par Ménage (Paris, 1672, 2 vol.). On trouve dans le premier volume une foule de remarques très-justes et très-ingénieuses, appuyées sur un très-grand nombre de citations et d’exemples savants. L’auteur corrige beaucoup d’erreurs de Vaugelas et d’autres grammairiens. Ménage tient un grand compte de l’usage, qui est l’arbitre souverain en fait de langage. Malheureusement, on remarque aussi dans Ménage beaucoup d’observations puériles ou trop minutieuses.
Le second volume a un caractère un peu différent. Il est précédé d’un avis au lecteur dans lequel Ménage se plaint amèrement du P. Bouhours, « qui a écrit, dit-il, contre la première partie de ces Observations avec une fureur indigne d’un prêtre et d’un religieux. » Le P. Bouhours avait, en effet, publié un livre intitulé : Doutes sur la langue française proposés à Messieurs de l’Académie française par un gentilhomme de province, et, dans cet ouvrage, il relevait quelques-unes des Observations de Ménage. Là-dessus, celui-ci a cru devoir faire semblant de croire que Bouhours n’était pas l’auteur du livre des Doutes, et il lui répond par d’assez mauvaises plaisanteries : « Les raisons que j’avais de douter que le P. Bouhours fût l’auteur du livre des Doutes sont si fortes et en si grand nombre, qu’on ne peut douter que je n’en aie douté… Si je l’avais nommé, j’aurais peut-être été cause que son supérieur lui aurait fait une sévère réprimande pour s’être amusé à régler la langue au lieu de régler ses passions, à apprendre à bien parler au lieu d’apprendre à bien vivre, à lire sans cesse Voiture et Sarrazin, Molière et Despréaux, au lieu de lire sans cesse la Bible et les Pères, l’Histoire de l’Église et les Conciles… On m’a persuadé qu’il y allait de l’intérêt public de punir l’insolence de ce petit grammairien en langue vulgaire, qui, n’ayant pas de jugement, juge souverainement de toutes choses, qui, n’ayant point d’érudition, fait le procès aux plus savants écrivains du siècle, et qui croit être grand théologien parce qu’il trouve quelques légères fautes de langue dans quelques livres de théologie. » Le P. Bouhours répondit, comme on peut bien le penser. Cette petite querelle est un épisode du second volume, un pamphlet grammatical aussi lourd qu’ennuyeux contre le P. Bouhours. On lit à chaque ligne, dans la table des matières : Le P. Bouhours n’a point lu la Bible ; le P. Bouhours ne sait pas l’italien ; le P. Bouhours est ignorant des étymologies, mauvais logicien ; fausse délicatesse, bévues, remarques puériles, fautes de langue du P. Bouhours ; fausses règles de grammaire du P. Bouhours, etc., etc.
Langue française (UNIVERSALITÉ DE LA), dissertation de Rivarol, qui remporta le prix,
à l’Académie de Berlin en 1783. Le sujet
proposé au concours était celui-ci : « Qu’est-ce
qui a rendu la langue française universelle ?
Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ?
Est-il à présumer qu’elle la conserve ? »
Rivarol avait de l’esprit, il en mit beaucoup
dans sa dissertation ; l’Académie de Berlin,
influencée par les écrivains français qui en
faisaient partie, voulut y voir du génie. Le
rapporteur comparait tout bonnement Rivarol
à Tacite. Aujourd’hui, dans cette thèse,
qui fit beaucoup de bruit en son temps, nous
ne pouvons voir qu’un recueil de pensées
banales exprimées en bons termes.
Langue française (ORIGINE ET FORMATION
de la), par Chevallet (Paris, 1850, 2 vol. in-8o), ouvrage couronné par l’Institut en
1850 et en 1858. Chevallet s’est proposé de
restituer les titres originaires de la langue
française, et de montrer, par l’étude approfondie
des monuments, dans quelle proportion
le latin, le celte, le tudesque et les autres
idiomes dont la trace subsiste ont contribué
à constituer cette langue. La première partie
de son ouvrage traite des éléments primitifs
dont s’est formé l’idiome ; la deuxième partie
est consacrée à l’examen des modifications
que ces éléments ont subies pour produire un
nouveau langage. Un aperçu historique sur
les langues qui ont été parlées successivement
entre le Rhin et la Loire sert d’introduction ;
on y trouve des considération générales
sur la nature, la proportion et la fusion
des éléments constitutifs de notre idiome.
L’auteur, adoptant à ce sujet l’opinion actuelle
des philologues, pense que la langue
française, née du latin rustique, modifiée par
une assez forte proportion de mots tudesques
et une autre beaucoup moindre de mots
celtiques, mêlée de quelques termes ibères,
grecs, arabes, italiens, etc., est de formation
relativement moderne.
Afin d’établir la proportion respective des éléments constitutifs de la langue française, l’auteur étudie et décompose les trois plus anciens textes, tous les trois antérieurs au XIIIe siècle ; ce sont les serments de Louis le Germanique et de Charles le Chauve, la cantilène de sainte Eulalie, les lois de Guillaume le Conquérant. Cette statistique est toute à l’avantage de l’influence latine ; mais le celtique a laissé des traces bien plus nombreuses que ne le suppose Chevallet : on lui doit beaucoup de noms propres et presque tous les noms de lieu. L’auteur donne quelquefois des étymologies contestables ; toutes les autorités qu’il allègue ne sont pas d’égale valeur. Mais s’il n’a pas épuisé la matière, il a donné une exposition méthodique et une critique savante du sujet ; il a éclairé des lumières de l’histoire les recherches philologiques.
Langue française (HISTOIRE DE LA), par M. Littré ( Paris, 1863, 2 vol. in-8o). Cet ouvrage est un simple recueil d’articles insérés dans des publications diverses : le Journal des savants, la Revue des Deux-Mondes, le Journal des débats. Tous ces articles, cependant, se rapportent à un même sujet, l’étude de la vieille langue française ou langue d’oïl. Ces articles ont eu pour occasion la publication
de textes anciens des éditions renouvelées,
des grammaires et des glossaires. Leur
ensemble, malgré les efforts de l’auteur pour
prouver le contraire, ne forme pas un livre
proprement dit, et, en tout cas, on n’a pas pu
l’intituler Histoire de la langue française sans
en donner une fausse idée au lecteur. À part
cette critique indispensable, le recueil de
M. Littré mérite les plus grands éloges pour
la sagacité des recherches et la critique des
appréciations. Il a placé en tête du premier
volume une savante introduction, où il expose
les principes qui l’ont guidé dans ses recherches,
et résume à grands traits les phases
successives de l’histoire des langues néo-latines.
Le tome Ier comprend, en outre, quatre
études ou dissertations : 1° Étude sur l’étymologie
de la langue française, la grammaire
ancienne et la correction des vieux textes, à
propos du Lexique étymologique des langues
romanes, de M. Diez, du livre de M. Delâtre
sur la Langue française dans ses rapports
avec le sanscrit, de la Grammaire de la langue
d’oïl, de Burgny, des Chansons de geste, de
Guillaume d’Orange, et des Chansons en vieux
français publiées par M. Maetzner. Cette longue
étude, qui est la plus importante de l’ouvrage,
embrasse à elle seule plus de la moitié
du volume. 2° Étude sur la poésie épique
dans la société féodale, à propos du XXIIe volume
de l’Histoire littéraire de ta France, lequel
est particulièrement consacré aux chansons
de geste, qui sont la poésie épique de
l’époque féodale. 3° Étude sur la poésie homérique
et l’ancienne poésie française, avec
un curieux essai de traduction du premier
chant de l’Iliade, en langue du XIIIe siècle.
4° Une étude sur Dante et plusieurs de ses traducteurs,
qui n’est peut-être pas tout à fait à
sa place dans une Histoire de la langue française. On trouve dans le second volume, après trois études sur Patelin, à propos de la nouvelle
édition par Génin, d’autres études sur
le Mystère d’Adam, drame anglo-normand,
publié par M. Luzarche, et sur les patois, à
propos des glossaires de MM. Jaubert et
Grandgagnage ; des analyses critiques de la
légende du pape Grégoire le Grand, du chant
d’Eulalie et du fragment de Valenciennes ;
du dictionnaire français-latin de M. Quicherat ;
du Roman de Girart de Roussillon ; des
grammaires provençales du XIIIe siècle, ; du
livre des Psaumes, texte du XIIe siècle, et des
lettres de Marguerite de Navarre. Ces différents
articles sont pleins d’observations savantes
et d’aperçus judicieux et profonds ;
mais, comme on devait s’y attendre, leur ensemble
présente un complet décousu. Des articles
de journaux et de revues, placés bout
à bout, n’ont jamais pu faire un livre.
Langue (DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE), par
M. Ch. Marty-Laveaux (Paris, 1872, in-12).
Ce petit volume est une sorte d’introduction
à une série qui doit constituer tout un Cours
historique de langue française. L’auteur se
propose d’examiner ces trois questions : conditions
indispensables à la connaissance suffisamment
approfondie d’une langue ; manière
dont la nôtre a été étudiée jusqu’ici ; méthode
à l’aide de laquelle elle devrait l’être. À propos
de ces questions difficiles, l’auteur pose
une série de problèmes intéressants. Il comprend
d’une manière si vive et si piquante le
rôle du dictionnaire et de la grammaire, la
question embarrassante de la ponctuation,
les règles de l’étymologie, qu’on doit penser
que son Cours historique n’aura rien de banal
et offrira un grand attrait de lecture. Bien
qu’il se propose de rester populaire, il n’exclut
pas de ses traités cette érudition qui fait
le côté sérieux d’un livre, et qui ne le rend
aride et ennuyeux qu’entre des mains maladroites.
Nous nous permettrons cependant de
signaler à l’auteur une question mal posée
dans son programme, et qu’il comprendra
mieux, nous en sommes sûr, quand il en viendra
à la traiter au long : il s’agit du n final,
qui se lierait toujours, à ce qu’il paraît croire,
au mot suivant commençant par une voyelle :
nation narmée, la population nest grande.
Personne ne prononce de cette façon. Mais,
en revanche, M. Marty-Laveaux ne paraît
pas avoir remarqué que la liaison du n ne se
fait pas toujours de la même façon, la syllabe
perdant ou conservant, suivant les cas, sa
nasalité : mo nhomme et j’en nai vu. Le rôle
de n final est donc triple ; c’est sur cette
pente aux exceptions qu’il serait, comme dit
bien M. Marty-Laveaux, grand temps de s’arrêter.
Langue d’oc (dictionnaire de la), par Honnorat. V. oc.
Langue française dans ses rapports avec le sanscrit (DE LA). V. Delâtre.
Langue française (REMARQUES SUR LA), par Vaugelas. V. remarques.
LANGUÉ, ÉE adj. (lan-gué — rad. langue). Blas. Se dit des oiseaux et du griffon, quand ils ont la langue d’un autre émail que le corps : De Contades : d’argent, à l’aigle d’azur au vol abaissé, languée et membrée de gueules.
LANGUEDOC, ancienne province de France,
dont la capitale était Toulouse. Bornée au
N par l’Auvergne, le Rouergue, le Quercy,
le Forez ; à l’E., par le cours inférieur du
Rhône ; au S., par la Méditerranée et le Roussillon ; à l’O., par le Comminges, le pays de Rivière-Verdun, le Conserans et le pays de
Foix, cette vaste province avait environ
272 kilom. de long sur 136 de large. On la divisait en haut Languedoc, comprenant les
diocèses de Toulouse, Rieux, Lavaur, Comminges,
Saint-Papoul, Montauban, Carcassonne,
Aleth, Albi, Mirepoix, Castres ; et en
bas Languedoc, comprenant les diocèses de
Nîmes, Montpellier, Viviers, Uzès, Mende,
Le Puy-Alais, Béziers, Narbonne, Agde, Lodève et Saint-Pons. Le Languedoc avait trois
archevêchés (Toulouse, Narbonne, Albi) et
vingt évêchés. Il possédait un parlement, qui
siégeait à Toulouse, une cour des comptes,
aides et finances, installée à Montpellier.
Compris dans les pays d’états, il possédait
une assemblée de notables, qui se réunissait
chaque année à Montpellier et avait pour
président-né l’archevêque de Narbonne. Les
archevêques et évêques y représentaient l’ordre
du clergé ; un comte, un vicomte et dix-neuf
barons y constituaient les représentants
de la noblesse ; le tiers état y envoyait
soixante-sept députés. Enfin, le Languedoc
formait une intendance et comprenait deux
généralités dont les sièges étaient Toulouse
et Montpellier. Le Languedoc forme aujourd’hui
les départements de l’Ardèche, de l’Aude,
du Gard, de la Haute-Garonne, de la Haute-Loire, de l’Hérault, du Tarn et de la Lozère.
Le Languedoc était habité par les Arécomiques et les Volsces Tectosages lorsque le proconsul romain Domitius en fit la conquête, en 121 av. J.-C. Par la suite, ce pays forma en grande partie la Narbonnaise Ire des Romains. Vers la fin de l’empire d’Occident, il prit le nom de Septimanie et fut ravagé par les Vandales, les Alains et les Suèves. Les Visigoths s’en emparèrent au Ve siècle, y fondèrent un royaume et l’appelèrent Gothie. Il fut envahi, en 719, par les Sarrasins, qui s’emparèrent de Narbonne. Ceux-ci en furent expulsés par Charles Martel et Pépin le Bref (759), Charlemagne l’érigea en marquisat ou duché, sous le nom de Septimanie, et y envoya des gouverneurs particuliers amovibles. Ces gouverneurs ne tardèrent pas à se rendre complètement indépendants de l’autorité royale ; mais, dès le Xe siècle, le duché de Septimanie se confondit avec le comté de Toulouse. Ce comté, donné à Amaury de Montfort, à la suite de la guerre des albigeois, fut cédé par lui au roi Louis VIII, et cette cession fut confirmée, en 1229, par un traité entre saint Louis et Raimond VII, héritier des anciens comtes de Toulouse. Un moment l’apanage d’Alphonse, un des frères de Louis IX qui mourut sans postérité, il fut définitivement réuni à la couronne sous Philippe le Hardi, en 1271. C’est à partir de ce moment qu’il a porté le nom de Languedoc, c’est-à-dire pays où l’on parle la langue d’oc, en opposition avec la langue d’oil, qui était en usage au nord de la Loire.
Le Languedoc, qui avait été en partie ravagé pendant la guerre d’extermination faite aux albigeois à l’instigation de la papauté, eut également beaucoup à souffrir pendant la guerre de Cent ans avec l’Angleterre. Au XVIe siècle, la Réforme s’y propagea rapidement, et ce fut dans cette contrée que les protestants jouèrent et perdirent leur dernière partie. Après le supplice de Montmorency, Richelieu établit dans le Languedoc un simple intendant chargé d’administrer la province au nom du roi. Sous Louis XIV, les dragonnades et la guerre des camisards firent répandre des flots de sang dans cette vaste contrée ; mais la création du canal de jonction des deux mers contribua largement à lui rendre la prospérité qu’elle avait perdue.
Depuis Richelieu jusqu’à la Révolution de 1789, le Languedoc fut administré par des intendants chargés de veiller à l’administration de la justice, de la police et des finances et de faire pénétrer l’action du pouvoir central. Voici la liste de ces fonctionnaires : Miron (1636) ; Machault, Vauquelin, Tause (1640) ; Bosquet (1642) ; Le Tonnelier de Breteuil(1646) ; Cl. Bazin (1653) ; Henri d’Aguesseau (1674) ; Lamoignon de Bâville (1685) ; Louis de Bernage (1718) ; Lenain d’Asfeldt (1743) ; E. Guignard de Saint-Priest (1751) ; M. J. Guignard de Saint-Priest (1764) ; Bernard de Balinvilliers (1786-1789).
— Vins du Languedoc. Les vins du Languedoc sont foncés, corsés et spiritueux ; mais on leur reproche de manquer de bouquet. Les vins de liqueur, et surtout le muscat, tiennent un rang distingué parmi ceux de ce genre que l’on récolte en France ; ils soutiennent même la comparaison avec la plupart de ceux que l’on tire à grands frais des pays étrangers : parmi ces vins, nous citerons le picardan, le frontignan, le lunel, le marseillan et le pommerols.
Le Languedoc fournissait des vins aux Romains ; depuis cette époque, les eaux-de-vie et les alcools sont devenus l’objet d’un commerce immense, qui se développe encore tous les jours.
Pour obtenir les vins de commerce, on cultive la carignane, le terret noir, le grenache, le mourastel, le spiran, l’œillad, le sinsaou, les picpouilles et la clairette.
L’aramon et le terret-bourret produisent les vins de chaudière.
On donne le nom de garrigues aux vignes situées sur les coteaux ; elles fournissent les vins d’exportation, que l’on ne distille que dans les années de grande abondance.
LANGUEDOC (canal du). V. Midi (canal
du).
LANGUEDOC (Michel), érudit et jésuite
français, né à Rennes en 1670, mort à Paris en 1742. Il enseignais philosophie et la théologie
et acquit beaucoup d’érudition. On lui doit : Dissertation sur les trirèmes ou vaisseaux des anciens (1721, in-4o) ; des Notes pour le Nouveau Testament du P. Lallemant (1713-1716). — Un de ses parents, Gilles Lanquedoc, mort en 1731, après avoir été greffier de la communauté de Rennes, a composé un Recueil historique de ce qui s’est passé dans la ville de Rennes de 1400 à 1734.
LANGUEDOCIEN, ENNE s. et adj. (lan-ghe-do-siain-iène). Géogr. Habitant du Languedoc ; qui appartient au Languedoc ou à ses habitants :Les Languedociens. Les mœurs languedociennes. On accuse les Languedociennes d’être impérieuses et volontaires dans l’intérieur de leur maison. (A. Hugo.)
— s. m. Linguist.. Patois parlé dans le Languedoc.
— Encycl. Linguist. L’idiome propre aux habitants du Languedoc a la même origine et date de la même époque que les langues des différents peuples de l’Europe occidentale qui dans la décadence de l’empire romain passèrent sous une domination étrangère ; le mauvais latin qu’ils parlaient, déjà mélangé d’un grand nombre d’expressions locales, s’altéra par degrés et acheva de se corrompre en se mêlant avec le langage des nouveaux peuples qui succédèrent aux Romains ; ce ne fut plus qu’un jargon informe qui se ressentit de la barbarie de ces temps ; mais ce jargon prit de bonne heure une forme plus développée dans les provinces méridionales. La dénomination de langue d’oc fut appliquée, depuis le milieu du XIIIe siècle, aux provinces méridionales de la France, que nos rois avaient nouvellement acquises, et au langage qu’on y parlait. « La langue d’oc, dit l’abbé de Sauvages, est l’ancien langage qui s’est perpétué en grande partie dans le languedocien moderne ; ce langage était divisé autrefois, comme il continue de l’être aujourd’hui, en différents dialectes qui, depuis Antibes jusqu’à Bordeaux, se rapprochent, se mêlent, se fondent, pour ainsi dire, par des nuances insensibles l’un dans l’autre, en sorte qu’on ne saurait assigner les limites qui les séparent, ni marquer où l’un finit et où l’autre commence, et que le Rhône même ne tranche point les dialectes de sa droite d’avec ceux de sa gauche ; ils portent chacun des empreintes l’un de l’autre et tout ce qui peut établir entre eux une sorte de consanguinité. »
Le dialecte languedocien, ayant toujours été cultivé, est le patois qui a conservé le plus de pureté et le plus de ressemblance avec l’ancienne langue des troubadours. « Le fond de la langue, dit M. Raynouard, est resté à peu près le même, quant à la grammaire et quant à l’acception des mots ; mais c’est principalement dans les désinences qu’existent des différences produites soit par la suppression de la consonne finale ou par son changement en une diphthongue, soit par le changement de la voyelle finale en une autre voyelle ou en une diphthongue, etc. D’autres différences ont été l’effet du changement des voyelles intérieures, telles que l’o, l’u en ou, etc. » Ainsi parlar, retener, venir, etc., des troubadours ont perdu l’r final dans le languedocien actuel ; les adjectifs, les participes en at, it, ut, les substantifs en at, ut, etc. de l’idiome ancien n’ont plus conservé le t final dans le patois ; ainsi encore l’l final, l’o final et l’ufinal des substantifs et adjectifs de l’ancien idiome se sont changés en ou dans le languedocien moderne ; l’a final s’est de même changé en o dans la plupart des substantifs et adjectifs féminins. Ces indications, qui pourraient être beaucoup plus nombreuses, suffisent évidemment pour faire connaître les rapports intimes de l’idiome actuel du Languedoc avec la langue des troubadours. Cette grande ressemblance explique comment il a la plus grande extension territoriale de tous les patois. Il ne se parle pas seulement dans toute l’ancienne province du haut et du bas Languedoc et dans les Cévennes c’est-à-dire dans les départements de la Haute-Loire, de la Lozère, de l’Ardèche, du Gard, de l’Hérault, du Tarn et de l’Aude, mais aussi dans le comté de Foix, aujourd’hui le département de l’Ariége, et dans le Quercy et le Rouergue ou dans les départements du Lot et de l’Aveyron. Dans les départements de Lot-et-Garonne et de Tarn-et-Garonne, il se confond avec le gascon, et, dans le département des Pyrénées-Orientales, avec le roussillonnais. On distingue cinq sous-divisions de ce dialecte, savoir :1° le langage de l’Aude et de l’Hérault, qu’on reconnaît pour le plus doux ; 2° le langage de Nîmes ;