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Grotesques de Théophile Gautier. Mais son cadre est plus large ; ni Saint-Simon ni Chapelle ne pouvaient figurer comme grotesques, et ils comptent parmi les indépendants. Purtout où il se rencontre avec Gautier, M. Fournel a moins de verve et de caprice, mais son livre offre un tableau plus complet des irréguliers du grand siècle.

Littérature française (ESSAI SUR Là), par

M. J.-J. Weiss. Ce livre, publié en 1865, se compose d’études, d’articles de journaux, que l’auteur a réuuis ensemble, ce qui indique assez qu’ils ne se rattachent l’un à l’autre par aucun lien qui en forme une œuvre complète, à quelque point de vue que ce soit. C’est une série de tableaux qui ne manquent pas de couleur, mais où il ne faudrait pas rechercher le cachet, l’originalité dont sont généralement empreintes les compositions mûries par de longues et fortes méditations.

Littérature ancienne et élrangèro (ÉTUDES de), par M. Villemain (1846, in-8U). Ce volume est un recueil de notices séparées ; il contient de savantes études sur Hérodote, Lucrèce, Cicéron, Plutarque, Lucain, Tibère ; une dissertation sur la corruption des lettres romaines ; un essai sur les romans grecs ; des notices sur Shakspeare, Milton, Pope, Wicherley, Young, Byron. L’auteur y fait preuve de sa finesse ordinaire et du sens critique le plus exercé. « Dans son opuscule sur la Corruption des lettres romaines, M. Villemain, dit Littré, recherchant la cause, l’attribue auprogrès du despotisme et à l’abaissement des esprits par l’esclavage. En effet, le regard est immédiatement trappe par cet énorme pouvoir que la conquête du monde et la concentration de l’autorité avaient remis à une seule main. Pourtant, malgré l’apparence, c’est à quelque chose de plus profond qu’il faut demander l’explication. Si dans l’empire des Césars quelque grand intérêt intellectuel ou moral avait ému les hommes, le despotisme n’aurait pu empêcher que cet intérêt se fitjour, communiquanll’impulsion et la vie à la pensée commune. » M. Villemain a, en effet, corrigé ce que cet aperçu avait d’inexact dans son Tableau de l’éloquence chrétienne au rve siècle.

Littérature française à l’étranger (HISTOIRE ;

de la), depuis le commencement du xvue siècle, par Sayous (Paris, 1853). titre qu’il faut expliquer, ce qui est un grand défaut pour un titre. M. Sayous nous laisse croire que son livre traite de l’influence de notre littérature à l’étranger. Point ; il n’en est rien. La matière du livre est tout autre. » C’est l’histoire des Français qui ont écrit à l’étranger et sous l’influence des mœurs étrangères, en y joignunt l’histoire des étrangers qui ont écrit dans la langue française, soit chez eux, soit en France. »

Le sujet, ainsi défini, est fort intéressant et fort curieux. Mais’, entre la conception et exécution, il y a un abîme que M. Sayous û’a pas franchi. Il n’a pas su montrer, comme il l’annonçait dans sa préface, l’influence de la France sur l’étranger et réciproquement." 11 n’a pas indiqué d’une manière satisfaisante ce que la Savoie nous a apporté par l’intermédiaire de saint François de Sales, de Vaugelas et de Saint-Réal, tous les trois Savoyards de naissance. Il y avait là une large part à faire aux influences de race et d’éducation. Ailleurs, l’auteur leur a trop sacrifié au contraire. Est-il vrai, par exemple, que ce soient les habitudes anglaises qui aient donné à Saint-Kvremond, vers la fin de sa carrière, une pensée plus ferme et plus sérieuse ? La Hollande a-t-elle transformé Bayle aussi complètement que le suppose M. Sayous ? La tâche que s’était imposée l’historien était difficile : c’est son excuse.

Il en a une autre : si son livre est parfois paradoxal, iLest toujours intéressant et, tranchons le mot, amusant. On ne s’ennuie jamais en le lisant. Il a su donner une forme Tive et pittoresque à ses analyses qui se sui-Tent sans se ressembler. C’est une galerie de portraits et non une série de biographies. L’historien est peintre. Peut-être peut-on lui reprocher d’embellir ses modèles, surtout’ quand ces modèles sont protestants : car M. Sayous ne dissimule pas assez sa sympathie pour ses coreligionnaires. Mais son protestantisme n’a rien de farouche et d’exclusif. Sa foi est le fruit du libre examen, c’est dire assez qu’elle est tolérante et large. La modération, l’équité des critiques font le principal mérite et le principal charme du livre, o On y apprend beaucoup, a dit M. de Sacy, et quandoul’afini on éprouve pour M. Sayous ce qu’il dit avoir lui-même éprouvé pour Bayle : on aime l’écrivain qui sait si bien faire aimer les lettres. • (Sacy, Variétés littéraires.)

Mentionnons encore :

Littérature et voyages, par Ampère (1834, 2 vol. in-8u). Recueil d articles originairement parus dans la Ileoue des Deux-M ondes.

Littératuro française, du xvie siècle jusqu’à nos joui » (HISTOIRE DE L.i)), par M. Godefroy (1860, 2 vol. in-8°). Ouvrage écrit à un point de vue trop clérical.

Littérature depuis Honxère jusqu’à l’école romantique (ÉTUDE SUR Là), par M. Artaud

1863, in-8°). Recueil de notices intéressantes ; les meilleures sont celles qui concernent l’antiquité ; le chapitre intitulé Histoire de la langue française mérite aussi d’être noté.

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Littérature anglaise (HISTOIRE DE LA), par M. Mézières (1834, 2 vol. in-8°). D’intéressantes analyses d’œuvres se succèdent dans un ordre logique, mais l’ouvrage est loin d’être complet ; les jugements portés par l’auteur manquent d’originalité.

Littérature anglaise (ESSAI SUR Là), par Chateaubriand (Paris, 1836, ï vol. in-8°). Cet ouvrage n’est ni une histoire complète ni un examen systématique des lettres en Angleterre ; ce n’est qu’un recueil de morceaux semés de citations et de réflexions, mal reliés ensemble et d’une valeur fort inégale. Shakspeare etMilton y sont appréciés de main de maître, avec leurs qualités et leurs défauts. L’auteur profite de ses remarques sur l’absence de goût, si regrettable dans la poésie anglaise, pour rendre hommage à la perfection de nos maîtres classiques, si vivement attaqués alors par l’école romantique. Il réclama en faveur de l’idéal contre le réalisme et rappelle que si le génie enfante, c’est le goût, ce bon sens du génie, qui conserve. Il admet qu’on élargisse le domaine de l’art pour y introduire le drame, mais il nous invite à creuser davantage l’ànie humaine pour y découvrir de nouvelles sources d’émotion, au lieu de chercher à frapper les sens, à glorifier la matière par une poétique brutale tirée de théories immorales.

L’essai sur la littérature anglaise n’est que l’introduction de la traduction du Paradis perdu de Milton. Cet essai est écrit avec assez de précision, mais il est trop incomplet pour être tenu en grande estime, surtout depuis le remarquable travail publié par M. Taine sur la littérature anglaise.

Dans ses Portraits littéraires, Gustave Planche a jugé avec une inflexible rigueur l’œuvre de Chateaubriand ; M..Villemain a usé d’une indulgence plus courtoise. « Dans une histoire littéraire ainsi faite, dit-il, faite de souvenir, par occasion, par accident, on ne peut espérer beaucoup d’exactitude et d’unité. C’est assez, si, avec l’éclat du talent, elle offre des généralités intéressantes, quelques vues nouvelles, et quelques points approfondis, à côté des omissions et des lacunes inévitables dans un travail trop rapide et trop vaste.

Littérature anglaise (HISTOIRE DE LA), par

Henri Taine (1864, 4 vol. in-8°). Cette œuvre puissante n’est pas un de ces livres qu’on lit seulement pour apprendre le sujet traité et pour jouir de quelques pages bien écrites, c’est une véritable philosophie en action qui renouvelle la substance de l’esprit et laisse après soi une manière particulière de regarder les choses. On y trouve une connaissance merveilleusement précise du sujet, une érudition immense, une imagination vive, largement sympathique, une dialectique serrée, un style dont la trame simple et forte se recouvre des couleurs les plus vives et des arabesques les plus délicates. Aux yeux de l’auteur, cet ouvrage est moins une histoire particulière, un ensemble de biographies que

l’épreuve répétée d’une nouvelle méthode historique, exposée dans l’introduction de l’œuvre. M. Taine se propose de faire passer l’histoire au rang de science positive. Dans ce but, il ne se contente pas d’étudier les hommes d’une époque historique avec leur physionomie ondoyante et diverse. Il va plus avant. « 11 y a, dit-il, un système dans les sentiments et dans les idées humaines, et ce système a pour premier moteur certains traits généraux, certains caractères d’esprit et de cœur, communs aux hommes d’une race, d’un siècle et d’un pays. De même qu’en minéralogie les cristaux, si divers qu’ils soient, dérivent de formes corporelles simples, de même en histoire les civilisations, si diverses qu’elles soient, dérivent de quelques formes spirituelles simples. » M. Taine a très-nettement marqué les points qui suffisent pour déterminer cette sorte de configuration d’un personnage et d’une nation. Lorsqu’il étudie un personnage, il commence par étudier les trois grandes causes qui ont exercé une influence capitale sur sa conduite, ses habitudes, son esprit : la race, le milieu, le moment. Selon lui, l’homme n est pas seulement l’artisan des événements, il est aussi l’ouvrage des événements ; son esprit n’est pas une table rase, mais une table qui porte déjà des empreintes. Presque partout en histoire, à côté des influences de la race et du milieu, on voit une tendance régnante qui impose en partie aux choses naissantes leur tour et leur direction. Enfin, à ces trois grandes causes, viennent se joindre d’autres causes qui marquent également leur empreinte sur la physionomie morale et intellectuelle, soit d un individu, soit d’une nation : la religion, l’art, la philosophie, l’État, la famille, les industries, éléments qui constituent dans la méthode de M. Taine ce

qu’il appelle la loi des dépendances mutuelles. Au point de vue de cette méthode, l’histoire devient le récit de la végétation humaine, et l’objet de l’historien est à chaque époque un problème d’anatomie et de physiologie morales.

L’Histoire de la littérature anglaise de M. Taine est un ouvrage extrêmement remarquable, « C’est, dit M. Emile Montégut, le plus vaste et le plus complet travail qui ait encore paru parmi nous sur ce fertile et amusant sujet de la littérature anglaise. Il semble que la matière devrait être épuisée, et

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cependant la riche mine a été encore à peine explorée. Tout compte fait, que reste-t-il de tout ce qui a été écrit sur la littérature anglaise ? Quelques leçons éloquentes de M. Villemain, les nombreuses esquisses si brillantes et si vivantes écrites au hasard du caprice et de l’occasion, cette souveraine maitresse des reviewers et des journalistes, par M. Philarète Chasles, et ça et là quelques essais dus & des talents divers que leurs études ont exceptionnellement conduits à fouiller telle ou

telle province de cette littérature… Le lecteur trouvera pour la première fois, dans le livre de M. Taine, un tableau général exact et complet de cette littérature. Pour la première fois, il fera connaissance avec des œuvres et des hommes qui jusqu’à présent n’avaient représenté pour lui que des noms et des titres, ou dont on lui avait incomplètement expliqué la valeur… Le livre de M. Taine va, nous l’espérons, contribuer à dissiper cette ignorance et fixer l’opinion du public sur toutes ces matières encore confuses et mal élucidées. Le lecteur entendra prononcer cette fois avec la sympathie, le respect et l’admiration qu’ils méritent, une foule de noms qui, probablement, ne s’alliaient dans son imagination à aucun sentiment poétique nettement défini, et qui ne réveillaient en lui d’autre souvenir que celui des nomenclatures arides contenues dans des abrégés d’histoire littéraire… La décision du jugement, tel est le premier mérite de cette œuvre remarquable. Le second est un sentiment exact et vrai de la littérature qu’elle expose. M. Taine ne vous laisse pas maître de jouir à votre gré des beautés qu’il vous présente, il veut que vous en jouissiez d’une manière conforme de tout point à la sienne. Il ne vous introduit pas dans ses sujets, à vous y pousse par les épaules, et, au moment où vous commenciez à entrer en contemplation devant le spectacle qu’il vous montrait et où vous ne demandiez qu’à prolonger la rêverie, il vous tire par le bras avec une incroyable force de muscles et vous entraîne vers un autre spectacle tout différent du premier, qu’il vous force d’admirer séance tenante, tandis que vous êtes encore tout ému de votre précédente admiration et mal éveillé de votre précédente rêverie. Il paye sa décision et sa fermeté d’intelligence par l’excès de l’esprit systématique, la violence du trait, l’abus de la force et la monotonie du procédé. Une certaine dureté brillante distingue son talent, et il semble parfois, en tournantses pages, qu’on remue de minces feuillets métalliques dont on voit le refietet dontonentend le bruissement sonore. Une certaine prolixité concise le distingue aussi ; il torture sa pensée jusqu’à ce qu’il ! ait présentée sous vingt images différentes. »

Cette histoire, proposée à l’Académie française pour un prix de 20, 000 francs, fut éliminée, à la suite de vives attaques dirigées par M. Dupanloup contre l’auteur, comme entachée de doctrines matérialistes et panthéistes.

Littérature allemande (HISTOIRE DE la), par Julian Schmidt (1853, in-8°). Ce livre, qui a fait époque à cause de l’élégance et de la force du style, de la profondeur des aperçus, et surtout des jugements passionnés et souvent empreints de partialité que l’auteur émettait sur les écrivains les plus importants, a été fort attaqué. On a reproché avec quelque raison à Julian Schmidt de n’être qu’un critique et pas autre chose, et en conséquence de n’avoir pas pour ce qui est seulement beau, entre autres pour la poésie, l’admiration et l’intelligence nécessaires. Ses jugements sur Gutzkow, sur Heine et même sur Gœthe, sont d’une dureté qui ne s’explique que par le sentiment strictement moral qui les dicte, sentiment qui ne semble pas être celui qui doit présider au jugement des œuvres littéraires. Julian Schmidt est un doctrinaire qui n’a que trop souvent torturé, au nom de ses doctrines, les auteurs qui ne les partageaient pas. Il a écrit aussi une Histoire de ta littérature française, en deux volumes, qui n’est pas sans mérite quoique écrite trop exclusivement au point de vue allemand.

Littérature poétique des Allemands (HIS-TOIRE DB la), par Gervinus (1835-1855, 5 vol. in-8°). Il n’y a pas de peuple qui possède autant d’histoires littéraires, d’abrégés, de manuels sur toutes les époques que les Allemands. Le livre de Gervinus fut pourtant, à son apparition, jugé comme une chose nouvelle. Au lieu de prendre la littérature dans ses faits, dans l’analyse de ses productions, de ranger par ordre chronologique les œuvres littéraires, de les accompagner de critiques, d’études sur la vie de leurs auteurs, et quelquefois sur l’époque où elles avaient paru, Gervinusentreprit d’étudier les lois de formation et de développement de chaque genre.

Le premier il donna, à un point de vue élevé et philosophique, l’exposé complet de l’histoire littéraire allemande et l’appela nationale. Au lieu d’un simple compenditim à l’usage des écoles, le livre de Gervinus était la véritable philosophie de l’histoire appliquée aux événements littéraires et au développement intellectuel du peuple. Il a été ainsi, dans la critique littéraire, le continuateur de Lessing et de Herder, et a su appliquer leurs procédés à la partie historique de la littérature, que ces auteurs n’avaient traitée qu’accidentellement dans leurs écrits. On lui a reproché de fonder ses jugements littéraires

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sur la morale plutôt que sur l’esthétique, ce qui l’a rendu souvent trop sévère à l’égard des auteurs de la Restauration et de la poésie moderne. Néanmoins on reconnaît dans son œuvre une tendance libérale très-prononcée qui l’anime d’un bout à l’autre, et en relie, d’une manière logique et conséquente, les parties les plus diverses. Il a répandu un attrait singulier sur le tableau du xive et du xve siècle. Cette littérature démocratique, où le peuple remplace les maîtres, et que représente le groupe original de Thomas Murner, d’Ulrich de Hutten et de Hans Sachs, forme un des meilleurs épisodes de son œuvre. Le mérite essentiel de l’ouvrage de Gervinus, avec l’abondance des documents et la fécondité des vues, c’est l’ampleur et la netteté du plan. L’auteur a distribué ses matériaux avec beaucoup d’art dans l’ensemble. Le reproche qu’on pourrait adresser à ce livre, c’est qu’il est difficile à lire ; ses phrases manquent de clarté et de simplicité. Connaissant à fond son sujet, il va en avant sans se soucier si ceux qui le lisent ont fait les mêmes études que lui et peuvent le comprendre.

Littérature espnguole (HISTOIRE DELA), par

Bouterweck. V. espagnole (Histoire de la littérature).

Littérature espagnolo (HISTOIRE DELA), par Ticknor. V. espagnole (Histoire de ta littérature).

Littérature italienne (HISTOIRE DE LA), pal’

Tiraboschi. V. italienne (Histoire de la littérature).

III. — Littérature dramatique.

Littérature dramatique (COURS DE), par

A.-W. de Schlegel (1809-1814, 3 vol.). Cet ouvrage, qui fait autorité pour tous les jugements qui n’intéressent pas la scène française, est la rédaction des quinze leçons que fit Schlegel à Vienne en 1808. La traduction de Mme Necker de Saussure parut en 1809-1814 (3 vol.) ; l’ouvrage original avait été imprimé sous ce titre : Leçons d’art dramatique et de littérature (1S09-1S11).

Ce Cours embrasse tout ce qui s’est produit de plus remarquable au théâtre depuis les Grecs jusqu’à nos jours ; ce n’est point une nomenclature stérile des travaux des divers auteurs. L’esprit de chaque littérature y est saisi avec l’imagination d’un poète.

On ne peut contester à l’ouvrage de Schlegel un mérite assez rare en tout temps, même chez les écrivains qui marquent par le style, le savoir et l’esprit. Son Cours brille par une foule d’idées profondes, originales, créatrices. Replacer la théorie de l’art sur son vrai terrain, lui assigner ses limites naturelles, exposer et défendre les divers procédés, les diverses formes qui ont dû correspondre à différents degrés de civilisation, apporter dans l’histoire littéraire ce feu sacré qui inspire l’enthousiasme pour les grands génies et leurs œuvres, savamment analysées, tel est le travail qu’a entrepris et exécuté le critique allemand. Traiter ainsi la critique, c’est faire à son tour œuvre de génie.

Schlegel est surtout excellent lorsqu’il apprécie le théâtre grec, celui de Shakspeare et celui de Calderon. On peut le consulter encore sur Métastase et Alheri. C’est dans ces appréciations que Schlegel justifie le mot de Rime de Staël : » Il n’a point d’égal dans l’art d’inspirer de l’enthousiasme pour les grands génies qu’il admire. » 11 est à regretter que le théâtre français soit en général fort mal jugé ; mais Schlegel est évidemment sous l’influence de la passion. C’est la dictature de Napoléon qu’il s agit d’attaquer dans la dictature du théâtre français. et ce qui le prouve, c’est que le ton et la nature de sa critique changent à l’instant. Le professeur qui tout à l’heure combattait avec autant d’éloquence que de raison cette vieille critique négative, exclusivement acharnée aux défauts, analyse Racine à peu près comme Laharpe aurait analysé Shakspeare. Il ne voit dans le théâtre français rien autre chose que l’imitation du théâtre grec, et, après avoir prouvé combien cette imitation est loin d’être exacte, il. en conclut tout simplement que la copie est mauvaise et inférieure à l’original, au lieu d’en conclure qu’elle est autre, et que cette différence constitue sa véritable originalité.

■… Schlegel, dit Henri Heine, n’a jamais pu comprendre que la poésie du passé. Celle du temps présent lui échappe. Tout ce qui est vie moderne lui semble excessivement prosaïque, et il n’a pu concevoir la poésie de la France, ce sol maternel de la société et da la poésie modernes. ■

Littérature dramatique (COURS DE) Ou Recueil, par ordre de matières, des feuilletons de Geoffroy (Paris, 1819, 6 vol. in-8°). Cette collection, assez mal faite, comprend ce que le critique a écrit pendant quinze années sur le théâtre et l’art dramatique. Loué d’abord par les critiques de son école, puis bafoué par ses ennemis, l’Aristarque des Débats n’a été juge que de nos jours. Dans ses articles de feuilleton, Geoffroy s’est contenté trop souvent d’égayer la malignité du public, et a négligé d’être impartial. Cependant on ne peut lui refuser une pénétration d’esprit qui lui fait saisir sur-le-champ les beautés et les défauts d’un ouvrage, une imagination vive, un goût pur et sain, un jugement solide et une profonde connaissance des anciens modèles. Au compte rendu de la représentation