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que, de Clermont-en-Beauvaisis (1595, in-18), et réédité en 1599, 1600 et 1609- On y trouve de la facilité et du nombre ; mais il y règne une extrême monotonie, tant dans les idées que dans le stvle. Larocque s’était attaché à imiter l’école de Ronsard et cherchait ses inspirations dans Ovide et dans l’Arioste.

LAROÏDE s. m. (la-ro-i-de — du lat. larus, mouette, et du gr. eidos, aspect). Ornith. Section du genre mouette.

LA ROMANA (Pedro Caro y Suhkda, marquis de), général espagnol, né en 1761, mort en 1811. Après avoir fait contre les Français les campagnes du Eoussillon (1793) et de la Catalogne (1795), il consacra a voyager les loisirs que lui procura la paix de Bâle et parcourut une partie de l’Europe, s’occupant en amateur éclairé de l’étude des sciences, des beaux-arts et des lettres. En 1807, Napoléon, irrité de l’attitude hostile du cabinet île Madrid à l’époque dosa rupture avec la Prusse, résolut d’affaiblir l’armée espagnole et exigea qu’un corps de 15,000 Espagnols passât au service de la France. Ce corps de troupes fut envoyé dans le Nord, sous les ordres du marquis de La Romana, qui se distingua en différentes rencontres. Il était en Fionie, lorsqu’il apprit les événements qui venaient de se passer, en 1SOS, à Madrid. Il se mit alors secrètement en rapport avec le commandant de l’escadre anglaise de la Baltique, sur laquelle il parvint à faire embarquer la majeure partie de ses troupes, sans éveiller la défiance du maréchal Bernadotte. Il les ramena en Espagne et y prit une part active à la lutte contre les Français. Dans la désastreuse retraite du général Moore, en LE09, il perdit un grand nombre de soldats, mais n’en continua pas moins à harceler les Français, auxquels jl se mit à faire une guerre de partisans. Ayant été appelé à faire partie de la junte suprême de Séville, il quitta le commandement de son corps d’armée, et eut une part active à toutes les mesures de cette assemblée. En 1810, il prit le commandement de l’armée espagnole de la Guaûiana, opéra, en Portugal, sa jonction avec l’armée anglaise et défendit avec le général Hill la rive gauche du Tn^e, tandis que Wellington occupait la rive droite. Peu de temps après, le marquis de La Romana mourut des suites des fatigues sans nombre qu’il avait endurées,

LAHOMIGUIÈRE (Pierre), philosophe français, né à Livignac-le-Maut (Aveyron) en 175G, mort à Paris en 1837. Élevé dans la maison des doctrinaires de Villefrunche-sur-Aveyron, il entra dans la congrégation de ses maîtres et, grâce à ses dispositions exceptionnelles, y devint professeur dès l’âge de dix-sept ans. Il occupa des chaires successivement à Lavaur, à Toulouse, à Carcassonne, à Tarbes, à La Flèche, et professait enfin la philosophie à Toulouse, lorsqu’un décret de la Constituante vint supprimer les congrégations religieuses et l’affranchir de ses vœux. Il parait avoir accepté sans regret, mais sans enthousiasme, cette liberté qui lui était donnée tout à coup (1790). Laromiguière possédait une âme douce et calme, éprise de la solitude, du travail, de l’obscurité, bien plus que du bruit du monde et de l’emportement des passions. L’habitude de la discipline ecclésiastique avait d’ailleurs si fortement plié son caractère, -qu’il garda, même à travers la Révolution, un penchant très-prononcé à la règle et à l’orthodoxie, non pas sans doute à cette orthodoxie qui pèse sur l’âme et en étouffe les mouvements, mais à celle qui éloigne des grands écarts et des nouveautés hardies. Laromiguière pouvait posséder les aptitudes nécessaires pour devenir un penseur illustre ; mais il était condamné par une sorte de timidité, de sagesse acquise, à rester dans l’ornière de ce que nous pourrions appeler la philosophie officielle. C’est ce genre de philosophie, en effet, que Laromiguière devait fonder en France. Il est le père de la philosophie universitaire, qui compte bien des hommes de talent, mais qui ne saurait convenir aux hommes de génie.

Laromiguière, mis à la porte de son collège, essaya sans succès d’ouvrir à Toulouse un cours libre de philosophie. Ni le lieu ni les circonstances ne convenaient a une pareille entreprise. Il vint à Paris, où il suivit bientôt les cours de l’École normale, nouvellement fondée (1795). Il trouva là des professeurs illustres, Lagrange, Haûy, Laptace, Monge, Berthullet ; quelques professeurs médiocres, Volney, Bernardin de Saint-Pierre, Laharpe, Garât, et s’attacha particulièrement aux leçons de ce dernier, qui, du reste, dut reconnaître bientôt un maître dans son élève, et eut la loyauté de s’écrier un jour du haut de sa chaire : « Il y a ici quelqu’un qui devrait être à ma place. ■ Et c’était vrai ; Garât, en faisant cette déclaration à la suite d’observations écriteslLniais non signées, que Laromiguière lui avait adressées, accomplissait un acte de justice en même temps qu’un acte de modestie. Avant la fin de l’année, du reste, Laromiguière fut appelé à occuper la chaire de logique à l’École centrale, puis devint professeur au Prytanée (lycée Louis - le-Grand). L’année suivante, il fut adjoint, comme associé non résidant, à la classe des sciences morales et politiques de l’Institut. A la finde 1799, il devint membre du tribunat ; son rôle y fut des plus effacés. On assure, cependant, qu’il y fit assez d’opposition pour

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qu’on renonçât à lui donner de nouvelles fonctions quand son mandat fut expiré (1802). I.e véritable rôle de Laromiguière ne date que de isil. Nommé, à cette époque, professeur de philosophie à la Faculté des lettres, il vit accourir autour de sa chaire tout ce que la capitale possédait de plus illustre et de plus intelligent. Son enseignement fut si brillant, sa parole était si grave et si noble, ses doctrines profondément morales reçurent de si vives approbations, que Laromiguière, sans originalité véritable, se vit tout à coup porté a la dignité de chef d’écolo ; et il’conserve encore de nos jours, malgré les progrès toujours croissants d’une philosophie plus hardie que la sienne, des disciples fidèles et de fervents admirateurs. Son enseignement ne dura cependant que deux ans, et, ’bien qu’il restât depuis professeur titulaire, il se fit constamment suppléer. Sa modestie, sans doute, ne s’accommodait pas des succès bruyants de l’enseignement public. Elle ne s’accommoda pas davantage d’un fauteuil à l’Académie française, qu’on lui offrit plusieurs fois, et qu’il ne put jamais se résoudre à accepter. Il consentit cependant, en 1833, à entrer à l’Académie des sciences morales et politiques. 11 avait alors soixante-dix-sept ans. Il mourut quatre ans après.

Telle est la vie de Laromiguière, vie exempte d’ambition et de jegrets, vie d’un véritable philosophe pratique, qui n’a jamais recherché les vaines grandeurs, et n’a fait dans le monde d’autre bruit que le bruit causé par l’éclat de son talent et par ^’enthousiasme de ses admirateurs. Quant à ses doctrines philosophiques, nous avons indiqué la cause principale qui les a condamnées à une sorte de médiocrité banale, malgré l’incontestable talent et la remarquable sagacité de Laromiguière. On en jugera mieux par une analyse succincte de son système sur ’ les facultés de l’âme, système qu’il a développé avec beaucoup d’éloquence dans ses ^Leçons de philosophie, le plus célèbre de ses ouvrages. Les facultés de l’âme se divisent pour lui en deux séries : facultés de l’entendement, facultés de la volonté. L’innovation consiste ici à laisser dans l’ombre la sensibilité, sur laquelle il s’expliquera plus loin. La série des facultés de l’entendement, dans l’ordre de leurs opérations, est celle-ci : attention, comparaison, raisonnement. Laromiguière^ n’admet donc aucune part de la volonté dans l’attention, ce qui pourra paraître difficile à admettre. Dans la volonté, il distingue le désir, la préférence et la liberté, qui n est que le libre choix. L’auteur se défend assez bien de ne pas avoir admis au rang des facultés la mémoire, le jugement, la réflexion ; quant à l’imagination, il nous semble moins autorisé à lui refuser ce titre. La sensibilité lui paraît être une capacité’, c’est-à-dire une aptitude purement passive. Il y distingue d ailleurs la sensation, le sentiment de l’ac► tion des facultés de l’âme, le sentiment du rapport et le sentiment moral, d’où il fait dériver, par la coopération des facultés de l’entendement, les idées sensibles, les idées des facultés, les idées de rapport, les idées morales, quatre catégories dont il soutient l’absolue distinction et la parfaite indépendance. Nous ne suivrons pas Laromiguière dans l’étude ingénieuse qu’il fait des sources de nos connaissances. Contentons-nous de dire qu’il appuie l’existence de Dieu sur la nécessité d’une cause première, d’une cause universelle, qui est la cause de tout et n’est l’effet de rien. Argument bien embarrassé, dont la majeure, exprimée ou sous-entendue, est celle-ci : Il n’est pas d’effet sans cause, et qui aboutit à cette définition ou à une définition équivalente : Dieu est un effet sans cause (v. au mot Dieu l’exposé et la critique des preuves de l’existence de Dieu). Les Leçons de philosophie devinrent et sont restées la base de l’enseignement classique de la philosophie en France.

Voici la liste des ouvrages de Laromiguière : Projets d’étéments de métaphysique (Toulouse, 1793, broch. in-S°) ; Leçons de philosophie sur les principes de l’intelligence ou sur les causes et sur les origines de nos idées (Paris, 1815-1818, 2 vol. in-S») ; il en a été.donné six autres éditions. En Ui41 et en 1843, On mit au concours ce sujet : « Le mérite des Leçons de philosophie. »Le mémoire de M. Tissot, professeur à la Faculté des lettres de Dijon, fut couronné. On a joint à diverses éditions des Leçons plusieurs travaux distincts, comme : Discours sur l’identité dans le raisonnement ; Discours sur le raisonnement ou Paradoxes de Condillac ; Note placée à la suite de la Langue des calculs, de Condillac.

LARON ou LORON (Jourdain de), prélat français, mort en 1052. Il était prieur de Saint-Léonard, lorsque, à la mort de Girard, évéque de Limoges (1024), il fut désigné pour lui succéder, par les suffrages unanimes des électeurs. Il fut alors installé sur son siège épiscopal par le duc d’Aquitaine, et, comme il n’était encore que sous-diacre, reçut en deux jours tous tes ordres des mains de l’évêque de Saintes, en présence de l’archevêque de Bordeaux. Mais l’évêché de Limoges faisait partie, non de la province de cet archevêque, mais de celle de l’archevêque de Bourges, qui était alors Gauslin, fils naturel de Hugues Capet et frère du roi Robert. Gauslin, irrité de ce que la consécration de Jourdain avait été faite sans qu’on l’eût consulté, assembla

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un concile où le roi assista, et qui excommunia Jourdain et tout son diocèse. Cette excommunication ne fut levée que lorsque Jourdain et une centaine de clercs ou de moines de son diocèse se furent rendus, les pieds nus, au palais de l’archevêque de Bourses, pour faire amende honorable devant ce dernier, qui voulut bien se laisser fléchir. Jourdain alla ensuite en Palestine, et assista, en 1031, au concile de Bourges. Parmi ses écrits, le seul important est une Lettre au pape Benoit VIII sur l’apostolat de saint Martial, qui a été insérée dans le tome II de la Gallia christiana,

LARONCIÈRE LE NOURY (Emile-François-Guillaume Clément de), officier et administrateur français, né à Bréda (Hollande) en 1804. Il est fils du général de division de La Roncière et neveu du comte Clément de Ris, ancien pair de France. À dix-sept ans, il s’engagea dans la cavalerie, et il était lieutenant au 1er régiment de lanciers, lorsqu’il fut détaché à l’École de Sauniur (1833). À la suite d’un procès criminel, dont nous parlerons plus loin, M. La Roncière fut condamné^ en juillet 1S35, à dix années de réclusion. En 1S43, Louis-Philippe lui fit remise des deux années de détention qui lui restaient encore à faire, et il rentra alors dans l’obscurité. Sous l’Empire, le gouvernement, qui ne prenait pas toujours ses agents parmi les hommes d’une réputation intacte, en fit un de ses fonctionnaires ; il le nomma inspecteur de la colonisa ? tion en Algérie. De là, M. de La Roncière passa à Chandernagor, en qualité de chef de service (1858), puis alla remplir les mêmes fonctions aux îles Saint-Pierre et Miquelon ; bien mieux, il fut décoré de la Légion d’honneur en 18G2. L’année suivante, le ministre de la marine le nomma commandant des établissements français dans l’Océanie et commissaire du gouvernement aux îles de la Société. Les Anglais se hâtèrent alors de faire traduire en espagnol, en anglais et en langue kanaque la relation du procès célèbre du nouveau gouverneur, et ils la répandirent par milliers en Océanie, pour déconsidérer la France aux yeux des indigènes. Les agissements de M. de La Roncière furent loin, du reste, de lui attirer les sympathies de nos nationaux et des indigènes. Par ses procédés, tout à fait dignes de l’Empire, il suscita des plaintes très-vives, dont les journaux de l’opposition se firent l’écho, et le gouvernement dut le rappeler on France. En février 1870, une commission d’enquête, présidée par un vice-amiral, fut instituée pour examiner sa gestion à Taïti ; mais la chute de l’Empire et la désastreuse guerre avec la Prusse ne tardèrent pas à faire complètement oublier les griefs articulés contre l’ancien gouverneur des îles de la Société.

Ln Roncière (affaire). Par la singularité dramatique des faits, par le mystère qui plane encore sur diverses circonstances de cette affaire, le procès criminel qui amena sur les bancs de la cour d’assises d Angers, au mois de juin 1835, M. Emile Clément de La Roncière Le Noury, dont nous venons de parler plus haut, excita vivement la curiosité publique et compte parmi les causes célèbres de notre époque.

Au mois de mars 1834, M. Emile de La Roncière, alors lieutenant de lanciers, fut envoyé à Saumur pour y suivre les cours de l’École de cavalerie, que commandait le général baron de Morell. Bien qu’il ne se fût fait remarquer que par le désordre de sa conduite, il lut reçu, en 1834, dans la maison du général, ainsi que les autres officiers de l’École, et, invité un jour à dîner par ce dernier, il se trouva placé à table à côté de M11" Marie Morell, alors âgée de seize ans. À partir de ce moment, divers membres de la famille de Morell reçurent des lettres anonymes, signées E, de La Jl. Les unes contenaient des déclarations d’amour pour Mme de Morell ; d’autres, adressées à la gouvernante, miss Allen, et à Mlle de Morell, contenaient pour cette dernière les outrages les plus grossiers et même des menaces. Dans une de ces lettres, on lisait : « Ma haine aura des résultats qui ôteront tout bonheur à la vie de Marie. La mort sera pour elle un grand bienfait, car sa vie sera toujours misérable et tourmentée. » En même temps, des lettres du même genre étaient adressées à un officier de cavalerie, le capitaine d’Estouilly, qui était admis dans ’ l’intimité de la famille de Morell. M. d’Estouilly crut devoir faire part au général de ce qui se passait et lui exprima son intention d’en demander raison à La Roncière, qu’il regardait comme l’auteur de ces lettres inqualifiables ; mais M. de Morell l’en dissuada, en le suppliant de ménager l’honneur de sa famille, qu’un éclat pourrait compromettre, et il se borna à interdire à La Roncière l’entrée de sa maison.

Tel était l’état des choses lorsque, le 24 octobre 1834, vers deux heures du matin, MUe de Morell, qui couchait au deuxième étage de la maison, fut éveillée tout à coup au bruit d’une vitre cassée. La croisée s’ouvrit. Un homme sauta dans sa chambre, se jeta sur elle, au moment où elle venait de se précipiter à bas de son lit, lui passa un mouchoir autour du cou, en lui disant : > Je viens me venger, » et lui porta des coups violents sur les bras, sur la poitrine et sur les jambes. Le saisissement avait laissé MH« de Morell sans voix ; mai 3 la douleur lui fit pousser des cris qu’entendit sa gouvernante. Celle-ci ac LARO

courut et, pendant qu’elle essayait d’ouvrir la porte fermée, l’homme, qui venait de déshonorer la fille du général, sauta par la fenêtre et disparut. Lorsque la gouvernante entra, elle1 trouva MHo de Morell évanouie, n’ayant que sa chemise, le cou entouré d’un mouchoir blanc, la taille serrée par une corde. Elle aperçut, en outre, du sang répandu dans deux ou trois endroits. Revenue à elle, la jeune fille raconta la scène qui venait de se passer et déclara que, à la clarté de la lune, elle avait reconnu La Roncière Le Noury. Cependant elle voulut qu’on n’allât réveiller ses parents qu’à six heures du matin. Pendant que miss Allen allait les chercher, elle s’approcha de la croisée et vit sur le parapet du pont La Roncière qui regardait la maison en riant.

Malgré la gravité d’un tel attentat, M. et Mme de Morell résolurent de cacher à tous le sort de leur fille et de garder le secret le plus complet. Le jour même, M"" de Morell reçut une nouvelle lettre anonyme, à Vous seule, y lisait-on, saurez le véritable motif du erme que je vais commettre : c’est un bien grand crime de souiller ce qu’il y a de plus pur au monde. Je vous ai aimée, adorée, vou3 m’avez répondu par du mépris. J’aime mieux de la haine. Un misérable a eu l’imprudence de tout dire à M. de Morell. Je lui ai écrit que, partout où je le rencontrerais, je lui appliquerais sur la face le sceau de l’infamie ; je

I attends sur le terrain. » Ce même jour, Ml d’Estouilly reçut une lettre de provocation, écrite de la même main que les lettres précédentes, et signée Emile de La Roncière.

II envoya ses témoins à M. de La Roncière, et le lendemain ils se rencontrèrent sur le terrain. Bien que grièvement blessé, M. d’Estouilly somma son adversaire, en le menaçant de le poursuivre devant les tribunaux, de se reconnaître l’auteur des lettres anonymes. M. de La Roncière signa devant les témoins la déclaration exigée de lui, mais en affirmant qu’il agissait ainsi uniquement pour éviter à son père le scandale d’une affaire criminelle, qu’il était innocent et qu’il ignorait le contenu des lettres.

Quelques heures après, il partait pour Paris ; mais des lettres anonymes n’en continuèrent pas moins d’être répandues dans l’hôtel du baron de Morell, et celui-ci, apprenant que l’attentat du 24 octobre était devenu l’objet de tous les entretiens à Saumur, n’hésita plus à porter une plainte au parquet. Appelé devant le juge d’instruction, La Roncière protesta de son innocence, prétendit qu’il était victime d’une intrigue ourdie par M1]o de Morell, sa mère et sa gouvernante, afin de donner le change sur les relations trop intimes qui existaient en tre la première et M. d’Estouilly, et alla jusqu’à dire que Mlle de Morell, étant enceinte, avait supposé un crime dans le but de sauver son honneur.

Malgré ces allégations, Emile de La Roncière fut traduit devant le jury d’Angers le 24 juin 1835.11 persévéra dans ses allégations et trouva "dans Chaix-d’Est-Ange un habile et éloquent défenseur. Les débats offrirent le plus vif intérêt et furent loin de jeter une lumière complète sur cette étrange affaire. La jeune et belle Marie de Morell, qui, depuis le 24 octobre, était en proie à des attaques nerveuses se prolongeant pendant dix-huit heures sur vingt-quatre, et qui tombait alors dans un état de catalepsie et de somnambulisme tout à fait extraordinaire, renouvela devant le jury ses déclarations contre La Roncière, et le rapport des médecins constata que l’allégation d’une grossesse était complètement fausse ; mais, d’un autre côté, les experts, chargés de l’examen des lettres anonymes, vinrent déclarer que ces lettres n’étaient pas de la main de La Roncière ; et, qui plus est, deux d’entre eux affirmèrent que dix-huit de ces pièces avaient de nombreux rapports de similitude avec l’écriture de M’ia de Morell et devaient lui être attribuées. Après sept heures de délibération, le jury, par sept voix contre cinq, déclara La Roncière coupable de viol et de blessui-es sur la personne de Marie de Morell, mais avec des circonstances atténuantes, et la cour prononça contre lui la peine de dix ans de réclusion (4 juillet). Malgré le fâcheux éclat de ce procès, Mlle de Morell n’en fit pas moins un brillant mariage. Elle épousa le marquis d’Eyragues, qui a rempli diverses missions diplomatiques sous le règne de Louis-Philippe.

LA RONCIÈRE LE NOURY (Camille-Adalbert-Marie, baron Clément de), marin français, frère du précédent, né à Turin en 1813. Admis à l’École navale en 1829, il fit des campagnes dans les mers du Sud, fut promu enseigne en 1834, lieutenant en 1843, devint aide de camp de l’amiral La Susse et remplit diverses missions ou Angleterre. Après avoir commandé la Vedette à Constantinople, de 1847 à 1849, il revint en France, fut attaché comme chef d’êtat-major au ministère de la marine, fit partie, en qualité de secrétaire et du rapporteur, de la commission chargée de rédiger le décret organique sur le service maritime (uoùt 1851), et reçut, le grade de capitaine de frégate le mois suivant. M. La Roncière devint ensuite chef d’état-major de l’escadre de la Méditerranée (IS52). Appelé, en 1853, au commandement du Roland, il fit avec ce vaisseau la campagne de Crimée, pénétra dans la baie de liamiesch, força l’entrée de la baie de Strelitzka et se conduisit