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ske rad. Aristophane). Qui a le caractère des comédies d’Aristophane, railleur, satirique, mordant: Plaisanterie ARISTOPHANESQUE. Il se livre tout à son aise à la comédie ARISTOPHANESQUE, sans redouter nullement la censure. (T. de Banville.) Ils étaient chargés de trouver un cadre nouveau et original pour y enclaver une revue ARISTOPHANESQUE. (A. Lcgendre.)


ARISTOPHANIE s. f. (a-ri-sto-fa-ni rad. Aristophane). Néol. Pièce dans le genre de celle d’Aristophane La pièce de Vautrin est une ARISTOPHANIE qui, aujourd’hui, frapperait un Cléon tombé. (Journ.)


ARISTOPHANIEN adj. m. (a-ri-sto-fa-niain). Nom donné à une sorte de vers anapestique de sept pieds et demi, ainsi appelé à a cause du grand usage qu’Aristophane en a fait dans ses comédies.


ARISTOPHANIQUE adj. (a-ri-sto-fa-ni-ke — rad. Aristophane). Syn. d’aristophanesque. Bientôt, pour exhaler sa verve ARISTOPHANIQUE, Charles Gozzi créa un nouveau genre dramatique, approprié aux idées de ceux au milieu desquels il vivait. (Rathery.) Le XVIIIe siècle s’ennuya bientôt de ses éternels marquis, types prévus par la comédie ARISTOPHANIQUE de Molière. (Rog. de Beauv.) Voici un vaudeville qui a la prétention d’être ARISTOPHANIQUE, et qui le justifie, au moins sous le rapport de la personnalité. (Th.Gaut.) || Mais ARISTOPHANESQUE est beaucoup plus usité.


ARISTOPHRON, orateur athénien, vivait dans le IVe siècle av. J.-C. Ce fut lui qui accusa Iphicrate et Timothée de trahison, et qui proposa la loi conférant le droit de cité à tout Athénien descendant de parents libres. Démosthène, contre qui il avait soutenu la loi leptine, en parle comme d’un grand orateur. Tous ses discours sont perdus.


le plus célèbre des philosophes grecs, surnommé le Prince des philosophes, fondateur de la secte des Péripatéticiens, né à Stagire, ville de Macédoine, l’an 384 av. J.-C., mort à Chalcis, en Eubée, en 322, âgé, par conséquent, de soixante-trois ans. Nicomaque, son père, médecin distingué et ami d’Amyntas II, roi de Macédoine, le destinait à la médecine. Resté orphelin avant d’avoir atteint sa dix-septième année, il fut élevé et comme adopté par une famille amie à laquelle il voua toujours la plus tendre reconnaissance.

Si l’on en croit trois historiens, Elien, Athénée et Eussèbe, il paraîtrait qu’après la mort de son bienfaiteur, Aristote ayant recueilli les biens qui lui venaient de ses parents et qui étaient considérables, s’abandonna tout à coup à une vie de plaisirs, dissipa en peu de temps son patrimoine, et fut obligé de se faire soldat ; mais bientôt, fatigué de la vie militaire, il se jeta dans les bras de la philosophie. Ces hypothèses, qui, du reste, n’enlèveraient rien à la réputation du philosophe, ne sont rien moins que prouvées : Le témoignage de ces historiens ne s’appuie que sur une lettre apocryphe d’Epicure, et sur les railleries d’un certain Timée que l’on avait, non sans raison, surnommé le Médisant. Il faut d’autres documents pour convaincre de légèreté et de dissipation l’esprit le plus élevé, le philosophe le plus laborieux de toute l’antiquité. Ces accusations qui, pour nous, n’ont rien de sérieux, tourmentaient au moyen âge les admirateurs d’Aristote ; ils n’étaient pas moins choqués d’admettre que, pour, vivre, il ait pendant quelque temps pratiqué la médecine et exercé la pharmacie : il leur paraissait indigne du maître qu’il eut été soumis à de si vulgaires nécessités. Qu’Aristote ait exércé la médecine et la philosophie, il .n’y a rien là d’invraisemblable ni qui soit de nature à affaiblir le respect que tous les siècles ont professé pour cette grande renommée. On sait, d’ailleurs, qu’il avait inspiré un goût très-vif à Alexandre pour cette science, que son père était médecin, et que lui-même composa un traité intitulé : De la Santé et des Maladies. Quoi qu’il en soit, bientôt Aristote vint se fixer à Athènes, alors dans toute sa splendeur et la capitale Intellectuelle du monde hellénique, et il entra dans l’école de Platon, qui ne tarda pas à distinguer le jeune Stagirite dans la foule, de ses auditeurs. Déja apparaissaient en lui cette intelligence avide, cette activité prodigieuse, cette conception si vive, qui faisaient dire, à son maître qu’il n’avait pas besoin de l’éperon, comme Xénocrate, mais du frein.

Après avoir suivi durant vingt ainnées l’enseignement de Platon, Aristote s’en sépara tout à coup. Quelques historiens ont voulu voir une sorte de révolte pleine d’ingratitude dans cette séparation qui s’explique suffisamment par la puissante originalité d’Aristote, par la direction de sa pensée et par la nature de son génie si différent de celui de Platon. « Le liseur, l’entendement de l’école, dit M. C. Renouvier (car Platon donnait à Aristote ces deux noms),, l’infatigable travailleur, toujours attaché aux faits et enclin à l’observation, devait avoir plus d’estime que de sympathie pour le beau, le grave, l’idéal, et, méditatif Platon, qui, à son tour, se plaignait peut-être de la froideur d’âme et de la direction de pensée de son indépendant disciple. De telles circonstances, si naturelles en elles-mêmes, ont pu servir de fondement aux calomnies que les ennemis d’Aristote répandirent sur son caractère et sur ses rapports avec son maître. » Il est certain qu’Aristote, dans tous les passages de ses écrits où il a parlé de Platon, n’en a

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parlé qu’avec respect. Tout le monde connaît la fameuse devise qu’il inscrivit pour ainsi dire sur sa bannière en se séparant de son maître : Amicus Sacrates, amicus Plato, majus amica veritas. Dans le premier livre de l’Ethique à Nicomaque, au moment d’aborder la réfutation de la doctrine platonicienne sur les idées, il répète et applique cette belle maxime, en disant que, bien que des hommes qui lui sont chers comme des amis aient avancé cette doctrine, il se sent forcé de la combattre, parce qu’il faut préférer la vérité à ses amis.

Après la mort de Platon (348), Aristote s’éloigna d’Athènes, où les partisans de la Macédoine étaient mal vus, et se rendit à Atarné ; en Myssie, auprès d’Hermias, son ami, qui d’esclave était devenu tyran, et dont il épousa la sœur Pytbias. La fin tragique d’Hermias, livré aux Perses et mis à mort, obligea Aristote à se réfugier dans l’île de Lesbos. Il était encore dans cette île lorsqu’il fut appelé par Philippe de Macédoine pour faire l’éducation du jeune Alexandre, à la naissance duquel il avait, dit-on, reçu de Philippe la lettre si connue : « Je vous apprends que j’ai un fils. Je remercie, les dieux, non pas tant de me l’avoir donné que de l’avoir fait naître du temps d"Aristote. J’espère que vous en ferez un successeur digne de moi, et un roi digne de la Macédoine. » On sait, d’ailleurs, que cette lettre est d’une authenticité fort douteuse. Le philosophe se rendit à la cour de Macédoine, et consacra environ douze années à cette mémorable éducation. En 335, peu de temps après l’avènement de son élève, il revint se fixer à Athènes, et y fonda cette célèbre école du Lycée, nommée aussi péripatéticienne (du grec peripatos, promenade), parce que le maître donnait ses leçons en se promenant avec ses élèves. C’est pendant son séjour à Athènes qu’Aristote composa ou acheva de composer une partie de ses immortels ouvrages. Alexandre contribua avec un zèle généreux et intelligent à ses immenses recherches d’histoire naturelle, en chargeant des milliers d’hommes de recueillir, dans les contrées qu’il avait conquises, des plantes, des animaux, toutes les productions de.l’Orient pour servir aux études de son maître, à qui il fit remettre en outre des sommes considérables (qu’Athénée porte à huit cents talents, près de quatre millions de francs) pour former une bibliothèque et faciliter ses recherches. Ces relations, comme on le sait, furent troublées par la fin tragique de Callisthène, dont Aristote fut doublement affligé, comme oncle de la victime et comme précepteur du meurtrier. Après la mort d’Alexandre (323), il y eut à Athènes une explosion de haine contre les hommes du parti macédonien, en même temps qu’un réveil de l’indépendance nationale. Aristote dut encore quitter Athènes dont le séjour ne lui offrait plus de sécurité. On produisit contre lui une accusation d’impiété fondée sur les honneurs qu’il avait rendus à la mémoire d’Hermias, son ami. Redoutant le sort de Socrate, il se retira dans l’île d’Eubée, à Chalcis, afin, dit-il, « d’épargner aux Athéniens un second attentat contre la philosophie, » L’aréopage le condamna à mort. Il ne survécut pas longtemps à ces odieuses persécutions et succomba au mois d’août de la même année (322 av. J.-C.). On a répandu sur sa mort les versions les plus contradictoires ; quelques-uns sont même allés jusqu’à dire qu’il avait volontairement mis fin à ses jours, mais cela n’a jamais été prouvé. Plusieurs Pères de l’Eglise, s’appuyant sur on ne sait quelle autorité, ont prétendu qu’il s’était précipité dans l’Euripe, canal étroit qui sépare l’île d’Ëubée du reste de la Grèce, par désespoir de n’avoir pu expliquer le phénomène des marèes, très-sensible, par exception, sur ce point de la Méditerranée.

Aristote était, dit-on, de petite taille, chauve et bègue, comme on peut le conclure d’une Epigramme satirique qu’on trouve à la fin de sa Vie, par un ancien auteur anonyme. Diogène Laërce confirme, à peu près ce récit, et ajoute qu’il avait les yeux petits. On dit encore qu’il avait les joues maigres et ridées et une santé délabrée, ou du moins une sorte de malaise continuel dans la région de l’estomac, en sorte qu’il y aurait lieu de s’étonner qu’un corps si faible, continuellement tourmenté par les efforts, de la pensée, ait pu vivre pendant soixante-trois ans, si l’on en croit une anecdote célèbre rapportée par Strabon et Plutarque, les ouvrages d’Aristote seraient demeurés longtemps perdus, et enfouis, sous terre pendant plus d’un siècle. Si ce récit est vrai, il ne peut se rapporter qu’à certains manuscrits, non à tous ses ouvrages, dont un grand nombre avait paru de son, vivant.

Diogène Laerce a écrit la vie d’Aristote, et il nous a conservé quelques-unes de ses maximes, qui méritent d’être rapportées : Les sciences ont des racines améres, mais les fruits en sont doux... Il y à la même différence entre un savant et un ignorant, qu’entre un homme vivant et un cadavre. L’amitié est une âme dans deux corps... Il n’y a rien qui vieillisse sitôt qu’un bienfait . . . L’espérance est le songe d’un homme éveillé... Soyons amis de Socrate et de Platon, et encore plus de la vérité... Les lettres servent d’ornement dans la prospérité, et de consolation dans le malheur... Toute vertu est placée dans le milieu.

Nous devons au même historien la connaissance du testament d’Aristote, ou plutôt un extrait de cette pièce non moins curieuse

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qu’importante, dont rien ne peut faire sérieusement soupçonner l’authenticité. Ces quelques lignes sont précieuses, en ce qu’elles jettent un peu de jour sur les relations privées et les vertus domestiques de l’illustre philosophe, c’est-à-dire sur la partie de cette grande individualité qui était le plus restée dans l’ombre.

« En cas que la mort me surprenne, Antipater (son ami) sera l’exécuteur général de mes dernières volontés ; et jusqu’à ce que Nicanor (son ami) puisse gérer mes biens, Aristomène, Timarque, Hipparque (ses amis) en auront soin aussi bien que Théophraste (son ami), s’il veut bien, tant par rapport à mes enfants que par rapport à Herpyllis (sa concubine après la mort de sa femme) et aux biens que je laisse. Lorsque ma fille sera nubile, on la donnera à Nicanor ; si elle venait à mourir avant de se marier ou sans laisser d’enfants, Nicanor héritera de tous mes biens, et disposera de mes esclaves et de tout d’une manière convenable. Nicanor aura donc soin et de ma fille et de mon fils Nicomaque, de sorte qu’il ne leur manque rien, et il en agira envers eux comme leur père et leur frère. Si Nicanor venait à mourir avant d’avoir épousé ma fille, ou, sans laisser d’enfants, ce qu’il réglera sera exécuté. Si Théophraste veut alors retirer ma fille chez lui, il entrera dans tous les droits que je donne à Nicanor ; sinon les curateurs, prenant conseil avec Antipater, disposeront de ma fille et de mon fils, selon ce qu’ils jugeront à propos. Je recommande aux tuteurs et à Nicanor de se souvenir de moi et de l’affection qu’Herpylis m’a toujours portée ; si, après ma mort, elle veut se marier, ils prendront garde qu’elle n’épouse personne. au dessous de ma condition ; et en ce cas, outre les présents qu’elle à déjà reçus, il lui sera donné un talent d’argent, trois servantes, si elle veut, outre ce quelle a. Si elle veut demeurer à Chalcis, elle y occupera le logement contigu au jardin ; et si elle choisit Stagire, elle habitera la maison de mes ancêtres... Je rends la liberté à Ambracis, et lui assigne pour dot, lorsqu’elle se mariera, cinq cents drachmes et une servante ; mais à Thala, outre l’esclave achetée qu’elle a, je lègue une jeune esclave et mille drachmes… Tacho recouvrera sa liberté lorsque .ma fille se mariera. On affranchira pareillement alors Philon et Olympias avec son fils.

« Les enfants de mes domestiques ne seront point vendus ; mais, ils passeront au service de mes héritiers jusqu’à l’âge adulte, pour être affranchis alors, s’ils l’ont mérité. On aura soin encore de faire achever et placer les statues que j’ai commandées à Gryllion... On mettra dans mon tombeau les os de Pythias (sa femme), comme elle l’a ordonné. On exécutera aussi le vœu que j’ai fait pour la conservation de Nicanor, en plaçant à Stagire les animaux de pierre que j’ai voués pour lui à Jupiter et à Minerve sauveurs. »

Aristote est une des intelligences les plus vastes qui aient jamais existé, un des génies les plus puissants qui aient éclairé le genre humain. Il paraît n’avoir rien ignoré de ce que les anciens avaient pu connaître, et il nous a transmis toute la science la plus positive de son époque, due, soit à ses devanciers et à ses contemporains, soit à ses propres travaux. Enfin, suivant la juste expression d’un savant, il fut l’encyclopédie vivante de l’antiquité, et, suivant les Arabes, le précepteur de l’esprit humain. Venu après deux siècles d’efforts faits par l’esprit grec pour pénétrer les secrets du monde, il rassembla tout en lui pour tout féconder. Il dressa l’inventaire des connaissances humaines, comblant les lacunes, créant des sciences nouvelles, et portant d’un seul coup quelques-unes à leur perfection. Ses ouvrages embrassèrent toutes les connaissances de son temps, et posèrent pendant des siècles les limites du savoir humain.

Un savant français, qui est en même temps un penseur éminent, a, selon nous, très-bien caractérisé le génie et le système philosophique d’Aristote, « Platon, dit-il, ayait fondu à sa manière les doctrines pythagoriciennes et l’enseignement de Socrate, et son système porte la marque de son goût pour l’abstraction géométrique. Aristote, voulant faire autrement et mieux que lui, construisit le sien avec son génie de naturaliste, observateur et classificateur. En qualité d’observateur, il attache la plus grande importance à l’expérience sensible, il veut même qu’elle prévale sur tous les raisonnements abstraits et théoriques, et il s’explique à ce sujet en termes que Bacon n’aurait pas désavoués. Il distingue avec une netteté parfaite le raisonnement déductif et le raisonnement par induction ; l’un qui va du général au particulier et qui est mieux approprié à la nature des choses ; l’autre qui conclut du particulier au général et qui, partant immédiatement de la sensations est mieux, approprié à notre nature. On croirait entendre Locke ou Condillac lorsqu’il décrit comment la sensation engendre le souvenir, le souvenir l’expérience, la comparaison des expériences les idées communes ou générales qui sont les principes de l’art ou de la science... Mais malgré des tendances si marquées à ce que nous nommerions l’empirisme et le sensualisme, tendances qu’il devait sans doute à la direction positive de ses travaux dans les sciences naturelles et descriptives, Aristote a les mêmes idées que Platon sur la hiérarchie de nos connaissances. Pour lui comme pour Platon, la science, par excellence est celle des premiers principes et

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de la raison des choses, et le syllogisme en est la forme propre... Il ne faut chercher dans la physique que la vraisemblance, et dès lors on doit la considérer comme étant du ressort de l’opinion et non de la science ; car la science a exclusivement pour objet les choses qui sont nécessairement de telle manière et qui ne peuvent être autrement ; tandis que le domaine de l’opinion comprend toutes les choses qui peuvent être tantôt d’une façon, tantôt d’une autre ; de sorte qu’à leur égard nous ne pouvons raisonner que par probabilité et par conjecture... Ce qui fait le caractère distinctif du génie et du système d’Aristote, c’est la tendance à la classification. Les connaissances en histoire naturelle, quelque variées et profondes qu’elles fussent pour son époque, ne pouvaient pas aboutir à des classifications comme celles qu’ont trouvées les naturalistes modernes, mais il était tout simple qu’elles fixassent de préférence son attention sur les relations des individus à l’espèce, des espèces aux genres, et qu’elles lui suggérassent l’idée de pousser de plus en plus loin, par l’abstraction, cette progression hiérarchique des êtres, jusqu’au genre suprême, l’être abstrait (to on). De là deux inventions qui se correspondent : celle de la théorie du syllogisme, qui suffirait pour immortaliser le nom d’Aristote, et celle de l’ontologie, qui a tant contribué au décri du péripatétisme. Tout se tient dans la doctrine péripatéticienne : du principe de la classification dérivent les règles de la définition, et aux règles de la définition se lie la théorie du syllogisme. Quoique toutes nos connaissances nous viennent par les êtres individuels, qui seuls font impression sur nos sens, la catégorie suprême de l’être pu de la substance est le principe de tout axiome, de toute argumentation syllogistique, "et par suite de toute connaissance’scientifique où rationnelle. Toute preuve logique repose en définitive1 sur le principe dô contradiction,’c’est-à-dire sur le principe qu’une chose ne peut à la ‘fois être et n’être pas, ce qui revient aux principes de Gondillac, que tous nos jugements ne sont qu’une suite d’identités... En s’exagérant les ressources du principe d’identité et de la déduction syllogistique, en voulant faire dépendre tous les principes ou axiomes d’un principe ou d’un axiome unique, Aristote méconnaît l’intervention active et continuelle des forces de l’intelligence dans le raisonnement inductif et analogique et dans ces. jugements spéciaux qui ont reçu de liant ïe nom de jugements synthétiques à priori. »

Nous n’ajouterons rien ici à ce jugement, nous réservant d’examiner ailleurs d’une manière plus complète l’ensemble des doctrines philosophiques d’Aristote, et en même temps de faire connaître et d’apprécier l’immense influence de ces doctrines dans l’antiquité et au moyen âge. V. PÉRIPATÉTISME.

L’admiration qu’on éprouve pour le savant et le philosophe ne doit pas faire oublier qu’Aristote fut un des types de l’amitié antique. Nous avons, vu qu’il avait fait de la famille d’Hermias sa propre famille, qu’il avait conservé, de lui un tel sentiment et rendu à sa mémoire un tel culte, que ce fut là le prétexte de l’accusation qui le força de fuir d’Athènes et d’aller mourir à Chalcis ! Un rayon de l’âme, du grand cœur d’Aristote s’est conservé dans l’ode qu’il composa en faveur de son ami, et qu’il chantait, dit Athénée, tous les jours dans ses repas :

« Vertu, source de labeur pour le genre humain ! vertu, la plus belle .récompense de la vie ! Ce fut toujours l’heureux destin des Grecs de mourir pour toi et de souffrir pour toi les plus rudes travaux ; car tu nous jettes au cœur un fruit immortel qui nous captive, un fruit meilleur que l’or, meilleur que la vue des parents, meilleur que le plus doux repos. Pour toi Hercule et le fils de Léda supportèrent mille maux, poursuivants obstinés de ta puissance à travers tout un monde ennemi. Epris de ton amour, Achille et Ajax descendirent volontairement dans la demeure des morts. C’est parce qu’il aimait ta beauté, ô vierge ! que le fils d’Atarne a perdu la lumière du soleil, voilà pourquoi il a mérité d’être loué pour sa vie, voilà pourquoi les Muses le célèbrent immortel, les Muses, filles de Mémoire, qui aiment à chanter la gloire de Jupiter hospitalier et l’honneur d’une amitié fidèle. »

Cette belle ode nous révèle non-seulement l’ami, mais le politique. Elle respire ce sentiment de la supériorité des Grecs sur les Barbares, et des grandes destinées de la Grèce unie qui fit Alexandre et sa conquête. Initier la Macédoine par son roi à la vie hellénique, et grouper toutes les forces helléniques sous un roi devenu grec par l’éducation, telle fut, à n’en point douter, la pensée politique d’Aristote ; Macédonien, il ne pouvait comprendre la liberté, l’indépendance grecque à la façon d’un Démosthène. Au-dessus des traditions et des prétentions de chaque cité, il mettait l’idée de la Grèce ; cette idée de la Grèce devait faire taire les rivalités, les jalousies, des villes, les patriotismes locaux, et cet esprit particulariste qui avait produit la faiblesse de la patrie commune ; en un mot, il voulait l’unification de la Grèce par la Macédoine, et pour la destruction de cet empire perse qui. n’avait prolongé son odieuse existence que grâce aux divisions intestines des Grecs.

Les ouvrages qui nous restent d’Aristote ou qui portent son nom peuvent se diviser .en plusieurs classes. A la tête se placent les