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LVI
PRÉFACE.

travail où il faut avant tout de l’ordre, de la méthode, de la clarté et de la précision ; mais, en revanche, le pays où les philosophes et les érudits semblent pousser en plein vent a donné naissance à une foule d’ouvrages encyclopédiques. Là, l’écrivain a les allures plus franches ; il peut donner plus facilement carrière à sa plume, et se lancer avec plus d’assurance dans la théorie et les systèmes si chers à la savante Allemagne ; mais il y a place pour tout dans les encyclopédies d’outre-Rhin, et à côté du développement des idées spéculatives, se déroule une immense série de connaissances usuelles et positives, dont l’exposition est parfaitement adaptée aux besoins des lecteurs auxquels chaque ouvrage s’adresse plus spécialement.

La première encyclopédie allemande remonte au milieu du dix-huitième siècle. De 1732 à 1750, Zedler publia d’abord à Halle, puis à Leipzig, un Lexicon en 64 volumes, intitulé Grosses vollständiges universal Lexicon aller Wissenschaften und Künste (Grand Dictionnaire universel et complet de toutes les sciences et de tous les arts). Un supplément de 4 volumes parut de 1751 à 1754. Au reste, ce travail n’avait qu’une valeur médiocre, excepté toutefois ce qui se rapporte à la partie généalogique, que l’on peut encore aujourd’hui consulter avec fruit.

Ce premier essai ne tarda pas à être suivi de plusieurs autres ouvrages du même genre, auxquels il servit de modèle, mais qui n’occupent qu’un rang très-secondaire dans l’histoire de la littérature allemande. Nous citerons, entre autres, l’Allgemeines Lexicon der Künste und Wissenschaften (Lexique universel des arts et des sciences) de Jablonsky, qui fut terminé à Kœnigsberg, en 1767, par Schwabe, qui y introduisit un grand nombre de changements ; l’Œkonomisch und technologische Encyklopädie (Encyclopédie économique et technologique) de Krünitz, Berlin, 1773, travail qui fut achevé par Fréd. Jack et Gast. Flörke, et, enfin, l’ouvrage de Köster, dont 23 volumes seulement parurent sous ce titre : Deutsche Encyklopädie oder allgemeines Wörterbuch aller Künste und Wissenschaften (Encyclopédie allemande ou Dictionnaire universel des arts et des sciences), Francfort, 1778-1804. Hübner avait également fait paraître un Zeitungs und Conversations Lexicon, ouvrage qui paraît avoir assez bien répondu aux principaux besoins de l’époque, mais ce n’est qu’en 1796 que le docteur Lœbel comprit qu’une foule de détails appartenant aux différentes sciences étaient passés dans le domaine public et devaient être résumés de manière à satisfaire la tendance universelle des esprits ; le goût de la conversation s’était propagé partout, et la femme comme l’homme, l’ignorant comme le savant, voulaient prendre leur part au banquet intellectuel et demandaient des matières générales sur tous les sujets. Hübner rédigea donc sur un plan entièrement nouveau son lexicon, qu’il intitula : Conversations-Lexicon mit vorzüglicher Rucksicht auf die Gegenwärtigen (Dictionnaire de la conversation, approprié au temps présent). L’auteur choisit, parmi toutes les connaissances d’alors, celles qui présentaient un intérêt général et qui paraissaient suffire aux besoins ordinaires de la conversation. Un tel plan était encore bien restreint, et le niveau des esprits, qui s’élevait chaque jour, ne tarda pas à en faire ressortir l’insuffisance ; les appétits intellectuels ne trouvèrent plus des aliments assez abondants dans l’œuvre de Hübner. C’est alors, en 1818, que le libraire Énoch Richter à Leipzig, et les professeurs Ersch et Gruber à Halle, entreprirent la première grande encyclopédie allemande, en 38 volumes ; leur exemple fut bientôt suivi, et l’éditeur Brockhaus publia la première édition de ses Conversations-Lexicon. Citons encore le grand et magnifique ouvrage de Hegel : Encyclopédie des sciences philosophiques, et le travail de Kaltschmidt : Dictionnaire étymologique et synonymique de la langue allemande et des mots étrangers qu’elle contient. Le titre seul de ces deux ouvrages en indique suffisamment la nature.

De nos jours, une encyclopédie fort en vogue est celle de Pierer, publiée à Altenburg. Elle est entièrement achevée, et se distingue surtout par la partie scientifique, qui a été traitée avec beaucoup de soin. Celle de Meyer, qui est en cours de publication à Hildburghausen, ne manifeste aucune tendance particulière, ne porte aucun cachet d’originalité ; c’est une pure entreprise commerciale. Elle cherche, du reste, à être aussi complète que possible, et s’assimile toutes les parties dominantes des œuvres antérieures ; elle est arrivée aujourd’hui à la lettre M. Nous mentionnerons enfin, pour mémoire, un ouvrage encyclopédique publié en ce moment à Ratisbonne par une société de savants ; il n’en a paru que quelques livraisons, qui laissent entrevoir une tendance catholique très-accusée.

Dans cette revue à vol d’oiseau des œuvres enfantées par la docte et laborieuse Allemagne, il en est deux surtout qui méritent de fixer l’attention. Nous n’avons fait que les signaler en passant, pour ne point interrompre l’ordre chronologique ; mais nous allons revenir un instant sur nos pas, pour leur accorder un examen plus proportionné à leur importance ; nous voulons parler de l’encyclopédie de Ersch et de Gruber, et du Conversations-Lexicon de Brockhaus.

Encyclopédie universelle des sciences et des arts (Allgemeine Encyklopädie der Wissenschaften und Künste), commencée par Ersch et continuée par Gruber (Leipzig, 1818, in-4o). Cette encyclopédie, dont les 38 volumes sont accompagnés de planches explicatives, est l’œuvre la plus considérable en ce genre qui ait vu le jour en Allemagne. Respirant enfin après les longues guerres qui ensanglantèrent la fin du XVIIIe et le commencement du XIXe siècle, la patrie de tant d’hommes dont la mémoire est chère aux amis des arts et des sciences voulut utiliser noblement les loisirs de la paix continentale pour produire un ouvrage analogue au travail de d’Alembert et de Diderot en France, aux