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AMY — ANA

délicate avec une fermeté si habile, que le cardinal, charmé, le ramena à Paris, et le fit agréer à Henri II comme précepteur de ses fils. C’est pendant le cours de cette éducation qu’il acheva sa traduction des Vies de Plutarque, dont il offrit la dédicace à Henri II, et qu’il commença celle des œuvres morales de cet écrivain. À son avénement, Charles IX nomma grand aumônier celui qu’il appelait son maître (1560), et plus tard il le fit agréer du pape comme évêque d’Auxerre. Amyot, qui n’avait guère étudié jusque-là que les auteurs profanes, dut se soumettre à un noviciat de théologie, pour être en état de prêcher devant ses diocésains. Au reste, il remplit ces hautes fonctions avec beaucoup de zèle et de régularité. On a remarqué comme une des singularités de ce grand esprit, qu’il avait coutume de composer ses discours en latin, quoiqu’il les prononçât en français. Henri III, qui avait été aussi son élève, lui conserva la grande aumônerie, et y ajouta le titre de commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, bien qu’Amyot ne fût pas noble. Parvenu au faîte des honneurs et de la fortune, il n’en continua pas moins, et jusqu’à la fin de sa vie, de s’occuper de littérature et d’art, sans négliger l’administration de son église. Ses dernières années furent attristées par les revers les plus cruels. Il se trouvait à Blois lors du meurtre des Guises. Accusé très-faussement par les ligueurs d’avoir conseillé ce crime, il dut quitter la ville (1589), fut attaqué et dépouillé en route, et ne rentra dans son diocèse, dévoué au parti de la Ligue, que pour y subir toutes les amertumes. Son troupeau se révolta même plusieurs fois contre lui, et poussa la violence jusqu’à attenter à sa vie. Il ne recouvra un peu de calme que lorsqu’il eut obtenu une absolution du légat. Il en demeura néanmoins accablé de chagrin, et mourut d’une fièvre lente, le 6 février 1593, à l’âge de quatre-vingts ans. Amyot était, au reste, d’un caractère timide et faible, et son insouciance d’érudit pour les passions ardentes qui agitaient son époque n’était propre qu’à lui attirer des persécutions, au milieu des orages de la guerre civile. On lui a reproché d’avoir obéi plus d’une fois moins aux inspirations de sa conscience qu’aux entraînements de la peur. Ce qui semble bien prouvé, c’est son avarice et son avidité. Quoiqu’il eût été dépouillé, il laissa encore en mourant une fortune de 200,000 écus, somme énorme pour le temps. Il sollicitait un jour une nouvelle abbaye de Charles IX, qui l’avait déjà comblé de biens : « Ne m’aviez-vous pas assuré autrefois, lui dit le roi, que vous borneriez votre ambition à 1,000 écus de rente ? — Oui, sire, répondit spirituellement l’âpre solliciteur ; mais l’appétit vient en mangeant. »

Amyot a traduit en français toutes les œuvres de Plutarque ; mais la partie la plus estimée de ce vaste travail est la collection des Vies des hommes illustres, dont on a dit avec raison qu’il avait fait un livre français, et qu’on relit toujours avec délices, malgré les modifications profondes que la langue a subies. Amyot fut en effet un des créateurs de cette belle langue du xvie siècle, originale et naïve, souple, abondante, colorée, naturelle, pittoresque et harmonieuse, et sa traduction, malgré quelques infidélités, n’a pas été effacée depuis et est restée comme un des plus beaux monuments de notre vieille littérature. « Elle a, dit Racine, dans le vieux style du traducteur une grâce, que je ne crois pas pouvoir être égalée dans notre langue moderne. » Amyot a encore traduit la pastorale de Longus, Daphnis et Chloé, et sept livres de Diodore de Sicile. Les Vies et les Œuvres morales de Plutarque ont été souvent réimprimées : on estime surtout les éditions de Vascosan, Paris, 1565-75 ; de Brotier et Vauvilliers, 1783-87, réimprimées avec quelques additions par Cussac et Clavier, en 1801-1806.


AMYRAUT (Moïse), théologien protestant, né en 1596, à Bourgueil (Anjou), mort en 1664. Il fut pasteur à Saumur et professeur à l’université de cette ville. Député par sa province au synode de Charenton (1631), il fut chargé de réclamer auprès de la cour contre les infractions faites aux édits de pacification, et obtint la suppression de l’humiliante obligation où étaient les députés protestants de ne parler au roi qu’à genoux. Il essaya de concilier les diverses sectes du protestantisme, et composa un traité à ce sujet. Ses nombreux ouvrages sont oubliés aujourd’hui, par suite du discrédit où sont tombés les écrits de controverse religieuse.


AMYRIDACÉES s. f. pl. (a-mi-ri-da-sé — rad. amyride). Bot. Groupe de plantes ayant pour type le genre amyride, et que plusieurs botanistes ont élevé au rang de famille. Il doit être réuni, comme simple tribu, sous le nom d’amyridées, à la famille des burséracées.


AMYRIDE s. f. (a-mi-ri-de — du gr. amuros, non parfumé). Bot. Genre de plantes de la famille des burséracées, type de la tribu des amyridées. Ce sont des arbrisseaux résinifères, à fleurs blanches, qui appartiennent à l’Amérique intertropicale.


AMYRIDÉ, ÉE adj. (a-mi-ri-dé — rad. amyride). Bot. Qui ressemble à l’amyride.


s. f. pl. Tribu de plantes de la famille des burséracées, qui a pour type le genre amyride.


AMYRINE s. f. (a-mi-ri-ne — rad. amyride). Chim. Substance cristallisable, insoluble dans l’eau, soluble dans l’éther et, à chaud, dans l’alcool absolu. On l’extrait du suc résineux de l’amyride.


AMYTIS s. m. (a-mi-tiss — n. myth.). Ornith. Genre d’oiseaux de la Nouvelle-Hollande.


AMYXIE s. f. (a-mi-ksi — du gr. a priv. ; muxa, mucus). Pathol. Manque de mucus ; absence de sécrétion du mucus normal.


AN (de a priv., et de n euphonique). Particule initiale, qui entre dans la composition d’un grand nombre de mots dont le radical commence par une voyelle ou par un h, et qui marque l’absence ou la privation, comme dans anarchie, de an priv. pour a, et archos, chef (sans chef) ; anhydre, de an priv. pour a, et udor, eau (sans eau), etc.


AN s. m. (an — lat. annus, même sens). Le temps que met la terre à faire sa révolution autour du soleil, ou que le soleil parait mettre à parcourir le zodiaque. || Espace de douze mois, à partir du 1er janvier jusqu’au 31 décembre : L’an passé. L’an prochain. Je te fournis tous les ans une somme raisonnable pour tes plaisirs, et tu n’es pas content ? (Le Sage.)

…Vingt ans, trente ans :
Cela duroit un monde au bon vieux temps.

Cl. Marot.

Le mal est que dans l’an s’entremêlent des jours
Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes.

La Fontaine.

— Par compar. Période de douze mois, quelle que soit l’époque à partir de laquelle on compte : Cet officier a quinze ans de services.

Cent ans passent, le temps, comme un nuage vide,
Les roule avec l’oubli sous son aile rapide.

Lamartine.

|| Dans ce sens, se dit particulièrement en parlant de l’âge des personnes : Cet enfant a deux ans. Il faut avoir trente ans pour penser à sa fortune. (La Bruy.) Vous croyez qu’elle n’a que vingt ans ; elle a mieux. (J.-J. Rouss.) Celui qui est déjà un petit homme à quinze ans ne sera de sa vie un grand homme. (Beauchêne.) Est-ce que vous avez plus de trente ans ? En vérité, vous ne les paraissez pas. (Alex. Dum.) Une belle passion à vingt ans désenchante tout le reste de la vie. (P. Limayrac.) Héloïse et Abélard moururent tous deux à l’âge de soixante-trois ans. (L.-J. Larcher.)

Je porte fort gaîment mes cinquante ans passés.

C. Delavione.

— Période de douze mois à partir d’une époque où un événement a eu lieu, où des faits se sont passés : Il y a un an. Il y a vingt ans. Faites de trois ans en trois ans des assemblées générales. (Fléch.) Avant que quatre ans se soient écoulés, il connaitra une partie de vos faiblesses et saura en profiter. (Mme  Campan.)

« — Se dit particulièrement de certaines grandes époques historiques : L’an 250 de Rome, L’année 250 depuis la fondation de Rome. || L’an 12 de l’hégyre, 12 années depuis la fuite de Mahomet. V. Hégyre. || L’an III, l’an IV de la République, La 3e, la 4e année depuis la fondation de la République française, en septembre 1792. || L’an du monde, Tant d’années depuis la création du monde : Jérusalem fut fondé l’an du monde 2023, par le grand prêtre Melchisédech. (Chateaub.) || L’an de grâce, l’an de Notre-Seigneur, l’an de la Nativité, l’an de l’Incarnation, L’année tant depuis la naissance de Jésus-Christ. On dit plus souvent l’an, simplement : L’an 1237, la France fut désolée par une horrible famine.

— Par exag. : Il y a cent ans, il y a mille ans que... Il y a cent ans qu’on ne vous a vu. Une heure me dure cent ans. (Marg. de Valois.) Un jour de satiété nous ôte un an de jouissance. (J.-J. Rouss.) Il y a mille ans que je ne vous ai pas écrit. (Volt.)

— Au pl. et absol. La vieillesse, la décrépitude amenée par uno vie déjà longue : Subir l’injure des ans. Lorsque les ans seront venus, vous rirez bien de toutes ces folles idées de jeunesse. (Marm.) Les ans n’épargneront pas ma tête ; déjà mon front se dépouille. (Chateaub.)

Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause.

La Fontaine.

Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage,
Pour réparer des ans l’irréparable outrage.

Racine.

|| Certains âges, certaines périodes de la vie : Les beaux ans. Les vieux ans. Le poids des ans. Mourir dans la fleur de ses ans. M. de Montausier n’eut pas besoin de réparer sur ses vieux ans les torts qu’il avait faits en sa jeunesse. (Fléch.) Elle repassait avec larmes ses ans écoulés parmi tant d’illusions. (Boss.)

. . . . . . . . Je n’ai d’autre avenir
Que de voir mes beaux ans s’effeuiller et jaunir.

E. Augier.

Au soir des ans doit sembler doux
Ce chant qui nous a bercés tous.

Béranger.

— Poétiquem. La vie elle-même :

Quand la vieillesse arrive,
Du long fleuve des ans je remonte le cours,
Et je retrouve sur la rive

L’âge des jeux et des amours.
Lebrun.

Une paix, une guerre de dix ans, de vingt ans, Qui dure dix ans, vingt ans : La guerre de Trente ans a ruiné l’Europe. Une paix de vingt ans suffirait à peine pour cicatriser les plaies de la dernière guerre. || Un ami de dix ans, de quinze ans, Que l’on connaît depuis dix ans, depuis quinze ans : J’ai bien peur que celui qui, dès la première vue, me traite comme un ami de vingt ans, ne me traite au bout de vingt ans, comme un inconnu. (J.-J. Rouss.) || Aller sur vingt, sur trente, sur quarante ans, Commencer sa vingtième, sa trentième, sa quarantième année.

— S’emploie encore dans certaines locutions consacrées par l’usage : Le jour de l’an, le premier de l’an, Le 1er janvier, le premier jour de l’année : Je vous écrirai le jour de l’an. Je ne pourrai vous voir demain ; car c’est le premier de l’an. || Bonjour et bon an, Salutation familière avec laquelle on s’aborde dans les premiers jours de l’année : Bonjour et bon an, mon cher cousin, et bonjour et bon an, ma chère nièce. (Mme  de Sev.) || Bon an, mal an, Une année dans l’autre ; en moyenne : L’on m’a assuré qu’elle portait d’ordinaire sur elle, bon an, mal an, trente quintaux de chair. (Scarr.) En attendant, nous lui payons, bon an, mal an, neuf cents millions. (P.-L. Courier.) Il usait, bon an, mal an, quatre paires de souliers ferrés. (F. Guillermet.) || Par an, Chaque année : Sa terre lui rapporte tant par an. Il gagne dix mille francs par an.

Je sais ce qu’un fermier doit nous rendre par an.

Boileau.

|| Une fois l’an, trois fois l’an, Une fois, trois fois dans le courant de l’année : Cette terre porte deux fois l’an les riches dons de Cérès. (Fén.) || Service du bout de l’an, ou simplement Bout de l’an, Service funèbre qu’on célèbre dans une église un an après la mort d’une personne.

L’an et jour. Jurispr. Une année révolue, et un jour de plus.

Le grand an, Révolution de trente-six mille ans, après laquelle les platoniciens ont prétendu que les astres recommencent leur cours.

— Fig et proverb. Vivre le grand an, Vivre très-longtemps, vivre toujours.

Je m’en soucie, je m’en moque comme de l’an quarante. Se dit familièrem. d’une chose à laquelle on n’attache pas la moindre importance, d’une personne à laquelle on ne tient nullement : Je me soucie d’Ursule comme de l’an quarante. (Balz.) || On suppose que cette expression vient des craintes superstitieuses généralement répandues dans le commencement du xie siècle. On prétendait que Jésus-Christ n’avait assigné à son Église et au monde qu’une durée de mille ans et plus. Une opinion accrédités voulait que ce terme expirât en l’an 40 du xie siècle. Mais lorsque l’époque redoutable fut passée, on ne fit plus que rire de ces craintes puériles. De là l’expression : Je m’en moque comme de l’an quarante. D’autres lui donnent une origine beaucoup plus récente, et supposent qu’elle prit naissance vers l’an XII de la République française, alors que tous les réactionnaires espéraient que la pauvrette n’en avait plus pour longtemps. La première étymologie est plus probable, car elle peint également cet esprit gaulois, poltron et brave tout à la fois, qui s’épouvante de rien, sauf à rire aussitôt et à se moquer de sa frayeur ; l’autre est une expression d’insulte envers le vaincu, sentiment qui n’est ni gaulois ni français.

Syn. An, année. An n’est guère en usage que pour les dates, et admet rarement des épithètes : l’an 1863 ; il plaide depuis quarante ans. (La Bruy.) Année marque la durée et la série des événements, et peut recevoir une qualification, servant ordinairement à faire connaître les résultats bons ou mauvais qu’elle a produits : Une année heureuse. Des années perdues dans de vains plaisirs. Seize années d’une prospérité inouïe. (Boss.) Les plus tendres années de la vie. (Fléch.)

Homonymes. En, han.

L’an mille. Hist. « L’an mille, dit M. E. Chartou, fut une année de crise pour toutes les nations de l’Occident. Depuis plusieurs siècles on s’attendait à quelque événement extraordinaire. Des traditions obscures, des prophéties équivoques ou mal interprétées, marquaient la fin du xe siècle comme une époque de grande catastrophe. » D’après une croyance qui datait des premiers siècles de l’ère chrétienne, et que Papias, saint Irénée, Justin le martyr, représentent comme générale à cette époque, Jésus-Christ devait un jour descendre du ciel où il était monté, et régner mille ans sur la terre. Cette croyance avait insensiblement perdu du terrain en Orient ; mais elle s’était répandue dans l’Occident, et c’était l’an mille que les chrétiens de Gaule, d’Allemagne, d’Angleterre, fixaient pour ce second avénement du Christ.

Alors donc, il y eut par toute la terre une inquiétude inexprimable. Dans l’attente du règne céleste qu’annonçaient les prophéties, on remarqua avec un soin scrupuleux tout ce qui pouvait sembler un avertissement ou un présage, et les chroniques le consignèrent fidèlement. En 996, il y eut dans l’Océan des mouvements extraordinaires, et une baleine échoua sur les grèves de Berneval, en Normandie. Au printemps suivant, une comète parut à l’orient, du côté où doit descendre la bête de l’Apocalypse ; dans l’hiver de 999, la neige tomba en si grande abondance, que, dans plusieurs provinces, les chaumières des serfs furent ensevelies, et que les hommes périrent avec les troupeaux. Jamais peut-être la préoccupation du surnaturel n’avait agi d’une façon si puissante sur l’espèce humaine. À mesure qu’approchait l’année marquée de Dieu, la peur augmenta, et avec la peur la piété. En perdant la foi à la vie terrestre, à l’avenir des biens périssables, on songea aux trésors du ciel « que les voleurs ne déterrent point et que les teignes ne rongent point. » Les chartes de l’époque nous révèlent naïvement cette piété d’effroi, ce détachement intéressé qui fut pour les monastères une source de richesses. « Des désastres multipliés, disent-elles, des indices infaillibles, attestent que la fin du monde n’est pas éloignée ; pour dissiper les erreurs des infidèles, les prophéties de l’Évangile sont au moment de se réaliser ; il est donc juste et raisonnable de porter ses regards sur l’avenir, et de prévenir par de sages précautions des malheurs possibles dans notre condition mortelle. À ces causes, au nom du Seigneur notre Dieu, moi et ma femme (telle ou telle), considérant le poids des péchés dont nous sommes chargés, et pleins de confiance dans la miséricorde de Dieu, qui a dit : Faites des aumônes, et tous vos péchés vous seront remis ; nous donnons par ces présentes, en don privé et de notre plein droit, nous attribuons et transmettons à toujours au monastère de... nos biens, sis dans le village de..., avec les maisons, les bâtiments, les paysans, les serfs, les vignes, les bois, les champs, les prés, les pâturages, les étangs, les cours d’eau, les adjonctions, additions et appendices, le bétail de toute espèce, les meubles et immeubles dans l’état où nous les possédons aujourd’hui. » — À tout moment se renouvelaient ces donations.

Au milieu de ces saints arrangements, l’an mille s’ouvrit... Le saint temps du carême se passa dans le recueillement et dans la prière. Il n’y eut enfant si tendre, femme ou vieillard si faible, qui s’exemptât du jeûne commandé par l’Église. On attendait en tremblant le jour de la mort du Sauveur. Le vendredi saint, avant le lever du jour, dit une chronique, les fidèles se rassemblèrent dans les églises ou dans les chapelles des couvents. Des processions se formèrent, et le peuple les suivit pieds nus et la hart au cou. On sortit des villes, des monastères, des châteaux, et les processions, croix et bannière en tête, parcoururent les champs. On s’arrêtait devant chaque Vierge, on se prosternait au pied de chaque calvaire, et là, clercs et laïques, entonnaient tous ensemble le Miserere mei et le De profundis clamavi. Cependant le temps passait, les jours succédaient aux jours, et celui qui était l’objet d’une attente pleine d’angoisse n’arrivait pas ; la nature ne mettait aucune différence entre l’an mille et les années précédentes ; sans souci de la terrible échéance, elle épanouissait ses fleurs et mûrissait ses fruits, comme si le monde eût été plein d’avenir. Peu à peu on se rassura, on finit par douter du danger en le voyant reculer ; et la société, échappée à ce cauchemar de la fin du monde, reprit une vie nouvelle, comme la campagne après un orage, aux premiers rayons du soleil.

An 2240 (l’), Rêve s’il en fut jamais, par Mercier, Dans cette production originale, qui parut en 1770, l’auteur se transporte, à l’aide de la fiction d’un songe, à cinq cents ans au delà de la date de sa naissance, et se représente l’état de la France, à cette époque éloignée, à peu près tel que les idées alors en crédit dans la masse de la nation pouvaient le faire désirer. Quelque frappantes que fussent les allusions, le gouvernement ne vit dans l’auteur qu’un utopiste plutôt qu’un prophète, et se borna à interdire la vente de l’ouvrage.

An mil (l’), opéra-comique en un acte, poëme de Mélesville et Paul Foucher, musique d’Albert Grisar, représenté le 23 juin 1837. La croyance qu’on touchait à la fin du monde pendant le xe siècle donnait lieu à des fondations pieuses et non pas à des insurrections, c’est cependant une révolte des serfs contre leurs seigneurs qui est le sujet de ce livret. Il ne fait honneur ni au bon goût ni à l’esprit des deux auteurs. Grisar n’a guère mieux réussi pour la musique. On ne peut citer qu’une jolie romance : Pauvre fiancée, chantée par madame Rossi.


ANA, prépos. grecque qui signifie En remontant, dans, parmi, à travers, etc., et qui entre dans la composition d’un grand nombre de mots dérivés du grec, tels que anachronisme, anachorète, analyse, anatomie, etc.


ANA ou, par abrév., AA (du gr. ana, qui marque partage). Sorte d’abréviation en usage dans les ordonnances des médecins, et qui signifie qu’il faut faire entrer certaines substances par parties égales dans un médicament prescrit.


ANA, terminaison latine ajoutée au nom d’un personnage pour indiquer un recueil de ses pensées détachées, de ses bons mots, de ses reparties, des anecdotes qui lui sont attribuées : Notre aimable et spirituel J. Janin possède une bibliothèque d’une richesse extraordinaire ; mais, parmi tous ces joyaux, celui qu’il paraît estimer le plus est son Ménagiana.

— Les principaux recueils de ce genre sont le Scaligeriana, le Calviniana, le Ménagiana, le Santoliana, le Segraisiana, le Pironiana, le Voltairiana, le Biévriana, le Chamfortiana, le Bonapartiana, etc., ou recueils d’anecdotes sur Scaliger, Calvin, Ménage, Santeuil, Segrais, Piron, Voltaire, M. de Bièvre, Chamfort, Bonaparte, etc. Les anciens avaient des recueils de ce genre, et les dialogues de Platon