Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 1, part. 4, Au-Az.djvu/152

Cette page n’a pas encore été corrigée

1060

AVE

Avertie). De l’Avertie, Qui appartient à l’Averne, et par ext. À l’enfer des anciens.

AVERNE s. m. (a-vèr-ne). Bot. Un des noms vulgaires de l’aune.

AVERNE (lac). (Plusieurs savants, entre autres Weber, dans le Journal de philologie comparée de Kuhn, s’élèvent avec raison contre l’étymologie classique habituellement adoptée pour Avernus, en grec Aornos, et qui consiste a voir-dans ce dernier mot un composé de omis, oiseau, précédé de l’alpha privatif, le lac sans oiseaux. Weber regarde l’alpha initial comme le représentant d’une ancienne préposition, ava, qui marque mouvement de haut en bas. Avernus, dans ce cas, se lierait à une forme avara, comme infernus se rattache à une forme antara, etc.). Lac situé dans l’ancien royaume de Naples, entre Pouzzole et Baïa. Il occupe le cratère d’un ancien volcan ; sa forme circulaire a 3 kilom. de tour, et sa profondeur, en quelques endroits, est de GO mètres. Entouré de collines jadis couvertes d’épaisses forêts qui ne laissaient pénétrer qu’un jour sombre, il avait un aspect lugubre et exhalait des vapeurs fétides qui empestaient l’air. Les oiseaux ne pouvaient traverser ces régions sans périr infailliblement. C’est pour cela, selon l’opinion commune, que les Grecs l’appelaient Aornos (sans oiseaux). C’est dans ces lieux consacrés à Hécate, qu’Homère et Virgile ont placé l’entrée des enfers. Ce lac, qui subit une première transformation sous Agrippa, ressemble bien peu aujourd’hui à celui que nous ont dépeint les historiens et les poètes de l’antiquité : ses eaux ne sont plus malfaisantes ; il a été converti en port militaire en 1857. ■

Les poètes donnent indifféremment ce nom au lac Averne et aux enfers, dont il était considéré comme une des bouches.

AVEBOLD1 (Jules-Antoine), antiquaire italien, né à Venise en 1651, mort en nn. Il a traduit du français en italien le Discours.

même le Scelle pilture di Brescia additate al forestière (noo), où il traite non-seulement des peintures, mais encore des antiquités et des monuments remarquables que renferme Brescia. Il a laissé, en outre, un grand nombre de mémoires conservés en manuscrits dans sa fiimille.

AVERONI (Valentin), moine et théologien italien, né à Florence, vivait dans le xvic siècle. Il a traduit en italien la Cité de Dieu, de saint Augustin ; le Traité du gouvernement des princes, de saint Thomas d’Aquin, et donné lui-même quelques écrits.

averrhoa s. m. (a-vèr-ro-a — de Aver-. rhoès, médecin arabe, à qui cet arbre a été dédié). Bot. Carambolier.

AVEHRHOÈS ou AVERBOES, l’un des plus célèbres philosophes arabes, dont le vrai nom est Aben-Roes, Aben-Roïs ou même Ebn-Rosch, Ibn-Roschd, c’est-à-dire le fils de Rofis, Roïs ou Rosch. Il naquit au commencement du xne siècle à Cordoue, où sa famille occupait un rang distingué, et mourut à Maroc vers 1198. Son père était grand justicier de Cordoue, et c’est lui-même qui lui enseigna la jurisprudence et la théologie, telle qu’on la professait ~dans la’ religion du pays, c’est-à-dire selon les principes du Coran. Après la mort de son père, le peuple de Cordoue l’éleva à la même fonction de grand justicier, dont il s’acquitta avec beaucoup de zèle et. d’habileté. Ensuite il étudia la physique, la médecine, l’astrologie, la philosophie et les mathématiques, Mansor, roi de Maroc, dans les États duquel Cordoue se trouvait alors comprise, ayant eu connaissance de ses talents, l’appela à Maroc pour y exercer les mêmes fonctions qu’à Cordoue ; il y alla, réforma les abus que présentait l’administration de la justice dans cette capitale, et, après y avoir institué des juges auxquels il délégua ses pouvoirs, retourna à Cordoue. Sa gloire excita la jalousie de plusieurs docteurs de cette ville, et notamment celle du médecin Ibn-Zoar. A leur instigation, plusieurs jeunes gens des familles les plus riches allèrent trouver Averrhoès et le prièrent d’enseigner publiquement ses principes de philosophie, qu’on soupçonnait d’être peu orthodoxes. Averrhoès y consentit. Ses ennemis recueillirent avec soin tout ce qui, dans son enseignement, pouvait paraître en opposition avec la foi musulmane, et ils le dénoncèrent au roi de Maroc. Celui-ci en éprouva une grande colère ; il le destitua et fit confisquer tous ses biens. Averrhoès se vit forcé de s’enfuir ; il se tint caché quelque temps à Fez, mais il ne tarda pas à être découvert. On le mit en prison, et, quelque temps après, ’ sur l’ordre du roi de Maroc. Averrhoès fut condamné à faire amende honorable. À l’heure de la prière, un vendredi, notre philosophe fut conduit, tête nue, devant la porte de la mosquée. Tous ceux qui entraient dans le temple lui crachèrent au visage. Après que la prière fut terminée, les docteurs et les juges vinrent à lui et lui demandèrent s’il se repentait d’avoir enseigné de fausses doctrines. Il répondit qu’il s’en repentait, et ou lui rendit la liberté. Quelque temps après, il put retourner à Cordoue, mais il y vécut dans la pauvreté, sans même qu’on voulût lui rendre ses livres, jusqu’à ce qu’enfin, son mérite avant fini par triompher de toutes les préventions, il fut rappelé Maroc et rétabli dans son ancienne magistrature.

AVE

C’est surtout à ses Commentaires sur Aristote qu’Averrhoès dut la grande et longue célébrité dont il jouit dans nos écoles du moyen âge. Il ne savait pas le grec et ne put connaître la philosophie péripatéticienne que par des traductions ; mais son esprit subtil et pénétrant s’identifia tellement avec le génie du philosophe de Stagyre, qu’il le devinait quand les traducteurs ne l’avaient pas compris eux-mêmes. Tel est du moins l’avis de Vossius, et tel a été l’avis général des savants pendant plusieurs siècles ; quelques-uns cependant en ont jugé autrement ; Louis Vives, entre autres, prétendait qu’il a souvent fort mal interprété les doctrines du maître, et cela non-seulement parce qu’il ne pouvait pas le lire dans sa langue, mais encore parce qu’il n’avait qu’un génie médiocre, et qu’une pareille tâche était bien au-dessus de ses forces. Q uoi qu’il en soit, Averrhoès fut longtemps regardé presque comme l’égal de celui dont il avait commenté les œuvres ; on le nomma le commentateur par excellence, l’âme d’Aristote. Dans le système de philosophie qui lui appartenait en propre, Averrhoès inclinait vers les idées matérialistes et panthéistes ; il soutenait qu’il n’y a qu’un seul intellect pour tout le genre humain, et que l’âme distincte de chaque homme, destinée à périr avec le corps, ne devenait capable de la pensée que par son union passagère avec l’intelligence universelle. Ses doctrines philosophiques furent condamnées en 1240 par l’université de Paris, réfutées par saint Thomas et condamnées de nouveau par Léon X, en 1513. Averrhoès fut aussi regardé comme un des hommes les plus savants de son temps dans, la médecine. Il a écrit sur cette science un ouvrage très-important qui a été traduit en latin sous le nom de Colliget.

AvflrrboèB et l’Âverrhoiime, essai historique, par Ernest Renan, publié en 1852. Ce livre rétablit dans ses proportions exactes une physionomie qui fut environnée de la plus grande illustration littéraire. Averrhoès devint chef d’école, et personnifia au moyen âge le péripatétisme interprété par la libre pensée en dehors de toute préoccupation dogmatique et religieuse. M. Renan s occupe d’abord de rétablir la biographie d’Averrhoès et la nomenclature de ses œuvres ; il exhume des doctrine oubliée et en apprécie

" — borne à exposer If

l’histoire de l’averrhoïsme, et cet aperçu est le but principal qu’il se propose. Le maître perd ce qu’il y avait d’usurpé dans sa gloire, mais l’école conserve son importance. L’averrhoïsme a produit des conséquences d’une valeur capitale. De cette doctrine est sortie une secte de libres penseurs, qui, après avoir joué un grand rôle et dominé dans l’école de Salerne, a fait régner le péripatétisme en Italie jusqu’à la fin du xvie siècle. Il retrace les destinées de cette école. La secte devint fort incrédule, et prêta à son fondateur les idées négatives qu’elle avait enfantées. L’ouvrage de M. Renan est le fruit de recherches persévérantes : il renferme des faits qui étaient totalement inconnus. Paléographe et orientaliste, l’auteur a consulté, étudié’ et rapproché les manuscrits oubliés et les éditions rares et anciennes. Son livre, dont quelques parties, fort utiles comme détails bibliographiques, sont sèches et arides, est écrit partout ailleurs avec un entraînement de style et une solidité qui encouragent à lire un chapitre des annales dé l’esprit humain, négligé jusque-là. Grâce à M. Renan, on est maintenant en mesure de juger sainement une doctrine acceptée jadis comme l’interprétation la plus savante des idées d’Aristote, et qui compta des adversaires tels que Guillaume d’Auvergne, Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin et Raymond Lulle. Dans son étude sur l’averrhoïsme, comme dans ses autres ouvrages, M. Renan montre une remarquable aptitude à exposer les doctrines philosophiques ; il se plaît à faire le tour des édifices autrefois élevés par l’esprit humain ; il les contemple sous toutes les faces avec la curiosité et le respect d’un archéologue ; mais on ne voit guère qu’il ait souci d’en scruter les fondements ; son intelligence est attirée par la forme plutôt que par la matière des systèmes ; il s’y intéresse comme à des produits de la nature intellectuelle ; il se désintéresse facilement de leur valeur objective. Artiste et amateur en philosophie, plutôt que philosophe, on dirait qu’il considère volontiers Comme de l’intolérance et du mauvais goût toute recherche passionnée de la vérité. • Qui sait, dit-il, si la finesse de l’esprit ne consiste pas à s’abstenir de conclure ? » Cette finrsse d’esprit qui se plaît à l’indécision doctrinale, ce scepticisme aristocratique, amoureux de la sinuosité et de la nuance, dédaigneux de tout ce qui est tranché et fortement accusé, et qui laisse au vulgaire des intelligences la fermeté virile des convictions, est la caractéristique de l’éminent écrivain que le Grand Dictionnaire rencontre ici pour la première fois sur son passage. Nous aurons à la signaler dans la plupart des ouvrages de M. Renan.

AVERRHOÏSME OU AVERROÏSME S. m.

(a-vèr-ro-i-sme — rad. Averrhoès). Philos. Doctrine philosophique d’Averrhoès ; très-répandue dans les écoles du moyen âge, et,

« Le système désigné au

AVE

moyen âge et à la Renaissance sous le nom â’averroîsme, dit M. Renan, n’est que l’ensemble des doctrines communes aux péripatéticiens arabes. Resté seul en vue comme représentant de la philosophie arabe, Averroès (Ibn-Roschd) eut la fortune des derniers venus, et passa pour l’inventeur des doctrines qu’il n’avait guère fait qu’exposer d’une manière plus complète que ses devanciers. » L’-origine du péripatétisme arabe doit être cherchée dans le mouvement qui fit, à partir de Porphyre, prédominer dans l’école d’Alexandrie la doctrine d’Aristote sur celle de Platon. Thémistius, Syrianus, David l’Arménien, Simplicius, Jean Philopon, tels sont les ancêtres d’Alkendi, d’Alfarabi, d’Avicenne, d’Avempace et d’Averroès. Cette origine alexandrine explique la direction dans laquelle les philosophes arabes développèrent l’aristotélisme et l’air de famille que présentent quelques-unes de leurs théories avec le mysticisme de Plotin. Comme le fait remarquer M. Renan, la philosophie arabe nous apparaît, dès ses premières manifestations, douée de tous ses caractères essentiels, Les titres, qui seuls nous restent, des ouvrages d’Alkendi (ix» siècle) relatifs à l’intellect suffisent pour prouver qu’il professait déjà, sur ce point fondamental, la doctrine qui, plus tard, a pris dans l’école une si grande importance. Chez Alfarabi (xe siècle), cette doctrine a déjà pris un développement presque aussi grand que dans les écrits d’Averroès. Les théories mystiques exposées par Avempace (Ibn-Badja), le maître d’Averroès, dans son Régime au solitaire, se retrouvent tout entières dans Alfarabi. La fin de l’homme est d’entrer dans une union de plus en plus étroite avec la raison ou l’intellect actif. L’homme est prophète dès que tout voile est tombé entre lui et cet intellect. Une telle félicité ne peut s’atteindre que dans cette vie ; l’homme parfait trouve ici-bas sa récompense dans sa perfection ; tout ce qu’on dit être au delà n’est que fable. Avicenne (Ibn-Sina) surtout nous présente, avant Averroès, une expression assez complète de la philosophie arabe. Dieu, pour Avicenne, est l’unité absolue, et, comme tel, ne peut avoir d’action immédiate sur le monde. Il n’entre point dans le courant des choses particulières : centre de la roue, il laisse la

Fériphérie rouler à sa guise. La perfection de âme rationnelle est de devenir le miroir de l’univers ; elle y arrive par la purification intérieure et par la. perfection morale, qui préparent le vase où doit se répandre l’intellect

génie sémitique et dans le monothéisme antiscientifique de l’islam des obstacles à sa croissance et à son influence ; un tel sol devait re-Fousser une telle plante. Dès le ne siècle de hégire, une école de théologiens s’était formée pour défendre, par les armes de la dialectique, les dogmes musulmans menacés par l’étude passionnée d’Aristote et par l’admiration de ses commentateurs. Le but de

ces théologiens appelés motécillemin était d’établir contre les philosophes la création de la matière, la nouveauté du monde et l’existence d’un Dieu libre, séparé du monde et agissant sur le monde. Le moyen qu’ils choisirent pour atteindre ce but fut d’opposer à la doctrine d’Aristote celle de Démocrite et d’Epicure. Il est assez curieux de voir l’atomisme. le système le plus irréligieux de l’antiquité

frecque, devenu entre les mains de l’orthooxie musulmane une arme de guerre contre l’irréligion péripatéticienne.

Il n’existe dans l’univers, disaient les motécallemin, que des parcelles de matière indivisibles, que des atomes qui s’approchent et se séparent les uns des autres dans le vide. Le monde lui-même est un composé d’atomes ou d’instants indivisibles. Il y a des atomes de temps comme il y a des atomes de matière, et rien n’est continu, rien n’est divisible à l’infini, par conséquent ; il n’y a pas de mouvement éternel, il n’y a pas de temps éternel, l’éternité du temps est chose inadmissible. Les êtres qui résultent de la réunion de ces atomes et qui périssent par leur séparation n’ont aucune qualité qui leur appartienne d’une manière invariable ou qu’ils puissent se transmettre les uns aux autres. En d’autres termes, il n’y a pas de formes spécifiques, pas de propriétés générales oui nous autorisent à distinguer des genres et ses espèces. Il n’y a que des individus et des accidents, c’est-à-dire des phénomènes purement individuels, et ces accidents mêmes appartiennent non à l’être tout entier, mais aux atomes dont- il est formé ; de sorte qu’on peut dire qu’il n’y a au monde que des atomes et des accidents. Un accident ne dure pas deux temps, c’est-à-dire deux instants ou deux atomes de temps ; mais Dieu créa successivement un nombre infini d’accidents de

la même espèce ; voilà pourquoi il nous semble que c’est le même qui se continue. Et, parce que le même accident semble se conserver, nous supposons gratuitement qu’il est nécessaire aux êtres dans lesquels nous l’avons observé. C’est une double erreur ; car, d’abord, un être, pris dans son ensemble, n’a pas d’autres accidents que ceux des atomes qui le composent ; ensuite, au lieu d’une succession d’accidents de la même espèce, Dieu pourrait créer tout à coup un accident tout différent. En un mot, entre les accidents, il n’y a aucune relation naturelle et nécessaire, mais seulement une association fortuite ou une

AVE

simple juxtaposition. La causalité ne réside pas dans les lois de la nature ; Dieu seul est cause. Dieu agit librement et directement entoutes choses ; tout ce qui existe est immédiatement son œuvre. La puissance créatrice de Dieu s’étend non-seulement à tous les accidents positifs, mais aux accidents négatifs, à ce qu’on appelle, dans la langue d’Aristote, des privations. Ainsi, Dieu crée le repos comme il crée le mouvement, il crée la mort comme il crée la vie, il crée les ténèbres comme il crée la lumière, il crée dans l’âme humaine l’ignorance comme il y crée la science.

On voit la stratégie apologétique des atomistes musulmans. Le monde, dans leur système, se dissout ; plus de lien ni dans le temps, ni dans l’espace entre les éléments qui le composent ; les idées de nécessité, de propriété essentielle, de cause, de force, de loi, de genre et d’espèce cessent de lui être applicables ; on arrive à la contingence absolue ; pour assurer à Dieu la liberté et la.puissance créatrice, on dépouille la nature non-seulement de toute activité, de toute vie, mais de toute consistance et de toute réalité ; on la réduit à une ombre. C’est l’idée de création, d’intervention divine, élevée pour ainsi dire à l’infini. Et voyez la conséquence : ces idées de nécessité, de cause, de loi, de genre et d’espèce, supprimées, emportent avec elles toute science et toute certitude rationnelle, car toute science et toute certitude rationnelle supposent des rapports nécessaires, des caractères permanents, des phénomènes enchaînés, des lois. Le scepticisme philosophique et scientifique, voilà l’humiliation que les motécallemin infligent à la raison et l’étrange refuse qu’ils offrent à la foi religieuse. C’est contre ce système d’attaque qu’Averroès eut à défendre le péripatétisme arabe ; pour le défendre, il dut le développer, en coordonner les diverses théories, le pousser à ses conséquences logigues ; en un mot, y mettre la dernière main. Ainsi mérita-t-il de lui donner son nom.

II. — Tout l’esprit de la philosophie arabe, et par conséquent tout Vaverroîsme, dit M. Renan, se résume en deux doctrines.intimement liées entre elles, et constituant une interprétation complète et originale du péripatétisme ; l’éternité de la matière et la théorie de l’intellect. La philosophie n’a jamais proposé que deux hypothèses pour expliquer le système de l’univers : d’un côté, Dieu libre, personnel, ayant des attributs qui le déterminent ; providence ; causalité de l’univers transportée en Dieu ; âme humaine, substantielle et immortelle ; d’un autre côté, matière éternelle, évolution du germe par sa force latente, Dieu indéterminé ; lois, nature, nécessité, raison ; impersonnalité de l’intelligence, émersion et réabsorption de l’individu. L’averroïsme se classe de la manière la plus décidée dans la seconde de ces catégories. ■ Le problème de l’origine des êtres est celui qui préoccupe le plus Averroès ; il y revient dans tous ses écrits et toujours avec une nouvelle insistance. Il y a, dit-il, sur l’origine des êtres, deux opinions opposées : les unes expliquent le monde par le développement ; les autres, par la création. Les partisans du développement disent que la génération n’est que la sortie et en quelque sorte le dédoublement des êtres ; l’agent, dans cette hypothèse, n’a d’autre fonction que de tirer les êtres l’un de l’autre, de ■ les distinguer ;. il est donc évident que ses fonctions se réduisent à celles de moteur. Quant aux partisans de la création, ils disent que l’agent produit l’être sans qu’il ait besoin

Four cela d une matière préexistante. C’est opinion des motécallemin. Avicenne, par esprit de conciliation, a émis une opinion intermédiaire ; il admet la création non pour la matière, mais pour les formes, et appelle l’agent : donateur des formes. Mais ni 1 opinion des motécallemin, ni même celle d’Avicenne ne peuvent tenir devant un examen sérieux. Rien ne peut sortir du néant, rien n’est créé, ni forme ni matière. La série des phénomènes est infinie a parte ante et a parte post ; tout ce qui est possible passera à 1 acte, autrement il y aurait quelque chose d’oisif dans l’univers. L’ordre n’a pas précédé le désordre, ni le désordre n’a précédé l’ordre. Le mouvement n’a pas précédé le repos, ni le repos le mouvement. Le mouvement est éternel et continu ; car tout mouvement a sa cause dans un mouvement précédent. Le temps d’ailleurs n’existe que par le mouvement. Nous ne mesurons le temps que par les changements d’état que nous observons en nous-mêmes. Si le mouvement de l’univers s’arrêtait, nous cesserions de mesurer le temps, c’est-à-dire que nous perdrions le sentiment de la vie successive et de l’être. On ne mesure le temps durant le sommeil que par les mouvements de l’imagination ; quand le sommeil est très-profond et que le mouvement de l’imagination s’éteint entièrement, la conscience du temps disparaît. Le mouvement seul constitue un avant et un après dans la durée. L’agent, dont le seul rôle est d’amener à l’acte, par le mouvement, tout ce qui était en puissance dans la matière, n’agit pas librement comme le prétendent les motécallemin. Avicenne, qui leur a fait trop de concessions, a imaginé, pour leur complaire, sa classification du possible et du nécessaire.-Il met la monde dans la catégorie du possible, et suppose qu’il aurait pu être autrement qu’il n’est. Mais comment appeler possible ce dont la cause est nécessaire et éternelle ? La liberté