Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 1, part. 1, A-Am.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.
VII
PRÉFACE.


alphabétique, celui de Nicot, publié après la mort de l’auteur par le libraire Jacques Dupuys. Ce dictionnaire eut de nombreuses éditions, et la préface de celle qui parut en 1584 porte qu’on l’a augmenté d’infinies dictions françoises, afin de porter l’ouvrage à son comble et à l’égal des grecs et latins dictionnaires.

Nous en passons, et… des plus mauvais, car nous sommes à une époque de labeur, d’enfantement et de transition. Arrivons donc au dictionnaire de l’Académie, et peut-être ne serons-nous pas tout à fait de l’avis de Piron, lorsqu’il disait, en montrant du doigt le palais Mazarin : « Ils sont là quarante, qui ont de l’esprit comme quatre. »

Pour concilier, dans cette revue générale des dictionnaires, l’ordre analogique avec l’ordre chronologique, nous les diviserons en trois grandes catégories : ouvrages lexicographiques, ouvrages encyclopédiques, ouvrages biographiques.


OUVRAGES LEXICOGRAPHIQUES

Ici, nous allons faire une légère infidélité à la chronologie, en donnant le pas au Dictionnaire de l’Académie française : ab Jove principium.

Avant d’entrer dans l’analyse du Dictionnaire de l’Académie, une petite digression est nécessaire pour montrer l’état de la langue quand Richelieu entreprit de la réglementer, et comment le besoin d’un code était senti de tous les écrivains au commencement du xviie siècle ; nous allons emprunter cet exposé curieux à l’excellente Histoire de la littérature française de M. A. Sayous : « Lorsque Richelieu, en fondant l’Académie, voulut fixer la langue française, trop mobile et trop incertaine pour assurer une clarté durable aux productions de l’esprit ; lorsqu’il imagina de la soumettre à une commune législation et de la perpétuer par l’obéissance, il eut une pensée qui n’appartient pas seulement à son génie créateur. Cette idée ne date point de 1635 ; depuis le commencement du siècle elle était la préoccupation et presque la manie de tous les esprits cultivés : c’était celle de Malherbe, celle de Guillaume du Vair ; ce fut celle de l’hôtel de Rambouillet et de ses hôtes, de Balzac, de Chapelain, et de tous les membres de cette réunion familière d’auteurs, qui fut l’origine et le noyau de l’Académie française. Le soin de l’expression, l’ambition de n’employer que le bon langage, étaient les grandes affaires d’un écrivain à cette époque. Un empressement si général ne saurait être attribué à quelque mode littéraire ; il indique bien plutôt un caractère de nécessité. À ce moment où, après avoir servi à de grandes luttes religieuses et politiques, les lettres commençaient de toutes parts à rentrer dans leur lit, si l’on peut ainsi parler ; quand la société se mettait à chercher aussi ses plaisirs dans la bienséance, dans un ordre élégant et le pacifique intérêt de la conversation, il était naturel que le langage, obéissant à cette révolution, entrât à son tour dans cette recherche universelle de la règle et de la convenance. Quelque passion que l’on eût de se renfermer dans le bon langage, cela n’était facile à personne, car on ne pouvait dire précisément où il était et où il n’était pas. On avait besoin d’être fixé là-dessus, et de telles lois étaient moins difficiles encore à imposer que délicates à choisir. Si la voie était manquée, à quels désastreux errements était condamnée la langue française ! Entre la pédanterie et la licence ; toutes deux également à craindre, l’idiome qui allait servir d’organe à tant de chefs-d’œuvre courait de réels dangers. Il fallait lui assurer tout à la fois la liberté de ses mouvements naturels et les avantages de la discipline. Vaugelas convenait bien à une pareille tâche, par sa qualité de gentilhomme et d’homme du monde, par son origine aussi qui le rendait indépendant des habitudes et des préjugés provinciaux, et le portait à approfondir l’idiome avec soin, avec étude, comme on le ferait d’une langue savante. Vaugelas n’a point créé la langue française, assurément ; elle ne lui doit aucun développement particulier, aucune beauté nouvelle ; il n’est ni un Calvin, ni un Montaigne, ni même un Amyot ; il n’a pas, comme ces écrivains, révélé par ses écrits le génie de l’idiome et le caractère de ses richesses ; il est moins à la fois et plus que ses contemporains Malherbe et Balzac. Ceux-ci ont mis en circulation un choix restreint de bonnes locutions et de procédés bien français ; lui, il a fait l’inventaire du trésor, en indiquant à quelle marque on pouvait reconnaître le bon et le mauvais or dans le pêle-mêle du vocabulaire usuel de toutes les provinces du royaume. »

C’est en 1694 que l’Académie française publia pour la première fois son dictionnaire, avec une préface de Charpentier. Elle ne crut pas alors devoir suivre absolument l’ordre alphabétique ; elle ne rangea dans cet ordre que les mots qu’elle appelait chefs de famille, et chacun de ceux-ci amenait à sa suite les termes dérivés ou composés auxquels il donnait naissance.

La seconde édition, à laquelle l’abbé Régnier-Desmarais eut beaucoup de part, fut publiée en 1718, avec une épitre dédicatoire composée par l’abbé Massieu. C’est dans cette édition, et surtout dans la troisième (1740), que les mots furent rangés dans un ordre nouveau. « La quatrième édition (1762) est, dit M. Villemain, la seule importante pour l’histoire de notre idiome, qu’elle reprend à un siècle de distance des premières créations du génie classique, et qu’elle suit dans une époque de créations nouvelles ; en général, elle a été retouchée avec soin, et, dans une grande partie, par la main habile de