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trait à ce que vient de dire M. Mirabeau ; c’est que le président doit être marqué de la petite-vérole.»

Le fameux Vestris, danseur de l’Opéra, était Gascon, et dans les deux acceptions du mot. Il se faisait appeler le diou de la danse, et disait hautement : « Je ne connais que trois grands hommes en Europe, le roi de Prusse, Voltaire et moi », et l’on savait gré à Vestris de ne pas se nommer le premier. Il eut un ils qui ne tarda pas à l’égaler sur la scène, et il en était si enthousiasmé, qu’il disait en le voyant danser : « S’il ne s’élève pas plus haut, c’est pour ne pas trop humilier ses camarades ; et puis, s’il se laissait aller a son élan, il s’ennuierait en l’air, faute de conversation. »

AMOVIBILITÉ s. f. (a-mo-vi-bi-li-té — rad. amovible). Qualité, état de ce qui est amovible : L’amovibilité des places. L’amovibilité des fonctionnaires. L’amovibilité des emplois est de l’essence de notre gouvernement. (Etienne.) || Ce mot, créé par J.-J. Rousseau, a été vulgarisé par Mirabeau. || Absol. : L’amovibilité est un des éléments de la responsabilité. (E. Regnault.)

— Par ext. : Le divorce n’est que l’amovibilité de la femme dans la société domestique. (Ventura.)

— Fig. Changement, instabilité : Plus il y a d’amovibilité dans les rapports des personnes entre elles, plus il y a d’instabilité, de désordre, de faiblesse dans la société. (Bonald.)

Encycl. V. Inamovibilité.

Antonyme. Inamovibilité.

AMOVIBLE adj. (a-mo-vi-ble — du lat. amovere ; formé de a, ab, de ; movere, mouvoir, changer de place). Qui peut être déplacé, destitué à volonté : Fonctionnaire amovible. En France, les sénateurs ne sont pas amovibles. Si les juges étaient amovibles, la justice n’offrirait aucune garantie d’impartialité. Cette chambre du parlement était nécessairement composée de membres amovibles. (Volt.) || Se dit aussi des charges elles-mêmes : Emploi, fonctions amovibles. Les cardinaux pensent obtenir du roi des pensions, mais ces pensions sont amovibles. (Volt.) Sous le despotisme asiatique, tout est amovible comme la volonté du maître. (Etienne.) Il est deux sortes de magistratures : l’amovible et l’inamovible, celle qui est debout et celle qui est assise ; celle qui pérore et celle qui juge. (Cormen.)

— Dans un sens particulier, Qui peut être éloigné, séparé : Ces trois personnes sont séparables l’une de l’autre, c’est-à-dire amovibles ; elles sont amovibles dans la famille par la faculté du divorce. (De Bonald.)

Antonyme. Inamovible.

AMPA s. m. (an-pa). Bot. Figuier de Madagascar.

AMPAC s. m. (an-pak). Bot. Genre de plantes de la famille des térébenthacées, originaires de l’Océanie.

— On donne aussi ce nom à une résine odoriférante qui découle de ces arbres.

AMPANON ou EMPANON s. m. (an-pa-non — du lat. penna, plume). Mot qui, dans l’ancienne technologie militaire, désignait les plumes qui garnissaient une flèche.

AMPANYRES s. m. pl. (an-pa-ni-re). Géogr. Habitants de l’île de Madagascar, formant une caste particulière et différente de celle des Madécasses, qui les méprisent à cause de leur malpropreté et de leur paresse.

AMPARLERIE s. f. (an-par-le-rî — rad. parler). Vieux mot qui désignait la fonction d’amparlier, et, par ext., causerie, bavardage.

AMPARLIER s. m. (an-par-lié — rad. parler). Nom que l’on donnait, au moyen âge, à des défenseurs officieux auxquels étaient confiées certaines causes devant le parlement de Paris. Ce mot a été remplacé par celui d’avocat.

AMPASSER ou EMPASSER v. a. ou tr. (an-pa-sé). Anc. chirur. Faire venir à suppuration.

AMPASTELER. V. Empasteler.

AMPATRES s. m. pl. Géogr. anc. Peuplade de l’île de Madagascar, qui occupe la partie la plus méridionale entre l’Onglie et le cap Sainte-Marie.

AMPAZA, petit pays de l’Afrique orientale, sur la côte du Zanguebar, avec une capitale du même nom. Commerce considérable d’esclaves, d’ivoire et de poudre d’or.

AMPÉCHONÉ s. m. (an-pê-ko-né — du gr. ampeckonè, même sens). Antiq. gr. Manteau à franges que les dames grecques portaient sur leur tunique.

AMPÈDE s. m. (an-pè-de — du gr. ana, sur ; pedion, tarse). Entom. Genre d’insectes coléoptères pentamères, famille des sternoses. Syn. de taupin.

AMPÈLE, satyre, fils d’un satyre et d’une nymphe. Il fut un des favoris de Bacchus, qui le métamorphosa en vigne après sa mort.

AMPÉLIDÉ, ÉE adj. (an-pé-li-dé — du gr. ampelos, vigne). Bot. Qui ressemble à la vigne.

— s. f. pl. Famille de plantes dont le type est la vigne.

Encycl. La famille des ampélidées, désignée aussi sous les noms de vinifères et sarmentacées, appartient à la classe des dicotylédones polypétales hypogynes. Elle renferme des arbrisseaux ou arbustes volubiles, sarmenteux et munis de vrilles opposées aux feuilles, qui sont alternes, pétiolées, simples ou digitées, et munies de stipules. Les fleurs, disposées en panicules opposées aux feuilles, ont un calice très-court ; une corolle à cinq pétales ; cinq étamines, insérées sur un disque hypogyne, annulaire et à contours lobés ; un ovaire à deux loges biovulées, surmonté d’un style très-court. Le fruit est une baie globuleuse ou ovoïde, contenant une ou plusieurs graines, à tégument épais, à embryon très-petit, entouré d’un albumen corné. Ces végétaux sont répandus dans les régions tempérées, et surtout au voisinage des tropiques, dans les deux continents. Ils forment un petit nombre de genres, dont le plus remarquable est la vigne, si précieuse pour son fruit et pour la boisson qu’il fournit. Les autres genres, tels que les ampélopsis, les cissus, appelés vulgairement vignes vierges, sont des arbrisseaux grimpants, fréquemment employés dans les jardins pour garnir les murs, pour couvrir les berceaux et les tonnelles, etc.

AMPÉLINE s. f. (an-pé-li-ne — rad. ampélite). Chim. Substance semblable à la créosote, que M. Laurent a obtenue avec l’huile de schiste : L’ampéline a une teinte brun-jaunâtre ; elle ressemble à une huile grasse assez fluide ; elle est soluble dans l’eau, l’alcool et l’éther.

AMPÉLINÉES s. f. pl. (an-pé-li-né — du gr. ampelis, nom d’un oiseau). Ornith. Sous-famille d’oiseaux de la famille des baccivores, de l’ordre des dentirostres, à bec déprimé, et qui renferme les genres cotinga, averano, piauhau, tersine, phibalure et jaseur.

AMPÉLIQUE adj. (an-pé-li-ke — rad. ampélite). Chim. Se dit d’un acide que l’on obtient en traitant par l’acide nitrique l’huile de schiste rectifiée.

AMPÉLITE s. f. (an-pé-li-te — du gr. ampelos, vigne). Minér. Sorte de schiste argileux, qui, dit-on, a été ainsi appelé parce qu’on le mettait autrefois au pied des vignes, soit pour détruire les insectes nuisibles, soit pour servir d’engrais.

Encycl. L’ampélite est composée de silicate, d’alumine et de carbone, avec des proportions variables de soufre et de fer. On en distingue deux espèces principales : l’ampélite alunifère, que l’on emploie dans plusieurs pays pour fabriquer l’alun ; et l’ampélite graphique, ou pierre d’Italie, dont on se sert pour faire les crayons de charpentier.

AMPELIUS (Lucius), écrivain latin, qu’on suppose avoir vécu sous Théodose le Grand, au IVe siècle de notre ère, est auteur d’un ouvrage intitulé : Liber memorialis, composé de cinquante chapitres renfermant des compilations sur l’astronomie, la géographie, l’histoire de Rome et de la Grèce. Cet ouvrage est ordinairement imprimé à la suite des éditions de Florus.

AMPÉLODESME s. m. (an-pé-lo-dè-me — du gr. ampelos, vigne ; desmos, lien). Bot. Genre de plantes de la famille des graminées, tribu des arundinacées, qui croissent dans les régions méditerranéennes de l’Europe et de l’Afrique. Ce sont des plantes très-élevées, qui ont le port des roseaux.

AMPÉLOGRAPHE s. m. (an-pé-lo-gra-fe —du gr. ampelos, vigne ; graphô, je décris). Celui qui décrit la vigne, qui écrit sur la vigne.

AMPÉLOGRAPHIE s. f. (an-pé-lo-gra-fî —rad. ampélographe). Description de la vigne ; traité sur la vigne.

AMPÉLOGRAPHIQUE adj. (an-pé-lo-gra-fi-ke — rad. ampélographe). Qui appartient, qui a rapport à l’ampélographie.

AMPÉLOLEUCE s. f. (an-pé-lo-leu-se — du gr. ampelos, vigne ; leukè, blanche). Bot. Nom donné par les anciens auteurs, tantôt à la clématite des haies, tantôt à la bryone ou couleuvrée.

AMPÉLOLOGIE s. f. (an-pé-lo-lo-jî — du gr. ampelos, vigne ; logos, discours). Traité sur la vigne.

AMPÉLOLOGIQUE adj. (an-pé-lo-lo-ji-ke — rad. ampélologie). Qui appartient à l’ampélologie.

AMPÉLOPSIS s. m. (an-pé-lo-psiss — du gr. ampelos, vigne ; opsis, ressemblance). Bot. Genre de plantes de la famille des ampélidées, qui habite la zone équatoriale, et dont une espèce est connue sous le nom vulgaire de vigne vierge.

AMPÈRE (André-Marie), philosophe et savant célèbre, né à Lyon, le 22 janvier 1775, mort en 1836. Ses premières années s’écoulèrent à Poleymieux-lez-Mont-d’Or, village voisin de Lyon, où ses parents, retirés du commerce, avaient acquis une modeste propriété. L’enfant montra de bonne heure une intelligence et une mémoire étonnantes ; avant même de connaître les chiffres, il calculait à l’aide de cailloux, et effectuait des opérations compliquées. En peu de temps, il dévora la bibliothèque paternelle et se l’assimila si bien que, quarante ans plus tard, il citait par cœur et mot à mot de longs extraits de l’Encyclopédie, qu’il avait lue tout entière. Il avait à peine dix-huit ans, que déjà il avait inventé une langue universelle, destinée, en remplaçant le nombre infini des idiomes qui couvrent la terre, à rapprocher les hommes et à consolider la paix. En 1793, le père du jeune philosophe, accusé de sympathie pour l’aristocratie lyonnaise, monta sur l’échafaud. Ampère en ressentit une commotion si profonde qu’il fut sur le point de perdre la raison. Pour détourner le cours de sa douleur, il s’adonna, et toujours avec son ardeur accoutumée, à la botanique, à la poésie, à la musique. Son cœur, comme ses facultés, eut aussi son tour de soudaine explosion. En herborisant pendant l’été de 1796, il rencontra dans une prairie deux jeunes filles, dont l’une, Mlle Julie Caron, fit sur lui une impression si profonde, qu’il se jura à lui-même d’en faire sa femme. Toutefois, il ne devait l’épouser que trois ans après, le 2 août 1799 ; car, comme il était sans fortune et sans place, il ne put obtenir la main de celle qu’il aimait qu’en se résignant à donner à Lyon des leçons particulières. De cette union naquit un fils dont la littérature déplore la perte récente. Ampère fut nommé en 1801 professeur de physique à Bourg, où il alla résider, laissant à Lyon sa femme et son fils. C’est à Bourg qu’il écrivit ses Considérations sur la théorie mathématique du jeu, ingénieuse et savante application du calcul des probabilités. Cet ouvrage valut à son auteur une chaire au collège de Lyon, et, plus tard, une place de répétiteur a l’Ecole polytechnique de Paris. Membre consultatif des arts et métiers en 1806, inspecteur général de l’Université en 1808, professeur d’analyse à l’Ecole polytechnique et chevalier de la Légion d’honneur en 1809, membre de l’Institut en 1814, et, peu après, de toutes les sociétés savantes de l’Europe, Ampère, souvent embarrassé de ses fonctions et de ses titres, ne se trouvait à l’aise que dans son petit laboratoire de la rue des Fossés-Saint-Victor (il était propriétaire de la maison qui porte aujourd’hui le n° 19, au coin de la rue des Boulangers), d’où allait sortir une des plus importantes découvertes de la science moderne. En 1819, Oersted, physicien danois, avait observé que si l’on dispose, parallèlement à une aiguille aimantée, mobile sur un pivot, un fil métallique traversé dans sa longueur par un courant d’électricité, l’aiguille quitte le méridien magnétique et se met en croix avec le fil. Toutefois, ce phénomène offre des aspects divers, suivant que l’aiguille est ou n’est pas astatique, suivant le sens du courant, suivant les positions relatives de l’aiguille et du fil. Ampère trouva une formule ingénieuse qui renferme toutes les circonstances. Supposant un observateur placé dans le courant, la face tournée vers l’aiguille et de telle façon que le courant entre par ses pieds et sorte par sa tête, il nomme droite et gauche du courant la droite et la gauche de l’observateur, et il énonce ainsi les divers résultats du phénomène : L’aiguille tend à se mettre en croix avec le courant, de manière que son pôle nord soit à la gauche de ce dernier. Voilà donc une nouvelle propriété de l’électricité, peut-être une électricité nouvelle, l’électricité dynamique, qu’Ampère distingue de l’électricité statique. Il étudie, il multiplie les expériences, et il découvre (1820) que les courants électriques agissent les uns sur les autres, et sur ce fait il crée une science nouvelle, l’électro-dynamique. Il monte des appareils, et imagine le premier commutateur destiné à changer le sens d’un courant. Il propose le premier télégraphe électrique en faisant agir vingt-quatre courants sur vingt-quatre aiguilles aimantées représentant les lettres de l’alphabet. Deux fils conducteurs, traversés par l’électricité, mis en présence l’un de l’autre, s’attirent ou se repoussent, suivant le sens des courants, suivant leurs positions relatives, suivant les figures de leurs circuits. On trouvera au mot Electro-dynamique les principes dans lesquels Ampère a résumé et condensé cette importante et féconde partie de la science. Si les courants électriques agissent sur les aimants, il doit y avoir réciprocité ; aussi Ampère eut-il occasion de remarquer que la terre, qui a, comme on sait, toutes les propriétés d’un aimant , possède une action d’influence dans toutes les expériences d’électro-dynamique. Des faits observés, Ampère conclut qu’il existe un système de courants parallèles à l’équateur magnétique, et marchant de l’est à l’ouest, et que ce sont ces courants qui agissent sur l’aiguille aimantée et sur les courants de nos appareils. Ainsi la terre agirait, non plus en qualité d’aimant, comme le supposait Gilbert, le médecin de la reine Elisabeth, mais par les courants électriques dont elle est la source et le théâtre. Passant aux phénomènes restés jusqu’alors obscurs du magnétisme et de l’électro-magnétisme, Ampère les expliqua avec la plus grande facilité en faisant voir qu’ils ne sont que des effets de courants qui circulent autour des particules des substances magnétiques, effets qu’il réussit à reproduire à l’aide de ses fameux solénoïdes. La théorie d’Ampère ramène de la sorte les phénomènes de l’électro-dynamique, du magnétisme, de l’électro-magnétisme et du magnétisme terrestre, au seul fait de l’action mutuelle de deux courants. Ampère contribua aussi avec Arago à l’invention de l’électro-aimant. Tant de découvertes en si peu d’années avaient placé le nom d’Ampère au rang des plus illustres ; mais elles ne suffisaient pas à absorber et à satisfaire l’infatigable activité de son génie. Concilier la raison et la religion, affranchir l’esprit des obsessions du doute, saisir et proclamer la certitude métaphysique, éliminer les causes qui empêchent le bonheur de l’humanité, tels étaient les problèmes qui agitaient, non sans la meurtrir quelquefois, l’âme naïve, triste et aimante de notre savant. On le peint timide, désintéressé, gauche, ignorant des usages du monde ; d’une distraction incroyable qui, mieux que toutes ses découvertes, en fit un homme populaire. Sur la fin de sa vie, il entreprit, dans un travail gigantesque, une classification de toutes les connaissances humaines, sous le titre d’Essai sur la philosophie des sciences, ou Exposition analytique d’une classification naturelle de toutes les connaissances humaines, ouvrage inachevé, dont il est rendu compte au mot philosophie. Déjà souffrant depuis plusieurs années, Ampère partit pour inspecter le collège de Marseille. C’est là qu’il mourut d’une affection de poitrine, le 10 juin 1836. Arago raconte que « peu d’instants avant que le mourant perdît entièrement connaissance, M. Deschamps, proviseur du collège de Marseille, ayant commencé à demi-voix la lecture de quelques passages de l’Imitation, Ampère l’avertit qu’il savait le livre par cœur. Ce furent ses dernières paroles. »

Les principaux ouvrages d’Ampère sont, outre les deux que nous avons cités et un grand nombre de mémoires disséminés dans les journaux savants et dans les comptes rendus de l’Académie des sciences, les suivants : Traité de calcul différentiel et de calcul intégral, sans nom d’auteur ; Démonstration des lois de la réfraction (1810, Mém. de l’Institut) ; Mémoire sur l’action mutuelle de deux courants électriques... (1820, Annales de chimie) ; Mémoire sur la théorie mathématique des phénomènes électro-magnétiques (1827, Mém. de l’Acad. des sciences) ; Considérations philosophiques sur la détermination du système solide et du système nerveux des animaux articulés (1824, Annales des sciences naturelles), etc.

Comme nous l’avons dit plus haut, le nom d’Ampère est resté surtout populaire par des distractions qui sont devenues en quelque sorte proverbiales. Nous allons en rapporter quelques exemples. Toujours absorbé par ses méditations, même au milieu du bruit et du mouvement de la capitale, il réfléchissait un jour sur la solution d’un problème important. Aviser un omnibus qui se trouvait alors en station, tirer de sa poche un morceau de craie, fut pour lui l’affaire d’un instant. Le voilà couvrant d’x, de plus, de moins, de multipliés par, un panneau qu’il prenait sans doute pour le tableau de l’amphithéâtre de la Sorbonne. Il était sur le point d’arriver à une solution depuis longtemps cherchée, quand le sifflet donnant le signal du départ, le véhicule emporta l’équation ébauchée.

— Un autre jour, Ampère se rendait à son cours. Il trouve sur sa route un petit caillou qu’il ramasse, et dont il se met à examiner curieusement les veines bigarrées. Tout à coup le cours qu’il doit faire revient à son esprit ; il tire sa montre de sa poche, et s’apercevant que l’heure approche, il double précipitamment le pas, remet soigneusement le caillou dans sa poche, et lance sa montre par-dessus le parapet du pont des Arts.

Mais c’est surtout a son cours de l’Ecole polytechnique, au milieu des élèves, que ses distractions éclataient dans toute leur singularité. Quand il avait achevé une démonstration sur le tableau, il ne manquait presque jamais d’essuyer les chiffres avec son foulard, et de mettre dans sa poche le torchon traditionnel ; toutefois, bien-entendu, après s’en être préalablement servi.

Ces distractions égayaient beaucoup la jeunesse rieuse de l’école ; mais comme c’était aussi, et avant tout, une jeunesse intelligente et studieuse, elles ne portaient aucune atteinte au respect profond que tous ressentaient pour l’éminent professeur.

AMPÈRE (Jean-Jacques-Antoine), littérateur et historien, fils du précédent, né à Lyon le 12 août 1800, mort à Paris le 27 mars 1864. Héritier d’un nom illustre dans les sciences, il en soutint dignement l’éclat par des travaux d’un autre ordre. Il fit ses études à Paris sous les yeux de son père, qui le laissa libre de suivra son goût pour les lettres. Associé aux premiers efforts du romantisme, il s’éprit d’une vive passion pour les littératures étrangères. Dès 1830, un cours de littérature professé à l’Athénée de Marseille, avec un succès qui ne fut pas sans écho à Paris même, fixa sur lui l’attention publique et décida sa carrière. Devenu en 1831 et 1832 le suppléant habile et goûté de Fauriel et de M. Villemain dans leurs cours à la Sorbonne, il obtint au Collège de France, en 1833, la chaire d’histoire de la littérature française, que venait de rendre vacante la mort d’Andrieux. Une partie des leçons qu’il y a faites pendant une longue suite d’années a été résumée dans deux ouvrages importants : Histoire littéraire de la France avant le XIIe siècle (1839) ; Introduction à l’histoire de la littérature française au moyen âge (1841). En 1842, il remplaça de Gérando à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et en 1847 Guiraud à I’Académie française. Il avait été nommé en 1846 officier de la Légion d’honneur.

L’infatigable curiosité intellectuelle d’Ampère ne pouvait s’enfermer dans un sujet spécial ; elle embrassait le domaine entier des lettres. Il l’a satisfaite, dit M. Patin, d’une double manière : par des voyages multipliés dans les pays Scandinaves, en Allemagne, en Italie, en Sicile, en Grèce, en Asie Mineure, en Égypte, en Amérique ; par l’étude assidue de la plupart des langues et des littératures de l’Europe, où son esprit se plaisait aussi à voya-