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lat. littera, lettre). Celui qui est versé dans la littérature, ou qui en fait son occupation habituelle : II peut arriver qu’un littérateur soit grand poète, grand historien, écrivain merveilleux, et que l’affaire des beaux-arts soit lettres closes pour lui. (Th. Leclercq.)

— Adjectiv. : Vous avez affaire à forte partie ; M. de L. est littérateur jusqu’au bout des ongles, (Th. Leclercq.)

LITTÉRATRICE s. f. (li-té-ra-tri-cerad. littera, lettre). Femme de lettres. Il Peu usité.

LITTÉRATURE S. f. (li-té-ra-tu-re — lat. litteratura ; de litteratus, lettré). Connaissance des belles-lettres ; science de l’écrivain : Cours de littérature. Étude de la littérature. Se vouer à la littérature, Il n’y a en littérature que les monuments qui comptent. (Dussault.) Les gens de goût sont les hauts justiciers de la littérature. (Rivarol.) La littérature se rattache à tout, embrasse tout ; tout y rentre et rayonne d’elle. (Lemercier.) Les femmes bien élevées ont, en général, le goût faux en littérature. (Mme E. de Gir.) La littérature résume dans quelques-uns l’esprit de tous ; la science restitue à tous l’esprit de quelques-uns. (E. de Gir.) En littérature, le plus sûr moyen d’avoir raison, c’est d’être mort. (V. Hugo.) Il Connaissance de tout ce qui concerne la théorie littéraire, ainsi que des ouvrages qui en sont l’application ; Avoir une vaste et profonde littérature. N’avoir point de littérature. Avoir beaucoup de littérature. Avoir une littérature variée. Chapelain avait une littérature immense. (Volt.) Dangeau avait de la littérature ; il rimait en homme du monde. (Ste-Beuve.)

— Ensemble des productions des écrivains d’une nation, d’un pays, d’une époque : Le caractère national influe sur la littérature. (Mme de Stael.) La littérature française a fait plus pour la gloire du pays que les conquêtes de nos guerriers. (Kératry.) À son début, la littérature anglaise du moyen âge fut défigurée par la littérature romane. (Chateaub.) L’existence des langues classiques est une loi universelle dans l’histoire des littératures. (Renan.) La littérature des peuples commence par les fables et finit par les romans. (J. Joub.) La littérature d’une langue est une fille qui fait l’éducation, de sa mère. (A. Fée.) La littérature exprime exactement l’état intellectuel et moral d’une société. (Latena.) Les littératures immorales n’appartiennent qu’aux pays sans liberté. (E. Laboulaye.) Parisi grâce à la supériorité de sa conversation et de sa littérature, est et sera toujours le salon de l’Europe. (H. Beyle.) Chaque littérature s’empreint plus ou moins profondément du ciel, des mœurs et de l’histoire du peuple, dont elle est l’expression ; il y a donc autant de littératures diverses qu’il y a de sociétés différentes. David, Homère, Virgile, le Tasse, Milton et Corneille, ces hommes dont chacun représente une poésie et une nation, n’ont de commun entre eux que le génie. (V. Hugo.)

— Carrière des lettres, profession de l’homme de lettres : La littérature, une belle branche… pour se pendre. (Barrière.)

— Ensemble des littérateurs d’un pays ou d’une époque : Quand Lamothe osa mutiler l’Iliade, toute la littérature se souleva contre lui. (Boissonade.)

Syn. Littérature, érudition, savoir, etc. V. Érudition.

Encycl. La littérature est aussi vaste que la pensée humaine ; c’est la manifestation intellectuelle de l’humanité. Le chemin que nous aurions à parcourir pour la suivre pas à pas, dans sa naissance et dans ses développements, serait donc vaste à effrayer ; mais notre tâche se trouve abrégée puisque nous consacrons à l’histoire de chaque littérature une page spéciale. Nous ne jetterons ici qu’un regard d’ensemble.

Les lettres et les beaux-arts sont les manifestations les plus hautes de la pensée. Certes, les inventions utiles sont loin d’être à dédaigner, et les magnifiques conceptions auxquelles elles ont progressivement conduit sont de nature à provoquer la plus légitime admiration ; mais elles sont empreintes d’un esprit de nécessité qui suffit à les rendre inférieures. Quelques esprits sérieux ont vu, au contraire, en cela la condamnation des lettres et ont déclaré que, puisqu’elles ne sont pas aussi pratiquement utiles, elles devaient être reléguées au rang des amusements, lis oublient que la littérature, dans ses manifestations multiples, poésie, drame, histoire, éloquence, fut la première éducatrice des peuples, qu’elle a d abord eu pour base l’étude, et pour but l’exposition lumineuse de ces faits naturels sur lesquels est fondée la science moderne. Faites le compte de ce que la science doit à un littérateur comme Aristote !

Mais nous ne voulons pas faire une dissertation sur l’excellence des lettres ; volontiers dirions-nous avec Malherbe qu’un bon poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de boules, si nous n’avions a parler que des faiseurs de sonnets et des rimeurs de madrigaux. Parce que la littérature en est réduite, à certaines époques néfastes, à n’être que l’amusement des oisifs et le passe-temps des esprits ingénieux, il ne faut pas perdre


de vue sa longue et glorieuse histoire. Elle apparaît la première dans l’enfance des sociétés, dès que l’homme sait coordonner ses idées et possède le moyen de les transmettre. Elle fixe d’abord, dans un langage incorrect et grossier, les faits mémorables, transmet les noms des héros, des pasteurs de peuples ou des dompteurs de monstres ; puis, s’enhardissant, dépeint les grands spectacles de la nature, chante les guerres et adresse des hymnes aux dieux. Quand elle a produit ainsi une certaine masse d’œuvres remarquables, l’examen même de ces inspirations directes crée une autre source de littérature, la critique, qui juge et compare entre elles les productions des âges précédents. On peut donc, jusqu’à un certain point, reconnaître le degré de civilisation d’un peuple par l’état de sa littérature. De Bonald disait dans ce sens que la littérature est l’image de la société, et Mme de Staël a voulu en faire l’échelle des progrès accomplis. Comme simple aperçu, le mot de Bonald est juste ; mais on ne saurait l’ériger en principe et en tirer des déductions rigoureuses. Ce n’est pas la littérature seule qui marque le rang d’un peuple et ses progrès dans la civilisation ; c’est l’ensemble de ses connaissances, de ses institutions et de ses mœurs, dont la litterature n’est qu’une expression partielle. Elle suppose un peuple déjà civilisé et peut, dans certains cas, marquer les degrés de cette civilisation ; c’est tout ce que l’on peut en induire.

Partout où l’homme, grâce à son génie et à son activité, sut se dégager de l’étreinte de la nécessité qui le courbe sur la glèbe et le force à faire produire son pain au sol, partout où il sut se créer un peu de loisir, la littérature a fleuri aussitôt, et elle est, en cela, la marque la plus infaillible de la civilisation. Bien des générations succombent à la peine avant que quelques privilégiés, jouissant du travail acquis, puissent se livrer aux spéculations intellectuelles. Les nègres, qui, en fin de compte, habitent leur pays depuis autant de milliers d’années que nous habitons le nôtre, n’ont pas encore su créer, au profit des plus intelligents d’entre eux, ce loisir nécessaire. Il faut, en effet, avant de songer à écrire, assurer sa vie, bâtir sa maison, être certain des récoltes, et le nègre n’en est pas encore là ! Ce n’est pas un médiocre sujet d’étonnement que cette inégalité des races, non pas au point de vue des facultés cérébrales, qui sont les mêmes, car le nègre mis en contact avec nos civilisations se les assimile et devient apte rapidement aux travaux littéraires, mais au point de vue de cet esprit de solidarité et d’épargne qui a fait la force des races européennes, et que les peuples restés enfants ne sont pas encore arrivés à comprendre.

Entre toutes, la race aryenne, grâce peut-être à des circonstances spéciales et, plus probablement, à son opiniâtreté invincible, se dégagea de bonne heure des langes de l’homme primitif. Du plus loin qu’on puisse l’apercevoir dans l’histoire, elle est en possession d’une littérature. Si la chronologie biblique était vraie, les Aryens en auraient été pourvus dès le berceau, puisque la littérature indoue remonte bien à 4, 000 ans avant l’ère chrétienne ; mais comme la science moderne assigne à l’homme au moins cent cinquante mille ans d’existence, les Aryens, si intelligents qu’ils fussent, ont donc végété, à la manière des nègres, durant de longues révolutions de siècles. Cette solution est bien plus conforme à tout ce que l’on sait par expérience et par induction, des progrès lents de l’humanité. L’Inde fut, deux mille ans avant notre ère, le plus éblouissant foyer littéraire du monde ; mais sa littérature, tout entière entre les mains des prêtres, est purement théocratique ; sa langue même, le sanscrit, était une langue morte. Hymnes védiques et gigantesques épopées, mystérieuses et inextricables comme des forêts, toute cette littérature est mystique et poétique. L’Égypte et la Perse eurent sans doute vers la même époque de grandes littératures ; mais les monuments en sont perdus. Une autre race, les Sémites, ou plutôt une tribu de Sémites, composée de pillards et d’esclaves fugitifs livrés aux vices les plus monstrueux, mais douée de cette Ténacité qui fait les grands peuples, après s’être enfin fixée dans le pays de Judée, montrait bientôt qu’elle était douée au plus haut point du génie littéraire et laissait des œuvres impérissables. Les prêtres hébreux, par la rédaction d’un code théocratique implacable et d’une histoire du monde imaginaire, mais pleine de grandeur en même temps que de contradictions et de niaiseries ; les prophètes, par une suite d’élucubrations incohérentes où l’inspiration côtoie de près la folie, donnaient l’idée d’une poésie aussi grandiose que celle de l’Inde, et empreinte des caractères propres à cette race indomptable et perverse. À l’extrême Orient, les Chinois avaient aussi une littérature et peut-être des livres, tandis que toutes les autres nations éclairées étaient réduites à confier à la mémoire seule leurs lois et leurs poèmes.

Les littératures indoue et hébraïque sont admirables, mais excessives et désordonnées ; la littérature grecque est la première qui réalise ces conditions d’ordre, de proportion, d’harmonie, dans lesquelles nous faisons consister la beauté. Elle fut florissante du ixe siècle au me siècle avant notre ère, et se poursuivit, en décadence, mais virile encore, jusqu’au ive siècle après J.-C. Basée, sans le savoir, sur les immenses conceptions poétiques et mythologiques de l’Inde, elle sut se rendra plus accessible et plus humaine, et produisit dans tous les genres, épopée, hymne, ode, drame, comédie, histoire, éloquence, des modèles qui ont à peine été égalés. La Grèce, petite confédération de petites républiques réunies à grand’peine dans le danger contre un ennemi commun, et toujours prêtes à se déchirer entre elles, fut pendant cinq siècles le seul foyer littéraire du monde entier, car tout l’Orient restait immobile à l’un de ses côtés, et, à l’autre, l’Occident était en pleine barbarie. D’Athènes et de Corinthe, ce foyer lumineux se transporta à Rome ; mais ce furent des rhéteurs et des grammairiens grecs qui initièrent les vainqueurs aux premières connaissances de l’art, et la littérature romaine, tout excellente qu’elle est en certains points, n’offre guère, dans les principaux genres, qu’un reflet de celle des Grecs.

L’empire romain s’écroulant, on put croire que le flambeau allait s’éteindre ; les théologiens et les Pères de l’Église naissante ranimèrent les lettres grecques, qui agonisaient à Alexandrie entre les mains des sophistes et des faiseurs de vers. Ce ne fut qu’un éclair (ive siècle), et les invasions couvrirent de ténèbres tout le monde connu. Les lettres se réfugièrent çà et là, au fond des cloîtres ; la langue latine, mêlée aux idiomes du Nord et devenue barbare, servit pourtant à conserver quelques chroniques et de faibles inspirations de poésie et d éloquence. L’Espagne, qui avait fournie Rome ses derniers poètes, conserva plus que toute autre nation les précieuses traditions littéraires, et, sous la clémente domination des Goths, vit fleurir au viiie siècle une sorte de rénovation latine. Une renaissance véritable n’était possible que lorsque les idiomes nouveaux, nés du mélange de tant de langues et de tant de peuples, commenceraient à acquérir quelque fixité. L’érudition superficielle des derniers siècles plaçait cette renaissance en Italie, au xve siècle ; nous la revendiquons pour le midi de la France, au xiie. Nos troubadours furent les maîtres de Dante, le premier grand nom littéraire de l’Italie, maîtres hautement avoués et proclamés par lui-même. Ceux dans les œuvres, desquels un si grand génie puisa ses inspirations, et dont la langue atteignait une perfection qu’il jugeait inimitable, doivent reprendre leur rang dans l’histoire des lettres.

« La vieille langue du xiie siècle et du xiiie siècle était une belle langue, dit M. Littré dans son magnifique discours de réception à l’Académie. Quoi ! dira-t-ou, et la rouille de la barbarie ? Vaine parole née d’un préjugé injustifié. Toutes les langues romanes sont filles du latin, et c’est une grande origine ; eh bien ! les deux langues de la France, le vieux français et le vieux provençal, sont celles qui, grammaticalement, tiennent de plus près à la langue mère. Vous voyez qu’il ne peut être question ni de rouille ni de barbarie et que, bien loin de là, nous avons dans notre idiome des vieux temps un type marqué au coin d’une parenté plus étroite et d’une analogie plus visible. N’en disons donc pas de mal, car si les hommes qui le parlèrent pouvaient prendre la parole, ils nous reprocheraient à juste titre d’avoir troublé la pureté de leur grammaire, défait des constructions savantes et sacrifié de ce grand héritage plus que n’exigeait la rénovation incessante et nécessaire des idées et des mots… Tout le monde connaît ce que fut l’influence de notre littérature du temps de nos grands-pères, je veux dire des générations si voisines qui vécurent sous Louis XV et Louis XVI ; mais peu connaissent ce qu’elle fut du temps d’aïeux plus lointains, des Français qui vécurent sous Louis le Gros, Philippe-Auguste et saint Louis. Il n’est point de contrée européenne où ne parvînt la renommée des œuvres qui apparurent alors. On les traduisit, on les imita, et les types qui furent créés par l’imagination reçurent partout le meilleur accueil. » Il suffit de rappeler que de cette époque datent les grandes épopées chevaleresques françaises, les cycles de Charlemagne et de la Table ronde, pour appuyer l’assertion de M. Littré. Marquons donc notre xiie et notre xiiie siècle au rang des grandes époques littéraires.

La Renaissance italienne a cependant eu quelque chose de plus, en ce qu’elle a produit des œuvres qui ont duré ; la langue de Dante, de Pétrarque et de Boccace est restée la langue italienne, tandis que la langue des cycles chevaleresques n’est plus la langue française. Mais, des hauteurs où l’avaient placée ces grands génies, la littérature italienne tomba dans les improvisations faciles, les concetti, et ne se releva que plus tard, sous l’influence française.

Le vieil honneur chevaleresque et le culte des femmes chez les Espagnols, la magnificence et la grandeur orientale chez les Maures, devaient, par la réunion de ces deux peuples, donner à la littérature espagnole une physionomie spéciale. C’est, en effet, celle qu’elle posséda, tant qu’elle s’inspira des traditions nationales ; elle la perdit lorsque, sous prétexte de goût et de convenance, ses écrivains prirent pour modèles Racine et Boileau.

Chez nous, au xvie siècle, la littérature


nationale, celle qui était le produit de nos mœurs, de nos institutions, de notre passé, de la fusion des peuples qui formèrent le peuple français, périt aussi. On abandonna la langue de Montaigne, de Montluc et de Rabelais pour l’imitation littérale du grec ; ce fut l’école de Ronsard et de la pléiade. Revenu de ces excentricités, on francisa les Grecs : ce fut l’école classique du xviie siècle. Le xviiie siècle, s’il fut émancipé en philosophie, se traîna en littérature à la remorque du siècle précédent. Ce n’est que de nos jours qu’on a retrouvé une originalité plus grande, soit par le retour aux vieilles traditions, en reprenant la langue de Villon et de Rabelais, soit en s’inspirant dès littératures étrangères.

La littérature anglaise a subi moins de péripéties, car elle ne date que du xve siècle, avec Chaucer ; elle ne compte véritablement parmi celles de l’Europe qu’à partir de Shakspeare et, depuis, elle n’a produit que deux incontestables grands poëtes, Milton et Byron. Il lui suffit, a un point de vue général, de pouvoir réclamer le plus grand poète dramatique de tous les temps, et d’avoir produit, dans un genre secondaire, le roman, les plus fines peintures de la vie réelle.

La littérature allemande a eu plus d’expansion, mais moins d’originalité ; elle est aussi ancienne que la nôtre, car elle possède d’immenses épopées contemporaines de nos chansons de geste ; mais son développement réel appartient au xviiie siècle.

À côté de ces cinq grandes littératures européennes : romane, italienne, espagnole, française et allemande, les autres sont nouvelles dans l’histoire ; il n’y a de littératures russe, danoise, hongroise, polonaise, valaque, que depuis un temps relativement très-rapproché ; toutes les littératures, suivant l’affinité des races, ont procédé des cinq premières, ou directement des lettres gréco-latines.

Depuis l’ère moderne, les littératures se sont d’ailleurs tellement entées les unes sur les autres qu’il n’est presque pas possible, à partir des derniers siècles, de distinguer, comme dans l’antiquité, quel est le foyer lumineux auquel les autres nations empruntent leur lumière. Sans doute on peut remarquer que l’Italie est un éclatant foyer littéraire au xve et au xvie siècle, que l’Angleterre et la France rayonnent simultanément aussi au xvie siècle, chaque nation restant livrée à son génie propre ; mais au commencement du xviie siècle, nous empruntons notre théâtre à l’Espagne, nos madrigaux à l’Italie ; à la fin du même siècle, c’est au contraire l’Italie et l’Espagne qui s’imprègnent du goût français au point que leurs littératures en sont stérilisées. Au xviiie siècle, nos littérateurs s’engouent de l’Angleterre, en transportent chez nous la philosophie, puis le théâtre, avec quelque scrupule, il est vrai, et la Russie, qui commence à se civiliser, produit une littérature non pas slave, mais toute française. Dans ce siècle-ci, le principe des nationalités, qui domine en politique, a son contre-coup dans les littératures et les particularise ; chaque peuple a essayé, ou essaye encore d’avoir une littérature nationale, en s’inspirant des vieux maîtres, en rajeunissant des poèmes oubliés, en dramatisant de vieilles chroniques, en ressuscitant un vocabulaire mort depuis longtemps ; mais, quel que soit l’effort tenté en ce sens, le cosmopolitisme nous envahit, dans les lettres comme dans les mœurs. Il suffit de voir ce qui se passe en France ; nous avons deux grands poètes anglais, un lakiste, Lamartine, un byronien, Alfred de Musset ; un pur Castillan du temps de Calderon, Victor Hugo ; toute une école s’inspire de la sentimentalité allemande ; une autre, dédaigneuse du présent, ressuscite Théocrite, Longus, et va jusque dans l’Inde chercher ses sources d’inspiration. Cependant une littérature est d’autant plus belle et d’autant plus forte qu’elle garde mieux l’empreinte du génie national et qu’elle s’inspire moins des nations voisines. L’échange entre les littératures produit un affaiblissement dans les créations. La critique et l’érudition y gagnent, il est vrai, et le champ des connaissances s’étend, mais aux dépens de l’originalité propre. « La critique littéraire est le dernier produit d’une longue expérience, » disait Longin. Elle n’apparaît, en effet, qu’au déclin des littératures, comme pour constater l’état civil des vivants et pour relever les morts ; aussi est-elle devenue de nos jours un genre littéraire important.

Nous n’avons voulu donner ici qu’un aperçu rapide du développement des littératures ; ce que ce résumé a de trop bref trouvera son correctif dans l’analyse que nous donnons ci-après des œuvres les plus remarquables d’histoire littéraire.

Nous diviserons sous trois chefs la nombreuse série des ouvrages qui ont la littérature pour objet : 1° les ouvrages de littérature générale et les cours de littérature dans toutes les langues ; 2° ceux qui traitent des littératures particulières ou d’une époque spéciale de l’une d’elles ; 3° les cours de littérature dramatique. Toutefois, ayant de procéder à cette revue, nous allons dire quelques mots de la littérature en musique.

— Mus. La littérature musicale, dont la fortune a été rapide, est un rameau sorti récemment du vieux tronc des lettres françaises, et c’est en grande partie à l’esprit de


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