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critique et de synthèse qui, dans l’histoire, distinguera le xixe siècle de ceux qui l’ont précédé, que l’on doit et sa naissance et l’étonnante promptitude de ses développements. La musique acquérant en France chaque année une nouvelle force d’expansion, il était tout naturel qu’on cherchât à pénétrer les mystères qui enveloppaient son histoire ; qu’on s’ingéniât à découvrir les différentes phases de ses progrès matériels, de ses transformations, de ses développements successifs ; qu’on voulût connaître les grands hommes qui l’avaient illustrée et portée à son plus haut point de perfection : que l’on tâchât enfin d’établir les bases d’une critique rationnelle. Quelques hommes dévoués, artistes ou amateurs, comprirent ce besoin pressant, et se mirent en devoir de vulgariser la musique par la voie de la littérature. Leurs écrits, peu nombreux d’abord et peu répandus, acquirent bientôt une certaine autorité ; de nouveaux travailleurs vinrent alors se joindre à eux, et le nombre de ces écrits augmenta incessamment, de façon à former un répertoire assez vaste pour qu’il devienne utile de le signaler spécialement au public. La littérature musicale n’a surgi que depuis

fieu de l’ensemble des grands travaux intelectuels opérés en France ; non qu’on ne

s’en soit occupé depuis longtemps déjà, mais parce que les premiers essais tentés dans cet ordre d’idées l’avaient été par des hommes inaptes pour la plupart, malgré leurs facultés générales, à traiter des matières aussi spéciales. Au dernier siècle, sans parler de Quelques tentatives antérieures, une foule d’écrivains, parmi lesquels des hommes de génie, avaient porté leurs vues de ce côté. En dehors de Rousseau, que ces questions passionnaient jusqu’à la fureur, et qui, en musique comme en différentes matières, a dit d’excellentes choses et des choses absurdes, on peut citer sous ce rapport Saint-Evremond, le président de Brosses ; Gresset : Discours sur l’harmonie ; l’abbé de Voisenon : Opuscules sur la guerre des coins ; le financier de La Borde : Essai sur la musique ; Diderot, Ginguené. d’Alembert, l’abbé Mably ; Raguenet : Parallèle des Italiens et des français, en ce gui regarde ta musique et les opéras ; Lecerf de La Viéville : Comparaison de la musique italienne et de la musique française ; Duret de Moinvilie : Histoire de il’Académie royale de musique ; Mathon de La Cour, Grimio, Travenol, Luneau de Boisjermain, Framery,

Marmontel ; Rémond de Saint-Mard -.Réflexions sur l’opéra ; Suard, l’abbé Arnaud, Cazotte, le baron d’Holbach, Laharpe et beaucoup d’autres encore. Quelques faits particuliers, tels, par exemple, que l’arrivée des bouffons italiens à Paris en 1752, ou la guerre devenue célèbre des gluekistes et des piccinnistes, soulevèrent à eux seuls une multitude d’écrits de tout genre, en prose ou en vers, brochures, pamphlets, dont la musique faisait exclusivement les frais ; mais la plupart de ces opuscules, fort précieux d’ailleurs pour l’histoire de l’art musical au xviue siècle, ne contenaient que divagations pures, par la raison simple que ceux qui les avaient conçus, ne s’étant point donné la peine d’étudier préalablement le sujet qu’ils voulaient traiter, s’ébaudissaient à tort et à travers et parlaient pour ne rien dire. Or, si l’on doit tenir pour juste qu’un dilettante éclairé puisse émettre une opinion raisonnes sur une œuvre musicale quelconque, il n’en reste pas moins vrai qu’en matière de critique historique, philosophique et analytique, les hommes du métier doivent avoir le pas. La musique s’écarte très-sensiblement des autres branches de l’art, en ce sens que, procédant en même temps de l’inspiration et de la science, elle s’adresse tout à la fois à la raison et à l’imagination, à l’intelligence et à la sensibilité. On comprend donc qu’elle réclame une initiation tome particulière, et que le premier venu ne saurait être apte à en juger. Voilà, pourquoi, bien que les disputes musicales du dernier siècle aient été vives, violentes et prolongées, elles n’ont point abouti, et pourquoi la critique spéciale n’existait réellement point alors : l’éducation première manquait, et, partant, la solidité dans la discussion.

Aujourd’hui, il n’en est plus absolument de même, et si la critique musicale est encore confiée dans certains journaux a des hommes de lettres absolument ignorants des matières qu’ils sont appelés à traiter, et qui n’en parlent qu’avec plus d’aplomb, d’autres, doués d’un vrai talent et possesseurs d’une réelle autorité, entretiennent périodiquement le public de ces matières délicates et difficiles à bien connaître pour qui n’eu a pas fait l’objet spécial de ses études. Mais en dehors de ce qui se fait dans les journaux, un grand mouvement s’est opéré depuis un demi-siècle, et chaque jour il se publie sur la musique des travaux très-sérieux.

(Je mouvement a été provoqué par deux hommes qui se partagent la gloire et l’honneur d’avoir fondé en France la véritable littérature musicale : Castil-Blnze et M. Fétis. C’est à eux, à leur vigo.ueuse initiative, à leurs travaux nombreux et divers, à leur labeur incessant, que nous devons l’attention que le public insouciant à Uni par porter aux matières musicales, l’intérêt qu’il y a pris insensiblement et presque sans s’en apercevoir. Bien que ces deux écrivains soient fort loin d’être a. l’abri de tout reproche, il n’en est pas moins vrai que l’art et

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les artistes leur doivent être reconnaissants de leurs efforts, de la noblesse du but qu’ils se sont proposé, aussi bien que des résultats qu’ils ont su atteindre.

On doit à Castil-Blaze plusieurs ouvrages précieux à des titres divers, et fort inégaux quant au mérite. Les deux premiers : De l’opéra en France et le Dictionnaire de musique, sont excellents à presque tous les points de vue. Les autres, la Danse et les ballets, la Chapelle-musique des rois de France, Molière musicien, l’Académie impériale de musique, le Théâtre-Italien,’Art des vers lyriques, sont de beaucoup inférieurs aux précédents ; on y trouve cependant nombre de renseignements qu’il serait inutile de rechercher ailleurs. Quant à M. Fétis, il faut citer ses Curiosités musicales, sa Musique mise à la portée de tout le monde, et surtout l’ouvrage colossal intitulé : Biographie universelle des musiciens et Bibliographie générale de la 7>wsique, Trop peu soucieux de l’exactitude historique, M. Fétis, qui ne s’est pas donné la peine de corriger dans la seconde édition de cet ouvrage la dixième partie des erreurs contenues dans la première, a mérité les sévères et nombreuses critiques dont il s’est vu l’objet ; mais il n’en est pas moins vrai qu’on doit lui savoir gré du travail livré par lui au public, travail qui servira utilement de point de départ et de point d’appui à celui ou à ceux qui se sentiront le courage nécessaire pour entreprendre de le reconstruire —un jour.y

À la suite de Castil-Blaze et de M. Fétis, un petit bataillon de travailleurs sérieux et assidus entrèrent en lice et commencèrent à se livrer à des études littéraires et historiques, dont la musique était l’unique objet. Farmi ceux il faut citer Perne, Adrien de La Fage, Choron, Bottée de Toulmon, Anders, Mainzer, d’Artigue, Stendhal, qui ont publié de3 travaux intéressants et parfois fort étendus. Au nombre des historiens proprement dits, il nous faut mentionner M. de Goussemaker, si connu pour ses excellents ouvrages sur l’harmonie au moyen âge ; M. Théodore Nisard et ses études sur le chant grégorien ; M. A.-J.-H. Vincent, de l’Institut, auteur de travaux très-solides sur la musique grecque ; MM. F. Danjou et Stephen Morelot, qui ont fait en commun des recherches très-ardues sur la musique et le chant religieux ; M. Félix Clément, qui a publié deux ouvrages importants, une histoire de la musique religieuse et les Musiciens célèbres ; M. Labat et ses Études philosophiques et morales sur l’histoire de la musique ; M. Elwart, à qui l’on doit une Histoire de la Société des concerts et une Histoire des concerts populaires ; M. Lassabathie et son excellente Histoire du Conservatoire ; MM. Er. Thoinan, Malliot, Ch. Loisot, Gustave Bertrand, Georges Kastner, A. Thurner, Amédée Méreaux, Escudier frères, Ch.Soullier, Beaulieu, l’abbé Jouve, etc., etc.

Parmi les biographes, il faut signaler Halévy et ses élégantes notices lues à l’Institut ; Adolphe Adam, qui en a publié de charmantes dans le Constitutionnel ; Quatremère de Quincy et Raoul Rochette, qui ont fait comme Haie vy, mais avec un talent moins délicat ; MM. Henri Blaze : Meyerbeer, les Musiciens contemporains ; Ernouf : Beethoven, Schumann, Mendelssohn, Meyei-beer ; Azevedo : Rossini, Félicien David ; Arthur Pougin : BelUni, F. Haléoy écrivain, Wallace, Meyerbeer, etc. ; Er. Thoinan, de Gasperini, B. Jouvin, Léon Kreutzer, F. de Villars, Denne-Baron, Camille Selden, l’abbé Goschler, Albert Sowinski, Edmond Neukomm, etc., etc. Dans la critique, il nous faut au moins nommer Scudo, Uelécluze, Franck-Marie, Gustave Héquet, Édouard Monnais. MM. Hector Berlioz, Ernest Reyer, Albert de Lasalle, Johannès Weber, Maurice Bourges, Th. de Lajarte, Maurice Cristal, Paul Bernard, Oscar Comettant, Albert Vizentini, Armand Gouzien, Fr. Schwab, G. Bénédict, etc.

On voit que, si elle a tardé à se produire en France, la littérature musicale est en train de prendre sa revanche, car elle se fait remarquer depuis vingt ans, non-seulement par le nombre, mais aussi par la valeur, la variété et la solidité de ses produits. Elle est bien loin cependant d’être chez nous ce qu’elle est en Allemagne, où, chacun étant musicien, tout le monde est apte à discourir sur les choses de l’art. Aussi il faut voir les merveilleux travaux qui ont vu le jour de l’autre côté du Rhin sur les grands musiciens nationaux : Beethoven, Mozart, Haydn, Mendelssohn, Weber, Gluck, etc. Si nous n’en sommes pas là, néanmoins nous sommes supérieurs sous ce rapport à tous les autres pays, principalement à l’Italie, où les études littéraires relatives à la musique sont absolument nulles, et où l’on peut dire qu’elles n’existent point. Cela peut nous donner courage, d’autant que chez nous la voie est ouverte, et que nous y marchons résolument.

I. — Littérature générale.

Littérature (cours de), de Laharpe. V. LYCÉE,

Littérature (éléments de), par Marmontel (1784). L’art d’écrire et l’étude approfondie des divers genres de composition sont l’objet spécial de cet ouvrage, qui n’est, à proprement parler, qu’un cours de rhétorique. Marmontel y travailla pendant trente années ; l’ordre alphabétique adopté par lui nuit

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malheureusement à l’enchaînement des idées. « C’est dans les Éléments de littérature, dit M. de Barante, que Marmontel s’est montré avec le plus d’avantage. Les rhétoriques qu’on avait faites jusqu’alors avaient presque toujours porté sur les formes extérieures de l’éloquence et de la poésie, les avaient considérées comme des arts, et avaient recherché et indiqué des procédés, pour ainsi dire mécaniques, qui aidaient à les pratiquer. En général, les rhéteurs n’avaient guère songé à descendre plus avant ; ils n’avaient pas songé à chercher la liaison des divers mouvements du langage avec les mouvements

correspondants de l’âme, et avec toutes les circonstances où se trouvent celui qui parle et celui à qui l’on parle. Fénelon, dans les Dialogues et les Lettres sur l’éloquence, Montesquieu, dans l’Essai sur le goût, avaient indiqué cette route nouvelle : ils s’étaient occupés du sentiment auquel on doit les arts d « l’imagination, et non point des détails de leur pratique. L’abbé Dubos, dans les Réflexions sur la poésie et la peinture, avait suivi de même cette marche. Ce fut aussi celle de Marmontel ; il analysa avec discernement et finesse le genre de sentiment qui caractérise les différentes formes dont se revêtent les productions de l’esprit. Il rechercha les causes qui peuvent" influer sur ce sentiment et le modifier ; il ne s’attacha pas à des règles qui sont impuissantes à faire naître le talent ; il enseigna à sentir, à admirer les œuvres d’imagination, et non point à les comparer froidement avec le modèle prescrit par la rhétorique pour les juger d’après leur conformité plus ou moins exacte avec ce modèle. Tandis que les anciennes rhétoriques, au milieu de leur marche et de leur langage technique, n’apportaient à l’esprit aucune espèce de plaisir, Marmontel sut retracer dans son style les vives impressions que font eu nous les jouissances littéraires. Lire et admirer est, en effet, un sentiment ; comme les autres, il peut être fidèlement représenté. ■

Littérature (LETTRES SUR LA), par LeSSÎng

(iSOo), publication périodique-dans laquelle, sous le voile de l’anonyme, Lessing et Nicolaï se livraient à la critique de tout ce qui paraissait en Allemagne et à l’étranger. Les dix-neuf premières lettres, à l’exception de la sixième, sont de Lessing. C’est un ouvrage utile à consulter.

Littérature (DE La) considérée ilanti ses rapporta ar «  « les institutions sociale !  !, par

Mul<3 de StaBl (1800). L’auteur de ces considérations, se proposant la démonstration d’une frande vérité philosophique, la perfectibilité e l’espèce humaine, en voit la preuve dans le progrès incessant des lettres, qui ne sont que le reflet de chaque âge. Mme de Staël passe en revue les plus belles productions de l’esprit humain, depuis Homère jusqu’au commencement du xixe siècle, les ouvrages d’imagination et les écrits philosophiques, et elle essaye l’application de sa théorie. La philosophie des Grecs est au-dessous de celle des Romains, leurs imitateurs, et la philosophie moderne a sur celle des Romains la supériorité que deux mille ans de méditations de plus doivent assurer au génie de l’homme. Eminents par le goût simple et pur des beaux-arts, les Grecs ont à peine dressé l’échafaudage de l’édifice élevé d’âge en âge à la raison humaine. Une méthode, l’art de résumer, manquait aux philosophes de la Grèce ; Aristote est le seul qui ait mis l’esprit d’observation à la place de l’esprit de système.

Malheureusement, l’auteur trébuche dès qu’il aborde le vrai sujet de sa dissertation, puisque, en littérature, il lui faudrait prouver que la tragédie de Racine est supérieure à celle de Sophoche, et la Henriade meilleure que l’Iiiade et l’Odyssée. Les lettres, poésie, éloquence, histoire, ont atteint du premier coup en Grèce une hauteur qu’elles n ont pas dépassée. Ce n’est donc pas en opposant une à une des œuvres individuelles de divers temps, c’est en comparant entre elles les époques au point de vue de l’universalité des connaissances qu’on pourrait soutenir ta thèse de Mrae de Staël. On trouve, néanmoins, des aperçus ingénieux, des jugements justes, dans cette revue rapide d’une trentaine de siècles littéraires.

Littérature (cours de), par Frédéric Schlegel (1812). Dans un cadre assez étroit, l’auteur réunit des aperçus du premier ordre:il excelle dans l’art des rapprochements, et les parties les plus négligées ordinairement sont celles qu’il fait connaître le mieux. L’influence des littératures les unes sur les autres est constatée avec un rare talent, et nulle part ailleurs on n’apprend à mieux connaître les chants du Nord, la vieille poésie allemande, ou bien encore les troubadours du Midi. Frédéric Schlegel penche visiblement en faveur du moyen âge, et, à ce point de vue, son Cours de littérature, que Mme de Staël contribua surtout à l’aire connaître, doit être considéré comme le plus puissant initiateur du romantisme.

Lillérnture générale (COURS ANALYTIQUE DE), professé à l’Athénée de Paris par Népomucène Lemercier (1817, 3 vol. in-8 » ). C est un ouvrage fait avec soin, avec patience, et qu’on lit avec intérêt. Dans l’introduction de son livre, l’auteur présente des vues générales sur l’importance d’une analyse exacte

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flans tous les genres de la littérature ; il s’occupe donc, en premier lieu, de l’origine des belles-lettres, de leurs moyens ou procédés, de leur fin. Il établit que la littérature a, comme les sciences, ses classifications, ses genres, ses espèces, ayant chacun ses divisions, ses subdivisions, et que l’ensemble des qualités et des conditions qui les constituent en est la synthèse. Fidèle à ce point de vue, M. Lemercier a adopté, non pas la classification par ordre alphabétique, comme Marmontel, mais la division par genres. Il s’est efforcé de délimiter chacun deux, d’en marquer l’origine, le caractère et le perfectionnement ; de distinguer les espèces qui en dérivent et de les ranger à leur suite ; de classer ensuite ceux des genres primitifs qui ne peuvent rentrer dans aucun autre, etc. Cette méthode critique est nette, claire, mais il est à peine possible de suivre la filiation des esprits, filiation que l’ordre historique ou chronologique met seul sous les yeux. Le premier volume du cours est consacré à la tragédie, que l’auteur poursuit dans toutes ses transformations, depuis Eschyle ; le second est

consacré à la comédie, étudiée au même point de vue ; le troisième s’occupe de l’épopée héroïque et badine, de la poésie-lyrique et des divers genres inférieurs.

Littérature et philosophie mêlées, par Victor Hugo (1834, 2 vol. in-8°). Simple recueil d’articles déjà publiés, cet ouvrage n’a pas l’importance des autres œuvres du grand poète ; il est curieux cependant en ce qu’il permet de suivre la marche de ses idées eu littérature et en politique. Les premières pages sont d’un vendéen, les suivantes d un bonapartiste, les dernières d’un républicain. Comme forme, on trouve d’abord du classique pur, des imitations de J.-B. Rousseau ; puis, peu à peu, le vieux moule se brise et un style tout neuf apparaît. L’auteur avait dix-sept ans lorsqu’il signait les premiers articles du recueil, et trente-deux lorsqu’il publiait les derniers. Dans l’intervalle, il avait écrit les Odes et ballades, les Orientales et Notre-Dame de Paris, ce qui explique la transformation.

La préface dont V. Hugo a fait précéder ses deux volumes, en 1834, est sévère, trop sévère même ; il appelle l’indulgence sur des convictions de jeunesse et s’en moque spirituellement. Ces ardeurs d’un jeune enthousiaste ont pour nous des charmes, et nous les lisons avec autant de plaisir que des pages d’autobiographie. Elles sont plus vraies et plus sincères que celles qu’écrivent d’ordinaire, sur leur jeunesse, les hommes célèbres lorsqu’ils sont arrivés à l’âge mûr.

Dans le Journal des opinions et des lectures d’un jeune jacobite de 1829, qui compose le premier tiers du volume, V. Hugo se montre tel qu’il était au sortir des écoles ; le novateur de l’avenir en est encore aux idées les plus rétrogrades en littérature et en politique ; sa poésie est aussi pauvre que sa critique ; de petits vers badins, dans le goût de Dorât, et, en prose, des déclamations furibondes contre la Révolution sont ses thèmes ordinaires. Cependant, il faut noter une page excellente sur les Méditations de Lamartine, qui venaient de paraître, et une autre, non moins bonne, Sur André Chénier ; tout en étant, par impuissance juvénile, un royaliste voltairien, V. Hugo pressentait la poésie nouvelle, dont il allait bientôt être le grand prêtre, et il la saluait au passage, dans ses précurseurs. Le Journal d’un révolutionnaire de 1830 donne la contre-partie du Journal d’un jacobite. En écrivant ces pages, Hugo avait déjà derrière lui la préface de Cromwell et les beaux drames de Marioix Delorme et de Hernani; c’est toute une transfiguration. Il était revenu du classique et écrivait:• Les autres peuples disent Homère, Dante, Shakspeare ; nous disons Boileaul ■ En politique, il était bien loin de la Vendée; il disait:« La république, qui n’est pas encore mûre, mais qui aura l’Europe dans un siècle, c’est la société souveraine de la société ; se protégeant, garde nationale ; se jugeant, jury ; s administrant, commune ; se gouvernant, collège électoral. » Un ingénieux article sur Voltaire et de magnifiques pages sur Mirabeau sont la conclusion de cette seconde partie. V. Hugo n’écrirait certainement plus aujourd’hui ce qu’il écrivait alors sur Voltoire et l’Encyclopédie, « ouvrage, dit-il, où des hommes qui avaient voulu prouver leur force ne N prouvèrent que leur faibiesse; » mais le portrait de Mirabeau reste un des plus beaux morceaux qui soient sortis de cette plume puissante et maîtresse d’elle-même.

V. Hugo a fait précéder de ces lignes la dernière édition de la Littérature et philosophie mêlées :

■ S’il est vrai que Murât aurait pu montrer avec quelque orgueil, à côté de son sceptre de roi, son fouet de postillon et dire : « Je suis parti de làl • c’est avec un orgueil plus légitime, certes, et avec une conscience plus satisfaite qu’on peut montrer ses odes royalistes d’enfant et d’adolescent à côté des poèmes et des livres démocratiques de l’homme fait ; cette fierté est permise, nous le pensons, surtout lorsque, l’ascension faite on a trouvé au sommet de l’échelle de lumière la proscription et qu’on peut dater cette préface de l’exil. ■ (Jersey, juillet 1853.)

Littérature (LETTRES SUR LA), par Alfred

de Musset (1838). CesLetlres, signées Dupuis