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il ne crée aucun symbole, il ne se forge pas de liens pour lui-même ; à personne il ne dit : Croyez ! parce nue la libre pensén représente le progrès indéfini affirmé par l’histoire. »

Parmi les manifestations pratiques des libres penseurs, il ne faut pas omettre les banquets qui ont lieu le vendredi saint pour protester contre le préjugé de beaucoup de personnes qui, indépendantes le reste de l’année des pratiques de l’Église, se font un scrupule de conscience de manger de la viande dans ce jour consacré par l’Église en souvenir de la passion du Christ. On a voulu tourner en ridicule cette manifestation et on a appelé dérisoirement les libres penseurs des libres ■mangeurs. 11 y a cependant dans cette protestation une importance qu’il ne faut pas méconnaître. Il faut respecter toutes les pratiques de l’Église ou n’en respecter aucune, et dans l’inconséquence qui en fait considérer quelques-unes comme essentielles par ceux qui s’exonèrent d’ailleurs des autres, il y a certainement une condamnation des doctrines de la liberté de pensée, une reconnaissance implicite de la révélation divine, que prétend représenter l’Église. Tant que subsistera le préjugé-de l’abstinence du vendredi saint, il y aura donc lieu de protester.

Le Discours sur la liberté de penser de Collins, qui fut considéré comme un véritable manifeste de la nouvelle doctrine et aussitôt traduit en français, est très-remarquable ; c’est aujourd’hui encore le meilleur résumé qui existe sur la matière, et il serait très-intéressant de le réimprimer. Nous ne pouvons mieux faire connaître les idées et les doctrines morales des libres penseurs qu’en citant les principaux passages de cet exposé, Le livre a pour titre : Discours sur la liberté de penser, écrit à l’occasion d’une nouvelle secte d’esprits forts ou de gens gui pensent librement. Collins définit la liberté de penser : l’usage qu’il est permis de faire de son esprit pour tâcher de découvrir le sens de quelque proposition que ce puisse être, en pesant l’évidence des raisons qui l’appuient ou qui la combattent, afin d’en porter un jugement selon qu’elles paraissent avoir plus ou moins de force. Il prouve la liberté de penser par les raisons suivantes : 1» c’est un droit qui appartient à tous les hommes, fondé sur le droit que nous avons tous de connaître la vérité, donc de la rechercher, et notre raison est le seul instrument de recherche et de connaissance qui soit en notre possession ; 2<> c’est le seul moyen de se perfectionner dans les sciences ; tout le progrès des connaissances des hommes dépend de la liberté

ou de la limitation de leurs pensées. Les hommes étaient à l’origine dans une ignorance affreuse, dans laquelle les entretenaient les prêtres ; ils ne sont arrivés à la science et ne se sont développés progressivement que par la liberté de pensée, exercée malgré les prêtres, qui ont nié d’abord toutes les idées de la science ; 3° sans ce moyen, on tombe dans toutes sortes d’absurdités ; c’est agir contre la raison que de prescrire des bornesà notre pensée.

« Pour se convaincre qu’il est impossible que toute limitation de la pensée ne produise une infinité d’erreurs et d’abus, dit Collins, il ne faut que comparer la liberté de penser avec la liberté de la vue, et supposer que les mesures que l’on prend également pour empêcher de penser librement, on les prend aussi pour empêcher de voir librement. Imaginons-nous donc qu’un certain nombre de

personnes se Sont mis dans l’esprit qu’il est absolument nécessaire, soit pour maintenir la tranquillité publique, soit pour quelque autre dessein d’importance, que tous les hommes aient la même croyance touchant certains objets de la vue, et que, pour en venir au but qu’ils se sont proposé, ils obligent tous ceux qui sont sous leur autorité de signer et de suivre une profession de-foi ocufaire. Qui serait capable de former et soutenir un projet aussi chimérique, sinon de certains cerveaux creux qui, d une façon ou d une autre, savent se rendre recommandables par quelque semblable folie, et qui cependant s insinuent si bien dans l’esprit du peuple, qu’ils en sont regardés comme des gens divinement inspirés ? 11 est vrai que ceux-là ne Sont pas les seuls, et.un si ridicule dessein pourrait bien naître dans l’esprit de certains fourbes adroits dont toutes les vues tendent aux moyens de vider la bourse des autres pour remplir la leur ; car il ne faut pas douter que les personnes d’un jugement solide, et que l’intérêt n’aveuglerait point, jugeraient, non-seulement qu on ne serait point blâmable, mais même, au contraire, qu’on mériterait d’être excusé quand on aurait vu quelque objet autrement que la profession de foi oculaire l’aurait déterminé ; puisque ces sortes de fautes.ne peuvent être volontaires de la part des hommes, qui croient quelquefois voir une chose qu’en effet ils ne voient pas. Mais s’il pouvait arriver que ces personnes judicieuses se persuadassent que ces défauts dans la vue peuvent avoir des suites trop dangereuses pour être tolérés et excusés, sans doute que l’expédient dont ils se serviraient pour mettre les hommes en état de ne se plus tromper à cet égard serait de les inviter à considérer bien les objets avec liberté et attentivement, bien loin de leur défendre l’usage de leurs yeux ; puisqu’il est plus raisonnable de souffrir que le3 personnes qui ont le plus d’intérêt à n’être

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pas trompées s’en rapportent à leurs propres yeux que de les assujettir, par de certaines lois, à voir par les yeux d’autrui. Mais ce qui rendrait cette profession de foi oculaire encore plus impertinente et plus ridicule, c’est qu’elle n’aurait pas d’autre fondement que 1 autorité de ces gens qui l’auraient dressée, lesquels n’ayant que leurs propres yeux pour les diriger, et ces yeux étant sujets aux mêmes défauts qui empêchent les autres de bien voir, pourraient se tromper aussi aisément que ceux dont ils prétendent rectifier la vue, outre qu’il est fort a craindre qu’ils ne veuillent se rendre maîtres des yeux des autres qu’à dessein de les aveugler pour les mieux tromper. >

« Qu’appelez-vous esclavage de l’esprit ? » fait demander Voltaira dans un de ses Dialogues philosophiques, et il répond dans le même sens que Collins : à J’entends cet usage où l’on est de plier les esprits de nos enfants, comme les femmes caraïbes pétrissent les têtes des leurs ; d’apprendre d abord à leurs bouches à balbutier des sottises dont nous nous moquons nous-mçmes, de leur faire croire ces sottises dès qu’ils peuvent commencer à croire ; de prendre ainsi tous les soins possibles pour rendre une nation idiote,

fiusillanime et barbare ; d’instituer enfin des ois qui empêchent le3 hommes de parler et même de penser, comme Arnolphe veut, dans la comédie (l’École des femmes, de Molière), qu’il n’y ait d’écritoire que pour lui, et faire d’Agnès une imbécile afin de jouir d’elle. »

Collins, poursuivant sa démonstration avec une logique impitoyable, prouve la liberté de penser par le christianisme lui-même. Les docteurs de l’Église enseignent que la dam-nation ou le salut des hommes dépendent de l’opinion fausse ou véritable qu’ils ont sur la divinité ; or, ils ne peuvent avoir à se faire une opinion à cet égard qu’en ayant recours au libre usage de leur pensée. Le crime que commettent les hommes qui conservent de fausses opinions sur cette question importante est une suite de ce qu’ils ne se servent point de leur liberté. Le christianisme proclame donc lui-même l’importance souveraine de la liberté de penser. L’établissement des missions, poursuivi avec tant de soin par les diverses Églises chrétiennes, suppose l’obligation de penser librement. En effet, comment la Société de la propagation de la foi peut-elle espérer de réussir sur l’esprit des nations infidèles sans leur faire d’abord entendre qu’il est de leur devoir de penser avec liberté, d’un côté sur les notions que leurs ancêtres leur ont inspirées sur la divinité et la religion, et qui sont établies par les lois de leur pays, et de l’autre, sur les notions opposées qu’ils leur apportent sur le même sujet. Car il y a apparence que si les missionnaires voulaient débuter par leur déclarer qu’ils ne doivent penser librement ni sur les points de leur religion ni sur ceux de la nôtre, ou qu’après avoir adopté la religion nouvelle par le moyen de ce libre usage de leur pensée, ils seront obligés ensuite de se priver de cette liberté, ce procédé ne répondrait guère aux moyens de leur conversion, la raison et la persuasion étant les seules armes dont on s’est servi pour les convertir. La prédication, dont Jésus-Christ et les apôtres se sont servis pour établir la religion chrétienne à l’origine, est pareillemeut un hommage éclatant rendu à la liberté de penser, et ne fait qu’établir plus solidement l’obligation où sont les hommes de se servir de cane liberté.

C’est bien là l’argument décisif en faveur de la souveraineté de la raison ;• c’est que ceux-là même qui enseignent son abdication doivent d’abord s’adresser à elle pour obtenir cetto abdication. Les libres penseurs modernes ont complété cette démonstration en opposant l’infaillibilité de la raison à l’infaillibilité de la foi. La raison de l’homme est infaillible ; cela, au premier abord, peut paraître un paradoxe. Mais que l’on médite attentivement la démonstration suivante, que nous empruntons à un livre : Solidarité, par M. Hippolyte Renaud, qui est considéré comme le meilleur exposé synthétique de la doctrine phalanstérienne, et qui résume avec une précision fort remarquable le fondement sur lequel s’appuient tous les libres penseurs contemporains :

<■ Frappés des erreurs sans nombre où les esprits sont tombés, des dissentiments profonds qui les séparent sous tant de bannières ennemies, la plupart ont admis que la raison est incertaine. Errare humanum est, disaient les anciens ; et les modernes répèlent : Il faut se défier dis lumières de la raison. Cependant toute question se traduit en dernier ressort au tribunal de la raison. Ceux-là mêmes qui déclarent la raison insuffisante, qui lui ordonnent de se soumettre, ne peuvent s’adresser qu’à elle pour qu’elle rende contre elle un arrêt d’incapacité. Douter de la raison c’est, en définitive, douter de tout ; c’est se plonger dans les ténèbres, en soufflant sur la seule lumière qui les puisse illuminer ; c’est se laisser conduire logiquement, s’il y a de la logique sans la raison, à la doctrine si ridiculisée du pyrrhonisme.

Si l’on donnait à un géomètre des instruments pour mesurer un terrain, on ne pourrait attendre de lui un résultat exact qu’autant qu’on serait assuré de lajustesse des instruments livrés. Dieu, en mettant l’homme sur la terre, lui a donné à mesurer et comprendre tout ce qui se trouve en rapport

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avec lui, tout ce qui dépend de lui, tout ce qui exerce une influence sur ses actes et sur sa destinée. Pour cela, il lui a donné un instrument unique : la raison. La raison doit donc être exacte, doit suffire à la juste appréciation des choses, sans quoi Dieu aurait irrévocablement condamné l’homme à l’erreur, et Dieu seul, fabricateur alors d’un mauvais instrument, serait coupable de cette erreur et de ses conséquences, la douleur et la vice. Cependant, sans aucun doute, l’homme s’est souvent trompé, il Se trompe encore chaque jour. Mais le géomètre aussi peut se tromper, quoique muni des instruments les plus parfaits. C’est que le géomètre doit apprendre à se servir de ses instruments ; c’est que l’homme doit savoir user de sa raison. L’œuvre de la raison est la recherche de la vérité. Mais la vérité n’a et ne peut avoir qu’un seul caractère : c’est d’être acceptée par la raison. Une chose est vraie de par la raison qui la proclame telle, parce que la raison est, de droit divin, unique et souverain juge du vrai et du faux. »

Est-il vrai maintenant que la liberté de penser soit la négation de la morale ? C’était naguère encore un préjugé fortement établi que la morale est étroitement unie à la religion, et que si l’on supprime la foi on enlève à la morale sa loi et sa sanction. Mais ce préjugé disparaît aujourd’hui devant l’idée de la morale indépendante, qui se généralise de plus en plus. On trouvera à leur place les développements de cette importante question. Mais la réponse à cette objection banale suggère à Collins des observations spé-, ciales qui doivent trouver ici leur place. Collins ne craint pas de soutenir que ceux qui. font profession de penser librement sont, au J contraire, nécessairement vertueux. « Il faut qu’ils soient tels, parce que, entreprenant de penser eux-mêmes pour eux-mêmes et renonçant par ce principe aux sentiments des autres hommes avec lesquels ils vivent, ils doivent s’attendre à être exposés à toute la malice des prêtres, de tous ceux qui se laissent aveuglément conduire par eux, et même des autres, dont il y a 999 sur 1,000 qui espèrent faire leur fortune en faisant semblant d’accepter docilement leur opinion. Ainsi, un partisan de la libre pensée n’aura de crédit qu’autant que sa vertu pourra lui en procurer, en dépit de tant d’ennemis. Mais tout le contraire arrive aux scélérats les plus déterminés qui sont sûrs de trouver de la faveur, de la protection, de l’appui, dans quelque secte qu’ils soient, pourvu qu’ils aient pour les recommander un zèle aveugle pour la secte au milieu de laquelle ils vivent, ce qui est, de tous les vices, le plus détestable. Ainsi, tout homme qui fait profession de penser librement est obligé, pour l’amour de lui-même, d’être vertueux et honnête homme en ce monde, obligation à laquelle le croyant n’est point sujet, puisqu’on peut même dire qu’il est exposé à la tentation de devenir malhonnête homme, parce que, plus il est bigot, plus il trouve d’esprits faibles, dont toutes les sectes fourmillent, qui sont toujours prêts à le prendre pour leur conducteur, trompés qu’ils sont par sa bigoterie. »

Collins tait encore d’autres observations importantes : < De toutes les occupations, dit-il, il n’y en a point qui demande plus de diligence et d’application que celle de penser ; on ne peut s’y appliquer qu’on ne soit absolument défait de toutes habitudes et dispositions vicieuses. Ce n’est qu’à force de penser librement que les hommes peuvent parvenir à connaître à fond ce que c’est que la vie humaine, et à se persuader que la misère et le malheur sont les suites du vice ; que le plaisir et le vrai bonheur sont les fruits de la vertu. » Ainsi il n’est rien qui prédispose mieux à la vertu que la libre pensée : elle est la véritable hygiène de l’âme.

Il est certain que les libres penseurs célèbres ont presque toujours été les hommes les plus vertueux, les plus austères et les plus dignes de leur temps. Aujourd’hui, les libres penseurs s’appliquentspéoialement à affirmer une morale très-bonne, parce qu’ils ont compris que l’exemple est le meilleur mode d’enseignement. C’est sur ce point qu’insiste spécialement un philosophe italien, Ausonio

Franchi, dans un livre, le nationalisme, qui a été traduit en français par M. de Barrai, lequel, dans une introduction, le présente comme le meilleur manuel des libres penseurs modernes. L’ouvrage de M. Ausonio Franchi {pseudonyme de François Bonavino) se termine par l’exhortation suivante adressée aux libres penseurs : « Qu’ils consacrent une partie de ce zèle constant, intrépide, infatigable qu’ils apportent dans les entreprises ou dans les luttes politiques, à l’apostolat rationnel qui est le principe unique et le seul fondement vrai d’une révolution durable et féconde. Mais que ce soit un véritable apostolat d’idées et de sentiments, et non pas une explosion de récriminations et d’invectives ; qu’ils détruisent les doctrines, mais qu’ils respectent les personnes ; qu’ils anéantissent les dogmes, mais qu’ils laissent en paix les individus. Ce ne sont pas les piètres qui font le catholicisme ; c est le catholicisme qui fait les prêtres ; et vous tous qui tenez cette institution pour funeste et pernicieuse, vous devez considérer ceux-ci, non comme ses auteurs, mais comme ses victimes, non comme coupables, mais comme malheureux. Réussiriez-vous à les exterminer tous du même coup, voua n’au LIRR

riez rien fait si la religion catholique reste debout, et vous les verriez bientôt plus nombreux et plus puissants que jamais. Au contraire, quand le catholicisme sera déchu dans la raison et la conscience universelle, les prêtres s’en iront d’eux-mêmes avec leur Dieu, sans que vous ayez à toucher un seul cheveu de leurs tètes. Mais sur toutes choses prêchez d’exemple : faites tout les premiers ce que vous conseillez aux autres ; que chaque acte de votre vie domestique ou sociale soit un témoignage solennel de la vérité que vous professez ; donnez la preuve incessante, pratique, que le rationalisme, si utile pour la science, ne l’est pas moins pour la conduite de la vie ; qu’il réunit la théorie et la pratiqua du bien : que, s’il est la religion de la liberté et de la démocratie, il est aussi celle de la vertu et du devoir, et qu’il représente non-seulement uneréforme sociale, mais aussi un principe moral. Ainsi, vous vous concilierez d’abord le respect et l’estime, puis la confiance et l’amour du peuple, et alors votre parole aura sur lui, outre [’efficacité intrinsèque de la raison, l’autorité extrinsèque de 1 exemple ; vous serez pour lui les apôtres et les prêtres de ta foi nouvelle ; vous n’aurez plus à craindre la concurrence d’aucun clergé, et le xixe siècle vous devra d’avoir atteint son but en inaugurant l’ère du rationalisme populaire. »

Nous avons dit plus haut que cet appel avait été entendu, et que la prédication rationaliste des libres penseurs a été commencée depuis quelques années et se poursuit activement. D une part, les libres penseurs, pour protester contre l’hypocrisie ou l’indifférence coupable avec laquelle beaucoup de gens qui vivent en dehors des pratiques de l’Église font néanmoins appel à son concours dans les circonstances solennelles de leur vie, se sont imposé l’obligation morale de repousser absolument toute intervention du prêtre, et ont pris, pour devise de leurs rapports sociaux, cette maxime : ■ Agis comme tu penses. ■-D’autre part, dans leurs rapports privés d’homme à homme, ils se règlent sur ce principe qui est le fondement de la morale naturelle : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît, et fais-lui ce que tu voudrais qui te fût fait. » Il nous parait intéressant de reproduire ici les statuts d’une société morale de libres penseurs qui compte de nombreux adeptes dans les divers pays do l’Europe.

statuts de la SOCIETE ; Agis comme tu penses.

« Art. 1". Attendu que nul ne peut se dire honnête homme s’il ne met sa vie en accord avec ses principes ; que mépriser ses actes, c’est se mépriser soi-même.

Art. 2. Que la conscience repousse les doctrines religieuses qui dirigent l’homme par les plus indignes mobiles : la cupidité et la peur ; que le bien ne saurait être indépendant du vrai donné par ]a science ; que la morale progressive et scientifique doit être définitivement séparée de dogmes surannés que la raison condamneet quelesentiirient réprouve.

> Art. 3. Que la communion d’idées entre l’homme et la femme peut seule fonder la famille ; que donner à l’enfant une science et une foi négatives l’une de l’autre, c’est opposer le cœur à la raison, fausser le jugement, troubler la conscience, anéantir la volonté ; que le triomphe des sociétés nouvelles est assuré à la seule condition que les défenseurs de l’avenir ne livreront plus aux défenseurs du passé leurs femmes, leurs enfants et leurs propres personnes.

Art. 4. Que plusieurs personnes proclament ces vérités, mais que, faute de s’assurer fermement dans leurs convictions et d’en faire la règle inviolable de leur conduite, elles donnent sans cesse par leurs actes un démenti à leurs paroles ; que cette faiblesse a pour conséquences l’abaissement des caractères et

l’obscurcissement des consciences ; que, de concessions en concessions, on en vient à perdre toute notion de justice, à transformer sa vie en un perpétuel mensonge et à tomber dans une indifférence honteuse, prête à toutes les apostasies et à toutes les bassesses.

Art. 5. Que la communauté d’action, donnant à tous exemple, soutien et force, peut seule rendre facile la lutte d’une vie rationnelle contre le préjugé, l’habitude et l’égoïsine : Les soussignés regardent comme un devoir de rompre en fait avec des doctrines qu’ils rejettent en principe ; ils déclarent s’engaser à ne jamais recevoir aucun sacrement d’aucuneseete ni religion. Pas d’initiation religieuse à la naissance, pas de cérémonie religieuse au mariage, pas de prêtre à la mort. Ils constituent sous ce nom : Société Agis comme tu penses, une as-ociation ayant pour loi la science, pour condition la solidarité et pour but la justice. ■

Nous avons donné à cette question de la libre pensée les développements spéciaux qu’elle comportait. Elle a une grande importance dans le cadre de notre œuvre puisqu’elle résume une des faces de l’esprit du XIXe siècle que le Grand Dictionnaire doit recueillir pour Renseignement des âges futurs. Mais il nous reste à-donner notre avis et à adresser un appel au public. Les manifestations de la libre pensée ont manqué jusqu’ici de cette solennité qui les élèverait à la hauteur d’une véritable institution, et elles ont plutôt eu le caractère d’une protestation au milieu des