flatté pendant sa vie.

Louis XIV (SIÈCLE DE), par Voltaire (1752), ouvrage devenu classique. Voltaire le composa durant son séjour à Berlin près de Frédéric, et c’est un de ses meilleurs titres comme écrivain. Il est loin de réunir les conditions aujourd’hui exigées pour un excellent livre d’histoire ; la méthode suivie par l’auteur est défectueuse, la critique n’est guère rigoureuse et l’historien n’est le plus souvent qu’un panégyriste ; mais les rares qualités du style ont placé ce livre au rang des meilleurs qui aient été écrits dans notre langue. Il se compose d’une suite de chapitres dont les vingt-quatre premiers, qui contiennent la série des faits historiques, sont des modèles de narration élégante et rapide. Les dix chapitres qui suivent sont consacrés aux anecdotes, aux lettres et aux beaux-arts ; ils offrent en appendice une liste des enfants de Louis XIV et le catalogue général des écrivains du siècle ; enfin, les cinq derniers chapitres sont consacrés à l’étude des querelles religieuses. Tous présentent isolément un grand intérêt et attestent l’étendue et la variété des connaissances de l’historien, sa compétence sur bien des points ; mais rien ne les rattache entre eux ; ils se succèdent sans aucun lien. Villemain a très-bien fait ressortir les mérites et les défauts de l’ouvrage : « Le plus beau titre de Voltaire comme historien est, dit-il, le Siècle de Louis XIV. Là on ne peut lui reprocher une sorte de partialité moqueuse contre son sujet ; au contraire, son admiration va jusqu’à la complaisance, et, de nos jours, l’histoire philosophique a chicané bien plus sérieusement la gloire de Louis XIV. Mais Voltaire, par l’imagination, les habitudes et le goût, appartenait à cette monarchie dont il a si peu les opinions. Cela fait même l’originalité, et, si on peut le dire, la candeur de son ouvrage. On voit que son cœur est gagné à cette époque de l’éloquence, des beaux vers, des palais superbes et de la société polie. Il n’en voudrait retrancher qu’une seule chose, non pas la guerre, non pas même le pouvoir absolu, mais cet esprit religieux qui était si intimement lié à tout ce qu’il admire. Cet ouvrage de Voltaire est, par l’élégance même de la forme, une image du siècle mémorable dont il offre l’histoire ; on y voudrait seulement plus de grandeur et d’unité. L’historien, qui prend assez souvent le ton d’un contemporain, ne voit pas seulement d’un coup d’œil les faits, les caractères, les mœurs se développer devant lui ; il aime mieux diviser son sujet par groupes distincts de faits homogènes, racontant d’abord et de suite toutes les guerres depuis Rocroy jusqu’à la bataille de Hochstaedt, puis les anecdotes, puis le gouvernement intérieur, puis les finances, puis les affaires ecclésiastiques, le jansénisme, les querelles religieuses. Mais les guerres ne se comprennent pas bien sans les finances, et l’un et l’autre sans l’esprit général du gouvernement. Tout dans l’intérieur n’avait-il pas précédé et préparé cette action si libre et si forte de Louis XIV au dehors ? On voudrait voir grandir au milieu de la Fronde ce jeune roi, despote par fierté naturelle et par nécessité. Mais ce n’est qu’au second volume, après toutes les conquêtes et toutes les défaites de Louis XIV, que l’on vous raconte sa visite menaçante au parlement de Paris et ce coup d’État qu’il fit si jeune, en habit de chasse et en bottes fortes. Cette révolution dans le gouvernement est classée parmi les anecdotes ! »

Le plan du Siècle de Louis XIV est donc éminemment défectueux ; les historiens modernes, qui commencent par le commencement et déduisent les effets des causes, procèdent d’une façon plus logique. Voltaire cependant a remanié vingt fois son ouvrage, il y a travaillé longtemps sans le rendre plus parfait. Nous lui reprocherons plus encore d’avoir raconté les faits au lieu de les analyser ; il accepte, sans le discuter, le pouvoir absolu de Louis XIV ; par un autre préjugé non moins condamnable, il croit que tout ce qui précède le XVIIe siècle était de la pure barbarie ; l’histoire de France ne commence pour lui qu’avec l’hôtel de Rambouillet ; auparavant c’étaient des Goths et des Welches qui régnaient. Il ne voit que l’éclat, l’élégance, et il en est ébloui au point de perdre le sens, de ne pas apercevoir les ombres du tableau. La guerre de Hollande et la guerre d’Espagne, ces deux fautes énormes du grand roi, le trouvent indulgent ; il n’y voit que deux affaires manquées et refuse d’examiner ce qu’elles avaient d’inique. La révocation de l’édit de Nantes l’émeut à juste titre, comme tout ce qui touche à la liberté de conscience ; encore voudrait-on lui trouver le ton plus ferme. Il croit que Louis XIV aurait désavoué ses lieutenants, s’il eût connu les dragonnades ; il a fallu tout un siècle pour qu’un cri de réprobation s’élevât contre le souverain, seul responsable devant l’humanité des excès dont les ordres donnés par lui furent cause. Nous ne retrouvons le génie de Voltaire que dans la forme du livre, dans l’incontestable talent d’exposition qu’il révèle et dans la partie purement littéraire. Là Voltaire était sur son terrain et parlait en maître.

Louis XIV, la Régence et le règne de Louis XV (MÉMOIRES SECRETS SUR LE RÈGNE DE), par Duclos (1790, 2 vol. in-8o). Duclos a écrit ces mémoires en qualité d’historiographe ; tous les documents des archives diplomatiques ou ministérielles furent mis à sa disposition, et il n’en profita que pour y puiser des anecdotes. Le plus souvent, il se contente d’abréger Saint-Simon ; quand il n’a plus Saint-Simon, il abrège Blondel, ancien ministre à Francfort, dont l’ouvrage, resté manuscrit, était entre ses mains.

L’ouvrage commence par un tableau des dernières années de Louis XIV. En rappelant ces souvenirs d’enfance, son récit fait sentir une vive impression personnelle, quelque chose d’analogue aux poignantes émotions que la génération de 1800 a gardées des scènes de 1812 et de 1814. Le déclin du règne de Louis XIV, assiégé par des ennemis victorieux dans la France épuisée d’hommes et menacée d’un démembrement, ressemble fort à la fin du premier Empire. Duclos rend la situation avec vigueur, avec un sentiment patriotique. Une partie très-remarquable de l’ouvrage, et qui appartient en propre à Duclos, c’est le chapitre intéressant et neuf intitulé : Histoire des causes de la guerre de 1756. Parfaitement renseigné sur ce sujet par de Bernis, son ami intime, il a écrit ce qu’il y a de plus exact sur cette partie de l’histoire politique du XVIIIe siècle.

Un des amis de Duclos, l’abbé de Vauxelles, avait écrit en marge d’un exemplaire des Mémoires secrets : « Duclos était plein, tout à la fois, de probité et de malice ; il était porté à croire qu’un récit malin était vrai, et qu’un récit vrai devait être malin. » L’observation est juste : cette histoire n’est, à vrai dire, qu’une satire perpétuelle, mais une satire spirituelle et presque toujours véridique. Il est en effet des temps dont la simple histoire est une satire. « Duclos historien n’a qu’un procédé, dit M. Sainte-Beuve, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait quand il a affaire à l’abbé Le Grand (dans l’Histoire de Louis XI) ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas, pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons ; il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui parait suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans son sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent. »

Louis XIV (ESSAI SUR L’ÉTABLISSEMENT MONARCHIQUE DE), etc., par Lémontey (1818). Cet ouvrage, qui devait servir d’introduction à une histoire critique de la France depuis la mort de Louis XIV, est l’une des meilleures études dont le règne de ce prince ait été l’objet ; il est remarquable par la nouveauté des aperçus et par l’originalité du style. Se plaçant à égale distance des préventions de Saint-Simon et du panégyrique de Voltaire, l’historien moderne ne présente que des considérations générales ; mais sa marche s’appuie sur des faits incontestés. L’ouvrage se divise en deux parties. La première a pour objet de montrer comment Louis XIV, achevant l’œuvre de Henri IV et de Richelieu, établit le premier en France une monarchie absolue et illimitée ; la seconde expose les altérations que ce système subit depuis 1683 jusqu’en 1715. Suivant l’auteur, c’est le caractère français qui doit expliquer l’établissement de ce régime et sa décadence. Mélangé de sociabilité, d’inconstance et d’orgueil, le caractère français a une horreur invincible pour toute domination étrangère, l’amour de la guerre, l’ivresse des succès, une aversion générale pour l’économie et les soins de détail, un désir effréné des distinctions, une facilité inimitable à communiquer ses affections. Il semble que le caractère national ait moins influé sur l’œuvre de Louis XIV que ce régime sur le caractère national ; en effet, les Français de la Réforme, de la Ligue, de la publication et de la révocation de l’édit de Nantes ne ressemblent guère aux Français des cours de Henri III, de Louis XIV et du régent. Quoi qu’il en soit, Louis XIV aurait profité des dispositions du caractère national pour donner à la monarchie de nouvelles bases et fonder un pouvoir sans bornes, que la crainte et l’admiration, entretenues par la force et par la splendeur de sa cour, devaient concurremment affermir. Lémontey constate le mouvement régulier imprimé pour la première fois à toutes les fonctions publiques et les progrès sans exemple de l’administration. La politique extérieure de Louis XIV ne reçoit pas autant d’éloges que son administration, et ses entreprises guerrières sont amèrement censurées. Enfin, le système ou l’établissement monarchique de ce prince est défini « une royauté absolue et dispendieuse, sévère pour le peuple, hostile envers l’étranger, appuyée sur l’armée, sur la police, sur la gloire du roi, et tempérée par la justice du monarque, par la sagesse de ses conseils choisis dans les divers ordres de l’État, et par le besoin de ménager pour la guerre et pour l’impôt le nombre et la fortune des sujets. »

Mais ce magnifique édifice est à peine achevé qu’il se décompose. Durant la seconde moitié du règne, les causes de décadence agissent de plus en plus.

Lémontey ne méconnaît pas les qualités de Louis XIV. Il dit : « La postérité s’arrêtera involontairement devant ce grand règne, placé sur les routes de l’histoire comme un Hermès à deux faces, dont l’une offre toutes les séductions et l’autre tous les dégoûts du pouvoir absolu. » Une sagacité qui choisit habilement les traits caractéristiques d’une époque, une profondeur de jugement qui démêle les causes et en assigne les effets avec un tact sûr, la droiture des intentions, l’amour de la vérité recommandent cet ouvrage, que distinguent encore un esprit fertile en traits ingénieux, un style net et ferme, un coloris vif et brillant.

Louis XIV (MÉMOIRES DE) pour l’instruction du Dauphin (1860, in-8o, Ire édition complète). Ces Mémoires portent la trace de trois rédactions successives. La première se composait de feuillets écrits de la main même du roi ; des phrases courtes signalaient au jour le jour les faits ou les observations qu’il se proposait de développer à loisir. Quelques réflexions accompagnent ces brèves annotations. La seconde phase du travail a donné naissance à un Journal plus copieux et qui garde avec les feuillets un accord remarquable, en reprenant une à une les indications de ceux-ci. Le roi dictait, et ses secrétaires se contentaient de reproduire sa parole sobre et impérieuse. Les Mémoires représentent la dernière phase de la composition ; leur conformité avec le journal, pour les faits et pour les jugements, établit entre les deux rédactions une irrécusable solidarité. Mais le récit est déclamatoire, le style ampoulé. C’est l’œuvre de deux secrétaires, Pellisson et Périgny.

Nulle part l’infatuation du despotisme, la religion de la royauté absolue n’est visible autant que dans ces Mémoires du plus personnel de tous les rois. Il écrivait ces réflexions et ces sentences pour servir de guide à son fils lorsqu’à son tour il détiendrait le souverain pouvoir, et il veut d’abord le persuader qu’il est le maître. À la date de l’année 1666, on lit par exemple cet axiome : « Les rois sont seigneurs absolus et ont naturellement la disposition pleine et libre de tous les biens, tant des séculiers que des ecclésiastiques, pour en user comme sages économes..., etc. » Il y a aussi un curieux morceau sur les favorites et sur les précautions dont un prince doit s’entourer pour n’être pas gouverné par elles. La morale de Louis XIV est loin de condamner ces sortes d’attachements. Il lui suffit qu’un prince, en abandonnant son cœur, demeure maître absolu de son esprit. « Il faut que nous séparions les tendresses d’amant d’avec les résolutions de souverain ; que la beauté qui fait nos plaisirs n’ait jamais la liberté de nous parler de nos affaires, ni des gens qui nous y servent, et que ce soient deux choses absolument séparées. » Ce qui se résume à dire que, avant d’être homme, il faut que le roi soit roi.

À tout prendre, ce livre, curieux seulement à cause du nom de son auteur, n’est qu’une revue des cas de conscience d’un monarque et des solutions qu’on doit leur appliquer. Louis XIV y fait souvent preuve d’un rare bon sens, à travers l’infatuation royale dont il était possédé. Ainsi quelques brèves sentences sur le clergé, sur sa manie constante d’empiétement, sur la nécessité de restreindre ses manifestations religieuses, sur l’inutilité des moines, seraient aujourd’hui fort peu du goût des légitimistes. Mais ce n’était pas tant au point de vue du bien général qu’en faveur de son propre pouvoir que Louis XIV se montrait si sévère. Disons pourtant que sa fierté fût entrée en révolte s'il eût pu soupçonner que ses successeurs devaient se faire les très-humbles valets d’un pape.

C’est à M. Dreyss que l’on doit une édition critique des Mémoires de Louis XIV, et de plus une Étude qui forme à elle seule un livre considérable. C’est lui qui a découvert le nom du principal secrétaire du roi, M. de Périgny, président aux enquêtes. On avait, avant son édition, une publication assez suspecte, dans laquelle rien n’aidait à reconnaître la part que Louis XIV y avait prise. Grâce aux patientes recherches de cet érudit, on possède la clef d’un monument historique, clairement et habilement interprété,

Louis XIV (JOURNAL DE LA COUR DE), par le marquis de Dangeau. V. Dangeau.

Louis XIV ET la Régence (MÉMOIRES SUR LE RÈGNE DE), par le duc de Saint-Simon. V. MÉMOIRES.


LOUIS XV, né à Versailles le 15 février 1710, mort le 10 mai 1774. Arrière-petit-fiis de Louis XIV et troisième fils de Louis, duc de Bourgogne, second dauphin, et de Marie-Adélaïde de Savoie, il hérita de la couronne à l’âge de cinq ans et demi, le 1er septembre 1715, étant resté, par suite de la mort successive de son grand-père, de son père et de son frère aîné, le seul rejeton mâle de la branche aînée des Bourbons. D’une constitution très-faible, il faillit être emporté lui--