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le jeune Octaïr qui, de simple berger, est parvenu au rang de général. Octaïr est plutôt le héros de l’ouvrage que Louis IX. On le trouve sur le premier plan dans les deux premiers actes ; il partage l’intérêt avec Louis dans le troisième, et fixe presque seul l’attention des spectateurs dans les deux derniers. Ce défaut d’unité d’action avait été évité par Ancelot. Lemercier a su toutefois créer des situations plus fortes, et l’âpre indépendance de son style imprime à son dialogue quelque originalité.

Louis IX en Égypte, opéra en trois actes, paroles de Guillard et Andrieux, musique de Lemoyne ; représenté à l’Académie royale de musique le 15 juin 1790. La scène principale est celle où Louis IX, près d’être massacré par les assassins envoyés par le Soudan, triomphe de leur fureur par sa grandeur d’âme. La musique n’est pas à la hauteur du sujet. On ne peut remarquer, dans la faible partition de Lemoyne, qu’un air : Je veux réparer leurs malheurs, et deux romances : l’une : O ma mère, ma tendre mère, et l’autre : Du Français asservi j’ai su briser les chaînes. Voilà pourtant la musique que le public préférait alors à celle de Sacchini.

Louis (glorification de saint), tableau de M. Cabanel ; Salon de 1855, Louis, en manteau fleurdelisé, le sceptre en main, est assis sous un dais rouge, de face, et dans l’attitude de l’apothéose. Deux anges se tiennent à ses côtés, soutenant au-dessus de sa tête la couronne d’épines qu’il préférait à celle de roi. L’une de ces figures tient un glaive, l’autre porte la croix et le calice à l’hostie rayonnante ; elles symbolisent la religion et la justice. Derrière le dais, des colonnettes gothiques enchâssent des vitraux et rappellent sans doute l’édification de la Sainte-Chapelle. De chaque côté du trône se groupent les personnages qui ont contribué à l’accomplissement des œuvres de ce prince : le sire de Joinville, son naïf historien ; Philippe de Beaumanoir, Pierre Fontaine, saint Thomas d’Aquin, Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris ; Geoffroi de Beaulieu, Robert de Sorbon, le sire de Nesle, Étienne Boileau, l’auteur du Livre des métiers, dont il déroule le titre écrit sur une pancarte, et enfin un des chevaliers aveugles pour lesquels furent fondés les Quinze-Vingts. Plus bas se placent des ouvriers, le marteau sur l’épaule, des pèlerins avec chapeau, bourdon et coquilles ; une femme malade étendue à terre, une veuve entourée de ses enfants chétifs et tristes, une vieille allongeant la main sur une bourse. « L’exécution de ce tableau, dit M. E. About, s’éloigne bien peu de la perfection. Toutes les têtes sont belles, largement étudiées, sans aucun luxe d’archéologie. Les draperies sont originales et ne doivent rien à personne. La couleur sobre et savante se répand avec égalité, sans soubresauts, sans caprices, sans vacarme de tons ; elle a cette unité, cet ensemble et surtout cette continuité qui distinguent les grands maîtres de Rome et de Florence. » Ajoutons avec M. T. Gautier que l’ordonnance de ce tableau est très-belle et que l’allégorie s’y mêle à la réalité dans des proportions heureuses. M. Cabanel, sans tomber dans les puérilités de l’imitation gothique, a su conserver le caractère de l’époque : le mélange des costumes militaires, civils et religieux produit des contrastes d’un effet pittoresque. La cuirasse avoisine le froc, et l’étole frôle le surcot. Les têtes sont dessinées avec une fermeté rare, et, si elles ne sont pas des portraits, elles en ont l’air. Ce tableau obtint beaucoup de succès à l’Exposition de 1855.


LOUIS X, surnommé le Hutin, roi de France, fils de Philippe le Bel, né en 1289, mort à Vincennes en 1316. Roi de Navarre depuis 1304, il succéda à son père en 1314. Il ne sut pas s’opposer aux réactions féodales, laissa condamner à mort Enguerrand de Marigny, fit étrangler son épouse adultère, la fameuse Marguerite de Bourgogne, afin de pouvoir se remarier. C’était un homme violent et adonné aux plaisirs. Comme il avait de grands besoins d’argent, il vendit aux juifs le droit de rentrer dans le royaume et força les serfs de ses domaines à se racheter à prix d’argent ; il va sans dire que ce prétendu affranchissement n’était qu’un impôt forcé à peine voilé par une promesse menteuse. Une vaine expédition contre les Flamands (1315), des impôts onéreux, des ordonnances sur les monnaies, quelques privilèges vendus aux villes, tels furent les principaux actes de ce règne déplorable, qui dura deux ans. Ses ordonnances du 19 mars et du 25 juillet 1315, dans lesquelles il statuait sur le service militaire, les tailles et subventions, le cours des monnaies, la sécurité des personnes, etc., sont restées célèbres sous le nom de Charte aux Normands. En 1315, il avait épousé sa cousine Clémence de Hongrie, qui, au moment où il mourut des suites d’un refroidissement, était enceinte et mit au jour un fils. Ce fils, appelé Jean Ier, ne vécut que cinq jours, et ce fut le comte de Poitiers qui devint roi, sous le nom de Philippe V.


LOUIS XI, fils de Charles VII et de Marie d’Anjou, né à Bourges la 3 juillet 1423, mort au Plessis-lez-Tours le 30 août 1483. Il accompagna son père dans plusieurs expéditions, mais conçut de bonne heure une haine profonde et vivace contre la favorite Agnès Sorel, qu’on l’accusa plus tard d’avoir fait empoisonner. Encore adolescent, il joignait déjà à l’humeur emportée de son âge l’ambition froide et réfléchie de l’âge mûr, « Vive et infatigable intelligence, dit Henri Martin, il ne tenait de son père que la sécheresse d’âme et le goût du libertinage ; aussi défiant, aussi dénué de sens moral, moins envieux et plus vindicatif, il avait les vices de la force, comme son père ceux de la faiblesse. »

Dévoré de la soif du pouvoir, il regardait toutes les influences qui gouvernaient Charles VII comme autant d’usurpations sur ses droits d’héritier présomptif. Aussi fut-il mêlé, dès sa première jeunesse, à mille intrigues obscures, jusqu’au moment où il se jeta dans la révolte ouverte. À dix-sept ans, en effet, il se laissa entraîner dans le soulèvement féodal de la Praguerie et se mit à la tête d’une partie de la noblesse poitevine. Cette insurrection fut rapidement étouffée par les troupes royales, et le dauphin se trouva fort heureux de faire sa soumission (10 juillet 1440). Néanmoins, dans le but de l’adoucir et de donner un aliment à son ambition précoce, le roi le mit de suite en possession du Dauphiné. En 1443, il reçut le commandement des pays entre la Seine et la Somme. Secondé par Dunois, Saint-Pol et autres capitaines, il marcha sur Dieppe et contraignit les Anglais à en lever le siège. L’année suivante, il alla combattre les Suisses à la sanglante affaire de la Birse, et, rempli d’admiration pour l’héroïsme de ces montagnards, qui se firent tous tuer jusqu’au dernier, il sentit combien la position et le caractère de ce petit peuple pouvaient en faire un allié utile à la France. Aussi, avant de quitter le pays, conclut-il un traité d’alliance avec Berne, Bâle, Lucerne et autres villes. Dans ces diverses campagnes, d’ailleurs, ses bandes de routiers et d’escorcheurs portaient partout la dévastation, même dans les pays qu’ils étaient chargés de défendre, sans qu’il voulût ou qu’il pût l’empêcher. C’étaient là, au reste, les mœurs militaires du temps, et l’on sait que ce ne fut qu’en 1445 qu’une armée régulière fut établie.

Cependant, après plusieurs années d’une réconciliation qui avait paru sincère, le roi et son fils retombèrent dans une mésintelligence croissante qui fit surtout de rapides progrès après la mort de la dauphine, Marguerite d’Écosse, aimable princesse qui mourut à vingt ans. Accusé d’un nouveau complot, le dauphin se retira dans son apanage du Dauphiné (1446). Le père et le fils ne devaient plus se revoir. Depuis cette époque, en effet, Louis demeura étranger à tous les événements importants qui se passèrent en France et n’eut aucune part aux guerres finales de l’indépendance, à l’expulsion des Anglais de la Normandie et de la Guyenne. Il vécut en souverain indépendant au fond de son Dauphiné, instituant un parlement à Grenoble, une université à Valence, faisant de petites guerres à ses voisins, exerçant ses aptitudes administratives et son esprit novateur, et surtout accablant les Dauphinois d’impôts pour payer les nombreux soldats qu’il entretenait. Il ne cessait point, au milieu de toutes ces occupations, d’intriguer contre son père et d’entretenir des intelligences avec tous les mécontents de la cour. Ces manœuvres, les plaintes des Dauphinois, les craintes que lui inspirait ce redoutable fils, dont l’attitude et les armements étaient une menace permanente, déterminèrent Charles VII à marcher en personne avec des troupes, pour obliger le dauphin à revenir à la cour et à congédier les conseillers auxquels on imputait sa conduite ; à tort sans doute, car, s’il consultait tout le monde, il n’écoutait guère que lui-même.

Louis protesta de sa soumission filiale, mais finalement il ne céda point. Son caractère était un mélange de duplicité, d’astuce et d’opiniâtreté. Il faut ajouter à ces traits de sa curieuse physionomie, qu’il était dévot jusqu’à la superstition la plus puérile, jusqu’au fétichisme, multipliant les offrandes à tous les saints, aux Notre-Dame de toutes les contrées, les considérant comme autant d’êtres distincts, prenant même le Saint-Sauveur, un des noms du Christ, pour un saint particulier, bien mieux, pour autant de saints particuliers qu’il y avait de lieux de pèlerinage sous cette invocation. C’est ainsi qu’il adressait naïvement des vœux spéciaux à « monsieur » Saint-Sauveur de Redon, en Bretagne, absolument comme il eût envoyé une dépêche au commandant de la ville. Sous tous les autres rapports, c’était l’esprit le plus hardi, le plus net et le plus positif, absolument dénué, d’ailleurs, de tout scrupule et de tout sentiment de moralité, et mêlant avec la bonne foi la plus cynique, si l’on peut s’exprimer ainsi, les actes les plus répréhensibles et même les plus criminels aux momeries d’une piété intéressée et fétichiste.

Dans la conjoncture assez grave où il se trouvait, il se recommanda d’abord à ses saints habituels, puis essaya vainement d’une levée en masse parmi ses vassaux, et enfin, au moment où les troupes royales entraient dans le Dauphiné, quitta précipitamment sa résidence et se retira à la cour de son oncle Philippe, duc de Bourgogne, qui le reçut et le traita magnifiquement (1456). Le duc s’entremit même inutilement pour le faire rentrer en grâce, Charles VII disait à ce sujet : « Mon cousin de Bourgogne ne sait ce qu’il fait ; il nourrit le renard qui mangera ses poules. »

Ce renard, cependant, continua prudemment de séjourner dans les États du duc Philippe, en Brabant, et les années s’écoulaient sans amener aucun changement dans cette situation. De laborieuses négociations furent poursuivies ; mais Louis refusa constamment de revenir, soit qu’il craignît réellement pour sa sûreté personnelle, soit pour toute autre cause. Il n’ignorait point que depuis longtemps Dammartin et autres favoris du roi poussaient ce prince à déshériter son fils aîné au profit du puîné, le jeune Charles. Après bien des hésitations et des alternatives, Charles VII refusa de bouleverser ainsi les lois fondamentales du royaume. Néanmoins, comme il craignait toujours, et avec quelque raison, les intrigues du dauphin, il finit par tomber dans une espèce de maladie noire, se croyant environné de complots et trahi par les siens. La crainte d’être empoisonné vint s’ajouter à ses terreurs, et il en arriva à refuser toute espèce de nourriture. Il mourut de faim, comme on le sait, le 22 juillet 1461.

Louis XI ne vit pas autre chose dans la mort de son père qu’une succession longtemps attendue, un trône vide. Il ne s’attarda pas à simuler une douleur hypocrite et manda simplement de procéder aux funérailles sans attendre son arrivée. Puis il expédia aux « bonnes villes » l’autorisation de s’assembler librement et de pourvoir elles-mêmes à leur sûreté. Ces précautions contre les gouverneurs et seigneurs, cet appel aux notables, à la bourgeoisie, marquaient assez bien le cachet du règne qui allait s’ouvrir. Louis avait craint des tentatives de rébellion, des complots en faveur de son jeune frère ; mais, dans ce premier moment, ses ennemis de la veille ne luttèrent que de servilité pour tâcher de faire oublier le passé. D’Avesne, en Hainaut, il alla directement se faire sacrer à Reims (18 août 1461), accompagné du duc de Bourgogne, qui le conduisit également à Paris. Le puissant duc d’Occident, comme on nommait Philippe, éblouit les peuples par sa magnificence, et, suivant l’expression d’un chroniqueur, semblait un empereur, tandis que le roi, de mine vulgaire et de mince équipage, avait l’air du vassal plutôt que du suzerain.

Ce dernier, d’ailleurs, commençait à trouver un peu pesante la protection de son bel oncle, et, tout en l’accablant de témoignages de reconnaissance, il laissait percer la gène que lui causait sa présence. Bientôt, il lui fit ses adieux, sous le prétexte d’aller visiter à Amboise sa mère, Marie d’Anjou. Les deux princes se quittèrent, le roi pour se diriger vers la Loire, le duc pour retourner en Brabant.

La réaction contre les hommes et les choses du règne précédent avait déjà commencé. Louis changea les grands officiers, les baillis, les sénéchaux., donna successivement les hautes charges à ses créatures, enfin autorisa solennellement la révision du procès de Jacques Cœur. En outre, il renouvela en partie le parlement et fit commencer des poursuites contre ses vieux ennemis, Dammartin, Brezé et autres. Tous ses actes, où le bon et le mauvais étaient indifféremment mêlés, annonçaient d’ailleurs une absence complète de toute préoccupation morale. Il faisait telle ou telle chose parce qu’il la jugeait utile à ses intérêts, sans s’arrêter à aucune autre considération. Ainsi, au début de son règne, il poussa le mépris de l’opinion jusqu’à donner les sceaux de la justice à Pierre de Morvilliers, évêque d’Orléans, conseiller au parlement de Paris, qui, dans le moment même, était poursuivi pour malversations.

« Peu soucieux de la moralité dans ses choix, a dit M. H. Martin, il préférait les consciences flexibles aux consciences rigides, aussi fut-il souvent trompé et trahi sans pouvoir s’en prendre qu’à lui-même... Il méprisait l’esprit chevaleresque pour ses vertus non moins que pour ses folies, dédaignait profondément les pompes théâtrales dans lesquelles ses pères avaient placé leur majesté. Il se montrait en habit court avec un vieux pourpoint de futaine grise, un feutre râpé et un « méchant chapelet » dans des conférences où les souverains avec lesquels il s’abouchait resplendissaient d’or, de soie, de velours et de pierreries. Ainsi, au retour du sacre, tandis que le duc Philippe éblouissait Paris des magnificences de l’hôtel d’Artois, Louis ne tenait pas à l’hôtel des Tournelles un plus grand état qu’à Genappe (château du Brabant que Philippe avait mis à sa disposition), et n’augmentait pas sa maison de dauphin exilé : il assignait à son argent des emplois plus utiles. L’utile était sa seule règle, et jamais il ne comprit quelle puissance il y a dans le juste. Il préférait en toute chose, parfois même à son détriment, la ligne tortueuse à la ligne droite, la ruse à la force, l’adresse au courage, quoiqu’il eût au besoin cet opiniâtre courage qu’inspire une volonté inébranlable. Il était la réaction incarnée contre le moyen âge, contre sa morale et son idéalité autant que contre ses aberrations, contre ses libertés autant que contre son anarchie. La dévotion même de Louis, seule inconséquence d’un caractère qui eût dû aller à l’incrédulité, n’avait plus rien du fanatisme austère et grandiose d’autrefois ; c’était un fétichisme matérialiste qui remontait, par-dessus le moyen âge, à ces temps où les rois barbares mettaient les saints du paradis de compte à demi dans leurs entreprises et dans leur butin. À cette faiblesse près, Louis XI fut le plus illustre disciple de cette politique dont les tyrans italiens contemporains, lui donnaient l’exemple, et dont Machiavel devait un peu plus tard donner la théorie en lui laissant son nom... Une différence pourtant sépare Louis de ses maîtres, une différence essentielle. Par les moyens, il est leur pareil ; par le but, il est autre. Ces tyrans d’outre les monts n’ont qu’un but personnel, tout au plus un but de famille ; lui a un but général. Il est le chef d’une vraie société politique, le chef d’une nation, et il en a conscience ; il a un vigoureux instinct d’avenir ; il veut laisser œuvre qui dure après lui. Ce mauvais homme n’est point mauvais Français. »

« Le despote Louis XI, dit de son côté Augustin Thierry, n’est pas de la race des tyrans égoïstes, mais de celle des novateurs impitoyables. »

Sans vouloir contredire ces historiens, on peut cependant faire quelques réserves sur les vues d’avenir de Louis XI, sur le but général qu’il poursuivait, sur son vigoureux instinct d’avenir, sur toutes les belles choses enfin que cette école historique ne manque pas de découvrir à toutes les époques et dans tous les événements ; thèses et synthèses plus brillantes que solides, que notre cadre ne nous permet pas d’analyser et de discuter. Nous pouvons du moins faire cette observation, que Louis XI, quels qu’aient été les résultats généraux de son règne, n’avait très-certainement pas les grandes vues qu’on lui prête, et qu’il ne songeait simplement qu’à augmenter son pouvoir en abattant autour de lui tout ce qui lui faisait obstacle. Que son œuvre fût utile, il s’en inquiétait peu et ne recherchait que son intérêt ; s’il a rendu des services, c’est à son insu ; on ne saurait donc lui faire un mérite du résultat, tandis qu’on peut toujours lui reprocher les moyens employés.

En prenant le pouvoir, il avait laissé espérer une diminution des impôts : pour don de joyeux avènement, il mit, au contraire, un nouvel impôt sur les vins, pour être perçu aux portes des villes. Il y eut en divers endroits des soulèvements cruellement réprimés ; une foule de malheureux furent décapités, pendus, essorillés (oreilles coupées). Cette taxe sur les vins ne suffisait point au roi ; il imagina de mettre la main sur les bénéfices ecclésiastiques en s’entendant avec Rome pour abolir la Pragmatique et disposer alors des bénéfices, de compte à demi avec un légat du saint-siège. Mais cette espèce de contre-révolution ecclésiastique ne profita qu’à la cour pontificale, et cet homme de ruse, joué par les renards sacerdotaux, se trouva avoir mécontenté tout son royaume sans aucun profit pour lui-même.

Il réussit mieux dans son entreprise contre le Roussillon, dont il s’assura la possession en accordant un secours au roi d’Aragon. Dans le cours de cette facile expédition, il établit un parlement à Bordeaux et s’attacha les villes de Guyenne et de Gascogne en leur restituant les privilèges dont elles avaient été dépouillées. Dans le même temps, il négociait la remise éventuelle de Calais avec la reine d’Angleterre, Marguerite d’Anjou, vaincue à Towton avec son époux et son fils, et pour le moment fugitive, pendant que, d’un autre côté, il nouait des intelligences secrètes avec les vainqueurs, Warwick et le parti de la Rose blanche. Toutefois, il échoua dans ses projets pour la reprise de Calais, et même il faillit perdre le Roussillon. Mais il parvint à racheter du duc de Bourgogne les villes de la Somme, Saint-Quentin, Péronne, Amiens, Abbeville, etc. (octobre 1463) ; affaire capitale qu’il poursuivit avec autant de prudence que de ténacité. L’acquisition du Roussillon, le rachat de la Picardie, c’était un brillant résultat pour le début d’un règne. Louis tourna alors ses efforts contre la Bretagne qui, sous forme de duché et de grand fief, était une sorte de royaume indépendant. Le duc François était d’ailleurs mêlé à toutes les intrigues contre le roi de France, et négociait avec l’Angleterre, avec le comte de Charolais, etc. Louis XI lui signifia la défense de s’intituler duc par la grâce de Dieu, de battre monnaie, de faire des levées d’hommes, en un mot d’exercer les droits régaliens. Le duc feignit de se soumettre ; mais il entra de plus en plus dans la coalition féodale contre le roi. Cette coalition grossissait de jour en jour, et bientôt allait éclater en une rébellion armée.

Dans ses luttes continuelles pour s’attribuer les nominations ecclésiastiques et l’octroi des bénéfices, Louis avait tourné contre lui tout le clergé et ses innombrables clients. D’un autre côté, en enlevant leurs emplois aux plus grands personnages pour les donner à des hommes de basse naissance, les seuls dont il aimât à s’entourer ; en restreignant les droits de justice et de chasse, en attaquant successivement toutes les prérogatives féodales, il avait suscité des haines ardentes dans tous les rangs de la noblesse. Une ligue formidable se forma contre lui ; son propre frère, le duc de Berry, le comte de Charolais, fils du duc de Bourgogne, les ducs de Calabre, de Bourbon, de Lorraine, d’Alençon, de Nemours et un grand nombre d’autres seigneurs formèrent la coalition fa-