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XXXVI
PRÉFACE.

qu’il faudrait écrire et faire encore, et sans condamner le passé d’après des idées qui n’appartiendraient qu’au temps où nous vivons. Les hypothèses nous sont interdites ; nous nous mettrons en garde contre les idées que l’on appelle neuves et dont le principal mérite est d’être hardies ; car nous prenons la science et la vie comme elles sont, et nous avons aussi peu pour objet de réformer celle-ci que d’avancer celle-là autrement qu’en la propageant. » Une encyclopédie qui se trace, en tête de son premier volume, un tel programme, est jugée d’avance. Impossible de se suicider avec plus de dextérité, et de tomber avec plus de grâce. Une Encyclopédie des gens du monde, qui paraît en plein XIXe siècle ; qui, après s’être engagée par son titre à tout dire, à tout révéler à ses lecteurs, et qui débute par un pareil prospectus, ne ressemble-t-elle pas à ce bon père qui, revenant de la foire, apporte un tambour à son fils, et lui dit : « Tiens, mon enfant, amuse-toi bien, mais ne fais pas de bruit. »

Les collaborateurs principaux de l’Encyclopédie des gens du monde étaient MM. Andral, Artaud, Berzelius, Blanqui aîné, Cabanis, Phil. Chasles, Daunou, Depping, Fétis, Guillemin, Jomard, Jouffroy, de Jouy, Klaproth, Lafargue, Lebrun, Matter, Naudet, Orfila, Valentin Parisot, Poncelet, de Pontécoulant, Rinn, Taillandier, Tissot, Henri de Viel-Castel, Vieillard, Villenave, baron de Walckenaer, Worms, Young.

L’Encyclopédie des gens du monde laisse surtout à désirer sous le rapport des sciences physiques et naturelles, qui ont marché à pas de géant depuis ces cinquante dernières années, et surtout depuis que cette publication est terminée. Nous admettons que les ouvrages de ce genre sont, avant tout, le produit de la compilation ; mais ce que le lecteur a droit d’exiger, c’est que ces travaux ne soient pas confectionnés avec des encyclopédies surannées, et qu’on ait consulté les traités spéciaux les plus récents. En outre, c’est un devoir élémentaire pour l’éditeur de faire, à chaque tirage, subir à ses clichés les changements indispensables. En agissant autrement, en ne consultant que les intérêts actuels de la caisse et non ceux du livre, on s’expose aux bévues du genre de celle-ci, que nous trouvons dans un dictionnaire bien connu, tiré en 1853 :

Ham, ch.-lieu de cant. du départem. de la Somme…., célèbre château fort qui sert de prison d’État, où est détenu en ce moment (1853 !!!) le prince Louis-Napoléon. »

Encyclopédie Moderne, dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l’industrie, de l’agriculture et du commerce, publiée par l’éditeur Mongie aîné, sous la direction de M. Courtin ; 24 vol. <span style="white-space:nowrap;"><abbr class="abbr" title="in-octavo">in-8<sup style="font-size:70%;">o et 2 de planches, Paris, 1824-1832 ; réimprimée avec de nombreuses additions, par MM. Firmin Didot, sous la direction successive de MM. Léon Renier, Noël des Vergers et Edouard Carteron, 1844-1863, 27 vol. <span style="white-space:nowrap;"><abbr class="abbr" title="in-octavo">in-8<sup style="font-size:70%;">o, 3 de planches et 12 de Complément. C’est peut-être la plus considérable et, en somme, la meilleure de toutes les encyclopédies de notre époque. On donne aux mots qui y sont traités toute l’étendue que comporte un article complet. Cette opinion est aussi celle des derniers éditeurs qui, dans un avertissement dû à la plume si compétente de notre savant épigraphiste, M. Léon Renier, s’expriment ainsi : « Cet ouvrage est-il le meilleur de ceux du même genre qui ont paru en France depuis le commencement de ce siècle ? Quand les deux éditions qui en ont été publiées et épuisées ne répondraient pas affirmativement à cette question, les nouveaux éditeurs pourraient alléguer, pour justifier leur choix, un suffrage qui en vaut bien d’autres. On sait comment, après la bataille de Salamine, le prix de la valeur fut décerné à Thémistocle : les chefs des Grecs étant assemblés à Corinthe pour donner leurs suffrages, chacun accorda au général athénien le second rang et garda pour lui le premier. Si l’on veut prendre la peine de lire les préfaces des principales encyclopédies françaises du XIXe siècle, on en tirera, en faveur du livre de M. Courtin, une conclusion analogue à celle que l’assemblée des Grecs tira, en faveur de Thémistocle, des suffrages de ses collègues. »

Tout cela est vrai, quoique un peu fièrement dit. Mais ce qui, selon nous, jette quelques bâtons dans les roues du char de ce triomphe, c’est le Complément. Que doit être un complément, dans un ouvrage dont l’élaboration a demandé dix, quinze ou vingt années, surtout quand cet ouvrage n’est que la refonte d’une œuvre presque contemporaine ? Il doit se composer d’abord des légers oublis que les plus minutieux peuvent commettre dans des travaux de cette importance ; puis, comme tout a continué à marcher pendant que la machine fonctionnait, il consignera cette avance que les sciences, l’industrie et l’histoire ont acquise sur lui. En dehors de cela, un complément ne peut avoir de raison d’être, à moins qu’il ne soit réclamé par un vice radical dans le plan primitif. C’est précisément le cas dont il s’agit ici : dans les deux cents premières pages de ce complément, qui en compte près de dix mille, nous trouvons, entre autres, les mots suivants, oubliés dans le corps de l’ouvrage : Achéloüs, Actium, Adonis, Affranchi, Affranchissement, Aïoubites, Albuminurie, Allopathie, Amphitryon, Anachronisme, Annonce, Août, Apis, Apollon, Aquarelle, Arabesque, etc. Ah çà, qui trompe-t-on ici ? De tels oublis peuvent-ils être rangés parmi les légères omissions dont nous venons de parler ? Assurément non. Est-ce que les mots affranchissement anachronisme, annonce, août, aquarelle, arabesque, auraient été inconnus avant 1832 ? Est-ce que Adonis, Apis, Apollon, devraient être comptés au nombre de nos plus jeunes contemporains ? S’il en est ainsi, M. Vapereau a eu de singulières absences. Est-ce que la bataille d’Actium serait un