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LI
PRÉFACE.

de Benjamin Constant, de Catherine II, et plus particulièrement encore celui du fameux peintre David. Les généraux et les géomètres y forment le domaine de Boisjolin ; parmi ses articles, on distingue les suivants : Appert, Aubert de Vitry, Dampierre, Darmagnac, Decaen, Dejean, Didot, Duroc, Fourier, Fox, Jourdan, Lassus, Méchain, Montucla, Moratin, Prony, etc. On doit vérifier avec soin certaines dates et se mettre en garde contre certaines opinions, par suite des difficultés que les auteurs ont éprouvées pour obtenir des renseignements à la fois complets et exacts sur la vie des hommes remarquables de leur époque.

Nouvelle Biographie générale, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, publiée par MM. Firmin Didot, sous la direction de M. le docteur Hoëfer. Cet ouvrage, qui touche aujourd’hui à la fin de sa publication, avait pris d’abord le titre de Nouvelle Biographie universelle, qu’il dut quitter par décision judiciaire. Il y eut même, si nos souvenirs sont exacts, une condamnation à l’amende pour de larges emprunts faits à la Biographie Michaud. Cette collection, estimable sous quelques rapports, nous paraît cependant, prise dans sa généralité, moins une œuvre de science et de littérature qu’une entreprise de librairie. Un certain nombre d’articles sont excellents, d’autres sont consciencieux ; mais beaucoup sont purement et simplement compilés. Presque toutes les biographies de l’Encyclopédie des gens du monde ont passé, par un simple coup de ciseaux, dans la Biographie générale, allégées souvent du nom de leur auteur et saupoudrées de maigres additions. Le savant historien de la chimie, chargé de la direction de cet ouvrage, a peut-être un peu trop apporté dans cette mission ses habitudes germaniques. Il en résulte souvent un étalage d’érudition, très-sérieuse dans ses propres articles, quoiqu’un peu pesante et confuse, mais indigeste et de mauvais aloi chez beaucoup de ses collaborateurs.

Les titres des ouvrages sont tous cités dans la langue originale, et le plus souvent sans traduction entre parenthèses ; en sorte qu’il faudrait que les lecteurs fussent tous des polyglottes. Il est encore un autre défaut qui nous a souvent choqué, et qui a certainement produit la même impression sur une foule de lecteurs. Divers articles d’une importance très-secondaire, surtout la biographie des personnages espagnols, portugais et brésiliens, sont l’objet de développements tout à fait inattendus, parce qu’ils se rattachent à des noms obscurs, autour desquels ne s’est produit qu’un retentissement passager et local. On croirait volontiers d’abord que la biographie Didot vient combler des lacunes, réparer des injustices, exhumer de l’oubli des noms qui avaient les droits les plus incontestables à l’immortalité, et l’on reconnaît, en fin de compte, qu’on est en face de personnalités médiocres, qu’un rédacteur a mises sur le piédestal dans un but trop transparent pour que nous ayons à l’expliquer. Nous ne voyons pas ici un tableau rempli de figures vraiment historiques, mais un ouvrage dénué de toute proportion, avec la tête d’un géant sur les épaules d’un nain. Évidemment, ces articles ont été rédigés par des hommes trop versés dans l’histoire castillane, inconvénient ordinaire des spécialités dans ces sortes d’ouvrages.

Dictionnaire universel des contemporains, publié en 1858, par M. Vapereau, et dont la 3e édition vient de paraître, La biographie contemporaine n’est pas nouvelle dans notre pays ; contentons-nous de citer Rabbe et Germain Sarrut, les modèles du genre, ainsi que les petits in-18 de MM. de Loménie, Eugène de Mirecourt et Hip. Castille ; mais cette littérature a trop souvent servi à la satisfaction des rancunes ou des sympathies personnelles. Toutefois, entre l’éloge aveugle et le dénigrement à outrance, il y a l’indépendance, qui prend pour drapeau la vérité.

Quel est le mobile qui a dû diriger ceux qui ont confié la rédaction de ce travail à M. Vapereau ? Évidemment ils ont fait miroiter à ses yeux cette épigraphe empruntée au fabuliste : Contenter tout le monde et son père. Si l’on en croit La Fontaine, cet accord est impossible, mais on sait que le bonhomme était naïf, et qu’il n’y avait chez lui aucune des qualités de l’éditeur. Donc, M. Vapereau est hors de cause. C’est un écrivain distingué : sa plume a de la ressource ; elle est diserte, habile, rhétoricienne, et, dans une question de bienveillance, aucune situation embarrassante ne l’embarrasse. Comme homme, cette bienveillance systématique est la plus précieuse des qualités ; comme historien, c’est peut-être le plus fâcheux des défauts. On devine donc l’esprit dans lequel est rédigé le Dictionnaire des contemporains. M. Vapereau ne dit son fait à personne. Son livre est un almanach qui n’enregistre que le beau temps, afin que madame la Lune n’ait pas à s’en fâcher. Avec ce prudent dictionnaire on peut être apostat, voire même renégat en religion, en politique, en philosophie, et dormir sur ses deux oreilles sans craindre les insomnies. Il enregistre vos noms et prénoms, ainsi que votre âge, question qui n’est délicate qu’à l’égard des dames ; il dit si vous avez été préfet ou sous-préfet, vainqueur à Sébastopol ou vaincu à Castelfidardo, membre d’un congrès ou fondateur d’une société de tempérance, orthodoxe ou rationaliste, protectionniste ou libre-échangiste ; mais tout cela prudemment et discrètement.

Ces sortes de biographies, on le comprend, servent peu à la critique, et encore moins à la philosophie de l’histoire contemporaine. Cette bienveillance systématique, répétons le mot, ne saurait entrer dans le plan du Grand Dictionnaire, qui appelle un chat un chat, et qui sait distinguer Cartouche de Montyon. Avec cette méthode on se fait des ennemis ; nous en savons déjà quelque chose, sed magis amica veritas ; et cette compensation est de nature à consoler des attaques de la vanité froissée.