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LIGN

LIGNEUX, EUSE adj. (li-gneu, eu-ze ; gn mil. — latin lignosus ; de lignum, bois, mot que Pott ramène d’une manière un peu forcée au sanscrit dah, brûler, et qua Pictet préfère expliquer par la racine arg, fi ire, chauffer, rég, briller, d’où rêg, feu, argili, brûlant, flamboyant, argra, rouge, argiska, poêle à frire, nrgilca. fumée, etc. À ce dernier sens se rattache le grec liguys, fumée, feu qui fume, et l’afghan luge, fumée, que l’on ne peut guère séparer du latin lii/num). Bot, Qui est de la nature du bois : Plante ligneuse. Tige ligneuse. Les arbres des zones torrides recèlent d’excellentes senteurs dans leurs tissus ligneux. (G. Sand.) il Corps ligneux, Partie de l’arbre comprise entre la moelle et l’écorce.

— s. m. Bot. Substance dure, cassante, amorphe, qui constitua la majeure partie des couches du bois dans les arbres et les arbrisseaux : Plus riche eu carbone et en hydrogène que la cellulose, le ligneux produit plus de chaleur par sa combustion. (A. Duponehel.)

— Encycl. Bot. Le ligneux est souvent coloré en diverses nuances jaunes, brunes ou rougeàtres. Lorsqu’on soumet un bois, une écoree, une racine ligneuse, une feuille successivement à l’action de l’eau froide, de l’eau bouillante, de l’alcool, de l’éther, des acides et des alcalis étendus, on obtient le ligneux, qui au microscope se présente sous la forme de cellules, et qui constitue le squelette sur lequel s’accomplissent les phénomènes de la végétation. Suivant M. Payen, le ligneux se compose de deux, parties, distinctes : 10 des cellules arrondies, allongées ou hexagonales, continues les unes aux autres, fermées de toutes parts, qui ne sont autre chose que la cellulose ; 2° une, matière dure, friable sous la forme de grains ou de concrétions, qui, incrustant les parois des cellules, les rend opaques ; c’est la matière incrustante, qui a encore reçu les noms do lignine et de cé-

LASTaSE.

LIGNICOLE adj. (li-gni-ko-le ; gn mil.du lat. lignum, bois ; colo, j’habite). Zool. Qui habite dans le bois.

LIGNIDION s. m. (li-gni-di-on ; gn mil.— du lat. lignum, bois, et dugr. idea, aspect). Bot. Syn. de réticulairb, genre de cryptogames.

LltiiMÈKES, bourg de France (Cher), ch.-l. de cant., arrond. et k 26 kilom. 0. de Suint-Amand-Mont-Rond, sur l’Arnon ; pop. aggl., 2,630 hab. — pop. tôt., 3,066 hab. Commerce de bestiaux et de pâtés. On y remarque un château, entouré ’d’un fossé et, d’un vaste parc ; il fut construit au xvio siècle et appartint à la famille de Colbert. Lignières était autrefois une ville forte, entourée de murailles flanquées de tours, et défendue par un château fort. Pendant la domination des Anglaisée château servit de refuge kCharles VI et à Charles VII. Jeanne de Valois, épouse de Louis XII, y fut élevée et y fut reléguée après avoir été répudiée. En 1560, lois des guerres de religion, la ville et le château de Lignières furent pris et ravagés par les protestants.

L1GN1ÈRES-LÀ-DOUCELLE, bourg et commune de France (Mayenne), canton de Couptrain, arrond. et à50 kilom. N.-O. de Mayenne ; pop. nggl., 435 hab. — pop. tôt., 2,145 hab. Source d’eau minérale ferrugineuse.

LIGNIFÈRE adj. (li-gni-fè-re ; gn mil. —’ du lat. lignum, bois ; fero, je porte). Bot. Se dit des branches d’arbre qui ne donnent que du bois.

LIGNIFICATION s. f. (li-gni-fi-ka-si-on ; gn mit. — rad. lignifier). Bot. Production du bois ; changement en bois des bourgeons d’arbre,

LIGNIFIER v. a.ou tr. (li-gni-fi-é ; gn mil.du lat. lignum, bois ; facere, faire). Convertir en bois : Les causes gui lignifient les bourgeons ne sont pas bien connues.

Se lignifier v. pr. Se convenir en bois.

LIGNIFORME adj. (li-gni-for-me ; gn mil.du lat. lignum, bois, et de forme). Hist. nat. Qui a l’apparence du bois : Minéraux ligniformes,

LIGNIN s. m. (li-gnain ; gn mil. — du lat. lignum, bois). Chim. Nom donné à l’un des principes immédiats de la matière incrustante du bois, dont la composition’chimique n’est pas encore bien connue, mais qui est soluble dans la potasse, la soude, l’ammoniaque l’alcool, et insoluble dans l’eau et l’éther.

L1GNIPERDE adj. (li-gni-pèr-de ; gn mil.

— du lixi.tignum, bois, et de perdre), Entom. Se dit de certains insectes qui détruisent le bois.

LIGNIRÉOSE s. f. (li-gni-rè-o-ze ; gn mil.

— du lat. lignum, bois). Chim. Nom donné à l’un des principes immédiats de la matière incrustante du bois, dont la composition chimique n’est pas encore bien connue, mais qui est comme le lignin, soluble.dans lu potasse, la soude, l’ammoniaque, l’acool, et insoluble dans l’eau.

LIGNIRODE adj. (li-gni-ro-de ; Il mil.— du lat. lignum, bois ; rodo, je ronge). Comm. Se dit d’une uoimne du Sénégal, qui contient des masses de débris ligneux, accumulés par des insectes.

LIGNITE s. m. (li-gni-te ; gn mil. — du lat. lignum, bois). Miner. Espèce do charbon fos LIGN

sile, qui contient des traces visibles d’organisation végétale : Les lignites sont des combustibles fossiles de formation postérieure au terrain houiller. (A. Maury.)

—■ Encycl. Le lignite est un combustible fossile, de formation postérieure au terrain houiller. Ce combustible présente des caractères très-variables ; tantôt il est d’un noir foncé et homogène, tantôt il possède encore le tissu ligneux des végétaux d’où il provient-Dans le premier cas, le lignite a une grande analogie avec la houille sèche, qu’il remplace quelquefois pour la cuisson de la chaux, des briques et le chauffage domestique. La dernière espèce renferme des variétés nombreuses suivant le degré d’altération des végétaux ; le jayet, qui appartient à cette espèce, est d’un noir parfait, tandis que d’autres ont presque conservé la couleur du bois.

Les tignites contiennent en moyenne 70 pour 100 de carbone, 10 pour 10O d’oxygène et d’azote, 6 pour 100 d’hydrogène et 5 pour 100 de cendres ; ils rendent 40 à 50 pour 100 de coke ; cette proportion dépend de la température à laquelle on opère la distillation. Us ne fondent pas et leurs fragments ne s’agglutinent pas ; à la distillation, ils donnent du gaz, de l’eau acide et des huiles. Le lignite parfait donne un coke pulvérulent ; les autres en donnent d’analogues au charbon de bois, ou bien boursouflés. Ce combustible brûle avec une longue flamme accompagnée de fumée, et donne une odeur désagréable et piquante, due k l’acide pyroligneux qu’il contient. Dès que ht flamme, qui se manifeste avant que le lignite soit rouge, est éteinte, ce combustible se couvre d’une cendre blanche, sous laquelle il continue à brûler, comme cela a lieu pour la braise.

Le département des Bouches-du-Rhône fournit une grande quantité de lignite.

LIGNITITE s. f. (li-gni-ti-te ; gn mil. — rad. lignite). Miner. Nom proposé pour l’espèce de suif minéral qu’on extrait des lignites d’Uznach, et qui est plus souvent designé sous le nom de scheerérite.

LIGN1VILLE (Jean de), écrivain cynégétique français, mort vers 1645. Il fut grand veneur des duchés de Lorraine et de Bar. On a de lui : les Meuttes et véneries du haut et puissant seigneur Jean de Ligneoille, savant ouvrage écrit de 1002 à 1G32, et qui se trouve manuscrit à la Bibliothèque nationale. On en a publié un extrait sous le titre de : Meutte et vénerie pour cheoreuil (Nancy, 1655, in-4o).

LIGNIVILLE (Philippe-Emmanuel, comte de), général français, parent du précédent, né à Honecourt en 1611, mort k Vienne en 1604. Il se distingua k Nordlingen, où il lit le comte de Horn prisonnier (1634), à Courtrai, où il entra le premier (1641), fut grièvement blessé k Rethel (1650), quitta le service du roi d’Espagne pour celui de Louis XIV, et prit en 1656 un commandement sous Turenne. La journée des Dunes, la prise des places fortes des Flandres lui fournirent de nouvelles occasions de se signaler. En 1G5Q, il prit le commandement de l’armée de. l’électeur de Bavière ; puis il devint gouverneur du prince Charles de Lorraine, se conduisit de la façon la plus brillante aux. batailles de Saint-Gothard et de Ruab contre les Turcs et reçut de l’empereur Léopold le grade de fcldmaréchal lieutenant.

LIGNIVILLE (Reué - Charles - Elisabeth, comte de), général français, né en 1757, mort en 1813. Colonel du régiment de Coudé, quand éclata la Révolution, dont il adopta les principes avec chaleur, il fut incorporé dans l’armée de La Fayette, qui lui confia la défense de Montmédy, que Ligniville sut conserver à la République. Son courage lui valut le grade de général de division. Arrêté lors de la désertion de Duinouriez, sous les ordres duquel il commandait, il fut incarcéré pendant un mois, et, dès qu’il fut mis en liberté, émigra en Allemagne, où son républicanisme lui attira mille tracasseries mesquines de la part des émigrés. Rentré en F’rance en 1800, Ligniville obtint du premier consul, grâce à la protection de M"’e Helvétius, la préfecture de la Haute-Marne, fut nommé député, inspecteur des haras et enfin baron de l’Empire. Mais jamais Bonaparte ne consentit k mettre à 1 épreuve ses talents militaires. On a de lui ; Exposé déla conduite du citoyen Lignioille, général de division, etc. (1793, in-4<>).

LIGNIVORE adj. (li-gni-vo-re ; gn mil.du lat. lignum, bois ; ooro, ]a dévore). Entom, Qui ronge le bois.

— s. m. pi. Famille d’insectes coléoptères, comprenant des espèces qui rongent le bois, et appelés aussi xylopuages ettûNGicoRNES.

LIGNOÏNE s. f. (li-gno-i-ne ; gn mil. — du lat. lignum, bois). Miner. Substance extraite de l’écorce de quinquina.

— Encycl. La lignoïne C«01123AzO8 [ ?] est une substance brune que Reiehel a extraite de l’écorce.du cinchono huanuco et que Ilern a plus complètement étudiée. Ce corps est très-soluble dans les carbonates alcalins, et la solution n’absorbe pas l’oxygène atmosphérique à la température ordinaire. Bouillie avec la potasse caustique, la Uynoïne dégage de l’ammoniaque et laisse une substance qui paraît répondre k la formule C^OH^OS. (Jette formule correspond à la composition du rouge cjuehonique et du phlobaphène. L’opinion de

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Hern est que la substance ulmique qui répond à la formule C*t>lIM08 diffère essentiellement du rouge cinchoniquedeSchwarzetqu’elleest déposée dans les écorces des autres espèces de cinchono.

LIGNOLETs.m.(li-gno-lè ; pii mil.). Constr. Ligne d’ardoises placée sur le faite d’un toit.

I.i-noiics (madame de), suite du Chevalier de FuuLlas. V. Faublas,

LIGNON, rivière de France. Elle prend sa source à 16 kilom. de Montbrison (Loire), dans les monts du Forez, au pied du Signal de Procher, dans le canton de Saint-Georges-en-Couzan, passe à Boen, coule dans la grande plaine du Forez, où elle reçoit le ruisseau de la Morte, baigne Saint-Georges-en-Couzan, se grossit de 1 Auzon, du Vizezy, arrose Poncins et se jette dans la Loire nu-dessous de" Feurs, après un cours de 52 kilom. Cette rivière est appelée Lignon du Nord, par opposition k une autre qui arrose le département de la. Haute-Loire, se jette aussi dans la Loire, et qu’on appelle Lignon du Sud. Son cours est d’environ 50 kilom. il travers des contrées très-pittoresques.

Le Lignon doit surtout sa célébrité au roman de I Astrêe. C’estsur ses bords que d’Urfé a fait vivre tous ses personnages, et les scènes pastorales qu’il décrit, devenues une source d’allusions en littérature, ont donné de ce pays l’idée d’une sorte d’Eden, peuplé de bergers amoureux, de bergères fidèles, au sein duquel on se livre à toutes les mièvreries de l’amour platonique.

« À propos des bergers du Lignon, j’ai fuit une fois le voyage de Forez tout exprès pour voir le pays de Céladon et d’Astrée, dont d’Urfé nous a fait de si charmants tableaux : au lieu de bergers amoureux, je ne vis sur les bords du Lignon que des maréchaux, des forgerons et des taillandiers. Ce n’est qu’un pays de forges, et mon voyage m’enleva toute il-lusion. »

J.-J. Rousseau.

« Tout mon déplaisir, c’est que vous ne voyiez point danser les bourrées de ce pays ; c’est la plus surprenante chose du monde ; des paysans des paysannes, une oreille aussi juste que vous, une légèreté, une disposition, enfin j’en suis folle. Je donne tous les soirs un violon avec un tambour de basque, k très-petits frais ; et dans ces prés et ces jolis bocages, c’est une joie que de voir danser les restes des bergers et des bergères du Lignon. a Mme DË sévignb.

" Ce portrait, j’avais l’habitude de l’avoir suspendu au cou, et j’oubliais toujours de l’ôter,

— Je suis sûre, tendre berger, que vous posiez dévotement vos lèvres, soir et matin, sur cette chère effigie, ainsi que cela doit se faire sur les bords du Lignon.

— Aminé, vous me croyez par trop pasto LIGN

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Th. Gautier.

LIGNON (Étienne-Frédéric), graveur français, né en 1779, mort en 1833. Les renseignements qu’on possède sur lui se bornent k savoir qu’il fut élève de Morel. Bien que Lignon ait principalement excellé dans la gravure du portrait, on cite de lui d’autres planches/ort remarquables, entre autres : le Convoi d’Atala, d’après Gautherot ; Sainte Cécile et le triomphe de l’amour, d’après le Dommiquin ; la Madeleine et le Christ au tombeau, d’après le Guide ; Psyché et l’Amour, d’après Picot ; la Vierge au poisson, d’après Kaphael. Ses principaux portraits sont ceux de A/’l<= Mars, du Camoens et de Charles X, d’après Gérard ; de Bernardin de Saint-Pierre, d’après Girodet ; deZeon.ï, d’après Raphaiil ; de Poussin, d’après lui-même ; de Louis-Philippe, etc.

LIGNONE s. f. (li-gnô-ne ; gn mil. — du lat. lignum. bois). Chim. Un des principes immédiats delà matière incrustante du bois, dont la composition chimique n’est pas encore bien connue : La lignons est soluble dans la potasse, la soude, l’ammoniaque, et insoluble dans l’eau, l’alcool et l’éther.

LIGNOSE s. f. (li-gno-ze ; gn mil. —du lat. lignum, bois). Un des principes immédiats de la matière incrustante du bois, dont la composition-chimique n’est pas encore bien connue : La UGNOSE est soluble dans la potasse, la soude, et insoluble dans l’eau, l’alcool, l’éther et l’ammoniaque.

LIGNOSITÉ s. f. (li-gno-zi-tô ; gn mil.rad. ligneux). État, qualité de ce qui est ligneux...

LIGNOTIER s, m. (li-gno-tié ; gn mil.). V. ligneur.

LIGNOULOT a. m. (li-gnou-lo ; gn mil.). Agric. Perche fixée horizontalement à des pieux et sur laquelle on attache les jeunes pousses de la vigne.

LIGNULMIQUE adj. (li-’gnul-mi-ke ; gn mil. — du lat. lignum, bois, et de ulmique). Chim. Se dit d’un acide qui prend naissance lorsqu’on chauffe doucement un mélange de ligneux et de potasse.

LIGNULMATE s. m. (li-gnul-ma-te ;£u mil.

— rad. lignulmique). Chim. Sel produit par la combinaison de 1 acide lignulmique et d’une base.

LIGNUODE adj. (li-gnuo-de ; gn mil. —du gr. lignuodês, de couleur de suie). Hist. nat. Qui est d’un noir de suie.

LIGNY, village et commune de Belgique, prov. et à 20 kilom. N.-O. de Namur, sur la petite rivière de la Ligne ; 1,120 hab. Exploitation importante de calcaire pour bâtir, et de marbre dit petit granit. Ce village est devenu célèbre par la victoire qu’y remporta Napoléon 1er sur Blücher, le 16 juin 1815.


Ligny (bataille de), la dernière faveur, le dernier sourire que la fortune ait accordé à Napoléon. Les ennemis étaient encore à nos portes lorsqu’il revint de l’Île d’Elbe, et il s’occupa aussitôt, avec son activité ordinaire, de frapper un coup décisif avant qu’ils fussent revenus de la stupeur que leur avait causée ce retour si inattendu. Deux partis se présentaient à Napoléon : marcher à l’est contre le prince de Schwartzenberg, ou se porter au nord sur Blücher et Wellington. Ce fut cette dernière résolution qu’il adopta, certain, s’il parvenait à se jeter entre ces deux ennemis avant qu’ils pussent opérer leur concentration, de les détruire l’un après l’autre et de briser ainsi la coalition. Un prodige de célérité, d’habileté stratégique, c’était de rallier en quelques jours une armée de 124,000 hommes et de la conduire assez rapidement de Paris en Belgique pour que les ennemis mêmes n’en eussent aucun soupçon : ce prodige, Napoléon l’accomplit, et il se trouvait sur le champ de bataille lorsqu’on le croyait encore dans la capitale. L’armée anglaise était cantonnée aux environs de Bruxelles, tandis que les Prussiens, séparés de Wellington par un assez large intervalle, avaient leur base sur Liège ; les deux alliés étaient séparés par la Sambre, qui se réunit à la Meuse près de Namur. Blücher occupait les bords de ces deux rivières avec quatre corps d’armée formant un total d’environ 120,000 hommes. Ziethen, avec le premier corps, occupait Charleroi ; Pirch, commandant du deuxième, était à Namur même ; Thielmann, ayant le troisième sous ses ordres, s’étendait entre Dinant et Namur ; Bulow, avec le quatrième, se tenait à Liège. Une belle chaussée, partant de Namur, conduisait des provinces rhénanes à Bruxelles en passant par Sombreffe, les Quatre-Bras, Genoppe, Mont-Saint-Jean et Waterloo. C’était la seule communication par laquelle les alliés pouvaient se relier entre eux et venir au secours les uns des autres ; aussi n’avaient-ils rien négligé pour s’assurer de tous les points qui y aboutissaient. Mais Napoléon, avec sa profonde sagacité, avait bien prévu que les généraux alliés, tout en cherchant à se rapprocher le plus possible, ne pourraient le faire cependant sans laisser quelques solutions de continuité entre leurs cantonnements, et c’est là qu’il avait résolu de se jeter, comme un coin de fer, pour les séparer et les battre isolément. Le 14 juin (1815) au soir, on ne soupçonnait encore presque rien des mouvements des Français aux quartiers généraux de Bruxelles et de Namur, et Napoléon donnait ses ordres pour qu’à trois heures, au lendemain matin, toutes nos colonnes se missent en marche de manière à se trouver sur la Sambre vers neuf ou dix heures. À gauche, le général Reille, avec le deuxième corps, devait se porter au pont de Marchiennes, situé à une demi-lieue au-dessus de Charleroi, et y franchir la Sambre ; le comte d’Erlon, commandant du premier corps, devait prendre position derrière le général Reille ; au centre, Vandamme avait ordre de diriger le troisième corps sur Charleroi, suivi à quelque distance par le comte de Lobau, chef du sixième corps, et par les troupes de la garde ; de sorte que 124,000 hommes allaient envahir tous les points de la Sambre autour de Charleroi, forcer la ligne ennemie et lui faire essuyer un désastre, si les combinaisons de Napoléon s’exécutaient ponctuellement.

Le 15, à l’heure fixée, toutes nos colonnes s’ébranlèrent ; le général Pajol, avec sa cavalerie légère, refoula les avant-postes prussiens, puis, aidé du général Rogniat, qui le suivait à la tête de quelques compagnies du génie et des marins de la garde, il pénétra de vive force dans Charleroi et se lança à la poursuite des Prussiens, qui se repliaient en toute hâte. Une des divisions du général Ziethen s’arrêta au village de Gilly, puis s’abrita derrière un gros ruisseau venant de l’abbaye de Soleilmont, où elle réussit à arrêter notre cavalerie. Mais bientôt Napoléon, arrivant sur ce point, fit charger les Prussiens par les troupes de Grouchy, de Pajol, d’Exelmans et de Vandamme ; les ennemis, culbutés de toutes parts, battirent en retraite après une perte de quelques centaines d’hommes tués et de 300 à 400 prisonniers, avantage qui nous coûta le général Letort, un de nos plus braves et de nos plus intelligents officiers de cavalerie. Nous restâmes ainsi maîtres du débouché de la plaine de Fleurus, où Napoléon espérait livrer bataille le lendemain à toute l’armée prussienne. L’armée française occupait alors les positions suivantes : sur la droite et dans les bois de Lambusart, le corps de Grouchy avec la cavalerie légère de Pajol et les dragons d’Exelmans, ayant son avant-garde à Fleurus ; un peu en arrière, Vandamme avec son infanterie ; à l’extrême droite, Gérard