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fire à cause de son âge et de ses infirmités, il se faisait aider par Claude, et ses tableaux n’en étaient que meilleurs.

En 1625, Claude Lorrain quitta Rome pour revoir son pays. Durant ce voyage, il s’arrêta à Venise ; puis, passant par l’Allemagne, il laissa deux superbes études à Munich. Il revit enfin la Moselle et le château de Chamagne. Il se rendit ensuite à Nancy où il connut Claude de Ruet, peintre lorrain alors en vogue. Après avoir travaillé sous sa direction à quelques décorations monumentales, travail qui lui était d’ailleurs fort peu sympathique, il eut la nostalgie de Rome, de ses ruines grandioses, de sa lumière aux rayons d’or. Peu après, en 1627, il put y revenir ; le grand Poussin s’y était établi depuis trois ans ; il habitait la Trinité-du-Mont, la haute colline d’où l’œil charmé découvre un splendide horizon. C’est là que Claude alla se loger. « Nul doute, dit M. Charles Blanc dans son excellente étude sur Claude Lorrain, que ce voisinage de Poussin n’ait influé puissamment sur la manière de Claude. Si le peintre lorrain avait eu déjà le pressentiment du style, sa pensée néanmoins dut s’agrandir encore, son éducation d’artiste dut s’achever dans la fréquentation d’un homme qui prêtait tant de majesté aux représentations de la nature… Cependant, il faut le dire, le véritable maître du Lorrain, ce fut le soleil. Mais que de patience, combien de travaux, de fatigues et de peines pour entrer en lutte avec un tel modèle ! Claude voulait pénétrer plus avant qu’aucun autre dans les mystères les plus secrets de la nature ; il voulait surprendre le soleil à toutes les heures du jour, apprendre par cœur, non pas les caprices, mais les harmonies de la lumière. Souvent il se levait avant l’aube et s’en allait en pleine campagne observer les phénomènes de la naissance du jour… Il parcourait ainsi ces lumineux paysages sans crayons, sans boîte à couleurs, car, avant de les peindre avec le pinceau, il les peignait pour ainsi dire du regard. Il épiait dans leurs rapides variations les nuances de la couleur, lorsqu’au matin d’une belle journée le soleil paraît d’abord d’un ton argentin précédé d’une auréole blanche. Cette blancheur se teint en jaune à quelques degrés au-dessus de l’horizon, le jaune un peu plus haut passe à l’orangé, l’orangé devient du vermillon, le vermillon brunit jusqu’au violet…, et, de la sorte, par des nuances délicates, mais d’une richesse merveilleuse,

   Le jour pousse la nuit,
           Et la nuit sombre
      Pousse le jour qui luit
           D’une obscure ombre,

comme dit notre vieux poëte Ronsard… »

Sous l’influence salutaire de Nicolas Poussin, Claude Lorrain s’était mis au travail, et bientôt les princes, les prélats et le pape lui-même furent ses admirateurs les plus enthousiastes. Le roi d’Espagne vint aussi, durant un court séjour à Rome, féliciter le maître et lui commander huit paysages et marines, dont quatre ou cinq figurent encore parmi les chefs-d’œuvre du magnifique musée de Madrid. Un si beau génie, une gloire si éclatante émurent profondément ces misérables plagiaires qui sont toujours à l’affût des talents qui se lèvent pour les dépouiller et trafiquer de ces rapines. Claude Lorrain fut tellement volé, avec tant d’audace, qu’il se vit obligé de tenir registre de ses chefs-d’œuvre ; d’en indiquer le sujet et le sens en des croquis rapides, avant de se livrer à l’exécution définitive. « Il appela, dit encore M. Charles Blanc, Livre d’invention ou Livre de vérité cet immortel cahier où venaient se ranger successivement les feuilles volantes de son génie. Ces dessins, qui étaient comme l’aurore de son tableau, sont lavés au bistre d’une main assez lourde parfois dans les figures, mais puissante ; quelques traits de plume font pressentir le caractère des feuilles ; on y entrevoit la lumière, on y devine, sous l’indication d’une teinte plate, la distribution des masses, la dégradation des plans, les repoussoirs. Rien n’est plus charmant que ces vagues préfaces où s’annonce un tableau resplendissant… Tantôt c’est un bosquet où les Muses s’arrêtent, gracieusement groupées, pour écouter les chants d’Apollon, auprès d’une eau qu’effleurent des cygnes, dans une campagne dont les lointains semblent avoir servi de modèle à l’auteur du Télémaque lorsqu’il a écrit : « On apercevait au loin des collines et des montagnes qui se perdaient dans les nues, et dont la figure bizarre formait un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. » Tantôt c’est une barque mystérieuse qui glisse sur le fleuve et va disparaître sans bruit entre deux îles plantées de saules… Le duc de Devonshire est l’heureux possesseur de cet album merveilleux, dont les fac-similé ont été si adroitement, si artistement gravés par Earlom. » Mais ce moyen ne fut pas complètement efficace, et, pour se préserver des voleurs, Claude fut obligé de fermer sa porte aux inconnus et de ne recevoir que ses amis : Poussin, le cardinal Bentivoglio, le prince Pantili, les cardinaux Médicis, Spada, Giori et Mellino, le connétable Colonna, le Florentin Paolo Falconieri, etc.

Chose bizarre, malgré l’énorme influence de ce puissant génie sur le paysage de son temps, et quoi qu’en disent certains biographes, il ne forma aucun élève ; mais ses imitateurs sont innombrables. Pour ne citer même que les plus heureux, depuis les deux Patel jusqu’à Valenciennes, il faudrait nommer presque tous les maîtres français du siècle dernier et toutes les illustrations de l’école anglaise. On a souvent rapproché Nicolas Poussin de Claude Lorrain ; c’est à tort. Ces deux génies n’eurent de commun qu’une intuition sublime des grandeurs de la nature. Poussin dans ses paysages est héroïque, tandis que Claude est arcadien, anacréontique, si l’on aime mieux. Ses campagnes sont intimes et suaves, toutes pleines d’amour, d’illusions, de jeunesse. Ses marines ont le calme doux qui fait savourer en paix toutes les splendeurs de la lumière. C’est le soir qu’il aime surtout, ces heures émues et comme frissonnantes, où le soleil-donne à la terre ses derniers baisers. « Une chose remarquable chez Claude Lorrain, c’est qu’il ne commence à être lui-même qu’à partir du second plan, c’est-à-dire quand il est aux prises avec l’air. Sur le devant, ce sont ordinairement des palais ou des arbres…, et l’on pourrait même lui reprocher la monotonie de ce poncif… ; mais il est très-habilement dissimulé par la répartition des vigueurs. »

Le maître illustre a laissé aussi un très grand nombre d’eaux-fortes et de dessins. Une de ses gravures les plus intéressantes, c’est le Campo Vaccino, l’antique Forum. Le plus étonnant de ses dessins est celui qui fait partie du cabinet de la reine d’Angleterre. Il est daté de 1682, de l’année même de sa mort, de sa quatre-vingt-deuxième année, et il représente une scène de l’Énéide.

Claude Lorrain avait été inhumé à la Trinité-du-Mont ; mais, en 1840, ses restes furent transportés à l’église Saint-Louis-des-Français, dans un monument exécuté par M. Lemoine, et dont le socle porte l’inscription suivante :

LA NATION FRANÇAISE N’OUBLIE PAS SES
ENFANTS CÉLÈBRES,
MÊME LORSQU’ILS SONT MORTS À L’ÉTRANGER.

L’œuvre de Claude Lorrain est considérable ; nous ne citerons que les tableaux possédés par le musée du Louvre. Ce sont : Vue d’un port, effet de soleil levant peint à Rome ; Vue du Campo Vaccino, à Rome ; la Fête villageoise, datée de 1639 ; Un port de mer au soleil couchant (1639) ; le Débarquement de Cléopâtre à Tarse, chef-d’œuvre dont nous avons donné l’analyse spéciale (v. Cléopâtre) ; David sacré roi par Samuel (1647) ; Ulysse remet Chryséis à son père ; Vue d’un port de mer, effet de soleil voilé (1645) ; autre Port de mer ; une Marine ; deux Paysages ; le Gué ; Entrée d’un port, vue de la mer ; Siège de La Rochelle par Louis XIII ; le Pas de Suse forcé par Louis XIII (1651). On trouve à Rome dans diverses galeries, principalement au palais Borghèse et au palais Doria, d’admirables toiles du Lorrain ; le Moulin (au palais Borghèse) jouit surtout d’une grande célébrité.


LORRAIN (Robert LE), sculpteur français. V. Le Lorrain.


LORRAINE (royaume de), en latin Lotharingia, royaume formé après l’abdication de l’empereur Lothaire (855) en faveur de son deuxième fils, Lothaire II, qui lui donna son nom (Lotharii regnum, d’où Lotharingia). Cet État répondait à peu près à l’ancien royaume d’Austrasie. Il était limité au N.-E. et au N. par le Rhin, depuis Bâle jusqu’à l’embouchure orientale de ce fleuve dans la mer du Nord ; au S.-E. par le Jura jusqu’à Bâle ; au S. par le Rhône au-dessus de Lyon ; à l’O. par la Saône jusqu’au Rhône ; au S.-O. par une ligne tirée des sources de l’Escaut à Donchery sur la Meuse, et au N.-O. par la mer du Nord depuis la Vlie jusqu’à l’embouchure de l’Escaut et par l’Escaut jusqu’à l’embouchure de ce fleuve. Il embrassait ainsi le Cambrésis, le Hainaut, le Condros ou pays de Namur, le pays de Mézières, Donchery, Vendresse, le pays de Mouzon, celui de Sloune, le Dormois, le Barrois, l’Ornois, le Bassigny et le Saintois. Toutefois, les pays compris dans les limites que nous venons d’indiquer ne restèrent pas complètement en la possession de Lothaire jusqu’à sa mort ; plusieurs parties en furent distraites en faveur de son frère Charles, entre autres les diocèses de Belley et de Tarentaise. Après la mort de Lothaire II (869), son royaume fut partagé entre ses oncles, Charles le Chauve, roi de France, et Louis le Germanique, roi de Germanie. Cependant il est probable que Charles le Chauve ne posséda que nominalement sa portion ; car nous voyons qu’à la mort de Louis le Germanique, l’un de ses trois fils, Louis le Jeune, joignit à la France orientale ou Franconie, et à la Saxe que lui avait léguée son père, la Lorraine, accrue de la partie de cette province qui avait été attribuée à Charles le Chauve. Ce fut seulement en 895 qu’Arnoul, devenu seul roi de Germanie, rétablit, en faveur de son fils Zwentibold, le royaume de Lorraine, sous la suzeraineté des rois allemands, afin d’opposer une barrière aux incursions des Normands. Zwentibold ayant été tué par ses sujets, en 900, les Lorrains se donnèrent à Henri IV l’Enfant, roi de Germanie. En 911, ils reconnurent Charles le Simple, qui n’en devint pas plus puissant par cet accroissement d’héritage ; car le duc Rainier, qu’il établit dans cette province, s’y rendit indépendant. Mais si Rainier échappa au joug de la France, ses successeurs subirent celui de l’Empire (940). En 954, l’empereur Othon le Grand donna le duché de Lorraine à son frère Brunon, déjà archevêque de Cologne, qui prit alors le titre d’archiduc et partagea la Lorraine en deux duchés : celui de basse Lorraine au N. ou Lothier, et celui de haute Lorraine ou Lorraine Mosellane. Ce partage eut lieu en 959.

Le duché de basse Lorraine ou Lorraine Ripuaire, appelé aussi duché de Lothier, situé entre le Rhin, la Meuse et la Moselle, borné pur la Frise au N., par la Flandre et par le Vermandois à l’O., par la Lorraine Mosellane au S. et par la Saxe à l’E., renfermait le Brabant, le diocèse de Cambrai, les évêchés de Liège et de Cologne et la Gueldre. Ce duché, donné par Othon II, roi de Germanie, à Charles de France, deuxième fils de Louis d’Outre-mer, passa après la mort d’Othon, fils de ce prince (1104), à Godefroy, comte de Verdun. Toutefois, les territoires de Trêves, Metz, Toul et Verdun relevèrent directement de l’Empire, ainsi que plusieurs des comtés des deux provinces. Godefroy, comte de Verdun, transmit le duché de basse Lorraine à son frère, Gothelon. Vint ensuite Godefroy II le Bossu, fils de Gothelon, dont le neveu et l’héritier, Godefroy de Bouillon, partit pour la première croisade. La basse Lorraine échut alors à Henri de Limbourg, puis à Godefroy le Barbu, comte de Louvain (1106), qui fut la tige des ducs de Brabant. V. Brabant.

Le duché de haute Lorraine ou Lorraine Mosellane, compris entre la basse Lorraine au N., l’Alsace à l’E., la Franche-Comté au S., et la Champagne au S.-O. et à l’O., fut donné, en 959, à Frédéric Ier, comte de Bar, dont la postérité posséda le duché jusqu’en 1033. En 984, Frédéric Ier mourut, laissant ses États à son fils Thierry, qui régna sous la tutelle de sa mère Béatrix. À la mort de l’empereur Othon III (1002), Thierry se déclara pour Hermon, duc de Souabe, contre Henri, duc de Bavière. Ce dernier obtint le suffrage des électeurs, et Thierry fut contraint de demander la paix. Frédéric II (1026), son fils et successeur, se ligua avec plusieurs seigneurs pour enlever là couronne d’Allemagne à Conrad II ; mais cette entreprise échoua. À sa mort, arrivée en 1033, Goslon Ier, ou Gothelon, duc de la basse Lorraine, ayant été nommé tuteur de ses filles, obtint de l’empereur l’héritage de ses pupilles, et il réunit ainsi les deux Lorraines. En 1043, Gothelon II, son fils, lui succéda dans la Lorraine Mosellane ; mais ce prince mourut trois ans après, et alors l’empereur refusa le duché à Godefroy, frère de Gothelon II, pour le donner à Albert, comte d’Alsace. Celui-ci fut assassiné par l’ordre de Godefroy, et l’empereur, pour éviter ces sanglantes querelles, érigea la haute Lorraine en duché héréditaire, qu’il donna (1048) à Gérard d’Alsace, neveu d’Albert. C’est de ce prince que descend la maison de Lorraine, qui occupe aujourd’hui le trône d’Autriche. Gérard mourut empoisonné en 1070. Thierry II, son fils, surnommé le Vaillant, eut d’abord à soutenir une longue guerre contre son frère Gérard. L’empereur y mit fin en érigeant en comté, pour Gérard, la seigneurie de Vaudemont. Thierry prit parti pour l’empereur dans la querelle des investitures ; Grégoire VII fulmina contre le duc de Lorraine une sentence d’excommunication, qui fut rétractée lors du départ de la première croisade que commandait Godefroy de Bouillon, parent de Thierry II. Simon Ier, son successeur (1115), fut contraint de défendre ses droits contre l’archevêque de Trêves, qui avait usurpé le titre de duc de Lorraine, et le pape donna gain de cause à Simon Ier. Celui-ci mourut après avoir été vicaire de l’Empire et fait une expédition victorieuse contre Roger, roi de Sicile. Matthieu Ier, son fils, qui lui succéda en 1139, fut excommunié pour avoir empiété sur les domaines des seigneurs partis à la croisade, et ne fut relevé de cette excommunication qu’au bout de trois ans. Il prit part à une guerre en Italie, et transporta la capitale de ses États à Nancy, dont il fit sa résidence habituelle. Cet exemple fut suivi par ses successeurs. Simon II, son fils, après un règne de vingt-neuf ans (1176-1205) abdiqua pour se retirer à l’abbaye de Sturtzelbronn, où il mourut sans postérité. Son frère, Ferri Ier, fut reconnu duc de Lorraine, et l’année suivante (1206), il céda ses États à son fils, Ferri II. Le règne de ce dernier prince, qui mourut en 1213, fut rempli par une lutte contre son beau-père, Thibaut, comte de Bar, et par la part qu’il prit à la guerre de Frédéric II contre l’empereur Othon IV. Thibaut Ier (1213), son fils, lui succéda, mais ne suivit pas la même politique ; il prit le parti d’Othon IV, et il se trouvait dans l’armée impériale qui fut défaite à Bouvines, en 1214. Matthieu II, qui lui succéda en 1220, prit part à tous les événements de son temps et fut l’implacable adversaire de Frédéric II. En 1231, il assista à la diète de Worms et contribua à l’élection de Henri, landgrave de Thuringe. Il réforma l’administration intérieure de son duché, et décida que les actes publics seraient rédigés en langue vulgaire, c’est-à-dire en français dans le pays roman et en allemand dans la Lorraine allemande.

En 1251, Ferri III, né en 1239, mort en 1303, était à peine âgé de douze ans lorsqu’il succéda à son père, sous la tutelle de Catherine de Limbourg, sa mère. Le règne de ce prince fut troublé par des agitations intérieures. Redoutant la révolte de la noblesse, qu’il voulait abaisser, il accorda des privilèges et des immunités à un grand nombre de communes ; mais cette conduite ne fit qu’augmenter la sourde agitation qui régnait partout. L’évêque de Metz lui déclara la guerre et Ferri ut vaincu. Enfin, grâce à l’intervention du roi de France et de l’empereur, l’ordre fut rétabli dans le pays. En 1304, son fils, Thibaut II, lui succéda ; il eut d’abord une guerre à soutenir contre l’évêque de Metz et le comte de Bar, qu’il vainquit et fit prisonnier, puis il amena des secours à Philippe le Bel, lors de la bataille de Mons-en-Puelle (1304), accompagna ensuite l’empereur Henri VII en Italie, et mourut en 1312. Ferri IV, son successeur (1312), s’étant déclaré contre l’empereur Louis de Bavière, fut fait prisonnier à la bataille de Mulsdorf, en 1322, expia sa défaite par une longue captivité, et mourut en combattant pour la France à la bataille de Cassel (13 août 1328). Son fils, Raoul, lui succéda, sous la tutelle d’Isabelle d’Autriche, sa mère. Il alla d’abord en Espagne combattre les Maures, puis eut à repousser une attaque d’Adémar, évêque de Metz ; après ce succès, il se rendit à la cour de France et perdit la vie à la sanglante bataille de Crécy (1346). Sa seconde femme, Marie de Châtillon, dame de Guise, lui apporta en dot, entre autres fiefs, le comté de Guise, qui devint l’apanage des cadets de Lorraine. À sa mort, son fils, Jean Ier, n’était âgé que de quelques mois ; il fut néanmoins reconnu sous la régence de Marie de Blois, sa mère. Ce prince fit ses premières armes à la bataille de Poitiers, où il tomba au pouvoir des Anglais. Quelque temps après, ayant recouvré sa liberté, il servit en Bretagne, dans l’armée de Charles de Blois, son parent, et fut encore fait prisonnier à la bataille d’Auray. Plus tard, emporté par son ardeur belliqueuse, il alla au secours des chevaliers teutoniques contre le duc de Lithuanie, et contribua au gain de la bataille d’Hazeland (1365). Il mourut en 1391, laissant la couronne ducale à son fils Charles Ier, qui mérita le surnom de Hardi, pour le courage qu’il montra en combattant pour l’ordre Teutonique. Après avoir apaisé une révolte dans ses États, il se rendit à la cour de France et accompagna Charles VI au siège de Bourges (1410). Il prit aussi une part active aux troubles qui agitèrent la France pendant la sanglante lutte des factions d’Orléans et d’Armagnac. À sa mort, le duché passa à Isabelle, sa fille aînée, contrairement à la loi salique, qui réglait l’hérédité de la Lorraine. René Ier (1431), fils de Louis II, duc d’Anjou, qui avait épousé cette princesse, fut reconnu par les états de Lorraine. Mais René eut à défendre ses droits contre les prétentions d’Antoine de Vaudemont, neveu de Charles Ier. On en vint aux mains ; René fut vaincu et fait prisonnier, et il ne recouvra sa liberté qu’après une captivité de cinq ans. Sur ces entrefaites, la mort de la reine Jeanne, qui l’avait institué son héritier, lui donna la couronne de Naples. Il partit pour l’Italie, abandonnant la Lorraine aux prétentions de son rival, qui y fit des courses multipliées. En 1453, il céda le duché de Lorraine à son fils aîné, Jean, duc de Calabre, et se retira en Provence, où il mourut en 1480. Jean II, d’un caractère entreprenant et belliqueux, signala sa valeur à Florence, à Gènes, prit part à la ligue du Bien public, mais ne visita la Lorraine que pour y lever des subsides. En 1470, Nicolas, son fils, lui succéda ; ce prince dirigea contre Metz une entreprise malheureuse et mourut peu de temps après sans postérité (1473). René II, comte de Vaudemont, qui avait épousé Yolande d’Anjou, fille de René Ier, fut généralement reconnu comme duc de Lorraine ; mais Charles le Téméraire, qui désirait joindre la Lorraine à ses vastes États, fit enlever René II à Joinville. Louis XI envoya aussitôt une armée sur les frontières de la Lorraine, et René fut relâché. L’année suivante, René se ligua avec le roi de France et l’empereur Frédéric III contre Charles le Téméraire ; celui-ci vint assiéger Nancy, qu’il prit le 25 octobre 1475. Mais après les délaites de Granson et de Morat, Charles le Téméraire trouva la mort dans une troisième bataille livrée sous les murs de Nancy, le 5 janvier 1477. René rentra alors en possession de ses États. Il mourut en 1508, laissant la couronne ducale à son fils, Antoine le Bon, qui accompagna Louis XII et François Ier dans leurs expéditions d’Italie ; il se distingua à Agnadel, à Marignan, etc. Peu après il tailla en pièces, près de Saverne (1525), une formidable armée de paysans anabaptistes qui menaçaient d’envahir ses États. Une transaction, passée le 26 août 1542 à Nuremberg, avec le roi Ferdinand et le corps germanique, lui assura la souveraineté libre et indépendante de son duché. Il mourut, en 1544, après avoir su rester neutre dans la lutte entre l’empereur et le roi de France. Son fils, François Ier, ne régna qu’un an et mourut en 1545. Le fils de celui-ci, Charles II, n’avait que trois ans lorsqu’il fut proclamé duc sous la tutelle de Christine de Danemark, sa mère. Mais le roi de France, Henri II, craignant que cette princesse, nièce de l’empereur, ne se déclarât pour ce dernier, lui enleva la régence, donna le gouvernement du pays à l’évêque de Metz, et emmena Charles II à sa cour. Charles-