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dans F antiquité profane, de comparable, au tendre Jérémie déplorant les maux de son peuple ? (Fén.) L’antiquité est pleine des ■ éloges d’une autre antiquité plus recalée. (Volt.) // est difficile de percer dans les ténèbres de /’antiquité. (Volt.) Les annalistes de /’antiquité ne faisaient point entrer dans leurs récits le tableau des différentes branches de l’administration. (Chateaub.) On voit l’esprit de l’homme se ravir d’admiration à la vue des chefs-d’œuvre de /’antiquité profane. (Villem.) L’homme de nos jours ne ressemble pas aux hommes fameux de /’antiquité. (Fiévée.) Un second legs intellectuel de la civilisation romaine à la nôtre, c’est l’ensemble des beaux ouvrages de /’antiquité. (Guizot.) L’antiquité est la jeunesse du monde. (H, Taine.) L’antiquité est comme une imitation de l’éternité de Dieu. (Le P. Félix.) Au moyen âge, on ne connaissait pas assez /’antiquité pour pouvoir se comparer sérieusement à elle. (Ste-Bouve.) Otez à /’antiquité ses dieux, vous lui âtez tous ses poèmes. (H. Rigault.) Les dieux de la naïve antiquité, participant aux besoins et auxptaisirs des hommes, mangent et boivent. (Renan.)

— En poésie, on a personnifié l’antiquité ;

Dis-je quelque chose assez belle.

Me dit :. Je l’ai ditéavan* toi. • C’est une plaisante damelle :

Que ne venait-elle après moi ?

Le chev. de Caillt.

— Dans le goût des ancions, de leurs œuvres, etc. : // ne dit rien qui ne soit marqué au coin de la saine antiquité. (Marmontel.) // n’y a qu’un tris-petit nombre de gens qui aiment /’antiquité. (Volt.) Quand je parte (/’antiquité, j’entends la saine antiquité, car il en est une malade et délirante, comme celle de Porphyre et de Jamblique. (Joubert.) Ces ouvrages attestent le sentiment de /’antiquité. (Villem.) À l’heure qu’il est, /’antiquité «’enseigne encore à Oxford comme elle s’enseignait chez nous du temps de liollin, moins bien peutêtre. (Renan.) h Monument antique ; vestige d’.un monument antique : On voit près de cette ville une belle antiquité. (Acad.)

— Au pi. Tout ce qui nous resto des anciens, dans le domaine de la littérature et des arts : Les antiquités de l’Égypte, de la Grèce, de Home. Les antiquités historiques. LesÀNTiQulTÉs littéraires. Ceux qui connaissent tant soit peu les antiquités savent combien les premiers temp’s étaient curieux d’ériger et de conserver de tels monuments. (Boss.) Les philologues, les étymologistes, les érudits, se font un plaisir d’habiter dans les ténébreuses antiquités de notre langue. (La Harpe). L’étude des antiquités est la plus noble et la plus désintéressée des études. (Lamenn.) La Normandie.est une province qui, de tout temps, s’est occupée de ses antiquités. (Ste-Beuve.)

Un air d’antiquité, Un air de vieillesse, de caducité : Ce bon prélat qui, tout septuagénaire qu’il était, n’avait pas un air {/antiquité, m’accabla de compliments. (Le Sage.) Tout cela avait un cachet grave (/’antiquité, qui me prouvait qu’Henri avait la religion et la poésie des souvenirs. (E. Sue.) Il De toute antiquité, ’ loc. adv. De tout temps ; Terres censuelles, dont le cens avait de toutk antiquité appartenu au roi. (Montesq.) L’astronomie et la musique sont la science et l’art que les hommes ont connus de toute antiquité (M">e de Stafil.)

— Epltbètes. Haute, reculée, obscure, fabuleuse, mensongère, naïve, poétique, savante, docte, noble, vénérable, reeonimandable, respectable, glorieuse, barbare, idolâtre, païenne,

" profane, aveugle.

— Encycl. On comprend sous le nom d’antiquités tout ce qui nous reste de l’art’ancien : ruines, monuments, meubles, armes, ustensiles, objets de toute sorte qui nous viennent des temps anciens, et qui méritent d’être étudiés pour arriver à la connaissance des institutions, croyances, usages des peuples qui ont vécu avant nous. L’étude des antiquités a enfanté des travaux immenses, puisque chaque peuple qui a une histoire ancienne doit être l’objet de cette étude. En effet, à côté des antiquités grecques et romaines, il y aies antiquités judaïques, orientales, chinoises, égyptiennes, gauloises, carthaginoises, gothiques, ibériennes, indiennes, mexicaines, etc. Voici la liste des principaux ouvrages composés sur cette matière : Trésor des antiquités sacrées d’Ugholini, Venise, 1744-70, 34 vol. in-fol. ; Trésor des antiquités grecques de J. Gronovius, Leyde, 1697M702, 12 vol. in-fol. ; Trésor des antiquités romaines de J.-G. Grœvius Trêves, 1604-09, 12 vol. in-fol. ; Nouveau Trésor des antiquités romaines de Sallengre, La Haye, 1716-19, 3 vol. in-fol. ; Nouveaux Suppléments du Trésor des antiquités grecques et romaines de Poleni, Venise, 1737, 5 vol. in-fol. ; les Antiquités juives de A. Pfeiffer, Reland, VVarnekros et Bauer ; l’es Antiquités grecques de J.-P. Pfeiffer, Potter, Lambert Bos, Havercarop, Robinson ; les Antiquités romaines de Rosini, Nieupoort, Pitiscus, Maternus, Cilano, Adam, Heyne ; les Antiquités teutoniques de Grupen, Tresenreuter, Heineccius, Hummel, Roessig' les Antiquités gauloises de J-. Martin, la Sauvagère ; le* Antiquités britanniques de V. Baxter ; Itecueil d’antiquités, par le

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Dictionnaire d’antiquités de l’Encyclopédie méthodique, par Mongez, 7 vol. in-4" ; Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, par M. Cheruel, Paris, 1359, un fort vol. in-lî, etc., et d’autres ouvrages plus importants, sous ce titre, qui font l’objet des articles suivants.

Antiquité, romaines (les), par Denys d’Halicarnasse. Cette histoire renfermait vingt

livres, dont il ne nous est parvenu que les onze premiers et quelques fragments des neuf suivants. L’auteur, après avoir passé vingt-deux ans à Rome pour y recueillir les matériaux de son ouvrage, le publia l’an 7 av. J.-C. Ce qui nous reste aujourd’hui

duit jusqu’à l’an 312 de Rome, n

il embras-

coiiilu dfc Caylu


vol. fi

punique, c’est-à-dire "au point :

menée le récit de Polylie. Quoique mutilée, l’histoire de Denys d’Halicarnasse n’en est pas moins un des plus précieux monuments que nous ait légués l’antiquité, d’autant plus que nous y trouvons une foule de détails au sujet desquels les historiens latins ne sont entrés dans aucun développement ; aussi cet ouvrage a-t-il une bien plus grande importance critique que celui de Tite-Live. De tous les anciens, l’auteur des Antiquités est celui qui a jeté le plus de lumière sur les premiers siècles de Rome, celui qui a travaillé avec le plus de succès à concilier les diverses traditions, à contrôler l’un par l’autre les premiers annalistes, de manière à fonder la certitude historique, autant du moins qu’on pouvait l’établir sur tant de documents cqntradictoires ou obscurs, sur cette foule de circonstances merveilleuses que la superstition ou l’orgueil national avait mêlées aux origines romaines, et que Tite-Bive, au contraire, paraît a«oir pris plaisir à orner d’un coloris dramatique. Denys d’Halicarnasse nous fait connaître l’ancien état.de l’Italie, et il prouve assez clairement queJes Romains, ainsi que la plupart des peuples qui se fondirent parmi eux, descendaient d’anciennes colonies grecques. L’auteur connaissait à fondra langue latine, les anciennes chroniques et les traditions, il s’était mis en rapport avec tous les hommes distingués que Rome possédait à cette époque ; il a donc pu nous transmettre une multitude de renseignements authentiques que nous aurions toujours ignorés sans lui, car les historiens latins ’ s’attachaient surtout au récit des événements militaires, plus capable que tous les autres souvenirs de flatter l’orgueil des Romains. Pour ce qui concerne le gouvernement intérieur, la religion, le culte, les cérémonies publiques, les jeux, les triomphes, la distribution du peuple en différentes classes, le cens, les revenus publics, les comices, l’autorité du sénat et du peuple, c’est chez Denys d’Halicarnasse qu’il faut en chercher la connaissancéla plus parfaite, car c’est l’objet principal de son ouvrage. Toutefois, on lui reproche de ne s’être point encore assez affranchi des fables qui entourent les origines de l’empire romain. Selon Jean de Millier, l’auteur doit avoir rempli de lui-même quelques lacunes, là où les autorités faisaient défaut à ses investigations. La narration est d’une agréable simplicité, entremêlée de digressions qui reposent et récréent l’esprit du lecteur ; mais le style est recherché, il vise à la nouveauté, et l’on y remarque souvent des tournures insolites et des latinismes, défaut qui prouve du reste que l’auteur travaillait consciencieusement sur des sources romaines.

Le texte grec des Antiquités fut publié pour la première fois par Robert Estienne, Paris, 1546. Nous avons deux traductions françaises de cette histoire, par le P. Lejay, jésuite, et par l’abbé Bellenger, 1722 et 1723. Cette dernière est la plus estimée.

Antiquité» judaïque*, par Flavius Josèphe, en vingt livres. C’est une histoire complète de la nation juive, depuis la création du monde jusqu’à la douzième année du règne de Néron, et c’est en même temps le panégyrique de ce peuple extraordinaire, en réponse à ses nombreux détracteurs de tous les temps. Cet ouvrage est surtout intéressant et précieux en ce qu’il comble une lacune de quatre siècles entre les derniers livres de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau. La clarté, la pureté et l’élégance du style de Josèphe lont fait surnommer par saint Jérôme le Tite-Live grec, éloge que la postérité n’a pas entièred’av del

nomie du peuple juif, etll a trop goût de ses lecteurs grecs et romains, dans une histoire qui ne devait ressembler à celle autre peuple. Un passage où il parle

les critiques. Il est hors de doute que le ton de ces quelques lignes n’est pas en harmonie avec le reste du livre, et l’on pense généralement Qu’elles ont été ajoutées, ou tout au moins falsifiées dans le sens chrétien après la mort de l’auteur. Parmi les nombreuses traductions françaises qui ont été faites des Antiquités iudaiques, la plus estimée -est celle d’Arnaud d’Andilly,

Antiquité» gouloiseï et rranenUe*, contenant les choses advenues en Gaule depuis l’an du monde 3379 jusqu’à Clovis, ouvrage de Claude Fauchet, historien français, né en 1529.

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La deuxième édition de cet ouvrage, qui parut en 1599, vingt ans après la pionnière, était augmentée de trois livres, contenant les choses advenues jusqu’à l’an 751, ainsi que la Fleur de la maison de Charlemagne jusqu’à l’an 840 ; enfin, en 1601, une nouvelle édition donnait le Déclin de la maison de Charlemagne ou Faicts de Charles le Chauve et ses successeurs depuis l’an 840 jusqu’à l’an 987. Fauchet s’était oppliué de bonne heure à l’étude de nos anciennesironiques, et ses Antiquités paraissaient devoir répandre un grand jour sur les premiers temps de la monarchie. C’était un historien impartial’et d’une fidélité scrupuleuse, et son ouvrage contient des faits importants, qu’on chercherait vainement ailleurs. Toutefois, il manque de goût et de critique, et la barbarie de son style rendait la lecture de ses œuvres si rebutante, que Louis XIII, ayant lu les Antiquités gauloises, n’ouvrit plus depuis cette époque aucun livre qu’avec une extrême répugnance. Cependant cette anecdote prouve

jusqu’à un certain point l’estime dont jouissaient les ouvrages de Fauchet, puisque les précepteurs du roi lui en conseillaient 1 étude. Les Antiquités, remarquables à plus d’un titre, sont précédées d’un avertissement curieux ainsi conçu : ■ L’auteur au lecteur : Ces antiquitez se sentent du mauvais temps, ayans esté aussi mal-menées par la guerre que moi-mesme, c’est-à-dire transportées en divers endroits, perdues, déchirées, bruslées en partie, voire prisonnières et mises à rançon : tellement que n’ayant pu les racheter, estant transportées hors le royaume, elles sont demourées en la main de ceux qui en ont cuidé faire profit, sans que je les aye peu recouvrer, mais seulement raconstrer, surce que j’en avois retenu. C’est pourquoi, lecteur, tu trouveras tant de blancs, n’ayant peu avec la mémoire remplir ce qui défaillait a ma copie : avec ce qu’à mon retour à Paris, j’ai trouvé ma librairie dissipée, et en laquelle estoient mes originaux et plus de deux mille volumes de toutes sortes, principalement d’histoires escrites à la main en très-bon nombre. Toutes fois ce qui- deffaut esdits blancs ne rompt point tellement le narré, gue les moyennement sçavants en l’histoire no

advient que je meure avant que d’y satisfaire. Car, veu mon âge, il est temps de songer à partir, et avant qu’estre surpris, d’amasser ce que je veux laisser pour l’usage de la postérité. Car jaçaitque ce point des antiquitez que maintenant je donne nesoitpasen lestatque j’eusse bien désiré, ains seulement publié pour conserver ceste planche de mon bris, si me semble pouvoir servir, sinon pour un autre vaisseau, à tout le moins pour quelque parement. Que si me proumenant sur les bords de nostre mer (Dieu merci et nostre vaillant roy, non plus’ tempestée), j’en puis recouvrer d’autres de même, jesseray si non d’en bastir le navire entier dont j’avoy bien avancé le corps, à tout le moins d’en faire assez bon esquif pour vaquer à nostre antiquité, .tout obscure qu’elle est. Jouy donc, lecteur, de ce que je te présente, en attendant le reste, si Dieu me donne repos et longue vie. ■

Fauchet, qui menait une vie très-précaire dans ces temps de troubles peu favorables pour ceux qui cultivaient les lettres, adressait de pompeuses dédicaces au roi et à de grands seigneurs qui ne le récompensaient pas toujours largement. Un jour, il se rendit dans ce but àSaint-Germain, pour présenter à Henri IV un exemplaire d’une nouvelle édition de ses Antiquités gauloises ; le Béarnais, qui traversait en ce moment le jardin, aperçut Fauchet, dont la barbe imposante le frappa : ■ Ah I s’écrie-t-il en le désignant à l’ur ■*■» »»-- ; isans, voilà votre affaire 1 de là, notre historien apprit

mation royale : on avait fait sur son modèle la figure d’un fleuve couché près d’un bassin. Fauchet s’en sentit blessé, et décocha les vers suivants :

J’ai reçu dedans Saint-Germain

. De mes longs travaux le salaire :

Le roi, de bronze m’a fait faire.

Tant II est courtois et bénin !

S’il pouvolt aussi bien de faim

Me garantir que mon image.

Oh ! que j’aurois fait bon voyage !

Le roi rit beaucoup de l’épigramme, et donna ii l’auteur une pension de 600 écus, avec le titre d’historiographe.

Antiquité (l/) expliquée el représenté) ! en neure», nar dom Bernard de Montfaucon, qui, à lui seul, aurait suffi à illustrer la congrégation de Saint-Maur, dont les annales comptent tant de savants distingués. L’apparition de cet immense ouvrage (lat. et franc., Paris, 1719-24, 15 vol. in-fol.) produisit dans l’Europe savante une véritable émotion ; le succès fut tel que tout le monde’voulut le lire, même les ignorants, et que l’édition, tirée à dix-huit cents exemplaires, fut épuisée en deux mois, ce qui ne s’était vu dans aucun temps et dans aucun lieu pour une œuvre si vaste de recherches et d’érudition. Quoiqu’il n’y eût point alors de siège vacant à l’Académie des inscriptions, le duc d’Orléans ordonna que le P. de Montfaucon fût inscrit parmi les membres honoraires. L’auteur de l’Antiquité expliquée avait mis à contribution tous les cabinets de l’Europe, et en avait tiré un nombre prodigieux de pièces curieuses qu’il a fait graver, et qu’il a accompagnées d’explications presque toujours satisfaisantes. Sans doute, à une époque où la

critique historique était loin d’avoir fait les progrès qu’elle a réalisés aujourd’hui, le travail du savant bénédictin dut présenter des imperfections, impossibles d’ailleurs à éviter dans cet immense sujet ; mais on ne peut nier qu’il n’ait contribué à répandre, surtout en France,

Antiquité dévoilée (l’), ouvrage posthume de Boulanger, publié en 1766, à Amsterdam, par d’Holbach, qui remania le manuscrit original. Ce livre, écrit dans un esprit unticatbolique, fut l’objet de vives controverses vers la fin du xvihc siècle. Aujourd’hui, ces discussions ont perdu tout leur intérêt, non pas que la science ait reconnu la fausseté des idées de Boulanger sur la haute antiquité du monde, mais parce qu’elle s’appuie sur des données et des calculs tout à fait différents. Boulanger était ingénieur des ponts et chaussées. En coupant des montagnes, en conduisant des rivières, en fouillant des terrains de toute espèce, il remarqua des fragments d’animaux fossiles, la disposition des couches du.sol, et son imagination demeura vivement frappée des grandes catastrophes de la nature. Il lui sembla que le monde moral, que l’esprit des hommes conservaient la trace d’un bouleversement, qui avait menacé l’existence de

l’espèce humaine et changé la face de la terre. Il se complut alors à s’occuper du déluge, à remonter a travers les âges, et à établir des hypothèses plus ou moins fondées sur l’étude qu’il faisait des révolutions du globe. Mais Boulanger ne possédait qu’une érudition sufierficitdle, et ses recherches, curieuses d’aileurs, sont dépourvues de jugement et de critique ; il leur manque un caractère de gravité et de philosophie. Au reste, l’Antiquité dévoilée, ou l’Antiquité voilée, comme l’appelait malicieusement Voltaire, qui ne ménageait pas toujours les athées eux-mêmes, est un livre empreint de modération : on n’y trouve point d’attaques directes contre la religion chrétienne, bien que le but de l’ouvrage soit en opposition évidente avec le récit biblique, et malgré la manie dont était possédé l’auteur de ne voir dans l’Écriture sainte, dans les dogmes et dans les objets du culte, que des symboles des phénomènes astronomiques, ses attaques sont plutôt des allusions que des affirmations.

Antiquité» de l’Inde, par M. Christjnn-Lassen. Cet ouvrage, dont le premier volume parut en 1847, et dont le quatrième ne fut achevé qu’en 1863, est un de ceux qui font le plus d’honneur à l’érudition allemande. Il contient l’histoire de l’Inde depuis les temps les plus reculés jusqu’à la conquête musulmane, c’est-à-dire jusqu’au commencement du xic siècle. Un tableau développé de ta géographie de l’Indoustan et de ses populations actuelles, suivi d’un examen critique des sources où se trouvent déposées les plus anciennes traditions nationales, sert d’introduction ; puis l’auteur jette un coup d’œil rapide sur les origines de la race brahmanique, sur son antique immigration et sa marche progressive dans le nord-ouest de l’Inde, à travers le Pendjab, depuis le Sindh jusqu’au Gange supérieur, et enfin sur son extension et son établissement définitif dans les plaines gangétiqSies. Il nous conduit ainsi à la grande guerre de la période héroïque, guerre qui fait le sujet d’une épopée aux proportions immenses, le Mahàbbhàrata. M. Lassen nous fait connaître ce poème de deux cent mille vers, dontchaquechant (il y en a dix-huit) égale presque l’Iliade en étendue. Il en dégage les éléments historiques qui y sont renfermés,

restaure en quelque sorte les vieilles dynasties, et, selon l’expression de M. Vivien de Saint-Martin, rend à la clarté de l’histoire une longue suite de siècles qui semblaient à jamais perdus dans le linceul de l’oubli. L’analyse du Mahâ est suivie de celle de la seconde épopée brahmanique, du Râmâyana, dont le sujet est la conquête du sud de la péninsule par les Aryas du Gange. Nous arrivons à l’ère bouddhique (543 av. J.-C.) : cette ère clôt la période héroïque de l’Inde, c est-àdire la périodéoù l’histoire se confond avec la poésie. À partir de cette date, nous sommes sur un terrain complétementhistorique. M. Lassen distingue dans cette seconde période trois époques successives. La première s’étend de l’ère bouddhique à l’ère non moins fameuse de Vikramâditya, c’est-à-dire de l’an 543 à l’an 57 av. J.-C. ; c’est le temps des rapports" de l’Inde avec les Séleucides et les Ptolémées, et avec les rois grecs de la Bactriane et de l’Iran oriental, le temps où fleurit la littérature dramatique et populaire de l’Inde. La seconde époque va du règne de Vikramâditya à une ère aussi très-importante pour la chronologie, celle des rois Ballabhi du nord-ouest, qui commence en l’an 319 de l’ère chrétienne : c’est le temps des rapports commerciaux de l’Inde avec l’Égypte romaine. Enfin, la troisième époque commence avec les Ballabhi, et conduit jusqu’à la conquête musulmane.

En accordant à l’ouvrage de M. Lassen une place éminente parmi les travaux qui, à notre époque, ont renouvelé les sciences’historiques, M. Vivien de Saint-Martin y signale quelques lacunes. Il fait remarquer notamment le peu. de développement donné par l’auteur à la période primordiale de l’histoire des Aryas, à