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vaux ; c’est mémo h, eux qu’on attribue l’invention du mors. Mais ils sont restés célèbres surtout par leurs combats avec les Centaures, qu’Hésiode et Ovide ont décrits si poétiquement. Voici à quelle occasion eut lieu cette lutte formidable. Pirithoiis, roi des Lapithes, célébrant ses noces avec Hippodamie, avait invité les Centaures. Ceux-ci, excités par Mars, irrité de ce qu’on ne lui avait offert aucun sacrifice avant la cérémonie, insultèrent les femmes dans l’ivresse du festin, et Eurite, un de leurs chefs, osa même enlever Hippodamie. Nestor, dans les Méthamorphoses d Ovide (trad. Desaintange), raconte ainsi cet événement aux chefs des Grecs rassemblés pour la guerre de Troie, événement auquel lui-même avait pris part :

Les Lapithes fêtaient, sous des arbres touffus, L’hymen d’îlippodamie et de Pirithoûs. Les Centaures cruels, race farouche et dure, Environnaient lti table, assis sur la verdure. Les rois thessaliens, et mof-même avec eux, Nous fûmes invités a cet hymen fameux. Autour des conviés un grand peuple se presse, Et réjouit les airs de ses cris d’allégresse. On chante l’hyménée, et sur l’autel du dieu L’encens de ses parfums embaume ce beau lieu. Des plus riches atours superbement parée. L’épouse arrive enfin de vierges entourée. On l’admire, on s’écrie : Heureux deux fois l’époux ! Heureux de posséder des charmes aussi doux ! Ce jour même sembla démentir ce présage. Un des fils de la nue, un Centaure sauvage, Eurite, ivre à la fois et d’amour et de vin, Enlève Hippodamie au milieu du festin. C’est la confusion d’une ville au pillage : C’est de pleurs et de cris un confus assemblage. On se lève, et Thésée avec un cri soudain : Eurite, que fais-tu ? Quoi ! ton amour sans frein Outrage mon ami, l’outrage en ma présence ! Sais-tu qu’en l’offensant c’est moi que l’on offense ? 11 dit, perce la foule, et, malgré leurs fureurs, Arrache Hippodamie aux bras des ravisseurs. Eurite ne dit rien ; qu’aurait-il à répondre ? Ce qu’il a fait l’accuse et peut seul le confondre. II défend son forfait par des forfaits nouveaux, Et sa main au visage a frappé le héros.

Cette brutalité du Centaure fut le signal d’une mêlée effroyable, où Pirithoûs et Thésée accomplirent des exploits digues rie ces temps fabuleux, écrasant, leurs ennemis sous des quartiers de rocher, arrachant des arbres entiers, et les faisant tournoyer comme de gigantesques massues. Le combat dura jusqu’au soir ; ceux des Centaures qui n’avaient pas succombé s’échappèrent a. la faveur de la nuit, et s’enfuiront jusque sur les bords du Pinde, en Épire, où. ils se construisirent de nouvelles demeures.

C’est par allusion à ce festin sanglant que J.-B. Rousseau a dit :

Laissons aux Scythes inhumains [nage ; Mêler dans leurs banquets.le meurtre et le car Les dards du Centaure sauvage

Ne doivent point souiller nos innocentes mains.

En littérature, on rappelle le festin des Lapithes à propos d’un repas, d’une cérémonie, d’une fête qui se termine par un désordre bruyant, une querelle où l’on en vient aux coups. En voici un exemple :

« Ce serait une lourde tâche que celle d’enregistrer méthodiquement tous les événements tragiques et comiques de ces deux folles semaines, où les orgies du carnaval, commencées au bruit du coup de pistolet qui a tué un bon citoyen et un honnête homme, ont failli plusieurs fois se terminer comme un festin de Lapilhes, dans le sang et dans les horreurs d’un combat. »

(Revue des Deux-Mondes.)

LAPITO (Louis-Auguste), paysagiste français, né à Saint-Maur, près de Paris, en 1805. Destiné par. sa famille au notariat, il ne tarda pas à abandonner l’étude où il était clerc pour s’adonner à la peinture. D’abord élève de Watelet, il entra ensuite dans l’atelier de Heins, où il devint un dessinateur habile, puis il se mit à voyager. Après avoir visité le midi de la France, si peu connu, si pittoresque, il parcourut successivement la Suisse, l’Italie, l’Allemagne et la Hollande., Rentré à Paris vers 1826^ les cartons pleins d’esquisses et de souvenirs, il se mit au travail et exposa successivement : Vue du Simplon, Site d’Auvergne (1827) ; un Chalet (1831): le Lac Majeur (1833) ; les Andelys (1836) ; les Cascatelles (1842) ; le Calvaire de Sisteron (1852) ; le Golfe Rapallo (1855) ; la Vallée de Itoyat (1857) ; le Torrent de Royat, Vue de Menton (1859) ; Vue du cours du Tassin, Vue de SaintLaurent Chiavari et de Sesto-Calende, Vue de la ville et du port de Baslia (1861) ; Vue de Gènes, Vue de Liltebonne, les Moulins de Fontana, en Auvergne (1863) ; Vue de la ville de Lisieux (1864) ; Ajaccio au coucher du soleil, Vallée de Royat (1865) ; Vue de Pontl’Evêque (1866) ; la Somme à Abbeville, un Souvenir d’Auvergne (1868), etc. Outre ces toiles, qui lui ont valu plusieurs médailles et la croix de la Légion d’honneur dès 1836, M. Lapito a exposé diverses toiles à l’étranger, notamment une Vue de Ventimiglia, qui lui valut une médaille d’or à Bruxelles, en 1848 ; une Vue de Savons (1849), exposée dans la même ville et achetée pour le musée Léopold ; Site des montagnes de Grasse (1855), qui parut à une exposition d’Anvers, etc. Ou LA PL

treses peintures à l’huile, M. Lapito aexécuté des aquarelles fort estimées. Cet artiste habile, dont les toiles sont bien’peintes et d’un coloris charmant, s’est acquis une réputation rapide, et ses tableaux, très-recherchés, figurent dans les galeries d’amateurs, non-seulement en France, mais à l’étranger, ainsi que dans nos musées et dans nos palais. Elles ont de l’éclat, du brio, mais on n’y trouve point la nature comprise et rendue à la manière, de nos grands paysagistes contemporains : c’est une nature arrangée et factice ; aussi, les œuvres de cet artiste ne nous paraissent point appelées à conserver, dans l’estime des amateurs, la vogue qu’elles ont eue jusqu’ici.

LA PLACE (Pierre de), en latin à Piaica ou Plaieanu», jurisconsulte et historien français, né à Angoulème vers 1520, mort en 1572. Il étudia Te droit à l’uniVersité de Poitiers, et vint ensuite à Paris, où il devint successivement avocat près la cour des aides, puis premier président de cette cour. Son savoir et son intégrité lui valurent l’estime de François Ier, de Henri II et de l’Hospital. Ayant embrassé la Réforme en 1560, il se vit en butte à de fréquentes avanies, pendant les troubles religieux. Il se trouvait ainsi désigné aux coups des massacreurs de la Saint-Barthélémy : son cadavre, d’abord traîné

dans une écurie, près de l’Hôtel de ville, fut jeté le lendemain dans la Seine. On a de lui les ouvrages suivants : Paraphrasis in titulos institutionum imparialium de actionibus, exceplionibus et inteidictis (Paris, 1584, in-4o) ; Traité de la vocation et manière de vivre à laquelle chacun est appelé (Paris, 1561, in-4») ; Traité du droit usage de la philosophie morale avec la doctrine chrétienne (Paris, 1562, in-8o) ; Commentaires de l’état de la religion et république sous les rois Henri II, François II et Chartes IX (Paris, 1565, in-8o), reproduits dans la collection des Mémoires sur l’histoire de France ; Traité de l’excellence de l’homme chrétien (Paris, 1572, in-8o).

LA PLACE (Josué de), théologien protestant français, né en 1596, mort en 1665. Il fit ses études à Saumur, où il enseigna la philosophie, puis devint pasteur de l’Église do Nantes en 1625. Nommé professeur de théologie à Saumur, en 1633, il attaqua ouvertement, dans une série de thèses, le dogme calviniste de l’imputation du péché d Adam à toute sa race, comme étant contraire à ia bonté de Dieu, et, -sur la demande des théologiens calvinistes, il vit son opinion condamnée par le synode national de Charenton, en 1644 ; mais La Place eut de nombreux partisans ; plusieurs synodes provinciaux prirent sa défense, et l’illustre Claude lui-même partagea son sentiment sur cette question. Attaqué avec une grande vivacité par Ses adversaires, La Place répondit, peu avant sa mort, par sa Disputatid de imputations primi peccati Adami (Salm., 1665, in-4o). On a de lui plusieurs ouvrages, dont les principaux sont : Discours en forme de dialogue entre un père et son fils, sur la question si l’on peut faire son salut en allant à la messe pour éviter la persécution (Quévilly, 1621>, in-8o) ; Examen des raisons pour et contre le sacrifice de la messe (Saumur, 1639, in-8o) ; Disputationes de argumentis, quibtis efficitur Christumprius fuisse quam in Utero Beats Virginia secundum carnem conciperelur (Salm., 1649, in-4o) ; Exposition et paraphrase du Cantique des cantiques, et un traité de l’invocation des saints (Saumur, 1656, in-8o) ; Syntagma thesium theologicarum in academia Salmuriensi variis temporibus disputatarum (Salm., 1660, in-4o) ; Opéra omnia in unum corpus primum collecta (1699, in-4o).

LA PLACE (Pierre-Antoine de), littérateur français, né à Calais en 1707, mort à Paris en 1793. Il apprit l’anglais au collège de Saint-Omer, et se fit écrivain, bien qu’il n’eût aucune aptitude littéraire. Actif, intrigant, aimant le plaisir et la table, il se lia avec Piron, Duclos, Collé, Crébillon fils, etc., et débuta par une traduction de la Venise sauvée, d’Otway, Ayant rendu un service littéraire à Mme de Pompadour, il obtint, en 1762, le privilège du Mercure ; mais, sous sa direction, ce recueil devint on ne peut plus insignifiant. La Place obtint ensuite une pension de 5,000 livres sur ce même Mercure, et alla oublier à Bruxelles ses mécomptes dramatiques. Aussi fécond que médiocre, La Place composa de nombreux

écrits. Il prenait le titre de doyen des gens de lettres, ce qui fit dire « qu’il se constituait le doyen d un corps auquel il n’appartenait pas. » Il ne put jamais obtenir qu’un titre, celui de secrétaire de l’Académie d’Arras. Nous citerons de lui : Venise sauvée, tragédie en cinq actes (174.7, in-8o) ; Adèle de Ponthieu, tragédie en cinq actes (1757), dont la représentation fut différée pendant dix-huit mois, ce que La Place atttribua à la jalousie de Voltaire ; Jeanne d’Angleterre, tragédie de peu de valeur, qui n’eut que quelques représentations ; le Veuvage trompeur, comédie en trois actes ; l’Epouse à la mode, comédie en trois actes et en vers ; Rennio et Alinde ou les Amants sans le savoir, comédie en deux actes, en prose. « Toutes ces pièces, dit M. "Weiss, furent trouvées si peu dignes d’attention, qu’on dédaigna même de les critiquer, lors de leur courte apparition sur la scène ; » les Deux cousines, comédie en trois actes et en prose (1746, in-S°), non reprè LAPL

sentêe. On lui doit, en outre, un grand nombre de traductions de l’anglais, et de compilations ; un Recueil d’épitaphes, ouvrage moins triste qu’on ne pense (Bruxelles, 1782, 3 vol. in-12) ; Pièces intéressantes et peu con-' ■nues pour servir à l’histoire de la littérature (Maastricht, 1785-1790, 8 vol. in-12) ; Essai sur le goût de la tragédie (173S, in-8<>) ; les Désordres de l’amour ou les Etourderies du chevalier de Brières (Paris, 1768, 2 vol. in-12) ; Amusements d’un convalescent (1761, in-soj ; Recueil de chansons avec musique ; Lettres diverses et autres œuvres mêlées, tant en prose gu’en-vers (Bruxelles, 1773, 3 vol. in-12) ; la Nouvelle école du monde, ou Recueil de nouveaux quatrains (1787, in-8o), Anecdotes modernes relatives aux circonstances présentes, avec quelques poésies légères (1789, in-8u) ; trois Lettres à Cerutti, sur les prétendus prodiges et faux miracles employés dans tous les temps pour abuser et subjuguer les peuples (1790-1791, in-8o) ; les Forfaits de l’intolérance sacerdotale (1790, in-8o) ; le ValèreMaxime français (1792, 2 vol. in-8»), etc.

LAPLACE (Pierre - Simon, marquis de), l’un des plus grands géomètres de notre siècle, né à Beaumont-en-Auge (Calvados) le 28 mars 1749, mort à Paris le 5 mars 1827, fils d’un cultivateur. Il étudia et professa ensuite les mathématiques à l’école militaire établie dans sa ville natale. Déjà connu par de nombreux et importants travaux scientifiques, il succéda, en 1784, à Bezout, comme examinateur du corps de l’artillerie, et prit part à l’organisation de l’Ecole polytechnique et de l’Ecole normale. Membre de l’ancienne Académie des sciences, il fit naturellement partie de l’Institut lors de sa création ; il présidait, en 1796, la députation chargée de présenter au conseil des Cinq-Cents le rapport sur les progrès des sciences. Bonaparte lui confia le ministère de l’intérieur après le 18 brumaire, mais il reconnut bientôt qu’il apportait dans ces fonctions l’esprit des infiniment petits, et, au bout de six semaines, le remplaça par Lucien. Laplace entra au Sénat en 1799, en devint vice-président en 1803, ne s’y fit guère remarquer autrement que par la présentation du rapport sur la nécessité de revenir au calendrier grégorien, et vota la déchéance de l’empereur en 1814. La Restauration le fit pair et marquis. L’Académie française, dont il faisait partie, ayant résolu, dans sa séance de janvier 1827, de mettre sous les yeux du roi une supplique contre le projet de loi sur la répression des délits de la presse, Laplace, qui occupait le fauteuil comme directeur, quitta la séance après avoir vainement tenté de dissuader ses collègues de la démarche qu’ils se proposaient.

Ses principaux ouvrages sont : Théorie du mouvement et de la figure des planètes (1784) ; Théorie des attractions des sphéroïdes et de la figure des planètes (1785) ; Exposition du système du monde, dont cinq éditions ont été publiées de 1796 à 1824 ; Traité de mécanique céleste (1799) ; Théorie analytique des probabilités (1812-1814-1820) ; Essai philosophique sur les probabilités (1814). Les recueils de l’Institut et le Journal de l’Ecole polytechnique contiennent, en outre, de lui un grand nombre de mémoires sur divers points isolés de la science.

On a reproché, avec raison, à Laplace sa manie de vouloir être à toute force un homme politique, le système d’adulation qu’il employa pour y parvenir, et ses variations en politique et en philosophie. Beaucoup de savants illustres ont encouru des accusations semblables ; mais il n’est heureusement pas en leur pouvoir de supprimer, par un triste exemple, les enseignements que la postérité tire des conceptions de leur génie. Le marquis de Laplace, réactionnaire et ultra-royaliste en 1827, ne renie que lui-même ; ses pairs ne voyaient peut-être en lui qu’un fils de rustre, mais sa présence parmi eux affirmait la puissance indestructible du peuple ; il eut beau suivre les processions, sa nouvelle cosmogonie devait plus faire pour le progrès des idées que ses palinodies pour en retarder l’expansion.

Les travaux de Laplace en analyse pure se réduisent à peu de chose : il a donné la première démonstration complète du théorème de d’Alembert sur la forme des racines des équations algébriques ; il a imaginé les équations aux différences mêlées, dont MM. Biot et Poisson se sont occupés depuis ; il a perfectionné en quelques points les méthodes pour l’intégration des équations aux différentielles partielles ; enfin, il a fait faire quelques progrès à la théorie des séries. Mais ses titres les plus importants se rapportent à la mécanique céleste.

Nous n’insisterons pas beaucoup sur ses ouvrages, qu’on a trouvés rédigés avec trop d’emphase et trop chargés de longues et pénibles démonstrations analytiques, qu’il eût été facile souvent d’abréger ou de simplifier. Le principal service rendu par ses ouvrages a été de présenter, en un seul corps de doctrine homogène, tous les travaux jusque-là épars de Newton, de Halley, de Clairaut, de d’Alembert et d’Euler sur les conséquences du principe de la gravitation universelle. Nous nous bornerons à mentionner les progrès que Laplace a fait faire lui-même à cette magnifique théorie.

Euler, Clairaut et d’Alembert s’étaient fait, pour traiter le problème des trois corps, des méthodes d’approximation circonscrites par le but restreint qu’ils se proposaient d’atteindre relativement à chaque question ; Laplace y appliqua, le premier, une méthode capable de fournir des approximations successives, en s’attachant à séparer les uns des autres, par ordre de grandeur, les termes relatifs aux différentes perturbations. C’est à cette méthode qu’il a dû ses principales découvertes.

La théorie de la lune offrait encore de grandes difficultés aux astronomes. Les observations ne s’accordaient pas suffisamment avec les lois auxquelles avaient conduit les travaux, si considérables pourtant, d’Euler, de d’Alembert, de Clairaut et de Lagrange ; Laplace y ajouta de nouvelles équations qui réduisirent sensiblement l’écart, « Ces équations, dit Delambre, sont un des services les plus signalés que l’analyse ait pu rendre à l’astronomie. Les calculs analytiques de M. Laplace et ceux que M. Burg a fondés sur les observations mêmes ont donné les mêmes équations, les mêmes coefficients, et s’il y a quelques légères différences, elles sont probablement à l’avantage de la théorie, qui indique encore quelques petites inégalités dont on n’a fait jusqu’ici aucun usage, vu la petitesse des coefficients et les incertitudes propres au genre d’observations qui pourraient les confirmer. »

Les découvertes de Laplace sur le mouvement de la lune sont puisées à deux sources différentes. D’Alembert avait trouvé l’explication des deux phénomènes de la précession des équinoxes et de la nutation, dans l’inégale répartition des actions exercées par le soleil et par la lune sur notre globe, en raison de son défaut de sphéricité. Mais ce même défaut de sphéricité devait aussi se faire sentir sur le mouvement de notre satellite ; c’est Laplace qui parvint le premier à tenir compte de cet effet, et non-seulement il donna les mesures des perturbations qui en résultent pour le mouvement de la lune, mais il put encore, en renversant la question, obtenir théoriquement une mesure de l’aplatissement de notre planète.

Un autre problème consistait à rendre compte de l’accélération que la lune a offerte dans sa marche depuis les temps les plus reculés jusqu’à notre époque. Cette question ne présentait pas seulement un intérêt scientifique de premier ordre, elle offrait aussi un intérêt social évident : la vitesse de la lune continuerait-elle d’aller toujours en croissant, ou, ce qui revient au même, la lune finirait-elle par tomber sur la terre ? Laplace a prouvé que la vitesse moyenne de circulation de la lune autour de la terre est liée à la forme de l’ellipse que décrit notre planète autour du soleil ; qu’une diminution dans l’excentricité de cette ellipse entraîne une augmentation dans la vitesse angulaire de la lune et réciproquement. L’excentricité de l’orbite terrestre ayant donc toujours diminué depuis les temps les plus recules, la vitesse de la lune devait avoir augmenté dans le même intervalle. Les phénomènes, d’ailleurs, se passeront plus tard dans l’ordre inverse, et les circonstances se reproduiront périodiquement les mêmes.

Laplace n’abandonnait jamais une question avant de l’avoir tournée dans tous les sens ; nous avons déjà dit comment il était parvenu théoriquement à une mesure de l’aplatissement de la terre ; il chercha de même à déduire une valeur de la parallaxe du soleil des équations qui déterminent les perturbations apportées par cet astre au mouvement de notre satellite. La remarquable concordance des résultats numériques ainsi obtenus, avec ceux que donnent les observations directes, fournit une vérification éclatante des méthodes de l’illustre géomètre.

Jupiter et Saturne offraient une particularité singulière : leurs mouvements moyens paraissaient l’un accéléré, l’autre retardé, de quantités assez sensibles, depuis l’époque de Tycho, et l’accélération comme le retard paraissaient varier avec l’intervalle des observations comparées. L’Académie avait en vain mis deux fois la question au concours. Laplace, en passant de nouveau en revue les termes de la série des perturbations des deux astres, reconnut qu’une circonstance particulière donnait à l’un d’eux, qu’on avait jusque-là négligé, une importance considérable : ce terme, dont le numérateur était très-petit, contenait à son dénominateur un facteur formé de cinq fois la vitesse de Saturne, moins deux fois ceolle de Jupiter ; or, cette différence se trouvant être excessivement petite, le terme regardé comme négligeable avait au contraire une grande importance, et fournissait l’équation tant cherchée, additive pour l’une des planètes, soustractive pour l’autre.

Cette équation, par une singulière coïncidence, avait justement pour demi-période le laps de temps qui sépare les observations de Tycho de la fin du XVIIIe siècle, et, nulle à la renaissance des sciences, elle atteignait son maximum au temps de Laplace. Cette circonstance, en donnant plus de relief aux erreurs constatées, avait sans doute concouru à éveiller l’attention des astronomes, mais, « vu la longueur de la période, leur embarras eût duré encore bien des siècles, si la théorie de Laplace n’était heureusement venue à leur secours. » On était parvenu, après bien des efforts, à l’aide de formules empiriques, à réduire les erreurs à 4’ ; la théorie de Laplace